1971

"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale."


Stéphane Just

Défense du trotskysme (2)

2

L'Impérialisme, la bureaucratie du Kremlin, les États-Unis Socialistes d'Europe


Mandel partisan de la construction du socialisme dans un seul pays

“ Il y a une variante de cette interprétation stalinienne des deux secteurs (les deux secteurs de propriété de moyens de production : étatique et kolkozien) qui est la variante du commerce extérieur. On nous dit : même si tous les moyens de production étaient étatisés à l'intérieur d'un Etat ouvrier, la nécessité de la production marchande subsisterait encore du fait de la nécessité des échanges avec le monde extérieur. Ce n'est que la fameuse répétition du fameux argument de Staline pour justifier la survivance de l'Etat dans une société socialiste isolée, et il peut être réfuté de la même manière. Si vraiment, dans une économie socialiste hautement développée qui jouirait d'un niveau de productivité du travail très élevé, aussi élevé que celui des pays capitalistes les plus avancés, pour des raisons internes, on pourrait arriver à faire disparaître la production marchande, ce ne sont quand même pas les 5% ou les 10% du produit national brut qui feraient l'objet d'échanges avec l'étranger qui pourraient être la cause de la renaissance ou du maintien de la production marchande à l'intérieur du pays ! ” (Le point d'exclamation est de Mandel) (Idem page 116).

Il donne une réponse qui est une véritable escroquerie dans le contexte où il l'utilise ;

“ La production marchande survit dans cette société de transition entre le capitalisme et le socialisme essentiellement du fait du niveau insuffisant du développement des forces productives... La société ne dispose pas encore d'une quantité suffisante de valeurs d'usage pour satisfaire les besoins raisonnables (rien à faire, Mandel est un jocrisse : “ les besoins raisonnables ”) des travailleurs (idem page 117).

Hypocritement, Jocrisse‑janus‑Germain‑Mandel glisse de l'U.R.S.S. à une société de transition en général entre le capitalisme et le socialisme. Ensuite, il se rallie à Staline en faisant mine de s'en démarquer. Que peut bien être une “ société socialiste isolée ? ”. Mais l'U.R.S.S. bien sûr ! dont le commerce extérieur ne dépasse pas 5 à 10% du produit national brut. Il suffira que la productivité du travail en U.R.S.S. soit aussi élevée que celle des pays capitalistes, la production marchande disparaîtra par suite de “ quantités suffisantes de valeur d'usage pour satisfaire les besoins des travailleurs ”. Si toutefois ceux‑ci sont “ raisonnables ”. il s'agit de la construction du “ socialisme dans un seul pays ”.

Janus‑Germain‑Mandel, après avoir unifié pacifiquement l'Europe occidentale, non moins pacifiquement construit le  “ socialisme ” en Europe orientale et en U.R.S.S. Ainsi l'économie capitaliste européenne intégrée en Europe occidentale et l'économie “ socialiste ” en Europe de l'Est et en U.R.S.S. se développeront bien gentiment côte à côte l'une de l'autre, dans la meilleure des “ interdépendances ”. Pardon ! Pardon ! se fâche Mandel, dont la joie est gâchée, j'écris aussi :

“ Le fond du problème, c'est la détermination démocratique des objectifs et priorités du plan par la masse des travailleurs eux‑mêmes, réunis en congrès des conseils ouvriers et confrontées aux diverses variantes du plan entre lesquelles ils peuvent choisir. La démocratie socialiste sur le plan politique a essentiellement la fonction de rendre le choix possible et efficace, c'est‑à‑dire du permettre la liberté d'information, de discussion et d'organisation qui permet aux travailleurs de choisir la variante qui convient le mieux, en connaissance de cause. ” (Idem page 138).

Aimable Mandel qui écrit également :

“ Depuis 1960, on est en train de faire la réforme des prix en Union soviétique. On le fait par sondages successifs et on essaye notamment, à l'aide de machines à calculer électroniques, d'effectuer le calcul en heures de travail. Il s'agit d'un effort considérable de calculs d'une énorme complication. La solution purement pragmatique que je peux suggérer (à qui ? sinon à la bureaucratie) dans l'immédiat, c'est de dresser un inventaire total, c'est‑à‑dire de partir à zéro, d'effectuer dans chaque branche industrielle, à partir de toutes entreprises de chaque branche, la somme totale des dépenses de travail, d'arriver ainsi à des moyennes, d'évaluer des coûts de production à partir de cette enquête, coûts qui seront considérés donc (ou comme ? ) des prix réels et, à partir de ces prix établis, cette double comptabilité. ” (page 128).

Le partisan de la “ démocratie socialiste ” s'est transformé en conseiller économique de la bureaucratie. Comment résisterait‑il à participer au “ brain‑trust ” de la bureaucratie puisque

“ les exigences objectives du développement économique, vues à travers le prisme des intérêts de cette bureaucratie, réclament des réformes économiques qui sont petit à petit introduites dans ces pays. Les réformes peuvent être résumées dans la formule : rationalisation de la gestion bureaucratique ”. Il s'agit de substituer “ à des bureaucrates politiciens ” tatillons, brutaux, des bureaucrates “ essentiellement technocratiques, plus raffinés et plus savants ” (page 138).

Et Mandel a sa place partout où se trouvent des gens raffinés et savants. Quand à la “ démocratie socialiste ”, il en donne un aperçu :

“ je me demande s'il ne vaut pas mieux organiser un référendum sur la question de savoir si l'on préfère travailler trente‑cinq heures au lieu de quarante... plutôt que de faire trancher par les mécanismes aveugles du marché. ” (Page 160).

Qui osera dire que Mandel n'est pas un génie particulièrement savant. Personne n'avait encore pensé organiser la production par voie de référendum. Personne ne pouvait y penser... sauf lui.

La raison profonde du maintien des catégories marchandes en U.R.S.S., clans les pays de l'Europe de l'Est, en Chine, ainsi que des disproportions dans l'économie est sans conteste le niveau insuffisant des forces productives. Mais est‑ce réductible à l'économie de l'U.R.S.S., des pays de l'Europe de l'Est, de Chine ? Non ! Le retard des forces productives en U.R.S.S., leur développement au prix de disproportions, de crise de la planification est imputable avant tout à la “ théorie de la construction du socialisme dans un seul pays ”. Les catégories marchandes disparaîtront en U.R.S.S., en Europe de l'Est, en Chine, lorsque l'économie de ces pays sera intégrée comme une de ses composantes à la division internationale du travail, lorsqu'elle participera de la planification à l'échelle de l'Europe et du monde sous la dictature du prolétariat et qu'elle en bénéficiera. La société “ socialiste isolée ” est impossible, car encore une fois, l'une des principales forces productives est précisément la division internationale du travail. L'Allemagne, la France, l'Angleterre pour ne pas parler des. U.S.A., peuvent encore moins que l'U.R.S.S. ou la Chine pratiquer l'autarcie socialiste. Le développement des forces productives y exigent, d'autant plus impérativement qu'elles sont développées, leur intégration pleine et entière à l'économie mondiale. Mandel, une fois encore, révise Lénine et Trotsky. Il n'a rien compris ou rien voulu comprendre à “ l'impérialisme stade suprême du capitalisme ”, à la révolution prolétarienne mondiale, à la perspective des Etats‑Unis socialistes d'Europe.


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