1988

" Pendant 43 ans, de ma vie consciente, je suis resté un révolutionnaire; pendant 42 de ces années, j'ai lutté sous la bannière du marxisme. Si j'avais à recommencer tout, j'essaierai certes d'éviter telle ou telle erreur, mais le cours général de ma vie resterait inchangé " - L. Trotsky.

P. Broué

Trotsky

XVI – Chef de guerre [1]

Tout en construisant l'Armée rouge, Trotsky l'a dirigée dans la guerre civile et contre l'intervention étrangère qui ont commandé sa naissance. Il ne l'a pas dirigée, comme les chefs de guerre de son époque, d'une capitale – le gouvernement s'est installé a Moscou, au Kremlin, au moment où il a pris ses fonctions –, ni dans le quartier général fortifié de Serpoukhov. Comme pendant les guerres de la France révolutionnaire, le chef, ici, était au front, et, du fait de l'étendue de la zone d'opérations et du nombre des fronts, sur celui d'entre eux où la situation était la plus difficile et où il estimait donc sa présence nécessaire. 

Pendant les deux années et demie que dura la guerre civile, Trotsky vécut, travailla, dirigea l'Armée rouge à partir de son train de commandement, ce « train du président du conseil révolutionnaire de la Guerre » qu'il appelle « le train » dans son autobiographie. On l'avait organisé sur son ordre, à la hâte, à Moscou dans la nuit du 7 au 8 août 1918, et il en était parti au petit matin, restant en circulation ou en stationnement au front jusqu'à la fin de la guerre civile [2]. Alfred Rosmer, qui y vécut quelques semaines, indique, après avoir parlé du wagon de Trotsky :

« Le wagon suivant était celui des secrétaires, puis venaient successivement l'imprimerie, la bibliothèque, la salle de jeux, le restaurant, un wagon de vivres et de vêtements de réserve, un service d'ambulance, enfin un wagon spécialement aménagé pour les autos [3]. »

Cet « appareil volant de gouvernement [4] », comme écrit Trotsky, comportait en outre, selon lui, une station télégraphique, une station radio que surmontait à l'arrêt une antenne immense, un groupe électrogène, un wagon de bains-douches, un dépôt de matériel, un ou deux wagons de mitrailleuses – les seuls à être blindés, avec les locomotives [5]. Toujours selon Trotsky, le wagon-garage était assez vaste pour contenir, outre une citerne d'essence, plusieurs camionnettes et voitures légères. Le train était très lourd, et il fallait deux locomotives pour le tracter; plus tard, il fut coupé en deux convois. Quand il stationnait, l'une des deux locomotives servait à des liaisons rapides. L'autre, en permanence sous pression, était toujours prête pour un départ d'urgence [6].

Sur le cadre même de la vie et du travail de Trotsky dans le train, Rosmer raconte :

« Le wagon du commissaire du peuple était celui du ministre tsariste des Chemins de fer. Trotsky l'avait adapté à son usage ; le salon avait été transformé en bureau-bibliothèque ; l'autre partie comprenait la salle de bains, flanquée de chaque côté d'un étroit cabinet, juste la place d'un divan. [...] La table de travail occupait la quasi-totalité d'un des côtés sur la paroi duquel une grande carte de Russie était accrochée ; au long des deux parois faisant angle, des rayons chargés de livres, encyclopédies, ouvrages techniques, d'autres sur les sujets les plus variés attestaient la curiosité universelle du nouvel occupant ; il y avait même un coin français où je trouvai la traduction française des études marxistes d'Antonio Labriola ; cependant je ne fus pas peu surpris d'y voir le Mallarmé de Vers et Prose, à couverture bleue, de la Librairie académique Perrin [7]. »

Les documents qui pourraient servir de base à une histoire du train sont encore aujourd'hui enfouis dans les archives militaires soviétiques. Une note indique qu'il effectua au total pendant la guerre civile trente-six trajets, couvrant 97 629 verstes, soit environ 105 000 kilomètres [8]. Rex Winsbury estime qu'on peut doubler ce chiffre [9]. Son centre de liaison permanent était le quartier général du commissariat et du conseil, à Serpoukhov dans un premier temps, à Moscou ensuite, sous l'autorité du commissaire du peuple-adjoint, le jeune médecin militaire E.M. Skliansky, qui s'était révélé un organisateur de premier ordre et fut le plus précieux et, personnellement le plus proche des collaborateurs de Trotsky, avec le chef de cabinet du conseil de la Guerre, G.V. Boutov. Dans ses déplacements et par conséquent dans le train, Trotsky était entouré d'un groupe de secrétaires de confiance : N.I. Sermouks, qui était également commandant du train, M.S. Glazman, qui lui sauva la vie dans une embuscade des blancs, I.M. Poznansky, qui l'accompagnait depuis 1917 et organisa les premières unités de cavalerie rouge, et le benjamin, N.V. Netchaiev. Les voyages étaient évidemment, en principe, des voyages d'inspection. Mais les conditions concrètes de la guerre civile exigèrent beaucoup plus de la cinquantaine d'hommes qui l'habitaient. Trotsky écrit :

« Le travail du train se rapportait étroitement à l'organisation de l'armée, à son éducation, à sa direction et à son ravitaillement. Nous reformions l'armée sous le feu. [...] Il en fut ainsi sur tous les fronts. Avec des détachements de partisans, avec des réfugiés qui avaient échappé aux blancs, avec des paysans mobilisés, dans des districts voisins, avec des troupes ouvrières envoyées par les centres industriels, avec des groupes de communistes et de syndiqués, on créa sur place, au front, des compagnies, des bataillons, des régiments, parfois des divisions entières, Après des défaites et des retraites, une masse friable, prise de panique, était transformée en deux ou trois semaines en troupe combative [10]. »

Le train avait toujours en réserve quelques militants communistes qu'il renouvelait à chaque voyage, un peu de matériel militaire, des vêtements et des bottes, la possibilité de se laver et de manger, des journaux et des brochures de propagande. Quand les réserves s'épuisaient, on appelait Skliansky ou, en cas d'extrême urgence, on organisait une conférence pour trouver sur place ce qui manquait.

A une époque où l'information était difficile et rare, où le matériel radio et téléphonique manquait cruellement, le train était en outre, selon l'expression de Trotsky, « le messager d'autres mondes  ». Disposant des moyens radio qui lui permettaient de capter non seulement Moscou, mais une douzaine d'émetteurs européens dont Lyon-La Doua et la Tour Eiffel, il était informé au jour le jour des événements mondiaux : son quotidien, V Pouti (En route) reproduisait et commentait les dépêches des quatre parties du monde, On communiquait d'un wagon à l'autre par téléphone ou signaux optiques.

Administration militaire et politique, centre d'animation, le train était aussi un instrument de combat. Son matériel automobile lui permettait d'importantes incursions au-delà de la ligne de chemin de fer proprement dite, puisqu'il pouvait transporter à des kilomètres des détachements armés de fusils et de mitrailleuses, Les éventuels combattants du train variaient de 150 à 200 hommes, tous vêtus de cuir noir avec un bonnet conique et un insigne métallique au bras [11], Bien groupé autour d'un détachement de choc d'une trentaine d'hommes, le personnel du train était rompu au maniement des armes, et parfaitement entraîné aux opérations de « descente » : l'apparition en un point menacé de cette unité qu'on appelait « la centurie aux vestes de cuir » provoquait généralement sur le moral des troupes un choc bénéfique galvanisant.

