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Vpériod n°2. Conforme au texte du 14 (1er) janvier 1905 du journal. Source : Œuvres complètes, T. VIII. |
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Lénine
La chute de Port-Arthur
14 janvier 1905
Quelques variantes du plan de l'article, de nombreux extraits de la presse étrangère et d'autres informations sont publiés dans les Recueils Lénine V, 1929, pp. 57-59; XVI, 1931, pp. 37-42 et XXVI, 1934, pp. 242-251.
« Port-Arthur a capitulé »
« Cet événement est l’un des plus grands de l'histoire contemporaine. Ces trois mots, répandus hier par le télégraphe dans le monde civilisé, produisent l’impression accablante d’une catastrophe immense et terrible, d’une calamité que les mots n'arrivent que difficilement à exprimer. La force morale d’un puissant empire s'effondre, le prestige d’une jeune race qui n’a pas eu l’occasion de donner la mesure de ses forces, se ternit. Tout un système politique est condamné, une longue suite de conquêtes s’interrompt, de puissants efforts sont brisés. Certes, la fin de Port-Arthur était depuis longtemps prévue, on s’en consolait depuis longtemps avec des mots et des phrases toutes faites. Mais le fait brutal et palpable annule tout mensonge conventionnel. L'importance de ce désastre ne peut plus être amoindrie. L'ancien monde est, pour la première fois, humilié par l’irréparable défaite que lui inflige un monde nouveau si mystérieux et, semble-t-il, si jeune, appelé d'hier à la civilisation. »
Ainsi s'exprimait, sous l'impression immédiate de l’événement, un journal bourgeois sérieux d'Europe [1]. Et il faut convenir qu’il n’a pas seulement réussi à traduire avec force l’état d'esprit de toute la bourgeoisie européenne. Le sûr instinct de classe de la bourgeoisie du vieux monde, troublée par les succès du nouveau monde bourgeois, troublée par la débâcle de la puissance militaire de la Russie, longtemps considérée comme le plus sûr rempart de la réaction européenne, s'exprime dans ce journal. Rien d'étonnant que même la bourgeoisie européenne, qui ne participe pas à la guerre, se sente humiliée et accablée. Elle est tellement accoutumée à identifier la force morale de la Russie à la force militaire du gendarme européen ! Le prestige de la jeune race russe était indissolublement lié, à ses yeux, au prestige du pouvoir impérial, inébranlable dans le maintien de « l'ordre » actuel. Il n’est pas étonnant que la catastrophe qui atteint la Russie dominante et régnante paraisse « terrible » à la bourgeoisie européenne : cette catastrophe signifie une prodigieuse accélération de l’évolution du capitalisme mondial, une accélération du cours de l'histoire, et la bourgeoisie sait bien, trop bien, en vertu d'expériences amères, que cette accélération est aussi celle de la révolution sociale du prolétariat. La bourgeoisie de l'Europe occidentale était si tranquille dans l’atmosphère d'un long marasme, sous l'égide du « puissant Empire » , et voici qu’une force « mystérieuse et si jeune » ose troubler ce marasme et briser ce rempart.
Certes, la bourgeoisie européenne s'’effraie à bon droit. Le prolétariat se réjouit à juste titre. La catastrophe qui atteint notre pire ennemi n’atteste pas seulement l'approche de la liberté de la Russie. Elle annonce aussi un nouvel essor révolutionnaire du prolétariat européen.
Mais pourquoi et dans quelle mesure la chute de Port-Arthur est-elle vraiment une catastrophe historique ?
