1939

Première partie de La Bureaucratisation du Monde, 1939.

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Le collectivisme bureaucratique

Bruno Rizzi

 


3

La propriété de classe

Etant donné que Trotski attribue une valeur incommensurable au fait que la contradiction n'a pas passé du domaine de la répartition à celui de la production, on pense qu'il conçoit la production soviétique comme ayant la marque prolétarienne. Il nous semble que, cette fois encore, il y a un mirage, dont ce n'est pas nous les victimes.

Du seul fait que la propriété est nationalisée et l'économie planifiée, on pense que la production est d'une qualité suffisamment socialiste pour nous assurer la permanence de l'Etat ouvrier. En réalité tout le système de production demeure collectif, comme dans l'organisation de grandes entreprises capitalistes, tandis que la propriété passe de la forme privée à la collective. Il s'ensuit, par conséquent, que si les caractéristiques économiques sont les seules déterminantes de la nature d'un Etat, nous sommes réduits, pour ce qui est de l'U.R.S.S., aux nationalisations et aux plans étatiques.

Il nous reste à voir ce que représente en effet la nationalisation de la propriété en U.R.S.S. C'est ici que nous aussi, sans avoir la prétention d'être des marxistes orthodoxes, nous nous permettons d'examiner le dessous des faits. La nationalisation de la propriété a été certainement la première mesure révolutionnaire que la classe prolétarienne au pouvoir a décrétée dans le but d'une construction socialiste. Mais celle-ci s'est arrêtée avec la dégénérescence stalinienne et il est logique de rechercher ce qu'est devenue cette nationalisation dans le domaine social, puisqu'elle devait être suivie de la socialisation de la propriété. On nous dit, d'une manière fort simpliste, que la propriété est nationalisée. C'est bien peu pour des marxistes scientifiques. Qui est-ce qui la dirige cette propriété ? Ce n'est certainement pas le prolétariat, mais plutôt la bureaucratie soviétique. Au camp d'Agramant, tout le monde est d'accord sur ce point. Trotski ajoute que la répartition des produits est faite de manière que la bureaucratie s'octroie la part du lion. Nous nous demandons quelle sorte de propriété « nationalisée » est celle-ci, une propriété que dirige exclusivement une classe s'emparant ensuite des produits d'une manière aussi effrontée que celle employée par la vieille bourgeoisie. En effet, il existe en Russie une classe exploiteuse, ayant en main les moyens de production et elle se conduit en propriétaire de ceux-ci. Les membres de cette classe ne partagent pas cette propriété, mais eux-mêmes, en un bloc formant une classe, sont les possesseurs réels de toute la propriété nationalisée.

La propriété, après avoir été à tout le monde, et par conséquent elle n'existait pas pour les hommes des âges très anciens, a passé collectivement aux communautés pour se transformer après en propriété privée. Maintenant il semble qu'elle reprenne une forme collective sous l'aspect de propriété de classe.

En Russie la classe exploiteuse est devenue la propriétaire, ainsi elle a concrétisé son essence juridique-sociale. Pour éviter l'assaut des travailleurs, elle les charme par les « nationalisations » de la propriété, comme si, en effet, cela pouvait représenter une propriété à tous. Malgré cela elle a peur et, ne pouvant pas développer son travail dans un milieu démocratique, elle est condamnée, du moins à ce moment, à construire un Etat policier. Les formes de propriété doivent aller du même pas que le système de production. Si la classe exploiteuse n'est pas à la hauteur de la tâche que l'histoire lui a assignée, elle tombe en dissolution, il en sort une nouvelle classe que nous pouvons qualifier historiquement de parasitaire. Voilà qui, peut-être, concrétise la condamnation de l'histoire. La contradiction, propre à la société capitaliste, entre la manière de production et la forme de propriété, se trouve résolue en U.R.S.S. même sans la réalisation du socialisme et l'élévation du prolétariat en classe dominante. L'exploitation reste, mais au lieu d'être exercée sur l'homme par l'homme, elle est exercée sur une classe sociale par une autre classe. L'exploitation de l'homme, sous la poussée de l'inévitable développement économique, a pris une nouvelle forme. La propriété privée est devenue collective, mais elle est à une classe. Nous ne saurions définir d'une manière différente cette propriété « nationale » qui n'est pas à tout le monde, cette propriété qui n'est ni bourgeoise, ni prolétarienne ; elle n'est ni privée, ni socialiste non plus.