En dernière analyse, le train de Trotsky était le symbole de la détermination à se battre jusqu'à la victoire qui se manifestait tous les jours à travers V Pouti. Quand il demanda à Trotsky, le 22 août 1918, de se rendre sur le front de Samara où une trahison venait de se produire, Lénine lui assura que « son apparition sur le front » ferait « de l'effet sur les soldats et sur l'armée entière [12] », Il en fut ainsi bien des fois. L'ancien combattant de l'Armée rouge, devenu diplomate, Alexandre Barmine, se souvient, en Occident, de la campagne contre la Pologne et de l'offensive des troupes polonaises du général Haller :

« Une nouvelle attaque de Haller lui permit de s'emparer de Rechitsa et de traverser le fleuve. Gomel allait tomber au pouvoir de l'ennemi quand arriva Trotsky. Déjà les convois d'évacuation, ces lamentables convois d'attelages trimbalant des coffres, des papiers, des restes de stocks, se traînaient le long des routes de Novozybkov, déjà les présidents de l'exécutif et de la Tchéka filaient en automobile – et il ne restait plus à la gare que le train blindé, ce train des batailles perdues, [...] quand tout changea. [...] Trotsky visita les premières lignes. Il nous harangua. Il fit passer sur nous ce souffle d'énergie qu'il apportait partout dans les moments tragiques. La situation, catastrophique l'avant-veille, était rétablie par miracle. Ce n'était en réalité que le miracle tout à fait naturel de l'organisation et de la volonté [13]. »

La première intervention de l'Armée rouge commandée par Trotsky – avant même la formation du train – fut l'opération de police menée à partir du 6 juillet 1918 dans la capitale contre ce qu'il est convenu d'appeler « le soulèvement des s.r. de gauche » [a]. Adversaires déterminés de la paix de Brest-Litovsk, ces derniers s'étaient fixé pour objectif de provoquer la reprise de la guerre contre l'Allemagne et comptaient sur le terrorisme pour parvenir à leurs fins. Ils utilisèrent dans ce but les positions qu'ils détenaient à l'intérieur de la Tchéka – la Commission spéciale pour la lutte contre la contre-révolution – et particulièrement les moyens en matériel dont disposait l'un d'entre eux, V.A. Aleksandrovitch, qui en était le vice-président.

Le 6 juillet, deux jeunes tchékistes membres du Parti s.r. de gauche et pièces maîtresses de la conspiration, A. Andreiev et Ia. G. Blumkine, se présentaient à l'ambassade d'Allemagne munis de documents officiels attestant de leur qualité et de leur mission. Admis dans le bureau de l'ambassadeur, le comte von Mirbach, ils l'abattirent et prirent la fuite. Dans la foulée, un détachement de tchékistes commandés par un s.r. de gauche, Popov, procéda par surprise à plusieurs arrestations, dont celles des dirigeants de la Tchéka, Dzerjinsky et Latsis, du président du soviet de Moscou, Smidovitch, et du commissaire du peuple aux Postes, Podbielsky. Il s'empara aussi des locaux centraux de la Tchéka et du bâtiment central des Postes [14].

L'organisme spécialement chargé de la répression, dont une partie était au cœur de la conspiration, étant ainsi paralysé, la riposte ne pouvait venir que de l'Armée rouge, ou plus exactement de la seule unité régulière dont elle disposait alors à Moscou, les chasseurs lettons que dirigeait l'ancien colonel Vatsetis, assisté d'un révolutionnaire énergique, le commissaire politique Peterson. Ils agirent de concert avec un détachement de volontaires internationaux recrutés parmi les anciens prisonniers de guerre et dirigés par le Hongrois Béla Kun. Les combats furent brefs. La troupe de Béla Kun reprit le bâtiment des postes, tandis que les chasseurs lettons mettaient en déroute les rebelles qui venaient d'ouvrir le feu sur le Kremlin. Au soir du 7 juillet, le « soulèvement » était écrasé, et les soldats rouges avaient fait quelques centaines de prisonniers. Les premiers résultats de l'enquête révélèrent la médiocrité de l'entreprise, le manque d'enthousiasme des insurgés et la responsabilité des dirigeants des s.r. dans l'insurrection. Ceux d'entre eux, comme le vice-président de la Tchéka, qui avaient utilisé les fonds et les hommes de cette institution gouvernementale pour assassiner un diplomate allemand et se soulever les armes à la main furent passés par les armes.

L'épisode ne vaudrait pas en lui-même d'être mentionné dans la biographie de Trotsky si ce dernier ne lui avait pas donné, sur un point précis, une suite étonnante, en tout point digne de sa personnalité. Quelques heures ou quelques jours en effet après le soulèvement manqué, il se rendit personnellement à la prison pour interroger les meurtriers de l'ambassadeur. L'interrogatoire du jeune Blumkine – qui n'avait pas dix-neuf ans – tourna à la discussion politique, se prolongea, puis se renouvela. Au bout du compte, Trotsky réussit à convaincre cet adversaire jeune et valeureux que les bolcheviks avaient eu raison de signer la paix de Brest, que la politique des s.r. de gauche était catastrophique pour la révolution [15]. Le jeune détenu, sous l'influence du commissaire du peuple, devint communiste. Il fut condamné à mort et son exécution officiellement annoncée pour satisfaire aux exigences allemandes.

Dans l'intervalle, Trotsky avait obtenu sa grâce. Libéré, il s'engagea dans l'Armée rouge, adhéra au Parti communiste, devint rapidement l'un des meilleurs agents soviétiques de renseignement et un spécialiste apprécié des questions militaires. Il fut le principal collaborateur de Trotsky dans l'édition de Comment la Révolution fut armée [16]. Le lien à la fois personnel et politique qu'il avait noué avec Trotsky dans sa prison en 1918 ne devait être détruit que par le peloton d'exécution commandé pour lui par Staline.


C'est sur la Volga, à Sviajsk, que le train de Trotsky s'arrêta, quelques jours après la chute de Kazan, de l'autre côté du fleuve, et c'est donc là qu'il fit ses premières armes de chef. Kazan, position clé, était tombée le 6 août 1918 aux mains de l'unité qui constituait alors le fer de lance de la contre-révolution, la Légion tchécoslovaque. Formée par les chefs de l'armée tsariste avec des prisonniers de guerre de l'armée austro-hongroise, armée et conseillée par l'Entente, non désarmée par les bolcheviks, adroitement manipulée par les antibolcheviks, elle s'était soulevée en Sibérie contre le pouvoir des soviets et alliée au nouveau chef militaire des blancs en Sibérie, l'amiral Koltchak.

Son offensive vers l'ouest avait balayé tous les obstacles. Les « Tchèques », comme on disait, avaient pris Kazan le 8 juin, créant une situation exceptionnellement dangereuse, aggravée par la désorganisation des unités rouges, les paniques répétées dans leurs rangs, le soulèvement des s.r. de gauche en juillet 1918. Le gouvernement avait décidé d'envoyer Trotsky sur place dès qu'on avait été informé que la Légion tchécoslovaque menaçait Kazan.

