1921

Un travail de Boukharine récapitulant les acquis du marxisme. Il servira de manuel de formation de base aux militants communistes durant les années de construction des sections de l'Internationale Communiste.


La théorie du matérialisme historique

N.I. Boukharine

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Rupture et rétablissement de l'équilibre social


48: Les lois de la période de transition et les lois de la décadence.

En étudiant le processus de la révolution, qui n'est autre qu'un processus de passage de la société d'une forme à une autre, nous sommes arrivés à la conclusion que, débutant par le choc des forces productives et des rapports de production, ce processus parcourt diverses phases de l'idéologie à la technique, c'est-à-dire, semble-t-il, selon un ordre renversé.

Pour analyser la façon dont se passent les choses, prenons d'abord un exemple concret et reprenons celui de la révolution prolétarienne.

Heinrich Cunow, critique nouvellement apparu de Marx, oppose les deux passages suivants, l'un extrait de la Misère de la Philosophie, l'autre du Manifeste Communiste. Le premier dit : « La classe ouvrière dans la marche de l'évolution change la société bourgeoise par une association telle, qu'elle exclura les classes et les contradictions entre elles, par une association où il n'y aura plus de pouvoir politique proprement dit, puisque le pouvoir politique est précisément l'expression officielle des contradictions à l'intérieur de la société civile. » (Marx, Misère de la Philosophie). Dans l'autre passage, Marx définît ainsi la marche des évènements : « Si le prolétariat s'unit comme classe dans la lutte contre la bourgeoisie, il devient par la révolution la classe dominante, et comme classe dominante, il abolit par la violence les anciens rapports de production ; or en même temps que ces rapports de production, il abolit les conditions d'existence des contradictions de classe en général, et entre autres ainsi, sa propre domination de classe. »

A ce propos, Cunow (op. cit., vol. I, p. 321), se répand dans la tirade que voici : « Ceci (il s'agit du passage du Manifeste Communiste, N. B.) est au point de vue sociologique, presque un retournement complet de la phrase citée plus haut de la Misère de la Philosophie. Là (dans la « Misère » N. B.) on assiste d'abord, au cours de l'évolution sociale, à la suppression de la division en classes, et c'est seulement ensuite qu'en vertu de ce fait même, que la base de l'ancien pouvoir politique est renversée, il se produit une nouvelle conquête « politique » (!) Dans le Manifeste Communiste, au contraire, la conquête du pouvoir d'État a lieu d'abord et ensuite seulement, au moyen d'une transformation de ce pouvoir, se produit le renversement des rapports de production capitalistes, puis, par leur chute progressive, la disparition des oppositions de classe, et en même temps enfin, la suppression des classes en général. » Ainsi, Cunow affirme que dans la Misère, Marx est un savant évolutionniste, et dans le Manifeste un révolutionnaire écervelé. M. Cunow ment effrontément, car il sait parfaitement que la Misère de la Philosophie appelle à la « lutte sanglante » (« Lutte sanglante ou la mort. C'est ainsi et seulement ainsi que l'histoire pose la question »). Mais examinons la chose en elle-même. Dans le premier passage cité de Marx, il s'agit de la période qui suit la conquête du pouvoir et de la disparition progressive du pouvoir du prolétariat. De «conquête politique » il n'est nullement question. Et le pouvoir prolétarien est dès son début compris comme un élément appelé à disparaître. De même dans le passage du Manifeste. Ainsi il est hors de doute que Marx considérait la conquête du pouvoir politique (c'est-à-dire la destruction d'une ancienne machine d'État et l'organisation d'une nouvelle, entièrement originale) comme une condition pour le bouleversement des rapports de production par le moyen de l'expropriation violente des expropriateurs. Par conséquent, ici aussi, on se trouve en présence d'un « ordre renversé ». L'analyse va non pas de l'économie à la politique, mais de la politique à l'économie. Car en effet, si les rapports de production sont transformés à l'aide du levier du pouvoir politique, il s'ensuit que la politique détermine ici l'économie. Et Cunow n'a-t-il pas raison alors de dire que nous avons ici une sociologie en contradiction avec la véritable sociologie de Marx  ?

