1843-50

"On remarquera que, dans tous ces écrits, et notamment dans ce dernier, je ne me qualifie jamais de social-démocrate, mais de communiste... Pour Marx, comme pour moi, il est donc absolument impossible d'employer une expression aussi élastique pour désigner notre conception propre.." F. Engels, 1894.

Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec.


Le parti de classe

K. Marx - F. Engels

Questions d'organisation

Luttes de tendances et dissolution de l'Internationale


La Conférence de Londres de l'A.I.T. (17 au 23-9-1871)

Propositions à soumettre à la conférence par le Conseil général

  1. Après la clôture de la conférence [1], aucune section ne sera reconnue comme appartenant à l'Association par le Conseil général et les conseils centraux des différents pays, tant qu'elles n'auront pas versé au Conseil général leur contribution annuelle de 1 penny par tête pour l'année en cours.
  2. a) Les délégués des pays où l'organisation régulière de l'Association est pour le moment impossible, en raison des empiètements du gouvernement, sont invités à proposer des plans d'organisation correspondant aux conditions particulières du pays en question; b) L'Association peut se reconstituer sous d'autres noms; c) Mais toutes les sociétés secrètes seront catégoriquement exclues.
  3. Le Conseil général soumettra à la conférence un rapport sur sa gestion des affaires de l'Internationale depuis le dernier congrès.
  4. Le Conseil général proposera à la conférence de discuter de l'opportunité d'adresser une réponse aux différents gouvernements qui ont persécuté l'Internationale, et continuent de le faire; la conférence doit nommer une commission qui sera chargée de préparer cette réponse après la conférence.
    Tenir compte des résolutions du Congrès de Bâle [2].
  5. Pour éviter des confusions, les conseils centraux des différents pays sont priés de s'appeler désormais conseils fédéraux en ajoutant le nom du pays qu'ils représentent; les sections locales et leurs comités doivent s'appeler sections ou comités de leurs localités respectives.
  6. Tous les délégués du Conseil général chargés de fonctions précises doivent avoir le droit d'assister à toutes les réunions des conseils fédéraux et des comités locaux ou sections, et d'y être entendus, sans cependant avoir droit de vote.

Le Conseil général doit être chargé de sortir une nouvelle édition des statuts incluant les résolutions des congrès qui y ont trait; comme en France on ne connaît jusqu'ici qu'une traduction française mutilée, qui a été retraduite en espagnol et en italien, le Conseil général devra pourvoir à une traduction française authentique et l'envoyer également en Espagne, en Italie. Allemand pour la Hollande.

Imprimer simultanément en trois langues [3].


Intervention de Marx au début de la conférence

MARX : Le Conseil général a convoqué une conférence :

D'autres questions secondaires seront certainement soulevées dans le cours de la conférence, et devront trouver leur solution.

Le citoyen Marx ajoute qu'il sera nécessaire de faire une déclaration publique vis-à-vis du gouvernement russe qui essaie d'impliquer l'Association dans une certaine affaire de société secrète, dont les principaux meneurs sont complètement étrangers ou hostiles à l'Association [5].

Cette conférence est privée, mais lorsque tous les délégués seront retournés dans leur pays, le Conseil général publiera telle résolution que la conférence aura jugé nécessaire de publier.


Résolutions de la Conférence des délégués, réunie à Londres, du 17 au 23 septembre 1871

  1. Composition du Conseil général
    La conférence recommande au Conseil général de limiter le nombre des membres qu'il s'adjoint, et d'éviter que ces adjonctions ne se fassent trop exclusivement parmi des citoyens appartenant à une seule nationalité [6].

  2. Dénominations des conseils nationaux ou régionaux, des branches, sections, groupes locaux et de leurs comités respectifs [7]
    1. Conformément à la résolution prise par le Congrès de Bâle (1869), les conseils centraux des divers pays où l'Association internationale des travailleurs est régulièrement organisée se désigneront à l'avenir sous le nom de conseils fédéraux, ou comités fédéraux, en y ajoutant les noms de leurs pays respectifs, la désignation de Conseil général étant réservée au Conseil central de l'Internationale.
    2. Les branches, sections ou groupes locaux et leurs comités se désigneront et se constitueront à l'avenir simplement et exclusivement comme branches, sections, groupes et comités de l'Association internationale des travailleurs en ajoutant les noms de leurs localités respectives.
    3. Il sera donc désormais défendu aux branches, sections et groupes de se désigner par des noms de secte, comme par exemple les noms de branches positivistes, mutualistes, collectivistes, communistes, etc., ou de former des groupes séparatistes, sous le nom de « section de propagande », etc., en se donnant des missions spéciales, en dehors du but commun poursuivi par tous les groupes de l'Internationale.
    4. Toutefois, il est bien entendu que la résolution n° 2 ne s'applique pas aux syndicats affiliés à l'Internationale.