C'étaient des jours de panique : les responsables bolcheviques d'Ekaterinburg, avec l'accord du bureau politique [b], mettaient à mort sans jugement le tsar et sa famille pour éviter leur évasion. Trotsky était absent. Nous savons qu'il ne put dissimuler sa surprise devant l'exécution de l'enfant, mais ne s'exprima pas là-dessus. Nous savons aussi qu'il aurait souhaité éviter cette éventualité pour sauvegarder la possibilité d'un grand procès public du tsar, qui eût été celui de l'Ancien Régime et des partisans de la guerre impérialiste, mais ces considérations étaient alors de peu de poids. Le gouvernement soviétique avait proclamé « la patrie en danger ». Alors que le train roulait vers Kazan – c'est dans le train que Trotsky apprit la chute de la ville –, il rédigeait déjà une proclamation menaçante – « pas de quartier pour les ennemis du peuple » –, annonçait l'institution d'un tribunal militaire révolutionnaire et la loi martiale, l'ouverture de camps de concentration pour les suspects, les contre-révolutionnaires, les spéculateurs [17].

Le train s'arrêta à Sviajsk, sur la rive occidentale de la Volga. L'enjeu de la bataille était très clair. Si les Tchécoslovaques, qu'étaient venus renforcer des unités de Russes blancs, franchissaient le fleuve, la route de Nijni-Novgorod et de Moscou leur était ouverte, et rien ni personne ne pourrait alors les arrêter. Il fallait tenir autour de Sviajsk qui était la position la plus avancée des rouges. Mais la tâche était extraordinairement difficile. Il n'y avait pratiquement plus de front, la situation était tragiquement simple à résumer : désertions massives, prostration des chefs, débandades, trahison partout. Il fallait endiguer la ruée des fuyards, les haranguer, les regrouper, les ramener sur la ligne de feu et obtenir qu'ils y restent. La centurie du train, les hommes aux vestes de cuir et la cinquantaine de jeunes communistes venus de Moscou, dans le train, escortaient Trotsky, le protégeaient de leur mieux jusque sous le feu des artilleurs ennemis toujours bien renseignés, parfois au milieu de la foule hostile des fuyards. Il fallut à plusieurs reprises défendre directement le train, contre des attaques aériennes, mais aussi contre un raid de cavalerie des blancs du colonel Kappel, qui avaient coupé toutes les communications et furent tout près de l'enlever par surprise.

La première communication de Trotsky à l'état-major montre les difficultés rencontrées et les solutions envisagées. Il y réclamait l'accélération du rythme de l'envoi de renforts, un bon orchestre, des revolvers – indispensables, insistait-il, pour maintenir la discipline au front – et, encore et encore, des « communistes sachant obéir et prêts à endurer des privations et à donner leur vie ». Le 15 août, il envoya un rapport. L'armée de Sviajsk était ravitaillée et les soldats nourris. On avait organisé – grâce à un ingénieur anarchiste – une escadrille qui avait commencé à bombarder Kazan de... bâtons de dynamite. On avait mis sur pied un corps d'inspecteurs mobiles du front, des patrouilles montées de dix hommes, capables d'enrayer une débandade et de faire la chasse aux pillards et aux tueurs de l'ombre. Mais il restait un énorme problème : les rumeurs selon lesquelles les communistes échappaient à la règle commune et étaient traités bien moins sévèrement que les autres dans la reprise en main.

Un événement tragique et non souhaité allait couper court aux rumeurs. Au moment du raid des blancs de Kappel contre le train défendu seulement par ses hommes et les officiers d'état-major, le 2e régiment de Pétrograd fut envoyé en renfort. Au cours du transfert, quelques dizaines d'hommes, pris de panique, commandant et commissaire politique en tête, s'emparèrent à la pointe de leurs baïonnettes du vapeur, toujours sous pression à quai pour une évacuation en catastrophe, et obligèrent l'équipage à appareiller. Une canonnière, improvisée sous le commandement de Markine, les obligea à revenir à l'appontement où les passagers déserteurs furent aussitôt désarmés.

Trotsky constitua immédiatement un tribunal militaire sous la présidence de Rosengoltz. Ce dernier condamna à mort vingt-sept accusés, passés par les armes le 29 août. Parmi eux se trouvaient le commandant du régiment, un officier de métier et le commissaire politique, un vieux communiste du nom de Panteleiev [18]. Trotsky n'avait pas fini d'entendre parler de « l'affaire Panteleiev », mais il n'y eut plus désormais de rumeur sur le traitement de faveur des communistes, ni non plus de nouvelles débandades.

La façon dont il prenait des risques en s'exposant personnellement ou au moins en refusant de se protéger réellement, provoquait aussi bien des critiques, très différentes. Il pensait, quant à lui, qu'exigeant tout des hommes sous ses ordres, il ne pouvait faire moins que de courir les mêmes risques qu'eux. Et il fit preuve sur ce plan, de beaucoup de courage et d'obstination. Quand le conseil militaire révolutionnaire de l'armée, se disant gêné par l'insécurité dans laquelle le commissaire du peuple se trouvait, à bord du train en stationnement, décida qu'il travaillerait désormais sur le vapeur sous pression qui stationnait à quai, il fit mine de s'incliner ; le soir même pourtant, il s'embarquait, de nuit, sur un torpilleur, commandé par Raskolnikov, qui partait pour un raid surprise contre l'artillerie côtière ennemie sous Kazan. L'opération réussit et son prestige grandit encore [19].

Larissa Reissner, jeune communiste d'une grande beauté et d'un immense talent littéraire, combattante et agent de renseignements, compagne de Raskolnikov, commissaire politique sur la flottille de la Volga, a vécu ce mois de Sviajsk et en a rapporté un reportage d'une exceptionnelle qualité. Elle écrit :

« Avec Trotsky, c'était la mort au combat après qu'on eut tiré la dernière balle, c'était mourir dans l'enthousiasme, oublieux des blessures. Avec Trotsky, c'était le pathétique sacré de la lutte, mots et gestes rappelant les meilleures pages de la Grande Révolution française [20]. »

Trotsky n'oubliait pas la politique, devant Kazan : journaux, proclamations, tracts lancés par avion, tentaient de convaincre la population ouvrière de la ville, de la protéger des bombardements, d'obtenir son aide directe ou indirecte. Les agitateurs, parcourant les campagnes, haranguaient les paysans, racontaient les atrocités auxquelles se livraient les détachements des blancs. Finalement les conditions furent créées d'une contre-attaque victorieuse. C'est le 10 septembre 1918 que l'Armée rouge entra enfin dans Kazan. Trotsky lança un des ordres du jour dont il avait le secret :

« Le 10 septembre s'inscrira en lettres rouges dans l'histoire de la révolution socialiste. Kazan a été arrachée aux griffes des gardes blancs et des Tchécoslovaques par des unités de la 5e armée. C'est un tournant [21] . »

Après avoir rappelé les difficultés rencontrées et les heures noires de la panique et des débandades, les peines sévères infligées aux déserteurs, le prix dont il avait fallu payer le rétablissement, il concluait :

« Je veux le proclamer ici devant le pays et le prolétariat international : toute la 5e armée a fait son devoir avec honneur. Au nom des commissaires du peuple, je vous dis : Merci, camarades [22] ! »

Il n'oubliait pas, avant de partir. de tendre la main aux soldats de la Légion tchécoslovaque, promettant la liberté et l'égalité des droits en Union soviétique à tous ceux qui déposeraient les armes [23].

