1965

"(...) de toute l'histoire antérieure du mouvement ouvrier, des enseignements de toute cette première période des guerres et des révolutions, de 1914 à 1938, analysés scientifiquement, est né le programme de transition sur lequel fut fondée la IV° Internationale. (...) Il est impossible de reconstruire une Internationale révolutionnaire et ses sections sans adopter le programme de fondation de la IV° Internationale comme base programmatique, au sens que lui conférait Trotsky dans la critique du programme de l'I.C. : définissant la stratégie et la tactique de la révolution prolétarienne."


Stéphane Just

Défense du trotskysme (1)


5

L’économisme et la théorie de l'état

Il y a révolution politique et révolution politique

Dans le paragraphe III des mêmes thèses, intitulé « Le programme de la IV° Internationale pour la révolution politique », on lit :

« ... Il ne s'agit pas d'un programme de revendications immédiates ou transitoires, qui pourraient conduire aux premières actions de masse contre la dictature bureaucratique. De telles revendications, suivant en général la ligne des revendications incorporées dans le Programme de transition pour l'U.R.S.S. doivent être élaborées par les marxistes révolutionnaires de l'Union soviétique et des pays de « démocratie populaire », sur la base des conditions concrètes qui existent dans ces pays... »
(Idem, p. 93.)

Alors, de quoi s'agit-il ?

«  Le programme esquissé ci-dessous est celui que les marxistes révolutionnaires présentent aux masses déjà réveillées et politiquement actives, à la veille, pendant et au lendemain de l'éclatement de la révolution politique. »

Sauf erreur, de façon extrêmement résumée, le programme de transition pour l'U.R.S.S., c'est précisément le programme de la révolution politique. Sauf erreur également, les luttes révolutionnaires d'Europe orientale, qui ont atteint leur sommet avec la révolution hongroise, c'est précisément cela, la révolution politique. Alors, que signifie ce méli-mélo ?

« Un tel programme (doit s'appuyer sur) les expériences, aussi bien positives que négatives (Quelles sont ces expériences positives et surtout ces expériences négatives ?)... des pays dits de « démocratie populaire » et des revendications avancées par l'avant-garde prolétarienne et par la jeunesse révolutionnaire en lutte ouverte contre la dictature bureaucratique pour l'affirmation d'un véritable pouvoir soviétique (notamment les 16-17 juin 1953 à Berlin-Est et dans toute la D.D.R.; fin mai 1953 en Tchécoslovaquie; les révoltes à Vorkhouta et dans les autres camps de travail forcé en U.R.S.S. depuis le deuxième semestre 1953; la grève de juin 1956 à Poznan, etc., etc.). »

Point final. Nous savons du même coup ce qui est surtout négatif : la révolution hongroise. Le sphinx Germain a livré son secret par omission... : la révolution hongroise a été quelque chose de négatif, il ne fallait pas la faire.

L'attitude qu'il prend face à la révolution et ses problèmes constitue évidemment le test décisif pour un révolutionnaire. Ce test, Germain l'a passé comme un centriste qu'il est. La IV° Internationale « s'indigne » du « chauvinisme de grande nation », le « nationalisme des petites nations opprimées n'est souvent qu'une déformation de la juste révolte des masses » ; « Républiques socialistes soviétiques indépendantes... » ; « Tout le pouvoir aux soviets ! » « Vive la révolution politique ! » ; oui, mais il faut «  défendre tous les Etats ouvriers contre l'impérialisme » ; « la révolution hongroise comportait un début de contre-révolution », en un mot, elle était inopportune. Voilà comment raisonne un centriste.

Un trotskyste, lui, constate qu'en U.R.S.S. comme en Europe orientale, le plus grand ennemi de la révolution prolétarienne, c'est la bureaucratie du Kremlin; qu'en Europe orientale elle a étranglé la révolution une première fois en 1943-1945, et une deuxième fois en 1953-1956; que, par son action « militaro-bureaucratique », elle fait renaître à chaque instant les forces pro-bourgeoises; que « l'assimilation structurelle  »   ne peut se faire que dans le respect du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes; que la révolution politique est la seule façon d'achever la révolution prolétarienne en balayant les tendances pro-bourgeoises et la bureaucratie. Il soutient inconditionnellement la lutte engagée par les travailleurs de ces pays, en mettant en avant la revendication très concrète du retrait des troupes oppressives de la bureaucratie du Kremlin. La meilleure défense des états ouvriers, c'est la révolution politique.

Mais un centriste oublie rapidement ses « douloureux problèmes ». Des siècles (six ans) après la révolution hongroise et les thèses « Déclin et chute du stalinisme », en, 1963, dans la « Résolution adoptée par le congrès de réunification de la IV° Internationale » sur « Le conflit sino-soviétique et la situation en U.R.S.S. et dans les autres Etats ouvriers », Germain écrit :

« Après la nouvelle ligne adoptée par l'U.R.S.S. en 1956-1957 dans ses rapports avec les démocraties populaires, le facteur national, si important dans l'après-guerre et jusqu'y compris l'affaire hongroise, joua un rôle décroissant. (Témoin, le mur de Berlin !) Au fur et à mesure que les vestiges des anciennes classes dominantes disparaissent et que les démocraties populaires acquièrent une structure analogue à celle de l'Union soviétique, les conflits et problèmes propres à celle-ci ont tendance à se produire également dans les démocraties populaires, bien que sous des formes spécifiques a ces pays.  »
(« Quatrième Internationale », n° 19, 3° trimestre 1963, p. 62.)

Germain nous avait bien laissé entendre que la révolution hongroise était une sombre affaire dont le deus ex machina était «  les vestiges des anciennes classes dominantes  ». Il n'y a plus (ou presque plus) d'oppression nationale; par des moyens qui ne sont plus (ou presque plus) militaro-bureaucratiques, la bureaucratie du Kremlin réalise «  l'assimilation structurelle  », donc plus besoin (ou presque plus) de « Républiques socialistes soviétiques indépendantes... » (voir la liste), etc., etc.

Quant au «  programme » de la « révolution politique », programme ultra-démocratique, mais qui faisait abstraction des questions concrètes de la révolution politique en Europe orientale, il est remisé au magasin des accessoires.


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