  3. Délégués au Conseil général
    Tous les délégués du Conseil général chargés de missions spéciales auront le droit d'assister et de se faire entendre à toutes les réunions des conseils ou comités fédéraux, des comités de districts ou locaux, et des branches locales, sans cependant avoir le droit de vote.

  4. Cotisation de 10 centimes par membre à payer au Conseil général [8]
    1. Le Conseil général fera imprimer des timbres uniformes, représentant la valeur de 10 centimes chacun, dont il enverra annuellement le nombre demandé aux conseils ou comités fédéraux.
    2. Les conseils ou comités fédéraux feront parvenir aux comités locaux ou, à défaut, aux sections de leur ressort le nombre de timbres correspondant au nombre des membres qui les composent.
    3. Ces timbres seront alors appliqués sur une feuille du livret disposée à cet effet ou sur l'exemplaire des statuts dont tout membre de l'Association doit être muni.
    4. À la date du 1° mars, les conseils fédéraux des divers pays ou régions seront tenus d'envoyer au Conseil général le montant des timbres employés et le solde des timbres leur restant en caisse.
    5. Ces timbres représentant la valeur des cotisations individuelles porteront le chiffre de l'année courante.

  5. Formation de sections de femmes
    La conférence recommande la formation de sections de femmes au sein de la classe ouvrière. Il est bien entendu que cette résolution ne porte nullement atteinte à l'existence ou à la formation de sections composées de travailleurs des deux sexes [9].

  6. Statistique générale de la classe ouvrière
    1. La Conférence invite le Conseil général à mettre à exécution l'article 5 des statuts originaux relatifs à la statistique générale de la classe ouvrière et à appliquer les résolutions prises par le Congrès de Genève (1866) à ce même effet.
    2. Chaque section locale est tenue d'avoir dans son sein un comité spécial de statistique qui sera toujours prêt dans la mesure de ses moyens à répondre aux questions susceptibles de lui être adressées par le conseil ou le comité fédéral du pays, ou par le Conseil général de l'Internationale. Il est recommandé à toutes les sections de rétribuer les secrétaires des comités de statistique, vu l'importance et l'utilité générale de leur travail pour la classe ouvrière.
    3. Au 1° août de chaque année, les conseils ou comités fédéraux enverront les documents recueillis au Conseil général qui en fera un résumé à soumettre aux congrès ou conférences tenus au mois de septembre.
    4. Le refus par une société de résistance ou une branche internationale de donner les renseignements demandés sera porté à la connaissance du Conseil général qui aura à statuer à ce sujet [10].

  7. Liaisons internationales des sociétés de résistance
    Le Conseil général est invité à appuyer, comme par le passé, la tendance croissante des sociétés de résistance (syndicats) d'un pays à se mettre en rapport avec les sociétés de résistance du même métier dans tous les autres pays [11]. L'efficacité de sa fonction comme intermédiaire international entre les sociétés de résistance nationales dépendra essentiellement du concours que ces sociétés elles-mêmes prêteront à la statistique générale du travail poursuivie par l'Internationale.

  8. Les producteurs agricoles
    Les bureaux des syndicats de tous les pays sont invités à envoyer au Conseil général leur adresse.
    1. La conférence invite le Conseil général et les conseils ou comités fédéraux à préparer, pour le prochain congrès, des rapports sur les moyens d'assurer l'adhésion des producteurs agricoles au mouvement du prolétariat industriel.
    2. En attendant, les conseils ou comités fédéraux sont invités à envoyer des délégués dans les campagnes pour y organiser des réunions publiques, faire de la propagande pour l'Internationale et fonder des sections agricoles [12].

  9. L'action politique de la classe ouvrière
    la conférence rappelle aux membres de l'Internationale que, dans l'état militant de la classe ouvrière, son mouvement économique et son action politique sont indissolublement unis.