La bataille de Kazan avait été pour Trotsky et le commandement de l'Armée rouge une épreuve décisive. Ils savaient désormais qu'ils pourraient combattre et vaincre et savaient comment combattre et vaincre. La victoire était plus convaincante que tous les argument, même les mieux fondés. Trotsky aussi en sortit renforcé. Dans l'enfer de Kazan s'étaient noués des liens puissants entre lui et plusieurs de ses collaborateurs : Ivan Nikititch Smirnov, que Larissa Reissner appelle « la conscience communiste de Sviajsk », « incarnation de l'éthique de la révolution », Arkadi Pavlovitch Rosengoltz, organisateur hors de pair et « reine d'abeille dans sa ruche [24] », et le commissaire letton Karl Ivanovitch Grünstein, étaient désormais des siens.


La chute de Kazan survenait au terme d'une dure période de crise ouverte par l'offensive de la Légion tchécoslovaque et le soulèvement des s.r. de gauche : le passage de ces derniers à l'action terroriste, l'assassinat de deux orateurs populaires – Volodarsky le 20 juin et Ouritsky le 30 août 1918 – l'attentat de F. Kaplan contre Lénine, en avaient marqué les jalons les plus douloureux.

La victoire de Kazan n'en revêtait que plus d'éclat. Le repli des blancs, la reconquête par l'Armée rouge de la région de la Volga, coupaient les s.r. de leur base paysanne, réduisaient ainsi le support populaire du mouvement pour la Constituante. S.r. et mencheviks étaient désormais débordés sur leur droite par les monarchistes et les réactionnaires. L'adversaire du pouvoir soviétique était désormais la contre-révolution ouverte des généraux blancs avec leur programme de réaction pure et simple, leur désir de représailles et la soif de pillage de leurs troupes ; Koltchak à l'est, Denikine au sud, incarnent un adversaire sans masque démocratique : la situation se clarifie. Le plus important est surtout que la victoire de Kazan soit la démonstration de la justesse de la politique militaire de Trotsky : elle donne un vigoureux élan à la construction de l'Armée rouge selon ses principes et les méthodes qu'il préconise.

A la fin septembre 1918, revenu à Moscou, il réorganisa le Conseil suprême de la Guerre en Conseil de guerre révolutionnaire de la République, dont il assurait la présidence. Cet organisme, souverain, après le gouvernement et le c.c. pour toutes les questions militaires, était formé d'hommes proches de lui et jouissant de toute sa confiance. E.M. Skliansky continuait à assurer le travail quotidien. Quatre des dirigeants et inspirateurs de l'armée de Kazan y prenaient place : Vatsetis, nommé commandant en chef, I.N. Smirnov et A.P. Rosengoltz ainsi que l'ancien commissaire politique de la flottille de la Volga, F.F. Raskolnikov. N.I. Mouralov, l'un de ses proches collaborateurs à Moscou depuis le mois de mars, K.I. Iouréniev, un ancien de l'Organisation inter-rayons, complétaient ce groupe soudé.

La deuxième grande étape fut celle du front sud, à partir de Kozlov, où le train stationna pendant plusieurs semaines. Ce front était décisif : là se trouvaient les principales forces, les plus directement menaçantes, en tout cas, des blancs, et la centralisation se heurtait à de vives résistances de la part des militants du parti, anciens partisans et « guérilleros », en particulier à la tête de la 10e armée commandée par K.E. Vorochilov. C'est là que se produisit le premier conflit ouvert entre Trotsky et Staline, un conflit qu'il est facile de suivre aujourd'hui à travers les documents d'archives accessibles en Occident.

Staline n'est pas alors connu, ni à l'étranger, ni même du grand public en Russie soviétique. Ce militant d'origine géorgienne a derrière lui un passé qui n'est pas fait pour le rapprocher de Trotsky à qui il n'a sans doute jamais pardonné ses attaques passées contre les boieviki « expropriateurs », dont il fut. Il ne parle ni n'écrit correctement le russe, mais c'est un organisateur extrêmement capable, que Lénine a remarqué et qui bénéficie de son soutien. Commissaire du peuple aux Nationalités, il l'est également à l'Inspection ouvrière et paysanne. Non élu au comité central lors de la conférence de Prague en 1912, il y a tout de même été coopté, un peu plus tard, sur proposition de Lénine et a été réélu depuis. C'est lui qui, lors du VIe congrès, au lendemain des journées de juillet, a présenté le rapport prévu pour Trotsky, arrêté depuis sa désignation comme rapporteur. Avec le début de la guerre civile, il se voit confier des missions sur les différents fronts et c'est à l'une de ces occasions que se manifeste son inimitié à l'égard de Trotsky, personnage infiniment plus important que lui à cette époque.

Staline, envoyé en mission sur les problèmes de ravitaillement, était arrivé dans le sud le 22 septembre. Probablement désireux de jouer un rôle dans les affaires militaires, le Géorgien s'était installé à Tsaritsyne auprès de Vorochilov, un vieux bolchevik, ancien cheminot. A peu près au même moment, Trotsky procédait à la réorganisation : le 11 septembre, il constituait officiellement le front sud et, le 17, formait un comité de guerre avec Staline, le commandant en chef désigné, Sytine, et Vorochilov. Le conflit éclata presque immédiatement sur la question du siège du comité que Staline et Vorochilov insistaient pour figer à Tsaritsyne, alors que Sytine, avec le soutien de Trotsky, avait prévu de l'installer à Kozlov. Le 3 octobre, Staline se plaignit à Moscou des méthodes de Trotsky et du traitement qu'il était censé infliger aux vieux-bolcheviks qui dirigeaient la 10e armée. La réplique de Trotsky fut cinglante :

« J'insiste catégoriquement pour le rappel de Staline : les choses vont mal sur le front de Tsaritsyne, malgré une surabondance de forces militaires. Vorochilov est apte à commander un régiment, mais pas une armée de 50 000 hommes [25]. »

Trotsky exigeait que « les gens de la 10e armée » se subordonnent sans réserve au commandant du front sud et menaçait même de traduire Vorochilov devant un conseil de guerre. Lénine, visiblement ennuyé de ce conflit, ne pouvait, dans l'immédiat, que reconnaître le bien-fondé des arguments de Trotsky. Le 5 octobre, Staline fut rappelé à Moscou. Il fut nommé, peu après, au Conseil de guerre révolutionnaire de la République, peut-être à titre de consolation. Le 8, il était remplacé à Tsaritsyne, dans le comité de guerre, par le vieux bolchevik A.G. Chliapnikov. Au cours d'un bref séjour à Tsaritsyne, Trotsky avait fait comprendre à Vorochilov qu'il n'accepterait aucune tergiversation, et celui-ci s'était incliné. Une rencontre dans le train avec Staline et une réconciliation de forme avaient apaisé les inquiétudes de Lénine [26].

En réalité, c'était le début d'un conflit désormais cristallisé autour de l'opposition à Trotsky du « groupe de Tsaritsyne » – conflit que ne devait pas apaiser, quelques semaines plus tard, le transfert de Vorochilov et de ses collaborateurs à un important commandement en Ukraine : des désaccords identiques se développèrent aussitôt, Vorochilov ayant la prétention de conserver pour son armée armes, munitions et fournitures prises à l'ennemi. La campagne allait se poursuivre en coulisse, à travers rumeurs et insinuations qui finirent même par voir publiquement le jour dans la Pravda. C'est en effet le 25 décembre 1918 qu'un article signé d'un collaborateur de Vorochilov, A.Z. Kamensky, au milieu des critiques traditionnelles sur l'emploi des spécialistes militaires (qu'il appelait « contre-révolutionnaires tsaristes »), lança des attaques particulièrement graves contre Trotsky, mentionnant le cas de deux militants, commissaires et communistes, I.K. Bedaiev et P.A. Zapoutsky, qui avaient, selon lui, échappé de peu à une exécution sommaire et faisant, à ce propos, allusion au sort de Panteleiev [27]. Ce n'était que le début d'une campagne acharnée...