Non, certes, il n'a pas raison. Il ne fait rien d'autre qu'une contrefaçon réformiste de Marx et agit ainsi comme un vulgaire faux-monnayeur.

En effet. Il ne faut pas perdre de vue le point de départ de tout processus. Où se trouve ce point de départ  ? Dans le conflit entre l'évolution des forces productives et les rapports de propriété. C'est cela la base du processus, le point initial de toute réorganisation sociale. Quand le processus interrompt-il sa course folle  ? Lorsque se constitue un nouvel équilibre de structure de la société. En d'autres termes, la révolution commence parce que les rapports de propriété sont devenus une entrave au développement des forces productives; la révolution, pour parler par métaphore « exécute sa tâche » lorsque s'édifient de nouveaux rapports de production, pouvant servir de formes à l'évolution des forces productives. Et qu'y a-t-il entre les deux points de la révolution  ? L'influence en retour des superstructures.

Nous avons vu dans les chapitres précédents que les superstructures ne sont nullement un élément « passif » du processus social : elles sont aussi une force déterminée. Il serait ridicule de le contester et M. Cunow lui-même n'a pas l'audace d'y faire objection. Ce qui se produit ici, c'est précisément un processus, très étendu dans le temps, d'influence en retour ; cette extension dans le temps, découle du caractère catastrophique de tout le processus, de la suppression de toutes les fonctions ordinaires. En période dite normale, toute contradiction entre les forces productives et l'économie ou autre, s'aplanit rapidement, exerce rapidement son influence sur la superstructure, puis la superstructure à son tour sur l'économie et les forces productives et le cercle recommence ainsi sans cesse. Mais ici, cette accommodation mutuelle des diverses parties du mécanisme social s'opère d'une façon terriblement âpre, cruelle, au prix de sacrifices prodigieux; les contradictions elles-mêmes prennent une ampleur formidable. Rien d'étonnant alors que le processus d'influence en retour des superstructures (idéologie politique - conquête du pouvoir - transformation de ce pouvoir pour la refonte des rapports de production) traîne en longueur, emplissant toute une période historique. C'est là que réside l'originalité de la période de transition, chose parfaitement incompréhensible pour M.. Cunow.

Il est indispensable ici de ne pas perdre de vue ce qui suit. Toute force se rattachant aux superstructures, et entre autres, la puissance concentrée d'une classe, son pouvoir d'État, est une force. Mais cette force n'est pas illimitée. Nulle force ne peut faire ce qui est au-dessus de cette force. Par quoi alors se trouve limitée la force politique de la nouvelle classe qui vient de prendre le pouvoir  ? Elle est limitée par l'état des rapports économiques donnés et, par suite, des forces productives. En d'autres termes : cette transformation des rapports économiques, qui peut être réalisée à l'aide du levier politique, dépend elle-même de l'état préalable des rapports économiques. On ne saurait mieux l'expliquer qu'en prenant l'exemple de la révolution prolétarienne russe. La classe ouvrière prit en octobre 1917 le pouvoir en main. Mais elle ne pouvait pas même songer, par exemple, à centraliser et à socialiser l'économie petite-bourgeoise, en particulier l'économie paysanne. Il apparut en 1921, que l'économie russe ferait une résistance encore plus grande qu'on ne s'y attendait, et que les forces de la machine d'État prolétarienne suffiraient à garder socialisée tout juste la grosse industrie, et encore pas toute.

Portons maintenant notre attention sur le côté suivant de la question. Nous avons vu plus haut que le processus révolutionnaire interrompt le développement des forces productives, bien plus, qu'il abaisse le niveau de ces forces productives. Il est indispensable que nous éclairions le plus nettement possible cette idée et le sens de ce phénomène.