Tout d’abord l'importance de cet événement dans le cours même de la guerre saute aux yeux. Les Japonais ont atteint leur but principal. L'Asie progressiste, avancée, a porté un coup irréparable à la vieille Europe réactionnaire et arriérée. Dix ans auparavant, cette Europe réactionnaire, Russie en tête, s'inquiétait de la défaite infligée à la Chine par le jeune Japon et se coalisait pour arracher au vainqueur les plus beaux fruits de sa victoire. L'Europe maintenait les rapports établis et les privilèges de l'ancien monde, son droit de préséance, son droit, sanctionné par les siècles, à l'exploitation des peuples de l'Asie. Le retour de Port-Arthur au Japon est un coup porté à toute l’Europe réactionnaire. Pendant six ans, la Russie a été maîtresse Port-Arthur, dépensant des centaines et des centaines millions de roubles à construire des chemins de fer stratégiques, des ports, à bâtir des villes nouvelles, à améliorer les fortifications d'une citadelle que l’ensemble des journaux européens soudoyés par la Russie, à plat ventre devant la Russie, célébraient comme imprenable. Port-Arthur, écrivaient les auteurs militaires, valait six fois Sébastopol. Et voici que le petit Japon, méprisé de tous jusqu'à présent, s'empare en huit mois de cette citadelle, alors que la France et l'Angleterre alliées mirent toute une année à prendre Sébastopol. Ce coup est irréparable. La question de la suprématie navale, question majeure dans la guerre actuelle, est tranchée. La flotte russe du Pacifique aussi forte au début des hostilités que la flotte japonaise – peut-être plus forte – est détruite définitivement. Elle perd sa base d’opérations et l’escadre de Rojdestvenski n'a plus qu'à refaire honteusement son voyage en sens inverse, après avoir inutilement englouti de nouveaux millions, et après la grande victoire remportée par les redoutables cuirassés russes sur les bateaux de pêche britanniques. On considère que la perte navale de la Russie, à elle seule, se monte à 300 millions de roubles. Plus grave encore est la perte de 10 000 hommes des meilleurs équipages et de toute une armée de terre. De nombreux journaux européens s'efforcent maintenant d'atténuer la gravité de ces pertes, non sans faire ainsi preuve d’un zèle parfois comique. Ne vont-ils pas jusqu'à dire que voici Kouropatkine « soulagé » , « libéré » des soucis que lui causait Port-Arthur ! Les troupes russes sont aussi « soulagées » d’une armée entière. D'après les dernières informations de source anglaise, les Japonais auraient pris 48 000 hommes. Combien d’autres ont péri dans les combats sous Kien-Tchaou et sous les murs mêmes de Port-Arthur ! Les Japonais s'emparent définitivement du Liaotoung tout entier, acquièrent une base d'opérations d’une importance inappréciable pour agir sur la Corée, la Chine et la Mandchourie ; ils libèrent pour la lutte contre Kouropatkine une armée aguerrie de 80 à 100 000 hommes, pourvue, de surcroît, d’une formidable artillerie lourde dont l’envoi sur la rivière Chaké leur donnera une supériorité écrasante sur le gros des forces russes.
Le gouvernement de l’autocratie a décidé, d'après les journaux étrangers, de continuer à tout prix la guerre et; d'envoyer à Kouropatkine 200 000 hommes de troupes fraîches. Il est fort possible que les hostilités durent encore longtemps, mais il est évident que ce sera une guerre sans espoir, et que tous les sursis ne feront qu'’aggraver les innombrables calamités qui sont pour le peuple russe la conséquence de sa patience envers le joug de l’autocratie. Jusqu'à présent, après chaque grande bataille, les Japonais ont plus rapidement et plus abondamment renforcé leurs troupes. S’étant maintenant rendus maîtres des mers et ayant complètement détruit l’une des armées russes, ils pourront envoyer au front des renforts deux fois plus considérables que ceux des Russes. Les Japonais ont jusqu'à présent battu sans cesse les généraux russes bien que leurs meilleures batteries fussent occupées à la guerre de forteresse. Les Japonais sont maintenant parvenus à concentrer totalement leurs forces, tandis que les Russes doivent craindre non seulement pour Sakhaline, mais aussi pour Vladivostok. Les Japonais ont occupé la partie la meilleure ot la plus peuplée de la Mandchourie où ils peuvent entretenir une armée aux frais du pays conquis et avec le contours de la Chine. Les Russes doivent de plus en plus se contenter des vivres envoyés de Russie, et il ne sera bientôt plus possible à Kouropatkine d'accroître ses effectifs en raison de l'impossibilité de ravitailler suffisamment son armée.