L'effondrement des Centraux, à la fin de 1918, apporta évidemment un considérable soulagement aux bolcheviks en desserrant l'étreinte immédiate de leurs armées à l'ouest et dans le sud. Il était clair cependant qu'il ne s'agissait que d'un répit et que le danger se précisait d'une intervention de l'Entente victorieuse sur le territoire même de l'union soviétique.

L'histoire de ces mois de la fin 1918 et du début de 1919 est celle d'efforts considérables pour exploiter ce répit, à la fois pour poursuivre la construction de l'armée et pour essayer de prendre de vitesse l'intervention alliée, inévitable mais pas immédiate. Or les armées soviétiques étaient clouées sur leur propre sol par les forces de Koltchak et de Denikine et Krasnov. En Ukraine, où Trotsky souhaitait faire porter l'effort principal, il n'y avait pas d'Armée rouge, mais, résultat de l'occupation allemande, des unités de partisans et de Gardes rouges inaptes à la guerre de mouvement. De son côté, Lénine redoutait par-dessus tout une éventuelle jonction sur la Volga des deux principales armées blanches et adjurait Trotsky de ne pas se laisser entraîner à l'est par la conquête de l'Ukraine.

La correspondance entre les deux hommes est chargée de tension. Trotsky, impressionné par l'hostilité des paysans ukrainiens à la réquisition des grains, multiplie les mises en garde contre la brutalité de la politique rurale des bolcheviks. Pour l'instant, la révolution déferle en Ukraine, et les bolcheviks, qui ont repris Kharkov, ne semblent pas loin de s'assurer la maîtrise de l'Ukraine tandis que l'intervention française, déjà prudente et limitée, reflue, arrêtée par les mutineries des marins. Pourtant Denikine se fait menaçant. En janvier 1919, il est question d'aller à une conférence pour la paix en Russie, dans l'île de Prinkipo, que prétend organiser le président des Etats-Unis, Wilson. Lénine propose à Trotsky de prendre la tête de la délégation soviétique. Ce dernier refuse sans phrases : il ne fera la connaissance de Prinkipo que dix ans plus tard, et dans des conditions tout autres. D'ailleurs la conférence est annulée, car les généraux blancs, forts du soutien français, refusent la médiation de Wilson.

En Ukraine maintenant, le conflit se développe avec l'ancien « groupe de Tsaritsyne », malgré les objurgations de Lénine pour que Trotsky fasse son possible afin de trouver les bases d' « un travail en commun avec Staline ». Le 11 janvier 1919, Trotsky répond sans détour à ses propositions de compromis :

« Un compromis est naturellement nécessaire, mais pas un compromis pourri. Le nœud de la question, c'est que tous les gens de Tsaritsyne sont maintenant rassemblés à Kharkov. [...] Je considère que le patronage par Staline de la tendance de Tsaritsyne est un ulcère dangereux, pire que n'importe quelle perfidie ou trahison de spécialistes militaires. [...] Vorochilov + les guérillas ukrainiennes + le bas niveau culturel de la population + la démagogie – nous ne pouvons en aucun cas le tolérer [28]. »

Avec la fin de l'hiver, le centre de gravité des opérations militaires est transféré sur le front de l'est. L'amiral Koltchak lance sa grande offensive le 7 mars. La situation des forces de l'Armée rouge se détériore très rapidement, ce qui explique l'absence au IXe congrès de Trotsky et des délégués des cellules de l'armée qui soutiennent sa politique : ils sont tous au front. C'est la première offensive blanche ; il y en aura deux autres, celle de Denikine sur Moscou à l'été et, à l'automne, celle du général Ioudénitch contre Petrograd à partir des Pays baltes.

Trotsky passa les mois de mars et d'avril sur le front de l'est, après la chute d'Oufa le 13 mars et l'avance des troupes de Koltchak vers Simbirsk. Une fois de plus, Moscou était menacée. Il fallut une fois de plus colmater les brèches, renforcer commandement et effectifs, redonner un moral aux combattants, créer de nouveaux régiments. Ce n'étaient plus pourtant les conditions de Kazan : l'Armée rouge qui comptait déjà, à l'entrée de l'automne, un demi-million d'hommes organisés, devait en quelques mois tripler ses effectifs. Elle montrait en outre qu'elle était désormais capable de manœuvrer : le commandant du front, Sergéi Kamenev, ancien colonel d'état-major du temps du tsar, réussissait, à la fin d'avril, un mouvement tournant pour venir frapper le flanc sud des troupes de Koltchak, imprudemment étirées, qui allaient dès lors reculer en désordre.

Cette importante victoire en rase campagne allait être pourtant le point de départ – peut-être seulement l'occasion – de la plus grave crise politique de l'histoire de l'Armée rouge. Il s'agissait au départ d'un désaccord entre techniciens militaires sur la stratégie immédiate. S.S. Kamenev pensait en effet qu'il était souhaitable d'exploiter immédiatement la victoire sur Koltchak, qu'il fallait, selon lui, détruire et poursuivre ; une opération qu'il pensait possible, même si l'on envoyait sur le front sud en péril les renforts nécessaires. Le commandant en chef Vatsetis était opposé à ce plan : il n'excluait pas, en effet, l'hypothèse de l'existence en Sibérie de réserves de Koltchak, donc de possibilité pour les blancs de tendre un piège à leurs poursuivants. Il interdit donc à S.S. Kamenev de poursuivre au-delà de l'Oural l'ennemi en retraite. Trotsky le soutint. Quand S.S. Kamenev fit savoir qu'il allait passer outre, Trotsky le releva de son commandement du front est et, après un congé de quelques semaines, l'envoya commander le front ukrainien [29].

C'est cette mutation qui mit le feu aux poudres. Les commissaires qui collaboraient avec Kamenev, M.M. Lachévitch, S.I. Goussev, K.K. Iouréniev, protestèrent violemment, invoquant les désaccords qui les séparaient de son successeur, le général Samoilo. Smilga, ancien du front de l'est, maintenant à Moscou – où il avait mission de recruter des communistes pour l'armée – les soutint sans réserve, intervint auprès de Lénine, qui reçut personnellement Kamenev et conclut qu'il fallait rapporter la décision, éviter de briser le groupe de commandement de l'est et par conséquent rappeler S.S. Kamenev [30].

Trotsky n'a guère apprécié l'initiative des commissaires politiques en question et déploré ouvertement le jeu de ce qu'il appelait « les liens affectifs du front » [31]. Il a pourtant accepté le retour de Kamenev. Bientôt, ce dernier remporte ses premiers succès, en juillet, contre les koltchakiens. Trotsky, à ce moment, s'est déjà porté sur le front sud pour faire face à l'offensive de Denikine.

