1971

"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale."


Stéphane Just

Défense du trotskysme (2)

1

L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme ou nouvelle époque historique ?


Mai‑juin 68 en France, août 68 en Tchécoslovaquie: le prolétariat riposte

Telle est le dynamisme de l'économie capitaliste mondiale. La croissance des moyens de production est commandée par la croissance des forces destructives et menace de destruction finale l'humanité. Marx avait raison : à un certain point du développement du mode de production capitaliste les rapports de production bourgeois ne peuvent plus permettre la croissance des forces productives et finalement la croissance des moyens de production, la science et la technique mettent en cause l'existence même de la force productive par excellence, l'humanité socialisée, à commencer par le prolétariat.

Déjà la « prospérité » des principales puissances impérialistes a comme contre partie le rejet dans la famine de milliards d'hommes en Asie, en Afrique, en Amérique Latine. Sur un autre plan, le parasitisme de l'économie capitaliste se traduit par un phénomène d'une importance majeure : le nombre des salariés a cru considérablement dans les pays capitalistes développés, mais le nombre de ceux employés dans un travail productif a diminué, en relation avec le parasitisme sous toutes ses formes, forces répressives, appareil d'État, appareils administratifs, secteur dit « tertiaire », etc... plus les ouvriers d'industrie employés directement à la production d'armements. Les exigences de la mise en valeur du capital sont devenues telles qu'elles imposent une remise en ordre, du point de vue capitaliste, de l'enseignement, de la formation professionnelle, des services de santé, de tous les services publics, de l'industrie, de l'agriculture, etc. etc. Le droit au travail, le droit à l'enseignement, à un minimum de culture, à la santé, jusqu'au droit au logement, de milliers et de milliers de travailleurs, de jeunes, de membres de la petite bourgeoisie, est mis en cause.

La solution capitaliste à la crise de l'impérialisme existe. Pour le capital il n'y a pas de situations sans issue écrivait Lénine, et cette fois encore cela        est vrai. Elle consiste en : dévaluations massives et coordonnées des monnaies qui ruineraient la petite bourgeoisie et des sections importantes de la grande bourgeoisie, qui opéreraient des coupes sombres dans le pouvoir d'achat, qui mettraient en cause le droit à l'existence du prolétariat et de la jeunesse dans leur ensemble et qui amèneraient des millions et des millions de chômeurs ; le passage de l'économie d'armement à l'économie de guerre ; la destruction du monopole du commerce extérieur, la libre pénétration et circulation des marchandises et des capitaux dans les pays où le mode de production n'est plus capitaliste ‑ U.R.S.S., pays de l'Europe de l'Est, Chine ‑ qui signifierait la destruction de l'économie de ces pays, des dizaines de milliers de travailleurs rejetés du cycle de la production, la destruction de leurs conquêtes sociales, la mort par la faim et la misère de milliers d'entre eux acculés à la situation des masses coloniales les plus dénuées des Indes et d'ailleurs ; la guerre impérialiste la plus barbare qui soit, et dont celle menée par l'impérialisme américain au Vietnam n'est qu'un avant‑goût, afin de briser les prolétariats de l'U.R.S.S., de l'Europe de l'Est et de la Chine. Quelle « merveilleuse croissance des forces productives » !

Mais les « solutions » impérialistes ne peuvent être imposées que par une féroce lutte de classe qui brise les prolétariats aussi bien des pays capitalistes économiquement développés, que ceux des pays économiquement arriérés, que ceux de l'U.R.S.S., de l'Europe de l'Est, de Chine. Ainsi mai‑juin 68 en France s'éclaire d'une toute autre façon que ne le voudraient les révisionnistes, renégats à la IV° Internationale et autres : le prolétariat français, comme partie du prolétariat mondial, se saisissant de certaines conditions politiques, engagea le combat comme classe pour se défendre contre les prémisses ‑ car, considérées à l'échelle des besoins objectifs de l'impérialisme, les atteintes aux conquêtes, aux droits, garanties du prolétariat français, qui ont eu lieu, à ce jour ne sont que des prémisses ‑ de la barbarie impérialiste. Le processus de révolution politique en Tchécoslovaquie de l'été 68 procéda des mêmes raisons profondes. La bureaucratie du Kremlin et les bureaucraties satellites sont radicalement opposées aux nécessités de l'économie planifiée, aux exigences de la croissance harmonieuse des forces productives dans les pays où la bourgeoisie a été expropriée de la possession des principaux moyens de production. La croissance harmonieuse des forces productives dans ces pays exige, en effet, que la principale force productive, le prolétariat, contrôle l'élaboration et l'exécution du plan; elle exige l'égalité politique entre tous les prolétariats de l'Europe de l'Est, de l'U.R.S.S., de Chine, afin que soit intégré l'économie de tous ces pays en un ensemble proportionné sur une base coopérative; elle exige l'intégration de l'économie planifiée dans son ensemble à l'économie mondiale, son intégration à la division internationale du travail, par la révolution prolétarienne expropriant la bourgeoisie des principaux pays capitalistes; en un mot comme en cent, elle exige que le prolétariat s'empare dans tous les pays du pouvoir politique. La bureaucratie du Kremlin, les bureaucraties satellites, et aussi la bureaucratie chinoise, ne peuvent « partager » le pouvoir politique ; la défense de leurs privilèges le leur interdit.