  10. Résolution générale relative aux pays où l'organisation régulière de l'Internationale est entravée par les gouvernements
    Dans les pays où l'organisation régulière de l'Association internationale des travailleurs est momentanément devenue impraticable par suite de l'intervention gouvernementale, l'Association et ses groupes locaux pourront se constituer sous diverses dénominations, mais toute constitution de section internationale sous forme de société secrète est et reste formellement interdite [14].

  11. Résolutions relatives à la France
    1. La conférence exprime sa ferme conviction que toutes les poursuites ne feront que doubler l'énergie des adhérents de l'Internationale, et que les branches continueront à s'organiser, sinon par grands centres, du moins par ateliers et fédérations d'ateliers correspondant par le truchement de leurs délégués.
    2. En conséquence, la conférence invite toutes les branches à continuer sans relâche la propagande des principes de notre association en France et à y importer le plus grand nombre possible d'exemplaires de toutes les publications et des statuts de l'Internationale [15].

  12. Résolution relative à l'Angleterre
    La conférence invite le Conseil fédéral à aviser les branches anglaises de Londres de former un comité fédéral pour Londres, lequel, après s'être mis en rapport avec les branches provinciales et les sociétés de résistance (syndicats) affiliées, et après avoir reçu leur adhésion, sera reconnu par le Conseil général comme conseil fédéral anglais [16].

  13. Résolutions particulières de la conférence
    1. La conférence approuve l'adjonction des réfugiés de la Commune de Paris que le Conseil général a admis dans son sein.
    2. La conférence déclare que les ouvriers allemands ont rempli leur devoir pendant la guerre franco-allemande.
    3. La conférence remercie fraternellement les membres de la fédération espagnole pour leur travail sur l'organisation de l'Internationale qui prouve une fois de plus leur dévouement à l'œuvre commune.
    4. Le Conseil général fera immédiatement la déclaration formelle que l'Association internationale des travailleurs est absolument étrangère à la prétendue conspiration Netchaïev, lequel a frauduleusement usurpé et exploité le nom de l'Internationale.

  14. Instructions pour le délégué Outine
    Le citoyen Outine est invité à publier dans le journal L’Égalité (Genève) un résumé du procès Netchaïev d'après les journaux russes et d'en communiquer le manuscrit avant la publication au Conseil général.

  15. Convocation du prochain congrès
    La conférence laisse à l'appréciation du Conseil général le soin de fixer, selon les événements, la date et le siège du prochain congrès ou de la conférence qui le remplacerait.

  16. Alliance de la démocratie socialiste
    Considérant
    la conférence déclare vidé l'incident de l'Alliance de la démocratie socialiste.

  17. Différend entre les deux fédérations de la Suisse romande
    1. Cet article rejette les fins de non-recevoir que le comité fédéral des sections jurassiennes a fait valoir contre la compétence de la conférence. (La résolution sera publiée in extenso dans L'Égalité de Genève [17].
    2. La conférence approuve la décision du Conseil général du 29 juin 1870.
    Néanmoins, considérant les poursuites auxquelles se trouve en butte l'Internationale, la conférence fait appel à l'esprit de solidarité et d'union qui plus que jamais doit animer les travailleurs. Elle conseille aux ouvriers des sections jurassiennes de se rallier aux sections de la fédération romande. Dans le cas où cette union ne pourrait se faire, elle décide que la fédération des sections dissidentes se nommera à l'avenir Fédération jurassienne. Elle donne avis que désormais le Conseil général sera tenu à dénoncer et désavouer publiquement tous les journaux se disant organes de l'Internationale, lesquels, suivant l'exemple donné par Le Progrès et La Solidarité, discuteraient dans leurs colonnes, devant le public bourgeois, des questions qu'on ne doit discuter que dans le sein des comités locaux, des comités fédéraux et du Conseil général, ou dans les séances privées et administratives des congrès, soit fédéraux, soit généraux.

Note : les résolutions de la conférence qui ne sont pas destinées à la publicité seront communiquées aux conseils fédéraux des divers pays par les secrétaires correspondants du Conseil général.

Par ordre et au nom de la conférence.

Signatures

Londres, 17 octobre 1871


Résolution de la Conférence de Londres sur le différend entre les deux fédérations de la Suisse romande

En ce qui concerne ce différend :

1. La conférence doit, de prime abord, considérer les fins de non-recevoir mises en avant par le comité fédéral des sections jurassiennes qui n'appartiennent pas à la fédération romande (voir la lettre du 4 septembre adressée à la conférence par le comité fédéral de ces sections [18]).

