1971

"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale."


Stéphane Just

Défense du trotskysme (2)

3

La voie froide coupée, révolution et contre-révolution à l'ordre du jour


Révolution et contre révolution s'aiguillonnent réciproquement.

L'impérialisme a besoin de trouver un exutoire à l'accumulation des capitaux, il ne peut laisser se développer sans réagir la lutte révolutionnaire des ouvriers et paysans vietnamiens, il lui est intolérable que l'exemple de la révolution chinoise continue à rayonner et à stimuler les combats des peuples opprimés et des prolétariats des pays économiquement arriérés. Cependant, la résistance des ouvriers et paysans vietnamiens à l'agression de l'impérialisme américain démontre ce que serait la résistance des ouvriers et paysans chinois. Militairement, l'impérialisme américain possède les moyens d'anéantir la Chine par l'apocalypse atomique. Mais une telle guerre ne peut être limitée à la Chine. Elle concernerait immédiatement et directement l'U.R.S.S., l'ensemble de l'Europe, le Japon. Elle requiert que l'impérialisme U.S. soit capable de faire supporter au prolétariat américain toutes les conséquences d'une guerre dont nul ne peut prévoir les développements et l'aboutissant.

Déjà, la pression conjointe de l'impérialisme américain et de la bureaucratie du Kremlin sur la Chine a fait surgir des conséquences extrêmement dangereuses pour l'impérialisme et la bureaucratie du Kremlin.

La bureaucratie chinoise n'est pas la bureaucratie du Kremlin : son histoire est différente, elle reste, dans son ensemble, beaucoup plus près des conquêtes de la révolution, ses privilèges sont beaucoup moins accentués, bien qu'ils existent et qu'elle y soit attachée. La lutte ne s'en est pas moins déclenchée à l'intérieur de la bureaucratie chinoise entre ses différentes couches, dont les unes cédaient à la pression de l'impérialisme et de la bureaucratie du Kremlin alors que les autres entendaient défendre à leur manière les conquêtes de la révolution chinoise, tout en restant dans la ligne de la coexistence pacifique à l'échelle internationale. Cette aile dut avoir recours à la « révolution culturelle », à une mobilisation déformée, limitée et contrôlée des masses, afin de briser la résistance de l'aile capitularde de la bureaucratie chinoise. Il est significatif pourtant que Mao Tsé toung et les couches de la bureaucratie qui se sont regroupées autour de lui durent faire appel aux masses, briser le Parti Communiste chinois, l'appareil des syndicats, ébranler l'appareil d'État, pour avoir raison de leurs adversaires. Sans doute, cela démontre que, malgré une histoire différente de celle de la bureaucratie de l'U.R.S.S., la bureaucratie chinoise a déjà secrété des couches, occupant ou contrôlant d'importantes positions politiques, qui sont prêtes à accepter la pénétration impérialiste. Il est non moins significatif que, mises en mouvement, les masses aient débordé les cadres qui leur étaient assignés, que de puissantes grèves aient éclaté en Chine du Nord, à Shangaï, que les étudiants mobilisés dans « les gardes rouges » aient mis en cause l'ensemble de l'appareil bureaucratique. Derrière la « révolution culturelle » se profilait la révolution politique. Mao Tsé toung et l'aile de la bureaucratie qu'il représente durent la combattre. Le IX° Congrès a marqué la reprise en main de l'appareil d'Etat, la reconstruction du parti, le refoulement des masses et, certainement, des compromis au sein de l'appareil entre les différentes couches qui le composent, sous la direction de Mao Tsé toung.

Il reste que la résistance de la bureaucratie chinoise à la pression conjointe a accentué la crise de l'appareil international du stalinisme. Les hurlements de bête fauve poussés par les Fajon et Cie au moment où la « révolution culturelle » ébranlait l'État, disloquait l'appareil du parti et des syndicats, ne trompent pas : tout l'édifice de l'appareil international du stalinisme se trouvait mis en cause, les rapports entre les masses et le parti, les rapports entre les militants et l'appareil du parti, les rapports entre l'appareil du parti et la bureaucratie du Kremlin et les rapports à l'intérieur de la bureaucratie du Kremlin. Selon les Fajon et Cie, Mao Tsé toung jouait à l'apprenti sorcier : il mettait en branle des forces qu'il n'était pas sûr de pouvoir contrôler. La Chine n'était pas seule concernée ; l'étaient également les rapports politiques en Europe entre l'appareil du stalinisme et de la classe ouvrière d'une part, au sein de l'appareil d'autre part ; les rapports, en Europe de l'Est et en U.R.S.S., entre les masses, la bureaucratie du Kremlin, les bureaucraties satellites, ainsi que les rapports à l'intérieur de celles ci et entre elles.

La résistance de la bureaucratie chinoise trouvait nécessairement un écho dans les couches des bureaucraties satellites et de la bureaucratie du Kremlin qui se sentent menacées par la capitulation et l'aide directe apportée, par le Kremlin, à l'impérialisme en général et à l'impérialisme américain en particulier, par la pénétration du capital en Chine et, bien sûr, par la guerre contre la Chine qui ne pourrait s'arrêter à la frontière Chine U.R.S.S. Or, derrière la « révolution culturelle », se profilait la révolution politique, au moment même où, en Europe occidentale, l'appareil stalinien devait, de toute façon, couvrir l'offensive du capital contre les positions conquises par la classe ouvrière, et alors qu'en U.R.S.S. et en Europe de l'Est, les bureaucraties parasitaires, aux prises avec une crise qu'elle sont incapables de résoudre, cherchaient une issue en réintroduisant les normes de rentabilité, en resserrant et accroissant leurs liens économiques et politiques avec l'impérialisme au détriment du prolétariat.

En tout état de cause, les pressants besoins de l'impérialisme en général, de l'impérialisme américain en particulier, leur concrétisation par la guerre du Vietnam, la préparation à la guerre contre la Chine, ont révélé   s'il en était besoin   que l'impérialisme ne peut dénouer, à sa manière, les contradictions qui l'assaillent qu'en brisant le prolétariat des pays économiquement développés, conjointement à son offensive contre la Chine; cette question, restée sans solution depuis la seconde guerre mondiale, doit être réglée.


Archives Trotsky Archives S. Just
Début Précédent Haut de la page Sommaire S. Just Suite Fin