Trotski ne réussit pas à concevoir, en Russie, la nouvelle classe exploiteuse, il ne réussit pas à concevoir la progressive pulvérisation de la bourgeoisie dans le monde, il n'entrevoit pas la détermination toujours plus remarquable de la propriété de classe non seulement en Russie, mais dans les pays totalitaires aussi. Il conçoit le monde « comme une société bourgeoise pourrissante ». C'est bien peu pour un marxiste qui prétend à l'analyse scientifique. De Mussolini à Labriola, de Tardieu à Wallace, toute la littérature de ce quart de siècle n'est qu'une accusation et du sarcasme à l'adresse de la vieille société bourgeoise. On a chanté le De profondis au capitalisme dans toutes les langues. Il nous semble que la tâche des marxistes scientifiques, les dépositaires de la dialectique de la lutte de classes, n'est pas celle de se tirer d'affaire par une définition banale. Leur tâche, à ces marxistes, c'est précisément de voir quel est le mouvement des classes, en cette époque où finit le capitalisme, et ensuite de fixer les nouvelles formes de propriété et les nouveaux rapports sociaux. Nous voyons ainsi que la célèbre plus-value n'a même pas disparu dans cet Etat devinette qu'est l'Union Soviétique. Là-dessus tout le monde est d'accord, tandis que les dissensions surviennent lorsqu'il s'agit de déterminer où cette plus-value va finir. Est-ce qu'elle va à la bourgeoisie inexistante ? Non. Peut-être va-t-elle aux ouvriers ? Point du tout, car, dans le cas contraire, se réaliserait le fait d'un socialisme en construction dans un seul pays et précisément dans celui du « grand mensonge ». Peut-être devons-nous penser que la plus-value va à l'Etat ouvrier ? Pour les r aisons susdites, ce serait le triomphe du stalinisme dont Trotski est l'ennemi n° 1. Si quelqu'un prétendait que la plus-value a disparu au pays des Soviets, il faudrait en déduire que la force-travail aussi n'est plus achetée. Alors le socialisme serait une réalité, contre toute évidence.

En réalité, il n'y a qu'une réponse possible et admissible : la plus-value passe à la nouvelle classe exploiteuse, à la bureaucratie en bloc. Quand on admet que la société bourgeoise est en train de se décomposer, cela signifie que cette société perd ses caractéristiques économiques, cela signifie aussi que les caractéristiques particulières de la classe dominante disparaissent et que la société se transforme. Le phénomène, complet dans le soi-disant Etat soviétique, est en train de se former partout dans le monde. La propriété de classe qui en Russie est un fait, n'est certainement enregistrée par aucun notaire ni par aucun cadastre. La nouvelle classe exploiteuse soviétique n'a pas besoin de ces balivernes. Elle a la force de l'Etat en main, et cela vaut beaucoup plus que les vieux enregistrements de la bourgeoisie. Elle sauvegarde sa propriété avec les mitrailleurs, dont son appareil d'oppression tout-puissant est fourni, et non pas par des actes notariés.

Si la thèse de la propriété nationalisée, conçue réellement comme appartenant à tout le monde, peut être soutenue par le fascisme avec ses conceptions de collaboration des classes et de l'Etat au-dessus des classes, nous ne comprenons pas comment des marxistes, même scientifiques, peuvent se tirer d'affaire sur ce point. Suivant Marx et Lénine, l'Etat n'est que l'organe d'oppression de la classe dominante. En effet, tant qu'il existe, l'Etat, les classes restent et la propriété, sous l'égide de l'Etat, est gérée par la classe dominante se servant de son appareil de domination.

