1971

"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale."


Stéphane Just

Défense du trotskysme (2)

2

L'Impérialisme, la bureaucratie du Kremlin, les États-Unis Socialistes d'Europe


Mandel escamote la lutte de classe au profit de la “ guerre froide ”

L'exportation privée de capitaux américains relaiera les crédits de l'état bourgeois américain aux états bourgeois européens, surtout à partir de 1958. A cette situation, Mandel voit deux causes :

“ Face aux deux pôles que nous venons de décrire, le bloc oriental (Europe de l'Est, U.R.S.S.) et la révolution coloniale, la stratégie internationale américaine était finalement contrainte de restaurer et de renforcer la puissance économique de l'Europe occidentale et du Japon. C'est devenu un lieu commun de constater que la renaissance de l'Allemagne de l'Ouest et du Japon après la deuxième guerre mondiale fut le résultat de la “ guerre froide ”. Nous ne le contestons nullement. Il est évident, d'un point de vue historique, que les Etats‑Unis prirent en 1947‑48 la décision de remettre en selle leurs concurrents européens et japonais de peur de voir ces pays quitter le camp capitaliste. ” (Idem page 13).

Qu'en termes galants ces choses là sont dites. Mais où Mandel a‑t‑il pris cela ? Qu'il lise Germain, lequel expliquait au congrès mondial des renégats de la IV° Internationale en 1969, alors que paraissait en France le livre de Mandel “ La réponse socialiste au défi américain ” :

“ Pendant deux décennies le centre de gravité de la révolution mondiale s'était déplacé vers les pays coloniaux ou semi‑coloniaux, la victoire de la Révolution chinoise coïncidait avec la défaite de la vague révolutionnaire d'après guerre en Europe occidentale, la montée du maccarthysme aux Etats‑Unis. ”

Mandel est, cependant, aussi doué que Germain ! il brouille les cartes avec autant de plaisir que de facilité. Ce n'est pas pris entre “ les deux pôles ”, “ le bloc oriental ” et la “ révolution coloniale ” et comme “ résultat de la guerre froide ”, de peur que ces “ pays quittent ” (quelle merveilleuse expression !) “ le camp capitaliste ” que l'impérialisme américain dut “ remettre en selle ses concurrents européens et japonais ”. Le développement de la révolution dans les pays économiquement arriérés, les conquêtes révolutionnaires en U.R.S.S. étendues à l'Europe de l'Est, la menace du renversement du capitalisme par le prolétariat en Europe de l'Ouest et au Japon ( et non des “ pays qui quittent le camp capitaliste ”), forment un tout : la lutte des classes mondiale qui, au lendemain de la guerre, mettait à l'ordre du jour la révolution prolétarienne en Europe notamment.

La “ guerre froide ” est elle‑même conditionnée par la lutte des classes et le rôle que joue la bureaucratie du Kremlin. Contraint de reconstruire les états bourgeois d'Europe, parce qu'il est impossible d'écraser le prolétariat d'Europe, l'impérialisme américain oriente cette reconstruction dans le sens de la pression renforcée sur l'U.R.S.S. et les pays de l'Est de l'Europe. Il le doit, car en dernière analyse briser la puissance du prolétariat européen exige à la fois : maîtriser le prolétariat d'Europe occidentale, lui porter des coups décisifs, et cela, seuls pourraient éventuellement le réaliser des états bourgeois et des bourgeoisies européennes puissantes ; et broyer le prolétariat de l'U.R.S.S. et des pays attachés aux conquêtes d'Octobre étendues à l'Europe de l'Est, afin de s'ouvrir des débouchés à ses marchandises et à ses capitaux. Il le peut parce que la politique de la bureaucratie du Kremlin contient le prolétariat d'Europe de l'Ouest dans les limites du capitalisme, de l'état bourgeois, et ainsi permet que la pression impérialiste s'accroisse sur l'U.R.S.S. et l'Est de l'Europe en les coupant du marché mondial, de la division internationale du travail, et par la course aux armements. Mais ce faisant, il intègre à son propre état et à l'économie des U.S.A. les contradictions spécifiques du mode de production capitaliste en Europe, aggravée par la coupure de l'Europe en deux.

Germain‑Mandel, économiste distingué, manie les chiffres et les statistiques, ses livres en débordent, ils se répandent de tous les côtés. Quelle connaissance ! Quelle science ! Malheureusement il n'est pas marxiste. Il est pabliste, révisionniste, renégat à la IV° Internationale. Tout cela “ c'est de l'économie ”. Les rapports de classe qu'expriment ces chiffres et ces statistiques, Germain‑Mandel a pour fonction de les obscurcir. Le fait qu'entre 1945 et 1958 s'amenuisent les réserves d'or des U.S.A. et que croissent les réserves de moyens de paiements des pays capitalistes d'Europe, démontre que les U.S.A. ont intégré les contradictions de classes en Europe, sans pour autant les supprimer. Bien au contraire, l'impérialisme américain les a contenues mais les a rendues plus explosives à terme. L'avenir du capital européen, l'avenir du capital américain, de l'impérialisme en général, comme par ailleurs de la bureaucratie du Kremlin, se jouera dans la lutte de classe dans les pays économiquement développés et singulièrement en Europe, là où les contradictions de classe sont les plus explosives et où la puissance du prolétariat est formidable.


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