Première objection :

«  Le Congrès général   est-il dit dans cette lettre   convoqué régulièrement peut seul être compétent pour juger une affaire aussi grave que celle de la scission dans la fédération romande. »

Considérant

Par ces raisons :

La Conférence considère la première objection soulevée par la section du Jura comme nulle et non avenue.

Deuxième objection :

« Il serait, dit encore cette section, contraire à l'équité la plus élémentaire de se prononcer contre une fédération à laquelle on n'a pas procuré les moyens de défense... Nous apprenons aujourd'hui, indirectement, qu'une conférence extraordinaire est convoquée à Londres pour le 17 septembre... Il était du devoir du Conseil général d'en aviser tous les groupes régionaux; nous ignorons pourquoi il a gardé le silence à notre égard. »

Considérant

En violation flagrante de la décision du Conseil général du 28 juin 1870, ce comité, comme il le fait encore dans sa dernière lettre adressée à la conférence, continue à se désigner comme comité de la Fédération romande.

Ce comité avait le droit de faire appel de la décision du Conseil général à un congrès futur, mais il n'avait pas le droit de traiter la décision du Conseil général comme non avenue.

Par conséquent, il n'existait pas légalement vis-à-vis du Conseil général, et le citoyen Jung n'avait pas le droit de le reconnaître en l'invitant directement à envoyer des délégués à la conférence.

Le citoyen Jung n'a pas reçu de la part de ce comité les réponses aux questions faites au nom du Conseil général; depuis l'admission du citoyen Robin au Conseil général, les demandes du comité susdit ont toujours été communiquées au Conseil général par l'intermédiaire du citoyen Robin, et jamais par le secrétaire correspondant pour la Suisse.

Considérant encore :

Troisième objection :

« Une décision, dit-elle enfin, annulant les droits de notre fédération aurait été des plus funestes quant à l'existence de l'Internationale dans notre contrée. »

Considérant que personne n'a demandé d'annuler les droits de la fédération susdite, la conférence passe outre.

2. La conférence approuve la décision du Conseil général du 28 juin 1870.

Considérant en même temps les poursuites auxquelles se trouve en butte l'Internationale, la conférence fait appel à l'esprit de solidarité et d'union, qui plus que jamais doit animer les travailleurs.

Elle conseille aux ouvriers des sections jurassiennes de se rallier aux sections de la fédération romande. Dans le cas où cette union ne pourrait se faire, elle décrète que la fédération des sections du Jura se nommera : fédération jurassienne.

Elle donne avis que désormais le Conseil général sera tenu à dénoncer et à désavouer tous les journaux, se disant organes de l'Internationale, qui, en suivant l'exemple donné par Le Progrès et La Solidarité, discuteraient dans leurs colonnes, devant le public bourgeois, des questions à traiter exclusivement dans le sein des comités locaux, des comités fédéraux et du Conseil général, ou dans les séances privées et administratives des congrès, soit fédéraux, soit généraux.


Notes

[1] Ce projet de résolutions a été préparé par Marx et adopté par le Conseil général dans sa séance du sous-comité du 9 septembre 1871. Il s'agit en fait du schéma des thèmes à soumettre à la discussion de la Conférence de Londres de l'A.I.T.
On peut se rendre compte de la contribution de Marx-Engels à cette conférence décisive pour le sort de l'Internationale en comparant ce projet de Marx avec les résolutions finalement adoptées par la conférence. Afin de compléter ce tableau, nous avons ajoute en note de chaque résolution adoptée les interventions correspondantes de Marx à la conférence, en nous basant sur le compte rendu de séance publié dans La I° Internationale, recueil de documents, t. II, p. 149-239.
Nous avons adopté la même méthode, à partir des mêmes documents, pour le Congrès de La Haye.
Des additions furent faites ultérieurement à ce projet de résolutions, notamment en ce qui concerne la création de sections féminines et la statistique générale de la classe ouvrière. Après le compte rendu d'Engels, il fut approuvé par le Conseil général, le 12 septembre.
La Conférence de Londres marque une étape importante dans la lutte de Marx-Engels pour un parti prolétarien, dont elle définit les tâches d’organisation.
Conformément aux décisions du Congrès de Bâle, le congrès de 1870 aurait dû avoir lieu à Paris. En raison des persécutions policières, il fut décidé de le transférer à Mayence, mais la guerre empêcha de réaliser ce projet. Il fut encore impossible de tenir un congrès l'année suivante, notamment en raison de la chasse aux Communards et aux Internationalistes après la défaite de la Commune. C'est pourquoi la plupart des fédérations se prononcèrent pour un nouveau report et chargèrent le Conseil général de faire au mieux. Mais la lutte contre le bakouninisme et les sectaires qui commençaient à s'agiter, ainsi que d'autres tâches pressantes exigèrent la tenue rapide d'une conférence, d'autant plus nécessaire qu'il fallait prendre des décisions collectives pour resserrer les liens idéologiques et organisationnels de l'Internationale. Dès le 2 août 1870, l'initiative de Marx-Engels, le Conseil général s'était préoccupé de la tenue d'une conférence. En fait, elle ne pouvait réellement avoir lieu qu'à partir de l'été 1871. Le Conseil général consacra de nombreuses séances à la préparation de cette conférence.
Les questions d'organisation et de centralisation étaient au cœur des débats. En raison de la situation politique, le nombre de délégués à la conférence fut relativement restreint : 22 délégués avec voix délibérative, et 10 avec voix consultative. Les pays qui ne purent envoyer de délégué furent représentés par leurs secrétaires : Marx pour l'Allemagne, Engels pour l'Italie. Il y eut en tout neuf séances. Les comptes rendus ne purent être rendus publics.