Avec tous les moyens dont elles disposent, elles combattent les prolétariats de tous les pays pour qu'ils ne s'érigent pas en classe dominante, pré‑condition au développement harmonieux des forces productives. Par là même elles deviennent les courroies de transmission de la pression de l'impérialisme sur le prolétariat. Alors qu'elles sont en lutte avec l'impérialisme, elles le combattent avec leurs propres méthodes, qui sont : la course aux armements, la guerre froide, les tentatives de construire des économies autarciques, le pillage des ressources économiques des pays les plus faibles par la bureaucratie dominante qui s'efforce ainsi de desserrer les contradictions qui l'enserrent. Elles excluent les méthodes de la lutte des classes qui débouchent sur la révolution prolétarienne mondiale. Pourtant elles imposent à l'économie planifiée les pires distorsions qui ne sont rien d'autres que la projection, par le truchement des bureaucraties parasitaires, de la pourriture, de la décomposition vers lesquelles l'impérialisme entraîne le monde tout entier. Mais elles projettent, plus directement et plus brutalement encore, la pression de l'impérialisme et la décomposition qu'il entraîne dans les rapports sociaux de production, lorsqu'elles sont dans l'impasse, parce que les contradictions qui les enserrent se resserrent et qu'il leur faut s'affronter avec le prolétariat de leurs propres pays, tandis qu'elles redoutent l'effondrement de l'impérialisme sous les coups du prolétariat des pays capitalistes économiquement développés. Les rapports politiques que la bureaucratie du Kremlin et les bureaucraties satellites nouent avec l'impérialisme, les « réformes économiques » qu'elles mettent en place, depuis que se sont effondrées les mystifications staliniennes, présentées sous forme de « théorie » (les deux marchés mondiaux, les deux divisions internationales du travail, indépendantes les unes des autres) depuis que le prolétariat de l'Europe de l'Est et de l'U.R.S.S. a engagé la lutte pour les chasser du pouvoir politique, transposent brutalement la crise de l'impérialisme et ses conséquences en U.R.S.S. et dans les pays de l'Europe de l'Est.

Le processus de révolution politique que le prolétariat tchécoslovaque a engagé en avant‑garde du prolétariat de l'U.R.S.S., de l'Europe de l'Est, de Chine, est donc également la lutte contre les prémisses de la barbarie impérialiste, qui les menace et dont les bureaucrates parasitaires sont des expressions et les fourriers.

L'impérialisme est bien, selon la définition de Lénine : « le stade suprême du capitalisme », celui du « capitalisme pourrissant », de la « réaction sur toute la ligne ». Trotsky avait raison d'écrire, il y a plus de trente ans : « les forces productives ont cessé de croître » enserrées dans les rapports de production capitaliste, la propriété privée des moyens de production, les frontières nationales. La révolution d'Octobre a commencé à briser le carcan des rapports de productions bourgeois. L'U.R.S.S., les pays de l'Europe de l'Est, la Chine ont connu de ce fait un développement certain, mais néanmoins limité, de leurs forces productives. Cependant, en raison de leur gestion par les bureaucraties parasitaires, ce développement est ravagé de contradictions. Les rapports de productions bourgeois continuent à dominer l'économie mondiale. Les forces productives de l'U.R.S.S., de l'Est de l'Europe, de Chine étouffent également dans les cadres nationaux que leur imposent les bureaucraties parasitaires. Par le truchement des bureaucraties parasitaires, l'impérialisme exprime ses propres contradictions. La survie de l'impérialisme menace de détruire également les forces productives des pays où la bourgeoisie a été expropriée de la possession des principaux moyens de production. Mais l'impérialisme c'est aussi : « le prélude à la révolution sociale du prolétariat ». Commencée avec la révolution d'Octobre 1917, elle reprend un nouvel essor en même temps  que s'ouvre le processus de révolution politique qui permettra aux prolétariats de l'U.R.S.S., de Chine, de l'Europe de l'Est de se réapproprier leurs conquêtes. Mai‑juin 68 en France et août 68 en Tchécoslovaquie, sont des mouvements grandioses du prolétariat se dressant contre l'impérialisme, réaction sur toute la ligne, et ses agences, les bureaucraties parasitaires. Ils s'inscrivent entièrement dans le cours de la révolution prolétarienne mondiale, commencée en Octobre 1917, pour le socialisme, seule alternative à l'impérialisme.

Au fond c'est cela que renient aussi bien les révisionnistes renégats à la IV° Internationale, que les staliniens, que les maoïstes, que le P.S.U. Toutes leurs « savantes théories » sur la « croissance des forces productives », le « néo‑capitalisme », le « capitalisme monopolistique d'État », « la science et la technique forces productives directes », les « nouvelles couches sociales », ont un contenu de classe : dénier au prolétariat sa mission historique.

D'ailleurs ces « géniaux théoriciens » cachaient à peine, il y a fort peu de temps, ce qu'ils pensaient des couches décisives du prolétariat mondial...


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