Mais la débâcle infligée à l’autocratie sur les champs de bataille acquiert une signification plus grande encore en tant que symptôme de l'effondrement de tout notre système politique. Les temps où la guerre se faisait à l’aide de mercenaires ou de représentants de castes à demi détachées du peuple sont révolus. Les guerres sont maintenant menées par les peuples, et Némirovitch-Dantchenko atteste que Kouroino lui-même commence à comprendre que cette vérité n’est pas uniquement formelle. Les guerres sont maintenant menées par les peuples, et c’est pourquoi l’on voit ressortir aujourd'hui, avec un relief particulier, ce qui caractérise essentiellement la guerre : la mise en évidence par des faits, devant des dizaines de millions d'hommes, de l'incompatibilité du peuple et du gouvernement, incompatibilité que la minorité consciente voyait seule jusqu’à présent. La critique de l’autocratie formulée par tous les Russes avancés, par la social-démocratie russe, par le prolétariat russe, est maintenant confirmée par la critique des armes japonaises, confirmée avec une telle force que l'impossibilité de vivre sous l’autocratie est de plus en plus perçue de ceux-là mêmes qui ne savent pas ce qu’est l’autocratie, de ceux-là mêmes qui le savent et voudraient de toute leur âme défendre ce régime. L'incompatibilité de l’autocratie et des intérêts du développement social, des intérêts du peuple entier (une poignée de fonctionnaires et de magnats exceptés) est apparue dès que le peuple a dû, en fait, payer de son sang la rançon du régime. Par son aventure coloniale, sotte et criminelle, l'autocratie s’est fourrée dans une telle impasse que le peuple seul peut en sortir et ne peut en sortir qu'au prix de la destruction du tsarisme.
La chute de Port-Arthur dresse l’un des plus grands bilans historiques des crimes du tsarisme, dont la guerre commença dès le début la divulgation, et qui vont maintenant se révéler plus largement et plus irrésistiblement encore. « Après nous le déluge ! » se dit tout Alexéev [2], petit ou grand, sans croire d'ailleurs vraiment au déluge. Les généraux et les chefs militaires se sont révélés incapables et nuls. Toute l'histoire de la campagne de 1904 n'est, d'après le témoignage faisant autorité d'un correspondant de guerre anglais (du Times [3]), que celle du « dédain criminel avec lequel on a traité les principes élémentaires de la stratégie sur terre et sur mer » . La bureaucratie militaire et civile s'est révélée tout aussi vénale et parasitique qu’au temps du servage. Les officiers se sont révélés ignorants, incultes, non préparés, sans contact étroit avec les soldats auxquels ils n’inspiraient aucune confiance. L’ignorance, l’inculture, l’analphabétisme, l'extrême état d’oppression de la masse paysanne se sont manifestés avec une effroyable netteté dans le conflit avec un peuple progressiste, au cours d’une guerre moderne qui exige, aussi impérieusement qu'une technique contemporaine, un matériel humain de haute qualité. Sans soldats et marins conscients, capables d'initiative, le succès est impossible dans la guerre moderne. Aucune endurance, aucune force physique, aucun rassemblement moutonnier, aucune cohésion dans l’action des masses ne peut assurer la supériorité, à l'époque des fusils d’un petit calibre à tir rapide, des canons à chargement mécanique, de la technique compliquée des vaisseaux et des combats sur terre en ordre dispersé. La puissance militaire de la Russie autocratique s’est révélée en toc. Le tsarismes s’est révélé un obstacle à l’organisation moderne, au niveau des besoins actuels, de l’armée à laquelle pourtant il se consacrait de toute son âme, dont il était fier par-dessus tout, à laquelle il apportait les plus grands sacrifices sans se gêner de l'opposition populaire, quelle qu'elle fût. L'autocratie s’est révélée un sépulcre blanchi, et cela en matière de défense, dans la spécialité qui lui était la plus chère et la plus familière. Les événements ont confirmé l'opinion des étrangers qui riaient en voyant gaspiller des dizaines et des centaines de millions de roubles en achats et en constructions de magnifiques vaisseaux de guerre, et parlaient de la vanité de ces dépenses puisqu'on ne savait pas se servir des vaisseaux modernes et puisqu'on n'avait pas d'hommes capables de mettre à profit avec compétence les derniers perfectionnements de l’art militaire. La flotte, la forteresse, les fortifications en campagne et l'armée de terre sont apparues arriérées et bonnes à rien.
