1919

Un ouvrage qui servira de manuel de base aux militants communistes durant les années de formation des sections de l'Internationale Communiste.


L'ABC du communisme

N.I. Boukharine


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La deuxième et la troisième Internationales


35 : L’internationalisme du mouvement ouvrier est une condition de victoire pour la révolution communiste

La Révolution communiste ne peut vaincre que si elle est une Révolution mondiale. Si dans un pays, par exemple, la classe ouvrière s’empare du pouvoir, mais que, dans les autres, le prolétariat reste sincèrement dévoué au capitalisme, ce pays sera finalement étranglé par les grands Etats de rapine. De 1917 à 1919, toutes les puissances essayèrent d’étrangler la Russie des Soviets; en 1919, elles ont étranglé la Hongrie des Soviets. Mais elles n’ont pu étrangler la Russie des Soviets parce que leur situation intérieure était telle qu’elles pouvaient craindre d’être renversées elles-mêmes par leurs propres ouvriers qui réclamaient le retrait des troupes de Russie. La dictature prolétarienne dans un seul pays est continuellement menacée, si elle ne trouve pas d’appui chez les ouvriers des autres pays. En outre, dans ce pays, l’organisation économique est très difficile, car il ne reçoit rien ou presque rien de l’étranger : il est bloqué de tous côtés.

Mais si, pour le triomphe du communisme, la victoire de la révolution mondiale et la solidarité des ouvriers entre eux sont nécessaires, cela signifie que la condition indispensable de la victoire est dans la solidarité internationale de la classe ouvrière. De même que les ouvriers ne peuvent être victorieux dans une grève que si les ouvriers des différentes fabriques se soutiennent les uns les autres, créent une organisation commune et mènent la lutte commune contre tous les fabricants, de même les ouvriers des différents pays bourgeois ne pourront vaincre que s’ils marchent ensemble, en rangs serrés, s’ils ne se querellent pas entre eux, mais au contraire, s’ils s’unissent de pays à pays, s’ils se sentent une seule classe avec les mêmes intérêts. Seule, une confiance mutuelle, parfaite, une union fraternelle, l’unité d’action révolutionnaire contre le capital mondial assureront la victoire de la classe ouvrière. Le mouvement communiste ouvrier ne saurait vaincre que comme mouvement international.

La nécessité de la lutte internationale du prolétariat a été reconnue depuis longtemps. A la veille de la Révolution de 1848 existait déjà une organisation secrète internationale, la Ligue des Communistes. A sa tête se trouvaient Marx et Engels. Au congrès de cette Ligue, à Londres, ils reçurent mandat de composer un manifeste au nom de la Ligue. Ainsi est né le Manifeste du Parti communiste, dans lequel ces grands champions du prolétariat ont exposé pour la première fois la doctrine communiste.
En 1864, prit naissance, sous la direction de Marx, l’Association internationale des Travailleurs, la première Internationale. Elle comprenait beaucoup de chefs du mouvement ouvrier de différents pays, mais il y avait peu d’unité dans ses rangs. De plus, elle ne s’appuyait pas sur de larges masses ouvrières, mais ressemblait plutôt à un groupement international de propagande révolutionnaire. En 1871, les membres de l’Internationale prirent part au soulèvement des ouvriers parisiens (la Commune), ce qui entraîna partout la persécution de l’Internationale. En 1874, elle s’est dissoute, affaiblie en particulier par la lutte intérieure entre les partisans de Marx et ceux de l’anarchiste Bakounine. Après sa désagrégation, les partis socialistes commencèrent à naître en divers pays, au fur et à mesure du développement de l’industrie. Le besoin d’un appui réciproque se fit bientôt sentir, et en 1889 fut convoqué un congrès socialistes international, composé de représentants des partis socialistes de différents pays. La Deuxième Internationale fut fondée, mais elle devait s’écrouler à la déclaration de la guerre mondiale. Les raisons en seront expliquées plus loin.
Dès le Manifeste Communiste, Marx avait proclamé le mot d’ordre : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » Voilà ce qu’écrivait Marx à ce sujet à la fin du Manifeste : « Les communistes ne s’abaissent pas à dissimuler leurs opinions et leurs projets. Ils proclament ouvertement que leurs buts ne peuvent être atteints que par le renversement violent de tout l’ordre social traditionnel. Que les classes dirigeantes tremblent à l’idée d’une révolution communiste! Les prolétaires n’ont rien à y perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à y gagner. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » La solidarité internationale du prolétariat n’est donc pour les ouvriers ni un jouet ni une belle phrase; elle est une nécessité vitale sans laquelle la cause de la classe ouvrière serait vouée à l’échec.

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