En parlant à la manière des marxistes, le concept de la propriété nationalisée n'aucun sens, il est antiscientifique et antimarxiste. Selon Marx, la propriété, de privée, devait devenir socialiste et socialiste il l'entendait, du moins à la forme potentielle, même dans la période de la dictature prolétarienne. Suivant la théorie marxiste, derrière l'Etat il y a toujours la classe, et si la possibilité d'une forme intermédiaire de propriété (la propriété de classe) n'a pas été prévue, cela vient presque certainement d'un faux calcul tenant pour sûre la rapide disparition des classes après que le prolétariat aura pris le pouvoir. En réalité pendant la dictature du prolétariat, la propriété prend le caractère de classe, elle appartient aux travailleurs qui la gèrent, elle manifeste son caractère socialiste seulement dans une manière potentielle. Si la propriété est nationalisée dans un régime non prolétaire, elle perd aussi son caractère potentiel de propriété socialiste, elle ne reste qu'une propriété de classe.

Dans le cas de l'U.R.S.S., un Etat où la bourgeoisie a un poids négligeable, si l'organisation de l'Etat reste, cela signifie que deux classes, au moins, sont encore en vie et qu'elles sont efficientes. Si le bon sens se refuse à retenir les travailleurs soviétiques comme les propriétaires des moyens de production, il est logique de penser que la propriété de ceux-ci appartient effectivement à la bureaucratie. Un commis ! Loin de là, il s'agit d'un propriétaire bien défini ! Le fait qui, avec beaucoup de probabilité, est à l'origine non seulement de la discorde au camp d'Agramant, mais aussi de la confusion politique du monde, c'est de ne pas avoir prévu une forme transitoire de propriété entre propriété privée et propriété socialiste. D'ailleurs, partout on qualifie de socialisme ou de capitalisme l'oeuvre de Staline, de Mussolini ou de Hitler, tandis qu'en réalité il ne s'agit que d'un collectivisme bureaucratique.

Au camp d'Agramant on fait des efforts terribles de parer ces déductions logiques : on dirait que c'est là un choeur de chats en rut, occupés pendant les nuits de mars à déchirer notre âme par leurs lugubres hurlements.

Le lieutenant Naville, à qui on avait demandé « quelle différence y avait-il entre la propriété privée et la propriété collective, si seule une bureaucratie peut profiter de celle-ci », répond « qu'il n'y aurait qu'une différence de degrés entre la propriété privée capitaliste et la gigantesque propriété » privée» de la « bureaucratie» ». Une fameuse trouvaille ! La propriété de plusieurs millions de citoyens, considérés comme un ensemble social, demeurerait encore une propriété privée. Mais veut-il alors nous dire, ce marxiste scientifique, qu'est-ce qu'il entend par propriété collective ? Peut-être une somme de beaucoup de petites propriétés privées. Et pourquoi ne resterait-elle pas privée la propriété socialiste, s'il est question seulement de degré ? Peut-être ce Solon prend la Société humaine pour une société anonyme par actions ? On doit considérer les Sociétés humaines par la synthèse et non par les séries. La propriété privée demeure telle tant que « l'étatisation » continuelle ne change pas ses caractéristiques. Même le capital n'est pas tel tant qu'il n'a pas atteint une certaine ampleur. La loi dialectique de Hegel, de la transformation de la quantité en qualité, vaut aussi pour la propriété, cela nous le disons, sauf, ou non, la permission de tout le camp d'Agramant. La première cristallisation de la propriété collective s'identifie à la propriété de classe, même sous l'égide du prolétariat. Les marxistes n'ont prévu et n'ont pas vu cela, mais c'est là une autre affaire.

Si, d'après Naville, la propriété des étatisations fascistes reste privée, - n'importe si ce procédé va submerger tout le capitalisme - nous ne voyons pas la raison suivant laquelle nous ne devons pas considérer aussi comme privée la propriété des nationalisations soviétiques, étant donné qu'en Russie le procédé est complètement acquis et la bureaucratie en est la grande bénéficiaire ! Suivant le raisonnement de Naville cette déduction est logique, même si elle est fausse. En Russie, en réalité, la nationalisation des moyens de production a créé une forme de propriété collective, mais de classe, qui résout l'antagonisme capitaliste entre la production collective et l'appropriation privée. Nous n'usons pas de deux poids deux mesures en examinant les faits sociaux. Nous affirmons aussi que le profond travail économique des Etats totalitaires, avec les nationalisations et les plans économiques, conduit à la disparition du même antagonisme. Cela a bien des conséquences sociales, savoir : l'apparition de la propriété de classe et de la domination de la bureaucratie, la pulvérisation de la bourgeoisie et la transformation des prolétaires en sujets de l'Etat.

