1971

"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale."


Stéphane Just

Défense du trotskysme (2)

2

L'Impérialisme, la bureaucratie du Kremlin, les États-Unis Socialistes d'Europe


Le prolétariat se “ sépare‑t‑il ” ou monte‑t‑il à l'assaut de l'impérialisme mondial ?

La division de l'Europe et du monde en deux systèmes de production différents est une situation transitoire, intolérable à la longue et pour l'un et pour l'autre des modes de production. Une fois de plus, il faut relever une expression de pendard de Mandel :

“ A la fin de la première guerre un grand pays s'était retiré du système impérialiste mondial ”,

Pas plus qu'à la fin de la première guerre mondiale, l'U.R.S.S. ne s'était “ retirée ” du système impérialiste mondial, les pays de l'Est de l'Europe, la Chine, ne s'en sont “ retirés ”. Trotsky caractérisait la guerre impérialiste comme la révolte des forces productives contre le carcan des frontières nationales. La Révolution Prolétarienne est au fond une autre forme de la révolte des forces productives contre la propriété privée des moyens de production et le carcan des frontières nationales. L'U.R.S.S. à la fin de la première guerre impérialiste, les pays de l'Est de l'Europe, la Chine, à la fin et à la suite de la seconde guerre impérialiste mondiale, sont les points de rupture de la chaîne impérialiste mondiale, sous l'effet de la révolte de la force productive par excellence qu’est la classe ouvrière, contre la propriété privée des moyens de production et les frontières nationales. Par sa lutte de classe, qui culmine avec la révolution prolétarienne, le prolétariat ne se “ sépare ” pas du système impérialisme mondial, il part à l'assaut du mode de production capitaliste à l'époque de l'impérialisme, pour le détruire et transformer les rapports de production à l'échelle mondiale. La querelle n'est pas une dispute de mots. Elle résulte du fossé, de l'abîme, qui sépare la conception marxiste, défendue par Trotsky, de la lutte de classe du prolétariat mondial et de la révolution prolétarienne mondiale de la “ théorie ” de “ la construction du socialisme dans un seul pays ”. Staline tirait le feu d'artifice de sa théorie en publiant “ Problèmes économiques du socialisme ” en 1952, avant de mourir, théorisant jusqu'au bout l'apparence immédiate de la coupure du monde en deux, juste au moment où Pablo‑Mandel‑Germain‑Frank et consorts “ découvraient ” la théorie des “ blocs ”.. Il affirmait que désormais il y avait deux marchés mondiaux, deux divisions du travail indépendantes les unes des autres. La “ guerre froide ”, la “ course aux armements ”, étaient précisément la démonstration inverse. Elles étaient imposées à l'U.R.S.S., aux pays de l'Est de l'Europe, à la Chine, par l'impérialisme comme un succédané de la guerre impérialiste, dans l'impossibilité de recourir à celle‑ci, compte‑tenu des rapports entre les classes à l'échelle mondiale, et singulièrement dans les pays économiquement développées, à ce moment. La nécessité de la guerre impérialiste provient de l'exigence d'exporter marchandises et capitaux, de s'emparer des forces productives de l'adversaire, de les adapter comme simple prolongement des moyens de production du vainqueur, sinon de les détruire. L'Est de l'Europe, l'U.R.S.S., la Chine étaient assiégées et agressés par l'impérialisme mondial, sous la direction de l'impérialisme américain lui‑même “ agressé ” par le prolétariat des pays capitalistes. La réponse stalinienne tentait de construire l'économie particulière et se suffisant à elle‑même de la bureaucratie du Kremlin, en subordonnant l'économie des pays de l'Europe de l'Est aux besoins de l'U.R.S.S. gérée par elle. La conception bureaucratique de la planification est aux antipodes de celle de Trotsky. Pour les staliniens, il s'agit de constituer une économie quasi fermée sur elle­-même, une sorte d'autarcie “ socialiste ”, en attendant de “ rattraper et dépasser l'économie capitaliste dans son ensemble ”. Pour Trotsky la planification en U.R.S.S. et, ultérieurement, en Europe de l'Est, en Chine, la croissance des forces productives dans ces pays, sont avant tout des éléments de la lutte des classes mondiale. Loin de construire une économie fermée sur elle‑même, il faut, autant que faire se peut, participer à la division internationale du travail, au marché mondial. L'important, le critère décisif de la planification, de la croissance des forces productives, c'est le renforcement du prolétariat, de son pouvoir, en U.R.S.S., par suite en Europe de l'Est, en Chine, et du prolétariat mondial. La tâche reste le renversement de la bourgeoisie partout, en particulier dans les pays capitalistes économiquement développés, la prise du pouvoir par le prolétariat. La planification, le développement des forces productives dans les pays où le capitalisme a été renversé et où le prolétariat a pris le pouvoir, participent de la lutte des classes mondiale. Naturellement, elles sont des éléments de la future économie socialiste mondiale et doivent être orientées vers cette perspective. Mais le socialisme prendra vraiment son essor lorsque l'ensemble des forces productives mondiales seront sous le contrôles du prolétariat, qu'il les organisera et qu'il harmonisera leur croissance à l'échelle mondiale. Le socialisme commence à se réaliser seulement lorsque les acquis du mode de production capitaliste sont dépassés dans tous les domaines, à commencer par le domaine fondamental des forces productives qui incluent la division internationale du travail, débarrassée des antagonismes et contradictions que le mode de production capitaliste engendre.

La conception stalinienne de la planification, de la croissance des forces productives, de la construction du socialisme dans les pays où la bourgeoisie a été expropriée de la possession des principaux moyens de production, procède directement de son parasitisme social. La bureaucratie planifie arbitrairement, par en haut, l'économie. Elle s'efforce d'échapper à la fois à la pression du prolétariat et à celle de l'impérialisme. Ses privilèges dépendent de son monopole du pouvoir politique, du monolithisme dans la gestion politique et économique de la société. L'Etat ouvrier dégénéré national, le cadre des frontières nationales, sont à l'origine et conditionnent ses privilèges et elle en est le prisonnier. Elle lutte de toutes ses forces pour le maintien de son monopole politique, des frontières et de l'Etat national dont dépendent ses privilèges. La “ théorie ” des “ blocs ”, reprise par les pablistes, lui convient particulièrement bien, puisqu'elle suppose le partage du monde en zones d'influence. Elle entend immobiliser dans le statu‑quo la lutte des classes mondiale à partir des positions occupées par elle‑même et l'impérialisme au lendemain de la deuxième guerre impérialiste mondiale.


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