Une société inorganisée, dont l'exemple concret le plus marqué est la société capitaliste-mercantile, se développe toujours par sauts. Chacun sait maintenant que par exemple le capitalisme porte en lui les guerres et les crises industrielles. Nul n'ignore plus que ces guerres et ces crises sont l'« inévitable attribut » de l'ordre capitaliste. En d'autres termes, partout où il y a capitalisme et évolution capitaliste, il y a nécessairement crises et guerres capitalistes. C'est là la « loi naturelle » de l'évolution capitaliste. Qu'indique cette loi, si on la considère du point de vue des forces productives de la société  ? Prenons d'abord les crises. Que se produit-il en temps de crise  ? Il se produit l'arrêt des entreprises, l'augmentation du chômage, la diminution de la production, la ruine et la perte d'une quantité d'entreprises, surtout des petites, bref, la ruine partielle des forces productives. Et, en même temps, à côté de cela, l'ascension des formes d'organisation du capitalisme : le renforcement des entreprises les plus vastes, le développement des trusts et autres puissantes unions monopolisatrices. Que se produit-il après la crise  ? Un nouveau cycle d'évolution, une nouvelle ascension sur une nouvelle base, avec des formes supérieures d'organisation, donnant un essor plus large à l'évolution des forces productives. Ainsi, c'est au prix d'une crise et d'une perte de forces productives dans cette crise que s'achète la possibilité d'une évolution ultérieure.

Il en est de même, jusqu'à une limite déterminée, dans les guerres capitalistes. Elles sont l'expression de la concurrence capitaliste. Elles s'accompagnent d'une chute temporaire des forces productives. Mais, après elles, les États de la bourgeoisie sont arrondis, les puissants sont devenus encore plus puissants, les petits ont été absorbés ; le capital s'est centralisé sur une échelle mondiale, a acquis un plus vaste champ d'exploitation, les cadres d'évolution des forces productives se sont élargis, après un déclin temporaire, le processus d'accumulation est reparti plus rapide encore.

La même loi s'applique également à une plus grande échelle de l'évolution de la société capitaliste. Nous savons déjà que la signification de la révolution est d'anéantir les obstacles au développement des forces productives. Mais, si étrange que cela soit, en anéantissant ces obstacles, elle anéantit aussi, temporairement une partie des forces productives elles-mêmes. Et cela est tout aussi inévitable que les crises en régime capitaliste.

L'action destructive de la révolution (les « frais de la révolution ») comporte plusieurs opérations :

1. Destruction physique d'éléments de production. - On peut compter ici tous les genres de suppression d'objets et de gens dans le processus de la guerre civile. Il est clair en effet pour chacun que lorsqu'on fait des barricades avec des wagons, ou lorsqu'on tue des gens ( et la guerre civile de classes entraîne avec elle de pareils sacrifices), c'est bien là une destruction de forces productives. La destruction de machines, d'usines, de voies ferrées, de cheptel, etc., la détérioration et la destruction de moyens de production par le sabotage, la non réparation, la non production des parties nécessaires, etc. ; la perte d'ouvriers ou d'intelligences dans la guerre, etc., tout cela représente une destruction physique de forces productives.

2. Détériorisation d'éléments de production. - Ceci concerne la baisse de valeur des machines par manque de réparation et de production ; l'épuisement physique des forces ouvrières (ouvriers, travailleurs intellectuels, etc.) ; le recours à des remplacements d'une qualité inférieure (métaux moins bons ; remplacement de la main-d’œuvre masculine par de la main-d’œuvre féminine ou enfantine, introduction de l'élément petit-bourgeois dans les usines, etc.).

3. Rupture des liens entre les éléments de la production. - C'est là la cause la plus importante de la désorganisation spécifiquement révolutionnaire. C'est ici que se range cette désagrégation des rapports de production dont nous avons parlé dans le texte (rupture des liens entre le prolétariat d'une part, les techniciens et la bourgeoisie de l'autre ; rupture des organisations capitalistes ; rupture des liens entre la ville et la campagne, etc., etc.). Ici, les forces productives (c'est-à-dire les objets et les hommes) ne sont pas physiquement anéanties, mais elles sortent du processus de la production (les objets restent inutilisés, les gens ne travaillent pas). C'est ici aussi qu'il faut comprendre les frais qui découlent de « l'incompétence » du début de la nouvelle classe pour construire ses organismes, les « erreurs, etc. ».

4. Répartition nouvelle des forces productives pour des utilisations improductives. - Ceci concerne le transfert d'une partie considérable des forces productives à des travaux de guerre : fabrication de canons, de fusils, d'habillement et d'équipement militaire (Cf. l'Économie de la période de transition, chap. VI).