En se rapportant à la bureaucratie en général, Naville continue : « Qu'elle ait ou non des titres de propriété (et elle n'en a pas), la bureaucratie ne peut disposer (répartir) librement ni d'un capital accumulé, ni de la plus-value produite. Il ne s'agit pas pour elle d'une propriété capitaliste privée, même à l'échelle des monopoles d'Etat. » Il nous semble que la vérité a un sens contraire. La bureaucratie soviétique, surtout, dispose des capitaux amassés et elle répartit la plus-value. Trotski arrive à dire : « Ce qui n'était qu'une déformation bureaucratique s'apprête maintenant à dévorer l'Etat ouvrier sans rien laisser, et à former sur les ruines de la propriété nationalisée une nouvelle classe possédante. »

Nous ajoutons : qui dirige l'économie ? Qui est-ce qui dresse les plans quinquennaux ? Qui établit les prix de vente ? Et qui les salaires ? Qui décrète les travaux publics, les installations industrielles, etc., si ce n'est la bureaucratie soviétique ? Et si la propriété n'était pas à la disposition de celle-ci, à la disposition de qui donc est-elle ? Qui est-ce qui est changé de la répartition de la plus-value ? C'est, peut-être, ou bien la morte bourgeoisie tsariste, ou l'impérialisme mondial, ou le prolétaire russe ? Naville ne nous donne pas d'explications et il continue : « S'agit-il d'une forme nouvelle de propriété, des rapports établis historiquement sur la base de l'appropriation collective, mais au bénéfice d'une classe particulière, la bureaucratie ? Dans ces cas, il faudrait admettre que la bureaucratie jouit du système comme une classe capitaliste , parce qu'elle s'approprierait la plus-value comme une entreprise capitaliste. »

Mais oui, parbleu, c'est précisément cela ; pourtant il faut admettre que la bureaucratie jouit du système divisant la société par classes, non comme une classe capitaliste, mais comme une classe bureaucratique. Elle s'empare de la plus-value, pas à la manière d'une entreprise capitaliste, mais comme une classe exploiteuse en bloc.

Au contraire, Naville répond de cette manière à la question qu'il se pose timidement « L'histoire démontre que le phénomène de la production et de l'appropriation de la plus-value n'est pas propre et limité au capitalisme libéral ou au monopole privé. La rente foncière et la plus-value, ont pris tout leur sens avec l'économie marchande puis le développement industriel. Elle continue à exister en U.R.S.S., malgré les dénégations de Staline, Boukharine et leur école. Seulement elles sont nationalisées, et là gît une différence essentielle . Si l'on veut éclairer la nature de la société soviétique actuelle, c'est aussi de ce côté qu'il faut éviter les erreurs. »

Mis au pied du mur, se trouvant dans l'inéluctable nécessité d'admettre que la plus-value « prend tout son sens » dans le collectivisme bureaucratique aussi, le disciple de Trotski tourne l'obstacle d'une façon peu scientifique. Il souligne la position ambiguë, antimarxiste et réactionnaire d'après laquelle la rente foncière et la plus-value seraient nationalisées dans la société soviétique. Il y remarque aussi une différence essentielle !

Nous allons lui répondre par les paroles de son maître qui, dans La Révolution trahie , s'exprimait ainsi: « Il n'est pas contestable que les marxistes, à commencer par Marx lui-même, aient employé à l'égard de l'Etat ouvrier les termes de propriété «étatique», «nationale» ou «socialiste» comme des synonymes. A de grandes échelles historiques, cette façon de parler ne présentait pas d'inconvénients. Mais elle devient la source de fautes grossières et de duperies dès qu'il s'agit des premières étapes non encore assurées de l'évolution de la société nouvelle isolée et en retard au point de vue économique sur les pays capitalistes.