La connexion entre l’organisation militaire du pays et toute sa structure économique et culturelle ne fut jamais encore si étroite qu’à l'heure présente. Aussi la débâcle ne pouvait manquer de marquer le début d’une profonde crise politique. La guerre d’un pays avancé avec un pays arriéré a joué une fois de plus, comme il arriva maintes fois dans l’histoire, un grand rôle révolutionnaire. Et le prolétariat conscient, ennemi implacable de la guerre, corollaire inévitable et inexorable de toute domination de classe, ne peut se dissimuler cette œuvre révolutionnaire accomplie par la bourgeoisie japonaise victorieuse de l’autocratie. Le prolétariat est hostile à toute bourgeoisie, hostile à toutes les manifestations de la société bourgeoise, mais cette hostilité ne le libère pas de la nécessité de distinguer entre les représentants de la bourgeoisie jouant un rôle progressiste ou réactionnaire dans l’histoire. Aussi comprend-on que les représentants les plus conséquents et les plus intransigeants la social-démocratie révolutionnaire internationale, Jules Guesde en France et Hyndman en Angleterre, aient exprimé sans détour leur sympathie pour le Japon en train d’écraser l’autocratie russe. Il s’est naturellement trouvé chez nous, en Russie, des socialistes qui ont fait preuve en ces matières de confusion dans les idées. La Révolutsionnaïa Rossia [4] a blâmé Jules Guesde et Hyndman en déclarant que les socialistes ne pouvaient sympathiser qu'avec le Japon ouvrier, populaire, et non avec le Japon bourgeois. Ce blâme est aussi absurde que celui qu'on décernerait à un socialiste pour avoir reconnu le caractère progressiste de la bourgeoisie libre-échangiste comparée à la bourgeoisie protectionniste. Guesde et Hyndman n'ont pas défendu la bourgeoisie japonaise et l'impérialisme nippon, mais, traitant du conflit de deux pays bourgeois, ils ont noté avec justesse le rôle historiquement progressiste de l’un des deux. La confusion dans les idées des « socialistes-révolutionnaires » est naturellement le résultat inévitable chez nos intellectuels radicaux de l’incompréhension du point de vue de classe et du matérialisme historique. La nouvelle Iskra ne pouvait manquer, elle non plus, de tomber dans la confusion. Elle a d’abord prodigué des phrases sur la paix à tout prix. Elle s'est mise ensuite à « rectifier » quand Jaurès eut montré avec évidence à quels intérêts bourgeois, progressistes ou réactionnaires, devait servir la campagne quasi socialiste poursuivie en faveur de la paix en général. Elle termine maintenant par des platitudes sur l'inconvenance de « spéculer » (!!?) sur la victoire de la bourgeoisie japonaise, et sur la guerre qui est une calamité « quelle qu'en soit » l'issue – victoire ou défaite – pour l'autocratie.
Non. La cause de la liberté russe et de la lutte du prolétariat russe (et international) pour le socialisme dépend dans une très large mesure des défaites militaires de l’autocratie. Cette cause a été sensiblement servie par une débâcle qui inspire la terreur à tous les défenseurs de l’ordre en Europe. Le prolétariat révolutionnaire doit poursuivre contre la guerre une agitation inlassable, sans oublier jamais que les guerres sont inévitables tant que durera une domination de classe en général. Les phrases banales sur la paix, à la Jaurès, ne serviront de rien à la classe opprimée, qui n’est pas responsable de la guerre bourgeoise entre deux nations bourgeoises, qui fait tout son possible pour renverser toutes les bourgeoisies et qui connaît l'étendue des calamités infligées aux peuples sous l'exploitation capitaliste « pacifique » également. Mais, en combattant la libre concurrence, nous ne pouvons oublier qu'elle représente un progrès par rapport au régime semi-féodal. En combattant toute guerre et toute bourgeoisie, nous devons distinguer avec soin dans notre agitation la bourgeoisie progressiste de l'autocratie féodale, nous devons souligner en toutes circonstances le grand rôle révolutionnaire de la guerre historique à laquelle l’ouvrier russe participe malgré lui.
