1952

« De même que la propriété par un groupe d'actionnaires d'une entreprise capitaliste s'accompagne du droit de voter au sujet de son administration et de décider la nomination ou le renvoi de ses directeurs, la propriété sociale de la richesse d'un pays doit s'exprimer par le pouvoir donné à la société de décider de son administration ainsi que de la nomination ou du renvoi de ses dirigeants. Les « démocraties populaires » sont basées sur des conceptions différentes. Une dictature policière et bureaucratique s'est établie au-dessus du peuple et demeure indépendante de la volonté de celui-ci, tout en prétendant gouverner au nom de ses intérêts. »

Tony Cliff

Les satellites européens de Staline

1952

Les armées soviétiques pénétrèrent dans un certain nombre de pays européens au cours de la seconde guerre mondiale et y séjournèrent pendant plusieurs mois ou plusieurs années : la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Roumanie, la Bul­garie, la Yougoslavie, les zones russes d'Autriche et d'Allemagne. L'étude des conditions dans lesquelles vivent les cent millions d'habitants de ces régions présente un grand intérêt intrinsèque, intérêt qui grandit encore du fait qu'une telle étude jette un jour tout particulier sur les réalités russes. « Une armée dehors, c'est l'État qui voyage», a dit Napoléon, et l'influence exercée par ces « armées soviétiques du dehors » nous renseigne efficacement sur l'essence même de l'État soviétique. Le « rideau de fer » abaissé entre les satellites russes et le reste du monde présentant plus de failles que celui tiré entre la Russie elle-même et ce monde, il est plus facile de scruter à travers lui la véritable nature du régime stalinien en examinant les conditions régnant dans ces satellites. Ces conditions sont à jauger dans le dynamisme des changements qu'elles ont connus, dans le dynamisme de l'ascension et de la consolidation au pouvoir des partis communistes.

C'est bien un parti communiste qui domine également dans la zone soviétique d'Allemagne ; j'ai cependant jugé préférable de ne pas inclure celle-ci dans mon étude parce qu'il est impossible de l'étudier sans étudier simultanément l'ensemble de l'Allemagne et d'aborder ainsi une question extrêmement vaste et compliquée. J'ai de même exclu l'Albanie de ces pages parce qu'on ne dis­pose, au sujet de ce minuscule pays, que de renseignements rares et incomplets.

Quand on traite un sujet d'histoire contemporaine, on s'expose toujours au danger de voir le manque d'éloignement dans le temps fausser la connaissance véritable et l'impartialité scienti­fique ; on court le risque de donner l'impression d'être plus absolu que ne le permettrait ce qu'on sait réellement du sujet et de formuler des conclusions non complètement dégagées d'inter­prétation personnelle. Le seul remède est de ne pas se départir de la scrupulosité réclamée par la science. S'il ne faut pas oublier les difficultés que comporte cette étude de l'histoire contemporaine, il est cependant indispensable de la faire, car elle fait partie de l'Histoire elle-même ; l'effort pour comprendre et critiquer le phénomène historique est justement, si imparfait qu'il soit, un agent de la transformation de celle-ci.

Pour rédiger ce livre, j'ai utilisé principalement les sources officielles : publications des gouvernements et des partis commu­nistes des pays de l'Europe orientale, et ai été grandement aidé, à cet égard, par les représentants diplomatiques et les services d'information de ces pays.

Je dois beaucoup de reconnaissance aux bibliothécaires du British Museum et de Chatham House, pour leur assistance inlas­sable. J'en dois aussi beaucoup à de nombreux réfugiés venus de ces pays, qui m'ont procuré des livres, des opuscules et des docu­ments relatifs à mon sujet et que je n'aurais pu obtenir autrement, ainsi qu'à ceux qui m'ont donné de précieux conseils sur l'en­semble ou certaines parties de mon manuscrit, particulièrement à MM. A. Ciolkosz, L. Slutsky et S. Vaslev. Je tiens à souligner que, si leurs conseils et leurs avis m'ont été extrêmement utiles, ils ne sont en aucune façon responsables des erreurs de jugement ou de fait qui pourraient se rencontrer dans mon ouvrage. Je désire éga­lement remercier le Dr O. Sheehy-Skeffington, du Trinity College de Dublin, qui a bien voulu corriger mon style, ainsi que ma femme, qui a préparé le manuscrit pour l'impression.

Londres, février 1951.

Ygael Gluckstein.

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