« La propriété privée, pour devenir sociale, doit inéluctablement passer par l'étatisation, de même que la chenille, pour devenir papillon, doit passer par la chrysalide. Mais la chrysalide n'est pas un papillon. Des myriades de chrysalides périssent avant de devenir papillons. La propriété de l'Etat ne devient celle du «peuple entier» que dans la mesure où disparaissent les privilèges et les distinctions sociales et où, par conséquent, l'Etat perd sa raison d'être. Autrement dit : la propriété de l'Etat devient socialiste au fur et à mesure qu'elle cesse d'être propriété d'Etat. Mais au contraire : plus l'Etat soviétique s'élève au-dessus du peuple dilapidateur comme le gardien de la propriété et plus clairement il témoigne contre le caractère socialiste de la propriété étatique. »

Aussi ne semble-t-il qu'à la suite d'une soi-disant nationalisation de la propriété, la rente foncière et la plus-value soient effectivement nationalisées, c'est-à-dire appartenant à tout le peuple. Il n'existe aucune différence essentielle si ce n'est celle-ci : ce n'est plus la bourgeoisie la classe exploiteuse qui touche la plus-value, mais c'est la bureaucratie qui s'est décernée cet honneur. Naville joue sur l'identité existant entre la propriété nationalisée et la propriété socialiste, ce qui ne nous semble ni trop scientifique, ni trop marxiste.

Au temps de Marx une telle faute était excusable, mais cette même faute est impardonnable aux disciples puisque maintenant les prévisions du Maître, même si elles ne sont pas claires, prennent une substance sociale.

Veut-on apurer la « nature de la société actuelle » ? Il faut précisément éviter des erreurs de ce côté et approfondir ce que représente, en parlant socialement, la propriété nationalisée ? C'est entendu que ce travail doit être fait d'une manière scientifique, marxiste, si cela leur plaît mieux, aux chevaliers d'Agramant. Nous ne prétendons pas que notre travail soit complet, nous l'avons seulement ébauché.

En suivant cette voie, même l'avènement de l'Etat totalitaire dans le monde deviendra plus clair à ceux qui, jusqu'ici, nous ont montré une incompréhension complète à l'égard du fascisme, qu'ils flétrissent, le tenant pour le sauveur et la continuation du capitalisme.

Dans ces régimes une nouvelle classe dirigeante en formation déclare que le capital est au service de l'Etat. Cette classe fait suivre les faits, fixe déjà en grande partie les prix des marchandises et les salaires des travailleurs, elle organise sur un plan préétabli l'économie nationale.

Evidemment la propriété des moyens de production ne s'individualise pas d'une manière aussi simple que celle des moyens de consommation. Ceux-ci sont d'un usage personnel, mais ceux-là sont plus immobiles que les montagnes. Il n'y a aucun propriétaire, ni aucune classe, ni aucun Etat qui puisse les mettre sur son dos, et les entraîner où bon lui semble. Aussi n'y a-t-il pas à s'étonner s'il arrive des moments où il est difficile de déterminer la propriété.

A notre sens, en U.R.S.S., les propriétaires, ce sont les bureaucrates, car ce sont eux qui tiennent la force entre leurs mains. Ce sont eux qui dirigent l'économie, ainsi que cela était normal parmi les bourgeois. Ce sont eux qui s'approprient les profits, ainsi que cela est régulier chez toutes les classes exploiteuses, et qui fixent les salaires et les prix de vente des marchandises : enfin ce sont, encore une fois, les bureaucrates.

Les ouvriers ne comptent pour rien dans la direction sociale, plus encore, ils n'ont aucune part aux recettes de la plus-value et, ce qui est pis encore, ils ne sont pour rien dans la défense de cette étrange propriété nationalisée. Les ouvriers russes sont encore des exploités, et ce sont les bureaucrates leurs exploiteurs.

Maintenant la propriété nationalisée de la révolution d'Octobre appartient comme un « Tout » à la classe qui la dirige, l'exploite et … la sauvegarde : c'est une propriété de classe.

Le système de production collective s'est intégré pendant l'évolution capitaliste ; par ce système, la propriété privée ne pouvait pas échapper à la collectivisation. La réalité c'est que la propriété collective n'est pas sous la protection de la classe prolétarienne ; mais elle est sous la protection d'une nouvelle classe représentant en U.R.S.S. un fait social accompli, tandis que dans les Etats totalitaires, cette classe est en train de se former.


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