1843-50

"On remarquera que, dans tous ces écrits, et notamment dans ce dernier, je ne me qualifie jamais de social-démocrate, mais de communiste... Pour Marx, comme pour moi, il est donc absolument impossible d'employer une expression aussi élastique pour désigner notre conception propre.." F. Engels, 1894.

Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec.


Le parti de classe

K. Marx - F. Engels

Préparation de la révolution (1847-1848)

L'action de Cologne


L'affaire de Cologne est désagréable [1]. Nos trois meilleurs hommes sont en prison. J'ai pu m'entretenir avec l'un de ceux qui ont pris une part active à l'affaire. Ils voulaient déclencher une action, mais au lieu de se munir d'armes — faciles à se procurer —, ils sont allés manifester, désarmés, devant l'hôtel de ville, où on les a coincés. On prétend que la troupe leur était en majeure partie favorable. Cette affaire a été engagée de manière stupide et irréfléchie. Si le rapport qu'on m'en a fait est exact, ils auraient pu très facilement frapper un grand coup, et en deux heures tout aurait été achevé. Mais toute l'affaire a été montée de manière affreusement bête 38.

Il semble que nos vieux amis de Cologne aient, en outre, agi de manière très molle, alors qu'ils avaient décidé de frapper un grand coup. Le petit d'Ester, Daniels et Bürgers ont été sur place pendant un moment, mais ils sont repartis très vite, bien que la présence du petit docteur (d'Ester) eût été absolument nécessaire à l'hôtel de ville [2].

À part cela, les nouvelles d'Allemagne sont fameuses. À Nassau, plein succès de la révolution ; à Munich, étudiants, peintres et ouvriers en pleine insurrection ; à Cassel, veillée d'armes révolutionnaire ; à Berlin, peur et tergiversations sans fin ; dans toute la Westphalie, proclamation de la liberté de la presse et création de la garde nationale. Pour le moment, c'est suffisant.

Pourvu que Frédéric-Guillaume IV fasse preuve d'entêtement. Alors la partie est gagnée, et dans quelques mois ce sera la révolution allemande. Pourvu qu'il s'accroche aux survivances féodales ! Mais, diable, qui peut prévoir ce que fera cet individu fantasque à l'esprit dérangé.

À Cologne, toute la petite bourgeoisie veut le rattachement à la République française : les souvenirs de 1797 prédominent encore pour le moment.


Notes

[1] Engels à Marx, 9 mars 1848.
Déjà la vague révolutionnaire, qui submergera l'Europe de 1848 à 1849, a gagné l'Allemagne, et l'épisode qu'Engels relate à Marx est un signe avant-coureur du soulèvement du 18 mars 1848 en Prusse. Les critiques d'Engels vis-à-vis du comportement des membres de la Ligue de Cologne dans l'action du 3 mars 1847 révèlent la faiblesse insigne de la Ligue communiste au moment où éclate la révolution et que surgissent les tâches pratiques. C'est encore l'immaturité générale des conditions objectives aussi bien que subjectives qui explique cette faiblesse, bien que la volonté révolutionnaire des membres de la Ligue soit remarquable.

[2] Il ressort clairement de la lettre d’Engels que l'action de Cologne a été entreprise sur décision locale, sans liaison préalable avec le Conseil central, ni plan s'insérant dans un cadre d'action et de stratégie générales.

[3] Avant la révolution allemande de mars 1848, la Ligue des communistes avait une commune à Cologne. Elle était composée de Karl d'Ester, Roland Daniels, Heinrich Bürgers, Fritz Anneke, Andreas Gottschalk, August Willich, etc. Une grande partie d'entre eux appartenait à la tendance du « socialisme vrai ». Ce n'est que sous l'influence de Marx-Engels au cours des événements révolutionnaires de 1848-1849 que la commune passera de leur côté, d'ailleurs non sans luttes et frictions.
Lors de la grande manifestation du 3 mars devant l'hôtel de ville de Cologne, Andreas Gottschalk, August Willich et Fritz Anneke seront arrêtés ; ils seront amnistiés après la révolution du 18 mars et relâchés.


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