Les exemples énumérés ici sont pris dans le domaine de la révolution prolétarienne. Il est facile de voir que l'on aura les mêmes séries de frais dans toute révolution : seule la somme de ces frais de la révolution sera, d'une façon générale, moindre dans les révolutions bourgeoises.

L'histoire dans son ensemble confirme ces thèses théoriques. Ainsi, les guerres paysannes en Allemagne ont engendré une désorganisation formidable ; la révolution française avec sa crise financière, la cherté invraisemblable de la vie, la famine, etc., de même. Dans leur guerre civile, les États-Unis ont été rejetés 10 ans au moins en arrière. Ensuite, après la réorganisation de la Société, au bout d'un laps de temps déterminé, commence une ascension beaucoup plus rapide qu'avant la révolution : c'est que la société a trouvé une armature mieux adaptée à ses forces productives.

Ainsi, le passage de la société d'une forme à une autre, s'accompagne d'un abaissement temporaire des forces productives, abaissement sans lequel toute évolution ultérieure serait impossible.

La loi de la période de transition se distingue de la loi de la période dé décadence en ceci, que dans ce dernier cas, il n'y a pas passage à une forme supérieure d'économie; la chute des forces productives dure jusqu'à ce que la société reçoive une secousse, un choc extérieur quelconque, ou jusqu'à ce qu'elle trouve son équilibre sur une base inférieure, après quoi commence une « répétition du passé » ou un état prolongé de stagnation, mais en aucun cas, une forme supérieure de rapports économiques.

Si nous analysons les causes de décadence, nous constaterons qu'en général elles se ramènent à ceci : des rapports de propriété donnés ne peuvent être brisés ; par suite, ils demeurent comme obstacles à l'évolution, pesant en retour sur les forces productives, qui « cèdent », pour ainsi dire, constamment. Cela peut se produire, par exemple, lorsque dans la révolution, les forces des classes en présence sont approximativement égales, si bien que ni une classe ni l'autre ne peut vaincre, et que la société tout entière dépérit. Ici, le conflit entre les forces productives et les rapports de production a déterminé d'une manière définie la volonté des classes, mais la révolution n'a pas dépassé sa première phase. Les classes s'entre-déchirent, aucune ne peut avoir la victoire, la production s'éteint, la société agonise. Ou bien il peut arriver que la classe victorieuse n'est pas en état de s'acquitter des tâches qu'elle a assumées. Ou encore, nous pouvons imaginer que les choses ne sont pas allées jusqu'à la révolution, mais que l'évolution des forces productives est arrivée à un point où elle a déterminé un groupement tout à fait particulier des classes : d'un côté une classe régnante entièrement parasitaire, et de l'autre, une classe opprimée tout à fait sans force.. Alors non plus, il n'y aura pas de révolution ; il y aura simplement, tôt ou. tard, une décomposition et une décadence, pour ainsi dire « exsangue ». Il peut enfin y avoir un type mixte de révolution. Dans tous ces cas, nous voyons que le développement des forces productives conduit à une économie telle, et à des « superstructures » telles, que leur influence en retour paralyse l'évolution des forces productives et les pousse à baisser. Dès que les forces productives cèdent, il va de soi qu'il y a du même coup abaissement du niveau de tout l'ensemble de la vie sociale.