Il semble bien qu'on n'ait pas tout de suite compris à Moscou le danger que constituait l'armée Denikine. Déjà Trotsky s'était inquiété à plusieurs reprises, avait réclamé des renforts du fait de l'extrême faiblesse des forces armées rouges en Ukraine et du soulèvement des Cosaques à l'arrière. Il peinait pour modifier le commandement en Ukraine, écarter les Antonov-Ovseenko, Boubnov, Podvoisky, qui, selon lui, capitulaient devant l' « état d'esprit partisan », quand ils ne le nourrissaient pas. Mais les débuts de l'offensive Denikine furent marqués par des succès retentissants : Kharkov tomba le 25 juin, Kiev le 30.

Revenu à Moscou pour une séance du comité central au début de juillet 1919, Trotsky se trouva donc en présence d'une coalition qui le visait probablement à travers la personne de Vatsetis qu'il avait soutenu : il ne douta pas qu'elle ait été inspirée en coulisse par Staline et le groupe de ses amis de Tsaritsyne. La tâche des conspirateurs était facile : ils avaient l'appui de Lénine, convaincu par les victoires remportées sur Koltchak. La décision du comité central fut nette. S.S. Kamenev devint commandant en chef, Vatsetis recevant une nomination qui avait l'aspect d'une retraite honorable [32]. Trotsky avait joué le compromis en acceptant que Vatsetis soit remplacé et en préconisant la nomination du général Bontch-Brouévitch : la décision finale était pour lui une défaite. C'était peut-être une autre défaite, plus grave encore, que la réorganisation du Conseil de guerre révolutionnaire de la République. Il était ramené de quinze à six membres. Les proches de Trotsky – ceux qui l'avaient soutenu dans ce dernier conflit –, I.N. Smirnov, Rosengoltz, Raskolnikov, étaient écartés ; en revanche, Smilga, comme Goussev, champions de la lutte contre Vatsetis, y demeuraient.

Ces mesures étaient certainement difficiles à accepter pour Trotsky. Faut-il, pour autant, croire les récits qui nous le présentent quittant le comité central en fureur et claquant la porte à sa sortie ? Selon lui, en tout cas, il s'inclina, mais ne put éviter le heurt sur la question du nouveau plan stratégique élaboré par S.S. Kamenev pour le front sud. Partant de considérations purement militaires, le nouveau commandant en chef proposait en effet d'attaquer le long de la vallée du Don, dans le pays des Cosaques, pour aller frapper Denikine au cœur de sa puissance. Trotsky, au contraire, jugeait dangereux ce plan qui risquait de souder les forces contre-révolutionnaires des Cosaques et des blancs et engageait en tout cas les troupes rouges sur un territoire où la population rurale leur était en majorité hostile. Le plan qu'il avait approuvé visait, au contraire, à organiser la contre-offensive sur le bassin industriel du Donetz, cherchant à couper en deux le territoire de Denikine et à s'appuyer sur la population ouvrière de la région en question. Selon son témoignage, Trotsky, isolé au bureau politique sur cette question, remit alors sa démission. Nous ne possédons pas le texte de sa déclaration, seulement celui de la réponse du comité central le 5 juillet 1919 signée de Lénine comme de Staline et qui refusait cette démission, ajoutant cette précision qui dut lui paraître satisfaisante :

« Le bureau d'organisation et le bureau politique du comité central laissent au camarade Trotsky l'entière possibilité d'obtenir, par tous les moyens, ce qu'il estime être une correction de la ligne générale dans la question militaire et, s'il le désire, s'efforceront de hâter la convocation du congrès du parti [33]. »

Trotsky conclut le récit de cet épisode dans Staline : « Je retirai ma démission et partis immédiatement pour le front sud [34]. »

Trois jours plus tard cependant, un télégramme officiel lui annonçait l'arrestation de Vatsetis, impliqué dans un « complot » par les aveux de conspirateurs, des militaires professionnels [35]. L'affaire fit long feu. Libéré après quelques jours, Vatsetis fut affecté à l'Académie militaire. « Accident » ou tentative manquée de l'éliminer par la provocation ?

Les mois suivants ont été très difficiles pour Trotsky, sans doute infiniment plus qu'il ne le suggère dans Ma Vie et dans Staline.Les désaccords qu'il a eus et qu'il garde avec Lénine expliquent une tension qui pèse lourd dans la prise de décisions pourtant nécessaires. Le commandant du front ukrainien s'est prononcé à son tour contre le plan S.S. Kamenev et a été relevé de ses fonctions. Smilga et Lachévitch, les hommes de S.S. Kamenev, ont été envoyés en Ukraine, où Trotsky s'est longuement et vainement battu pour obtenir renforts et matériel. Or, comme il l'a prévu, le plan de S.S. Kamenev se révèle désastreux. Les armées rouges ne progressent pas dans le Don, où la population rurale se bat contre eux avec l'énergie du désespoir. En revanche, les cavaliers blancs de Mamontov ont percé les lignes rouges et commettent à l'arrière de sérieux ravages et de terribles massacres. Denikine progresse dans une région dégarnie par le commandement, s'empare d'Odessa le 23 août, de Kiev le 31, et son offensive se développe victorieusement et dangereusement avec la prise de Koursk, Voronej, Orel, au cours des semaines qui suivent.


L'historiographie, plus encore que l'Histoire, exige que soient indiquées ici, au moins sommairement, l'attitude et les relations de Trotsky, chef de guerre, avec les formations armées anarchistes d'Ukraine et notamment les fameux partisans de Makhno. De ce point de vue, les archives apportent un certain nombre d'éléments indiscutables sur l'appréciation portée par Trotsky sur ces formations armées et la politique à suivre à leur égard. Dans un rapport au comité central daté du 1er mai 1919, il aborde pour la première fois cette question en signalant l'importance des effectifs des bandes de l'anarchiste Makhno en même temps que leur inefficacité militaire, la présence aussi, dans leurs rangs, côte à côte, d' « éléments héroïques » et d'authentiques « canailles ». Pour ces troupes qui combattent aux côtés de l'Armée rouge, il préconise « la purge des éléments ouvertement criminels de leurs unités, l'établissement d'une discipline ferme, l'abolition de l'usage de l'élection des commandants, la lutte contre la démagogie de ses chefs [...], insolents avec les autorités supérieures militaires et soviétiques et inefficaces avec leurs subordonnés ». Il est, de toute évidence, en conflit, sur cette politique, avec Antonov-Ovseenko qu'il accuse d' « opportunisme » à l'égard des makhnovistes.

Le conflit est devenu ouvert en mai. Bien que Lénine ait insisté pour l'emploi, avec Makhno, de « méthodes de persuasion », celles-ci n'ont pas porté leurs fruits. Makhno, bien que formellement intégré dans l'Armée rouge, tient les commissaires à l'écart et conserve son état-major. Les bolcheviks lui reprochent de ne pas tenir ses troupes, qui se livrent à des violences contre les Juifs. On lui coupe, en représailles, les envois d'armes et munitions et, du coup, il conserve pour lui les stocks de charbon et de grain saisis chez l'ennemi. Le 31 mai 1919, il convoque un congrès de délégués de sa zone : Trotsky l'interdit. Makhno se démet alors de ses fonctions de commandant de brigade de l'Armée rouge ; des détachements, commandés par Vorochilov, marchent sur son quartier général et s'en emparent le 7 juin. Plusieurs de ses collaborateurs, faits prisonniers, sont condamnés à mort et exécutés. Mais Makhno réussit à s'échapper et reprend son activité indépendante.