Ce n'est pas le peuple russe, c'est l’autocratie russe qui a commencé cette guerre coloniale devenue celle des mondes bourgeois, ancien et nouveau. Ce n'est pas le peuple russe, c’est l’autocratie qui a subi une honteuse défaite. La défaite de l’autocratie a servi le peuple russe. La capitulation de Port-Arthur est le prologue de celle du tsarisme. La guerre est loin d'être finie. Mais chaque pas qu'on fait pour la continuer aggrave immensément l’effervescence, l'indignation du peuple russe, rapproche la nouvelle grande guerre qui vient, la guerre du peuple contre l’autocratie, la guerre du prolétariat pour la liberté. Ce n'est pas à tort que la bourgeoisie européenne, la plus calme et la plus sensée, qui accueillerait avec la plus vive sympathie les concessions libérales que pourrait faire l’autocratie russe, mais qui craint plus que le feu la révolution russe, en laquelle elle voit le prélude de la révolution européenne, manifeste une si grande inquiétude.
« L'opinion s'est ancrée, écrit un de ces organes sensés de la bourgeoisie allemande, que l'explosion de la révolution en Russie est chose tout à fait impossible. Cette opinion est défendue par de multiples arguments. On invoque l’inertie du paysan russe, sa foi en le tsar, l'empire exercé sur lui par le clergé. On dit que les éléments extrémistes, parmi les mécontents, ne sont qu'une petite poignée capable de monter des coups de force et des attentats terroristes, mais incapable de provoquer un soulèvement général. La grande masse de mécontents, nous dit-on, manque d'organisation, d’armes et surtout de la résolution de se risquer elle-même. Quant à l’intellectuel russe, il n’est généralement révolutionnaire que jusqu’à 30 ans environ, après quoi il s'installe confortablement dans quelque sinécure bien tranquille, et la plupart des fortes têtes deviennent fonctionnaires quelconques. » Mais aujourd'hui, continue ce journal, divers n attestent une profonde transformation. Les révolutionnaires ne sont plus seuls à parler de révolution en Russie; des hommes aussi étrangers aux « entraînements » , des piliers de l’ordre tels que le prince Troubetskoï, dont la lettre au ministre de l'Intérieur est maintenant reproduite par toute la presse étrangère, en parlent aussi [5]. « La crainte de la révolution semble reposer en Russie sur des faits. Personne ne pense, il est vrai, que les paysans russes vont prendre leurs fourches et se battre pour la Constitution. Mais les révolutions se font-elles dans les campagnes ? Les grandes villes sont devenues depuis longtemps des foyers de révolution dans l'histoire moderne. Et les villes fermentent précisément en Russie, du sud au nord et de l’est à l'ouest. Nul ne tentera de prédire comment tout cela finira, mais c’est un fait indéniable que le nombre de gens considérant la révolution comme impossible en Russie diminue de jour en jour. Et si une sérieuse explosion révolutionnaire se produit, il est plus que douteux que l'autocratie affaiblie par la guerre d'Extrême-Orient puisse en venir à bout. »
Oui. L'autocratie est affaiblie. Les plus sceptiques commencent à croire à la révolution. La foi générale en la révolution est déjà le commencement de la révolution. Le gouvernement lui-même prend soin, en poursuivant son aventure militaire, de la continuation de la révolution. Le prolétariat russe se chargera de soutenir et d'élargir une poussée révolutionnaire sérieuse.
Notes
1 | Il s’agit du journal belge L'indépendance belge qui publia dans son numéro du 4 janvier 1904 un éditorial intitulé « Port-Arthur ». |
2 | Aléxeev E.I. : amiral, gouvemeur-général en Extrême-Orient depuis 1903. |
3 | « The Times », quotidien fondé en 1785 à Londres, un des grands journaux conservateurs de la bourgeoisie anglaise. |
4 | Révolutsionnaïa Rossia : journal des socialistes-révolutionnaires, parut de la fin de 1900 à 1905; organe central du Parti socialiste-révolutionnaire à partir de janvier 1902. |
5 | La lettre du prince Troubetskoï, maréchal de la noblesse, dans le gouvernement de Moscou, adressée au ministre de l'Intérieur, Sviatopolke-Minski, fut écrite le 15 (28) décembre 1904 et publiée dans le n° 62 de l’Osvobojdénié du 18 (31) décembre 1904. Caractérisant l’état du mouvement social, Troubetskoï écrivait : « ce qui se produit actuellement n’est pas une émeute mais une révolution, on pousse le peuple russe à la révolution » . |