[2] Cette phrase, ainsi que la précédente, a été ajoutée de la main de Marx. Elle se traduira par l'article 16 des résolutions de la Conférence de Londres pris à l'encontre de l'Alliance jurassienne.

[3] Le paragraphe suivant a été rayé dans le texte : « Les conseils fédéraux des pays où l'Association est normalement organisée doivent envoyer régulièrement des rapports sur les cotisations qu'ils touchent dans les diverses localités ou régions. » Il semble que Marx ait jugé qu'il se heurterait à trop de difficultés sur ce point tout à fait pratique.

[4] Extrait du protocole de la séance du 17 septembre 1871, op. cit., p. 152.

[5] Marx fait allusion à l'affaire Netchaïev, dont le procès s'ouvrit à Saint-Pétersbourg, le 1° juillet 1870.

[6] Au cours de la conférence, Engels remplit les fonctions de rédacteur et de traducteur. Le Conseil général fut chargé de la rédaction finale des résolutions, et en confia le soin à Marx-Engels.
Une première résolution sur ce point avait été présentée par De Paepe et Verrycken. Ceux-ci voulaient que chaque nationalité ait un nombre fixe de délégués   trois   représentés au Conseil général. Marx lui répondit qu'il est impossible de trouver trois membres de chaque pays dans la pratique. Engels fit remarquer que le Conseil n'est pas seulement administratif, mais politique et socialiste, qu'il faut un public assez large pour discuter des questions et permettre d'agir sur l'élément anglais, et que les vrais révolutionnaires anglais doivent pouvoir y entrer. (La III° Internationale fixera le nombre des délégués en fonction de l'importance ou du poids des pays respectifs.)
Outine avait, en outre, proposé que l'on étende le terme de probation d'un candidat au Conseil général à trois semaines pour avoir le temps d'effectuer une enquête à son sujet, que le Conseil conserve un droit d'expulsion à son égard. Une autre proposition recommandait au Conseil d'inviter les sections des différents pays à proposer des candidats pour les fonctions de correspondants ou de secrétaires, peu avant le moment des élections au Conseil général. Une dernière résolution approuvait le Conseil qui s'était adjoint des membres de la Commune, en hommage à celle-ci et comme réponse aux persécutions. Toutes ces propositions furent approuvées ensuite au Conseil général, dans sa séance du 16 octobre 1871.

[7] Ces paragraphes ont pour but : d'abord, éviter que les conseils centraux de tous les pays puissent être confondus avec le Conseil général; ensuite, les remettre à leur place dans la structure centralisée de l'Internationale; enfin, exclure les sectes ou sociétés séparatistes qui utilisent l'Internationale pour leurs buts particuliers. Dans la discussion (séance du 18 septembre), Marx rappela enfin : « Dans les statuts originaux, qu'on ne peut plus changer, il y avait le nom local ou national : on ne détruira pas les nationalités en éliminant ces mots, mais il faudra pour cela un grand mouvement historique. » (Op. cit., p. 162.)