A la mi-octobre 1920, un nouvel accord est conclu entre l'Armée rouge et Makhno, qui intègre à nouveau ses rangs, contre Wrangel cette fois. Wrangel battu, le conflit renaît. Sous le commandement de Frounzé, l'Armée rouge donne l'assaut aux dernières positions de Makhno à partir de novembre 1920. Il s'échappe et émigre.

Les écrits contemporains de Trotsky permettent de se faire une idée très claire de sa conception du mouvement makhnoviste qu'il semble avoir considéré en premier lieu, par son indiscipline et le caractère criminel de nombre de ses éléments, comme un danger pour la cohésion et l'intégrité de l'Armée rouge elle-même, dans une région où la tradition de guérilla était très vigoureuse. Sans accuser personnellement Makhno d'être antisémite ou criminel, refusant l'argument selon lequel Makhno aurait été un agent des blancs, voire des étrangers, Trotsky reproche essentiellement aux unités makhnovistes d'être « des bandes » autour d'un « chef » et de mélanger, au nom des idées anarchistes, une grande brutalité et une réelle incapacité à s'organiser et à se discipliner.

On comprend, dans ces conditions, que Trotsky même s'il n'a pas éprouvé la « rancœur » et l' « humiliation » que lui attribue généralement Adam B. Ulam [36], ait été loin d'approuver les compromis passés à plusieurs reprises avec Makhno et notamment au lendemain de la visite de Kamenev, en avril 1919.


Ce n'est, finalement, qu'en octobre 1919, que le plan de S.S. Kamenev pour le front sud fut abandonné et que les solutions, préconisées pendant des mois par Trotsky, de renforcement du front du centre, furent mises en application ; on peut imaginer son amertume devant ses avertissements si longtemps inutiles. En septembre 1919 pourtant, la situation avait de nouveau revêtu un tour dramatique : l'armée de Denikine, venue du sud, menaçait Toula, ultime étape avant Moscou et centre unique de l'industrie de guerre, cependant que les forces de Ioudénitch, armées et soutenues par les Britanniques, atteignaient les faubourgs de Petrograd.

Une fois de plus, à l'heure du plus grand danger, Trotsky recouvrait d'un coup sa stature et son génie. Il était au bureau politique à Moscou le 15 octobre quand Lénine proposa d'abandonner Petrograd pour concentrer les forces autour de Moscou menacée, le même jour, par la chute d'Orel : il envisageait même la possibilité de l'abandon de Moscou et d'un repli général dans l'Oural. C'était l'heure de Trotsky. Il protesta vigoureusement : il ne pouvait être question d'abandonner Petrograd dont il proposait de prendre personnellement la défense en main. Lénine ne pouvait que céder. Le 16, dans le train qui l'emmenait à Petrograd, Trotsky rédigea un projet de plan de bataille de rues au cas où les défenses extérieures de Petrograd céderaient à l'assaut des blancs :

« S'ils entrent dans cette cité géante, les gardes blancs découvriront qu'ils sont tombés dans un labyrinthe de pierre où chaque bâtiment sera pour eux une énigme, une menace ou un danger mortel. D'où attendre le coup de feu ? De la fenêtre ? De la mansarde ? Du rez-de-chaussée ? De l'angle ? De partout ! Nous avons des mitrailleuses, des fusils, des revolvers ; des grenades. [...] Nous pouvons couvrir certaines rues d'un enchevêtrement de barrages de barbelés en en laissant d'autres ouvertes et en en faisant des trappes [37]… »

A son arrivée, il se précipita au soviet de la ville et, à travers lui, en appela aux ouvriers de la capitale de la révolution :

« Dans ces journées sombres et froides, de faim et d'angoisse, ces tristes jours d'automne, Petrograd nous montre encore l'image majestueuse de l'élan, de la confiance, de l'enthousiasme et de l'héroïsme. Cette ville qui a tant souffert, qui a brûlé d'une flamme intérieure si vive et qui a bravé tant de dangers, cette ville qui ne s'est jamais ménagée, qui s'est tellement dépouillée de tout, cette magnifique Petrograd-la-rouge demeure ce qu'elle a été, la torche de la révolution, le roc d'acier sur lequel nous construirons le temple de l'avenir [38]… »

Il décrit, dans Ma Vie, Petrograd galvanisée par le danger:

« Dès que la base sentit que Pétrograd ne serait pas livré et qu'au besoin il serait défendu par des combats de rue, l'état d'esprit changea. [...] Des détachements d'hommes et de femmes, munis d'outils de sape, partirent des usines et des fabriques. [...] Toute la partie sud de la ville fut transformée en forteresse. [...] Un nouvel état d'esprit, partant des quartiers ouvriers, gagna les casernes, les milieux de l'arrière et l'armée en campagne [39]. »

Trotsky était au premier rang, prenant, comme à Kazan, d'énormes risques, par exemple, ralliant à cheval un régiment qui s'enfuyait, après s'être jeté dans la foule des fuyards sans garde ni protection, réussissant finalement à le ramener à l'attaque et marchant en tête ; Le 23, les troupes blanches du général Ioudénitch furent arrêtées sur la ligne de Poulkovo et commencèrent une retraite précipitée. Au même moment, à l'est, les hommes de Koltchak se rendirent par milliers ; leur chef en personne tomba aux mains des soldats rouges. Au sud, le sol se dérobait sous les pieds de l'armée de Denikine, rejetée par la population des régions conquises.


La guerre n'est pas terminée pour autant. Dès le 22 janvier 1920, Trotsky donne au bureau politique les informations qu'il vient de recevoir : la Pologne de Pilsudski se prépare à attaquer l'Union soviétique. Dans les mois suivants, il presse en vain le bureau politique de renoncer à la diplomatie secrète et aux concessions, de faire connaître publiquement les enjeux de la négociation avec la Pologne. Il n'est pas écouté. Le 24 avril, les troupes polonaises attaquent, Kiev tombe le 6 mai. Au sud, Wrangel, qui a remplacé Denikine, repart à l'assaut le 6 juin.

La première guerre nationale qu'ait à affronter l'Armée rouge éclipse la guerre civile. Pliant d'abord, elle contre-attaque en juin, reprend Kiev le 12, Minsk le 11, Wilno le 14. Arrêtée le 14 juillet aux portes de Varsovie, repoussée le 17 juillet après les trois jours de la « bataille de la Vistule », elle doit finalement renoncer aux rêves de conquête révolutionnaire qui ont bercé quelques-uns de ses chefs. La paix est signée provisoirement le 12 octobre. Deux mois plus tard, les derniers débris de l'armée Wrangel évacuent la Crimée où elles ont trouvé quelque temps un refuge précaire.

Rien, dans cette année, ni dans l'action politique, ni dans l'action militaire, ne porte la griffe de Trotsky. On peut seulement souligner le soin qu'il apporta à éviter toute manifestation de chauvinisme antipolonais, voire tout simplement toute tentative de faire prévaloir un état d'esprit d'union nationale face à un ennemi « étranger ». En revanche, sur deux points essentiels, il ne put faire prévaloir son point de vue.

A la mi-juin, il s'était sérieusement opposé à Lénine en se prononçant pour l'acceptation des propositions britanniques de médiation et pour une négociation sur la base des positions occupées alors par l'Armée rouge, qui comprenaient l'ensemble des territoires biélorussiens et ukrainiens. Convaincu qu'un succès militaire était possible face à la Pologne, Lénine préconisait alors l'offensive sur Varsovie, croyant à la possibilité d'un soulèvement ouvrier à l'approche de l'Armée rouge.

