1844

Marx et Engels rompent avec l'hégélianisme....
Publication réalisée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec.


La sainte famille

K. Marx - F. Engels

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« La Critique critique absolue » ou « la Critique critique » personnifiée par Mr. Bruno

Troisième campagne de la critique absolue

par Karl MARX.

f: Le cycle spéculatif de la Critique absolue et la philosophie de la Conscience de soi.

Parce qu'elle prétend, dans un unique domaine, s'être accomplie et imposée dans sa pureté, la Critique n'a donc à se reprocher qu'une « simple » erreur, une simple « inconséquence », si elle n'a pas été dans tous. les domaines de l'univers aussi « pure » et « accomplie ». Cet « unique » domaine critique, c'est celui de la théologie. Le pur paysage de ce domaine s'étend de Kritik der Synoptiker (Critique des Synoptiques) de Bruno Bauer à Das entdeckte Christentum (Le Christianisme révélé) du même Bruno Bauer, ce dernier ouvrage en constituant la place forte la plus avancée.

« La Critique moderne, nous dit-on, avait enfin tiré au clair le spinozisme; ce fut donc une inconséquence si — ne fût-ce que sur certains points qui aboutissent à de fausses conclusions — elle suppose naïvement la substance dans un domaine.»

Plus haut, au moment où l'on nous avouait que la Critique s'empêtrait dans ses préjugés politiques, on atténuait aussitôt cet aveu en disant que cet imbroglio était « au fond si peu consistant» ! Ici, l'aveu de l'inconséquence est tempéré par une parenthèse : elle ne s'est produite que sur certains points qui aboutissent à de fausses conclusions ! La faute n'incombait pas à M. Bauer, mais à ces points faux qui, semblables à des montures récalcitrantes, ont pris le mors aux dents avec la Critique en croupe.

Quelques citations montreront que, par sa victoire remportée sur le spinozisme, la Critique est parvenue à l'idéalisme hégélien; qu'en renonçant à la « substance », elle a abouti à un autre monstre métaphysique, au «sujet », à la « substance en tant que procès », à la « conscience de soi infinie», et que la Critique « achevée » et «pure» a pour résultat final le rétablissement de la théorie créationniste chrétienne sous sa forme spéculative hégélienne.

Ouvrons d'abord la Kritik der Synoptiker (Critique des Synoptiques) :

« Strauss reste fidèle au point de vue selon lequel la substance est l'absolu. La tradition, sous cette forme de l'universel qui n'a pas encore atteint la détermination réelle et rationnelle de l'universel, laquelle, en effet, ne peut être atteinte que dans la Conscience de soi, dans la singularité et l'infini de cette conscience de soi, n'est rien d'autre que la substance débordant sa simplicité logique et ayant pris, en tant que puissance de la communauté religieuse, une forme déterminée d'existence. » (1, Avant-propos, p. VI.)

Abandonnons à leur sort « l'universel qui atteint une détermination », la « singularité et l'infini », c'est-à-dire, le concept hégélien. Au lieu de dire que l'idée développée dans la théorie de Strauss sur la « puissance de la communauté » et la « tradition » trouve son expression abstraite, son symbole logico-métaphysique dans la représentation spinoziste de la substance, M. Bauer nous dit que « la substance déborde de sa simplicité logique et prend une forme déterminée d'existence dans la puissance de la communauté ». Il recourt à tout l'attirail magique de Hegel qui fait jaillir les « catégories métaphysiques » — abstractions tirées de la réalité — de la logique, où elles sont résolues dans la « simplicité » de l'idée, et leur fait prendre une « forme déterminée » d'existence physique ou humaine, en un mot les fait s'incarner. Hinrichs, au secours !

« Que cette conception est mystérieuse, poursuit la Critique contre Strauss : chaque fois qu'elle veut expliquer et faire comprendre concrètement le procès auquel l'histoire évangélique doit son origine, elle ne produit jamais qu'un semblant de procès [...]. La proposition : « l'histoire évangélique a ses sources et son origine dans la tradition, dit deux fois la même chose : « la tradition » et l' « histoire évangélique »; elle établit bien un rapport entre les deux, mais ne nous dit pas à quel procès intérieur de la substance le développement et l'exégèse sont redevables de leur origine. »

D'après Hegel, il faut concevoir la substance comme procès intérieur. Et voici comment il caractérise le développement, du point de vue de la substance :

« Mais si nous considérons de plus près ce déploiement, nous voyons qu'il ne résulte pas de ce qu'une seule et même matière s'est façonnée et s'est diversifiée; il est au contraire la répétition informe de l'Identique, qui... obtient seulement par là une fastidieuse apparence de diversité [1]. »

Hinrichs, au secours ! M. Bauer poursuit :

« La Critique doit en conséquence se tourner contre elle-même et résoudre cette substantialité mystérieuse... dans le sens où le développement de la substance pousse lui-même, en l'universalité et la détermination de l'idée et en son existence réelle, la conscience de soi infinie. »

La critique de Hegel contre le point de vue de la substantialité continue :

« Il faut résoudre la compacité de la substance et élever cette substance à la conscience de soi » (p. 7) [2].