[8] Ce paragraphe a fait l'objet des discussions de la séance du 19 septembre de la conférence. Il démontre la très nette évolution de l'Internationale vers la forme parti, avec les cartes et cotisations individuelles, avec la centralisation correspondante, la lutte contre l'affiliation de sociétés particularistes, les adhérents faisant face à la direction et au programme unitaires.
Marx avait proposé ce paragraphe au nom du Conseil général, et Engels face aux objections de la pratique, a finalement modifié le projet initial dans le sens ci-dessus. Marx lui-même avait admis qu' « il serait peut-être difficile d'obtenir une cotisation à l'avance ».

[9] Après avoir présenté cette résolution de la part du Conseil général, Marx la justifie en ces termes : « Le citoyen Marx ajoute qu'il fait remarquer que la proposition porte ‘sans exclusion des sections mixtes’; il croit nécessaire la fondation de sections purement féminines dans les pays où l'industrie emploie des femmes en grand nombre. Les femmes jouent un très grand rôle dans la vie; elles travaillent dans les usines, elles prennent part aux grèves, à la Commune, etc. Elles ont plus d'ardeur que les hommes. » (Op. cit., p. 167-168.)

[10] Lors des débats de la séance du 19 septembre, Marx précise à ce propos : « L'article 5 des statuts prescrit une pareille mesure de statistique générale, mais elle n'a jamais trouvé d'application, malgré les efforts et les sollicitations du Conseil général auprès des conseils fédéraux et sections diverses. Le Conseil général a envoyé partout des questionnaires parfaitement combinés et qui demandaient peu d'embarras pour y répondre, mais ce sont seulement quelques petites sociétés isolées qui en ont tenu compte. La grande majorité a été muette. Ces renseignements sont pourtant d'une très grande importance et de la plus absolue nécessité pour le développement de l'Association.
« Il n'a pas été édicté, comme vous l'avez vu, une sanction déterminée contre ceux qui refuseront la communication de renseignements statistiques, parce que cette résolution vise surtout les syndicats dont une partie seulement est affiliée à l'Association, mais sur lesquels l'Association a une grande influence et qui ne manquent pas de s'adresser au Conseil général chaque fois que leurs intérêts sont en péril.
« Il cite l'exemple de la grève des Lyonnais : lorsque ces derniers ont sollicité l'appui des syndicats, avant que ceux-ci n'envoient aucun fonds pour les aider dans leur grève, les bureaux des syndicats ont fait demander au Conseil général des renseignements statistiques sur les salaires, les heures de travail, etc., des Lyonnais. C'est, du reste, une chose de solidarité qu'il faut connaître absolument. » (Op. cit., p. 169.)

[11] La discussion relative aux syndicats est reproduite dans MARX-ENGELS, Le Syndicalisme, vol. I, p. 193 et 195.

[12] Dans le débat, Marx précisa qu'il fallait « d'abord discuter sur les moyens de faire fusionner les travailleurs des villes avec ceux des campagnes, et ensuite discuter de la propagande immédiate et du moyen de fonder des sections agricoles ».

[13] Nous reproduisons ci-après les interventions de Marx-Engels à ce sujet, lors des séances du 26 et 21 septembre 1871. Extrait de Werke, 17, p. 421-422.

[14] Lors de la séance du 22 septembre, Marx fait la distinction essentielle qui suit, après avoir lu le texte de cette proposition : « Par organisation secrète, il ne faut pas entendre des sociétés secrètes au véritable sens du terme, celles-ci devant au contraire être combattues. En France et en Italie où existe une situation politique qui fait que le droit d'association est passible de punition, on a une forte tendance à se laisser séduire par les sociétés secrètes dont le résultat est toujours négatif. En effet, ce type d'organisation est en contradiction avec le niveau atteint par le mouvement prolétarien, parce que ces sociétés, au lieu de former les ouvriers, les soumettent à des lois mystiques et despotiques qui leur interdisent toute indépendance et orientent leur conscience dans une fausse direction. » (Cf. Werke, 17, p. 654-655.)
Les résolutions IX et X formeront la base des principes de la lutte contre l'anarchisme dans l'Internationale, qui trouve son dénouement au congrès suivant de La Haye.