Trotsky, s'il demeurait convaincu que la révolution était à l'ordre du jour en Pologne, ne pensait pas cependant qu'elle pût se produire au début de la guerre ; il était convaincu, en outre, que l'entrée sur le territoire polonais d'une armée russe, même sous le drapeau rouge, serait ressentie comme une invasion à la façon tsariste et provoquerait un sursaut national en Pologne. Mis en minorité, il s'inclina, attendant sans joie que l'Histoire lui donne raison – ce qu'elle fit très vite. L'homme dont on fait parfois un maniaque de la révolution ne croyait pas aux « missionnaires bottés », ni à l'exportation de la révolution à la pointe des baïonnettes.

Il n'eut pas plus de bonheur avec le déroulement des opérations. Il apparut très rapidement, au cours de l'offensive contre Varsovie, qu'un grand vide se développait entre la 5e armée de Toukhatchevsky, qui avançait sur Varsovie, et la 1ère armée d'Egorov – où se trouvait Staline –, qui s'engageait vers le sud-ouest pour s'emparer de Lvov. L'existence de cet intervalle fut selon Trotsky l'une des conditions militaires qui facilitèrent la contre-attaque de l'armée polonaise et lui permirent d'arrêter l'armée de Toukhatchevsky, puis de l'obliger à la retraite. Trotsky – dont la version sur ce point est confirmée par les récits de la période stalinienne justifiant le comportement de la 1ère armée – écrit :

« Quand le danger menaçant l'armée de Toukhatchevsky devint évident et que le commandant en chef ordonna au front du sud-ouest de se déplacer franchement [...] afin de s'attaquer au flanc des troupes polonaises près de Varsovie, le commandant du front sud-ouest, encouragé par Staline, continua à se diriger vers l'ouest : n'était-il pas plus important de s'emparer de Lvov même que d'aider d' « autres » à prendre Varsovie ? Pendant trois ou quatre jours, notre état-major général ne put obtenir que son ordre fût exécuté. C'est seulement après des demandes réitérées appuyées de menaces que le commandant du sud-ouest modifia la direction de ses troupes, mais alors le délai de plusieurs jours avait déjà joué son funeste rôle [40]. »

L'affaire rebondit, toujours selon Trotsky, dans les débats secrets sur la guerre de Pologne au Xe congrès, où Staline accusa Smilga d'avoir « trompé le comité central ». Trotsky protesta immédiatement contre ce qu'il appela « une insinuation effrayante ». Il ajouta que Lénine, « bouleversé » par ces conflits, se refusa à « blâmer personnellement quiconque ».

Dans l'intervalle, d'ailleurs, les dissensions s'étaient développées : en octobre, Toukhatchevsky avait pris position pour la reprise de la guerre contre la Pologne, et Lénine avait hésité. Trotsky s'était prononcé pour la paix et, reprenant la position de Lénine à l'époque de Brest-Litovsk, avait déclaré que s'il était battu au comité central, il ferait appel au parti. Sa détermination, la force de ses arguments aussi, avaient convaincu Lénine, qui avait entraîné le reste de la direction. Lénine devait reconnaître ultérieurement qu'il avait commis une erreur énorme au moment de l'offensive contre Varsovie et condamner l'idée, assez répandue à ce moment-là, selon laquelle il était possible d'exporter la révolution à la pointe des baïonnettes.


La campagne de Pologne était de fait l'ultime expérience militaire de Trotsky. La liquidation de l'armée du baron Wrangel, inscrite dans les faits après la fin des opérations avec la Pologne, devait être acquise le plus vite possible : il s'agissait de détruire ce qu'il appelait la « place d'armes » de l'impérialisme. Il s'employa donc à convaincre les soldats rouges d'en finir avant le début de l'hiver. Le 27 octobre 1920, à bord du train qui l'emportait vers le front de Crimée, il écrivait : « La famille d'amis de notre train part pour une nouvelle campagne. Qu'elle soit la dernière [41]… » Le 10 novembre 1920, la Crimée tout entière était aux mains de l'Armée rouge.

La guerre civile était finie. Le pire allait commencer.

Notes

[a] Rappelons que les s.r. ou socialistes-révolutionnaires étaient le parti né du courant populiste et dont l'appui était la masse paysanne. Les « s.r. de gauche » s'étaient séparés du gros du parti parce qu'ils avaient soutenu l'insurrection d'Octobre, puis participé au gouvernement. Ils étaient hostiles à une paix séparée et partisans d'une « guerre révolutionnaire » et avaient cherché à s'allier aux « communistes de gauche » partisans de Boukharine.

[b] Dans un texte du 14 novembre 1938 (A.H., T 4469), Trotsky indique qu'il se trouvait sur un point éloigné du front, ne fut pas consulté et n'apprit l'exécution qu'avec plus d'une semaine de retard. Il la justifie. Adam B. Ulam, The Bolsheviks, pp. 426-428, conteste l'interprétation de Trotsky sans argument sérieux.

Références

[1] La bibliographie de ce chapitre est la même que celle du chapitre XV. On peut y ajouter une mise au point, malheureusement dépourvue de notes et d'indications de sources, sur le train : Rex Winsbury, «Trotsky's War Train », History To-Day,n° 25, 1975, pp. 523-531.

[2] M.V., III,p. 112.

[3] Rosmer, Moscou sous Lénine, p. 157.

[4] M.V., III, p. 112.

[5] Ibidem, pp. 118-120.

[6] Ibidem, p. 112.

[7] Rosmer, op. cit., pp. 657-658.

[8] KaK, II, p. 651, n. 84.

[9] Winsbury, op. cit., p. 524.

[10] M. V., III, p. 114.

[11] Winsbury. op. cit.,p. 526.

[12] T.P., 1, p. 103.

[13] A. Barmine, Vingt ans au service de l'U.R.S.S., Paris, 1939, pp. 111-112.

[14] L. Schapiro, Les Bolcheviks et l'Opposition,Paris, 1957, pp. 113-114.

[15] KaK, I, pp. XXVII.

[16] Ibidem, p. 310.

[17] T.P., I, pp. 69-70.

[18] Ibidem, pp. 155-156 ; M.V., III. pp. 97-98.

[19] M.V., III, pp. 101-104.

[20] Larissa Reissner, « Sviajsk », traduction française dans Cahiers Léon Trotsky n° 12, 1982, p.56.

[21] KaK. I, p. 329.

[22] Ibidem.

[23] Ibidem, p. 344.

[24] L. Reissner, op. cit.,p. 56.

[25] T.P., I, p. 135.

[26] Ibidem, I, pp. 85-87, n. 1.

[27] Pravda, 25 décembre 1918. Voir la réponse de Trotsky dans T.P., I, pp. 204-209.

[28] T.P., I, pp. 249-250.

[29] Ibidem, pp. 565-567.

[30] Ibidem, pp. 578-581.

[31] Cité dans Staline, pp. 462-463.

[32] Ibidem,p. 463.

[33] T.P., pp. 594-597.

[34] Ibidem, I, p. 390.

[35] Ibidem,p. 392.

[36] Ulam, op. cit., p. 445.

[37] KaK, II. p. 540.

[38] Ibidem, II, p. 565.

[39] M.V., III, p. 132.

[40] Ibidem,pp. 171-172.

[41] KaK, III, p. 301.

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