On peut prendre comme exemples de décadence sociale la Grèce et Rome dans l'antiquité, et, plus près de nous, l'Espagne et le Portugal. Ayant la vie assurée par les esclaves que fournissaient d'interminables guerres, les classes au pouvoir tournaient au parasitisme, en même temps qu'une partie des citoyens libres. Leur technique leur permettait de faire des guerres et conditionnait l'économie correspondante ; cette économie donnait naissance à un système d'État déterminé ; mais la situation matérielle des classes déterminait leur genre de vie, leur psychologie (psychologie de dégénérescence parasitaire dans les classes régnantes, de dégénérescence par hébétude et par faiblesse chez les opprimés). Une telle superstructure pesait sur la base et sur les forces productives, dont le développement se ralentit, s'arrêta et plus tard devint une grandeur négative. Au lieu de cette explication parfaitement compréhensible, la plupart des savants bourgeois se perdent dans un imbroglio sans fin. Un modèle de ce genre d'imbroglio est par exemple le livre « le plus récent » de P. Bizilli. « La décadence de l'Empire romain ». Le professeur Vassillev, de Kazan, qui, dans son ouvrage déjà cité par nous, passe une revue de toutes les théories sur la décadence du monde antique, considère comme indispensable de poser une théorie biologique de la dégénérescence. La dégénérescence des classes régnantes, selon le professeur Vassiliev, est la conséquence nécessaire de toute culture et (avec quelques réserves) sa fin naturelle ; elle consiste essentiellement en ceci, que le travail musculaire est remplacé par le travail nerveux, le système nerveux développe ses exigences, et ainsi se produit la dégénérescence biologique. En liaison avec cette conception, M. Vassiliev prétend que l'interprétation matérialiste marxiste de l'histoire doit être remplacée par une interprétation matérialiste vassiliéviste, qui est beaucoup plus « profonde » ; M. Vassiliev montre que le progrès des sciences sociales a suivi le chemin suivant : tout d'abord, on analysait l'idéologie, puis la politique, puis l'ordre social, puis l'économie (Marx) ; il convient maintenant d'approfondir encore la question et de passer à la nature matérielle de l'homme, à sa nature physiologique, dont les changements constituent « l'essence » du processus historique. Que la nature matérielle de l'homme change, c'est exact. Mais si l'on sort des limites des lois sociales, il faut alors passer de la biologie à la physique et à la chimie. Mais c'est ici qu'apparaît clairement d'un seul coup l'erreur de M. Vassiliev. En effet, les lois de la science sociale doivent être des lois sociales. Et lorsque nous voulons expliquer les propriétés sociales de la nature de l'homme, il nous convient d'expliquer sous l'influence de quelles causes sociales s'est transformée la physiologie (et également la psychologie) de l'homme. Cela nous amènera à constater que ce côté de la question est avant tout déterminé par les conditions de la vie matérielle, c'est-à-dire par la situation de groupes donnés dans la production. Donc M. Vassiliev, loin d'approfondir, revient au contraire en arrière. En fait, sa théorie est l'antique, très antique théorie sur l'inévitable vieillesse du genre humain. Outre qu'elle est sans valeur, parce qu'elle repose sur une analogie simpliste avec l'organisme, elle ne peut expliquer les faits les plus simples pourquoi par exemple, la culture européenne, beaucoup plus affinée, n'a-t-elle pas péri tandis qu'à péri Rome ? Pourquoi l'Espagne a-t-elle « décliné » et pas l'Angleterre ? etc. Les lieux communs sur la dégénérescence ne peuvent rien expliquer ; ceci avant tout, pour la simple raison que-la dégénérescence est un produit des conditions sociales. Aussi seule l'analyse de ces dernières peut-elle faire aborder la question comme il convient.

L'analyse des lois de la période de transition et des périodes de décadence éclaire très bien aussi la très « effrayante » question de savoir qu'est-ce qui détermine le développement des forces productives, sous l'influence de quoi elles se transforment ? Il n'est pas difficile de voir qu'elles se transforment sous l'influence en retour de la base et de toutes les superstructures. Marx l'avait déjà très bien discerné. C'est ainsi que dans le tome III du Capital (Tome III, I, p. 56), il écrit que « l'évolution de la force productive s'explique par le caractère social du travail mis en mouvement par la division du travail à l'intérieur de la société ; par l'évolution du travail intellectuel, notamment des sciences naturelles ». À strictement parler, les choses ne se bornent certes pas à cela : Marx a choisi les facteurs les plus importants qui exercent une influence sur les forces productives dans l'industrie. Mais, nous dira-t-on, pourquoi alors commencez-vous par ce bout là ? Parce que, répondrons-nous une fois de plus, quels que soient les processus d'action réciproque qui se produisent à l'intérieur de la société, les rapports sociaux correspondront toujours et à chaque moment donné, pour autant que nous considérerons la société dans son équilibre, aux rapports de réciprocité existant entre la société et la nature.


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