[15] Deux autres résolutions avaient été adoptées lors des débats sur la situation de l'Internationale en France, le 22 septembre :
1. Le comité fédéral belge, le comité fédéral romand, le comité fédéral espagnol sont autorisés à servir d'intermédiaires aux sections françaises vis-à-vis du Conseil général et à recevoir leurs adhésions.
2. Le Conseil général est invité à publier une adresse appelant les travailleurs français à lutter ouvertement contre le gouvernement au nom du développement de notre œuvre émancipatrice et à s'organiser d'après nos statuts, malgré toutes les persécutions et les lois prohibitives. (Souligné par nous. Outine, de la section russe, eut une part prépondérante dans cette discussion.)
Marx soutint à fond que la meilleure réponse aux persécutions et à la répression était une attitude de combat. Voici son commentaire aux propositions ci-dessus : « Marx demande si le moment n'est pas encore venu de déclarer la guerre ouverte au gouvernement et de braver la loi Dufaure et les persécutions. Sous Bonaparte, jamais l'Internationale n'a existé ouvertement en France. On a donné mandat aux blanquistes qui étaient dans nos principes d'organiser des sections, alors que Tolain n'y était plus. Ils continueront dans cette voie. Nous avons reçu du Havre et d'autres lieux des demandes de formation de sections. Comme nous ne connaissons pas ces hommes, nous avons agi avec prudence. Il est difficile à la police de sévir contre les sections locales. »
Marx observe enfin que Serraillier a dit que les propositions étaient faites en son nom; en fait, c'est au nom du Conseil général. Mais il parle en son nom, car il n'est pas bon de conseiller aux ouvriers de s'organiser ouvertement, ou bien d'attendre. Vaillant estime que le moment est opportun.
Dans sa séance du 16 octobre, le Conseil général estimait, à la demande de Marx et de Frankel, qu'il fallait imprimer l'appel aux ouvriers de France, leur demandant de résister aux despotiques empiètements de leurs droits d'association et d'expression, et les informer comment ils devaient procéder pour s'organiser.
Cependant, le 24 octobre, « le citoyen Serraillier déclara qu'il était du même avis que Vaillant, à savoir qu 'il vaudrait mieux retarder la proclamation aux ouvriers de France, étant donné qu'elle pourrait être utilisée contre les prisonniers communards » (op. cit., p. 220).

[16] Dans les premières années de l'Internationale, Marx avait défendu au contraire l'idée de réunir en un seul organisme le Conseil central de l'Internationale et le conseil fédéral anglais, afin d'imprégner les dirigeants anglais de l'esprit et des méthodes d'action révolutionnaires. Cette tâche étant à présent réalisée, Marx explique comme suit sa proposition : « Le travail du Conseil est devenu immense. Il est obligé de faire face aux questions générales et aux questions nationales. Il s'était opposé jusqu'ici à cette formation, parce qu'il fallait obliger les Anglais à venir s'inspirer de l'esprit socialiste international. Au Conseil général, actuellement, leur éducation est faite. » Au reste, Marx estime que « le Conseil aura toujours le pouvoir de dominer la situation ».
« D'après les statuts, c'est le droit des Anglais que de créer une fédération, mais les principaux représentants anglais sont dans le Conseil. Elle ne se fera pas, si nous ne voulons pas. Cependant, ils en sentent le besoin, et depuis la Commune, beaucoup de sections ont été constituées, qui désirent un lien entre elles. Il ne craint pas qu'elles tombent dans les mains des agitateurs qui attaquent l’Internationale.
« Beaucoup de membres anglais du Conseil général ont peu d'utilité pratique. Ils seront plus utiles en agissant dans les quartiers respectifs. Le Congrès pourrait toujours arrêter leurs débordements. Les ouvriers ont confiance dans le comité central Ils se sont adressés à lui pour les élections. Cette proposition est adoptée à l’unanimité. » (Op. cit., p. 217-218.)

[17] Nous reproduisons cet article ci-après.

[18] Cf. L'Égalité, 21 octobre 1871, in Werke, 17, p. 427-430.

[19] Marx lui-même fera remarquer que c'est à l'insistance de Bakounine et des Jurassiens eux-mêmes que les points 6 et 7 des résolutions du Congrès de Bâle ont été adoptés. À la Conférence de Londres, séance du 21 septembre, il disait lui-même à ce propos : « On a fait appel aux sections pour trancher cette question, et demandé au Conseil général de prendre (à propos de la fédération jurassienne) une sanction fondée sur son droit de suspendre   par les statuts. Le Conseil évite toujours toute mesure autoritaire quand elle peut être évitée, et il résolut afin d'éviter tout conflit, que la fédération garderait son titre, et que l'on invite l'Alliance à prendre un titre local, ce qu'elle n'a pas fait. »


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