1971

"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale."


Stéphane Just

Défense du trotskysme (2)

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L'Impérialisme, la bureaucratie du Kremlin, les États-Unis Socialistes d'Europe


Comment Trotsky répond et comment répond la bureaucratie

Le stade inférieur de la société socialiste, le commencement de la construction réelle du socialisme dépend de l'appropriation par le prolétariat des forces productives de l'ensemble du mode de production capitaliste, à l'échelle mondiale, de la réorganisation de la division internationale du travail, et de la réorganisation à partir d'elle des divisions nationales du travail. Trotsky expose en quels lignes parfaitement de quoi il s'agit :

“ Les processus de la construction économique n'évoluent pas encore pour l'instant dans une société sans classes. Les problèmes de la répartition du revenu national constituent la charnière du plan. ils s'infiltrent à travers la lutte des classes et des groupes sociaux, y compris les différentes couches du prolétariat lui‑même. Les problèmes sociaux et économiques les plus importants : la smytchka (la soudure) de la ville et de la campagne, c'est‑à‑dire la balance de ce que l'industrie reçoit de l'économie agraire et de ce qu'elle lui donne ; le rapport entre l'accumulation et la consommation, entre le fonds de la construction du capital de base et le fonds de salaires ; la régularisation des différentes catégories du travail (ouvriers qualifiés, non qualifiés, travailleurs occasionnels, spécialistes, bureaucratie dirigeante) ; enfin la répartition de ce revenu national qui se produit au village entre les différentes couches de la paysannerie. Tous ces problèmes, par leur seule existence, ne peuvent admettre les décisions a priori de la bureaucratie qui se met à l'abri de l'intervention de millions d'intéressés.
La lutte pour les intérêts vitaux, considérés comme les facteurs fondamentaux de la planification, nous introduit dans la sphère de la politique, qui est de l'économie concentrée. Les armées des groupes sociaux de la société soviétique sont (doivent être) : les soviets, les unions syndicales, les coopératives et, avant tout, le parti dirigeant. Seule la coordination de ces trois éléments, la planification étatique, le marché et la démocratie soviétique, peuvent assurer une direction juste de l'économie de l'époque de transition et assurer, non pas la mise à l'écart des disproportions en quelques années (cela est de l'utopie), mais leur amoindrissement et par là même, la simplification des bases de la dictature du prolétariat, jusqu'au moment où les nouvelles victoires de la révolution élargiront l'arène de la planification socialiste et reconstruiront son système. ” (Idem).

Au contraire de ce que prétend Mandel, la détermination des besoins sociaux, tout comme la répartition des moyens de production en vue de satisfaire ces besoins sociaux, ne peut encore se passer du marché, et les produits doivent exprimer en valeur la quantité de travail qu'ils cristallisent. Ils ne sont donc pas (moyens de production et moyens de consommation) de simples produits, mais des marchandises. La péréquation du taux de profit n'est cependant pas une nécessité ; les prix devraient tendre à exprimer plus étroitement la valeur réelle et être modifiés selon les nécessités sociales en connaissance de cause. La péréquation du taux de profit est indispensable au développement proportionnel des différents branches de la production dans le cadre du mode de production, qui ne peut s'en remettre qu'aux mécanismes automatiques du marché. Une connaissance des prix réels, déterminés par la quantité de travail socialement nécessaire, est indispensable à l'Etat ouvrier pour opérer la modification de prix , les transferts de valeur d'une branche de la production à l'autre, déterminer, orienter, organiser, selon un plan, la production, vérifier l'exécution du plan, le modifier. Mais les trusts livrés à eux‑mêmes, la production orientée selon le taux de profits, la planification se dissolverait, la propriété étatique des moyens de production deviendrait formelle.

La bureaucratie du Kremlin ne peut qu'errer entre une planification de plus en plus arbitraire ‑ source de gaspillage et de distorsions ‑ des prix arbitraires, etc, et la régulation par l'action directe du profit, c'est‑à‑dire la dislocation de la planification. Elle transpose dans la gestion de l'économie la lutte politique pour le maintien de son monopole politique sur l'Etat ouvrier dégénéré, source de ses privilèges. Elle se heurte au prolétariat qu'elle entend contraindre aussi bien par la force politique qu'à l'aide de moyens économiques : salaires arbitraires hautement différenciés, tentatives pour différencier et disloquer la classe ouvrière. Elle exprime en U.R.S.S. la pression de l'impérialisme, aussi bien lorsqu'elle engage la course aux armements, tente d'organiser une économie indépendante de l'économie mondiale, pille de mille moyens l'économie des pays de l'Europe de l'Est, que lorsqu'elle tente d'intégrer l'économie de l'U.R.S.S. au marché mondial et à la division internationale du travail. Elle accroît les disproportions, le gaspillage, l'arbitraire économique, et les antagonismes sociaux en U.R.S.S.


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