Chez Bauer également, la conscience de soi est la substance élevée à la conscience de soi, ou la conscience de soi en tant que substance; d'attribut de l'homme, la conscience de soi est métamorphosée en sujet autonome. C'est la caricature métaphysico-théologique de la division de l'homme d'avec la nature. L'essence de cette conscience de soi n'est donc pas l'homme, mais l'idée, dont elle est l'existence réelle. C'est l'idée faite homme, donc un infini, Toutes les propriétés humaines se métamorphosent par conséquent mystérieusement en propriétés de cette imaginaire « conscience de soi infinie ». À propos de cette « conscience de soi infinie », M. Bauer dit donc expressément que tout trouve en elle son origine et son explication, c'est-à-dire sa raison existentielle. Hinrichs, au secours !

M. Bauer continue :

« La force du rapport de substantialité réside dans son impulsion qui nous conduit au concept, à l'idée et à la conscience de soi. »

Hegel dit :

« Ainsi, le concept est la vérité de la substance. » « La transition du rapport de substantialité se fait par sa propre nécessité immanente et se ramène à ceci que le concept est la vérité de cette nécessité. » « L'idée est le concept adéquat. » « Le concept... parvenu à l'existence libre... n'est autre chose que le moi ou la pure conscience de soi [3]. »

Hinrichs, au secours !

C'est une impression hautement comique que produit encore M. Bauer lorsque, dans sa Literatur-Zeitung, il dit :

« Déjà Strauss a fait faillite parce qu'il ne put achever la critique du système de Hegel, tout en prouvant, par sa demi-critique, la nécessité de cet achèvement », etc.

Ce n'est pas la critique achevée du système Hegel, mais tout au plus l'achèvement du système de Hegel, du moins dans son application à la théologie, que M. Bauer a cru lui-même fournir dans sa Kritik der Synoptiker (Critique des Synoptiques).

Il appelle sa critique (Préface des Synoptiques, p. XXI) « le dernier acte d'un système déterminé» qui n'est autre que le système hégélien.

La lutte entre Strauss et Bauer relativement à la substance et à la conscience de soi est une lutte dans le cadre des spéculations hégéliennes. Il y a, chez Hegel, trois éléments : la substance spinoziste, la conscience de soi fichtéenne, l'unité hégélienne des deux, nécessairement contradictoire, l'esprit absolu. Le premier élément est la nature, sous travesti métaphysique, dans sa séparation d'avec l'homme, le second est l'esprit, sous travesti métaphysique, dans sa séparation d'avec la nature, le troisième est, sous travesti métaphysique, l'unité des deux autres, l'homme réel et l'espèce humaine réelle.

Strauss et Bauer ont l'un et l'autre développé logiquement Hegel sans sortir du domaine de la théologie, le premier du point de vue spinoziste, le second du point de vue fichtéen. Tous deux ont critiqué Hegel dans la mesure où, chez lui, chacun des deux éléments est faussé par l'autre, tandis qu'ils ont conduit chacun de ces éléments à son achèvement unilatéral, donc conséquent. — Dans leur critique, tous deux dépassent par conséquent Hegel, mais tous deux se maintiennent également à l'intérieur de sa spéculation et ne représentent chacun qu'un côté de son système. Feuerbach, le premier, a parachevé et critiqué Hegel au point de vue hégélien en résolvant l'esprit absolu métaphysique en « l'homme réel sur la base de la nature »; le premier, il a achevé la critique de la religion en esquissant en même temps de main de maître les grands principes de la critique de la spéculation hégélienne et, par suite, de toute métaphysique [4].

À vrai dire, chez M. Bauer, ce n'est plus le Saint-Esprit, c'est l'infinie Conscience de soi qui dicte son texte à l'évangéliste.

« Nous ne devons plus dissimuler que la conception correcte de l'histoire évangélique a, elle aussi, ses fondements philosophiques la philosophie de la conscience de soi » (Bruno BAUER Krit[ik] der Synopt[iker], Préface, p. XV).

Caractérisons cette philosophie de la conscience de soi de Bauer ainsi que les résultats auxquels M. Bauer a abouti au terme de sa critique de la théologie, à l'aide de quelques extraits de son dernier ouvrage philosophico-religieux : Das endeckte Christentum (Le Christianisme révélé).

Nous y lisons à propos des matérialistes français :

« Quand la vérité du matérialisme, la philosophie de la conscience de soi, est découverte et que la conscience de soi est reconnue comme le tout, comme la solution de l'énigme de la substance spinoziste et comme la véritable causa sui [5].., à quoi sert alors l'esprit ? À quoi bon la conscience de soi ? Comme si la conscience de soi, en posant le monde, la distinction, en se produisant elle-même dans ce qu'elle produit, puisqu'elle supprime derechef la distinction de ce qu'elle a produit d'avec elle-même et n'est donc soi-même que dans le mouvement — comme si elle n'avait pas sa fin et ne se possédait pas elle-même dans ce mouvement qu'elle est elle-même 1 » (Das entdeckte Christentum, p. 113.)
« Les matérialistes français ont, il est vrai, conçu les mouvements de la conscience de soi comme mouvements de l'être universel, de la matière; mais ils n'ont encore pu s'apercevoir que le mouvement de l'univers n'est devenu réel pour soi qu'en tant que mouvement de la conscience de Soi et s'est identifié avec lui. » (Ibidem, p. [114]115.)

Hinrichs, au secours !

En bon français, la première thèse signifie ceci : la vérité du matérialisme est le contraire du matérialisme; c'est l'idéalisme absolu, c'est-à-dire exclusif, noyant tout. La conscience de soi, l'esprit est le Tout. En dehors d'elle, il n'y a rien. « La conscience de soi », « l'esprit », voilà le créateur tout-puissant du monde, du ciel et de la terre. Le monde est une manifestation de la conscience de soi, qui est obligée de s'aliéner et de prendre une forme serve; mais la distinction entre le monde et la conscience de soi n'est qu'une distinction apparente. La conscience de soi ne distingue d'elle rien de réel. Le monde, au contraire, n'est qu'une distinction métaphysique, une chimère et une imagination du cerveau éthéré de la conscience de soi. Elle abolit donc l'apparence, concédée pour un instant, qu'en dehors d'elle il existe quelque chose, et, dans son « produit », elle ne reconnaît pas d'objet réel, c'est-à-dire d'objet se distinguant realiter [effectivement] d'elle. Et ce n'est que par ce mouvement et à partir de lui que la conscience de soi se produit en tant qu'absolu; car l'idéaliste absolu, pour l'être, a besoin d'accomplir constamment le procès sophistiqué qui consiste à transformer d'abord le monde extérieur à lui en une apparence, en une simple lubie de son cerveau, et de déclarer après coup que cette fiction est ce qu'elle est vraiment : une pure imagination, afin de pouvoir, en fin de compte, proclamer son existence unique, exclusive, que rien ne gêne plus, même pas l'apparence d'un monde extérieur.

En bon français, la deuxième thèse signifie ceci : les matérialistes français ont bien conçu les mouvements de la matière comme des mouvements ingénieux, mais ils n'ont pas pu s'apercevoir que ce ne sont pas des mouvements matériels, mais des mouvements idéaux, des mouvements de la conscience de soi, donc de purs mouvements de pensée. Ils n'ont pas encore pu voir que le mouvement réel de l'univers n'est devenu véritable et réel qu'en tant que mouvement idéal de la conscience de soi, libre et libérée de la matière, c'est-à-dire de la réalité; en d'autres termes, qu'un mouvement matériel distinct du mouvement cérébral, du mouvement d'idées, n'existe qu'en apparence. Hinrichs, au secours !

Cette théorie créationniste spéculative se trouve presque mot à mot chez Hegel, et même dans son premier ouvrage, la Phénoménologie.

« L'aliénation de la conscience de soi pose la choséité... Dans cette aliénation, elle se pose soi-même comme objet, ou [...] pose l'objet comme soi-même. D'autre part, dans cet acte est contenu en même temps l'autre moment : celui dans lequel elle a aussi bien supprimé et repris en soi-même cette aliénation et cette objectivité. Tel est le mouvement de la conscience [6]. »
« La conscience de soi [7] a un contenu, qu'elle distingue de soi-même... Ce contenu est, dans sa différence aussi le Moi, car il est le mouvement de se supprimer soi-même... Ce contenu, étant considéré plus précisément, n'est rien d'autre que le mouvement même que nous venons d'énoncer ; il est en effet l'esprit qui se parcourt soi-même et se parcourt pour soi comme esprit [8]. »

À propos de cette théorie créationniste de Hegel, Feuerbach fait observer :

« La matière est l'aliénation de soi de l'esprit. La matière elle-même reçoit ainsi esprit et entendement — mais elle est en même temps posée comme une entité n'existant pas, non vraie, du moment que c'est seulement l'être issu de cette aliénation, c'est-à-dire, se dépouillant de la matière, de la qualité sensible, qui est énoncé comme étant l'être dans son achèvement, sous sa figure et sa forme vraies. Ce qu'il s'agit de nier ici, c'est donc l'élément naturel, sensible, matériel, tout comme dans la théologie on nie la nature souillée par le péché originel [9]. » (Philosophie der Zukunft, p. 35.)

Si M. Bauer prend donc la défense du matérialisme contre la théologie non critique, c'est en lui reprochant de n'être « pas encore » de la théologie critique, de la théologie rationnelle, de la spéculation hégélienne. Hinrichs ! Hinrichs !

M. Bauer qui, dans tous les domaines, développe son opposition à la substance, sa philosophie de la conscience de soi, ou de l'esprit, est donc condamné à n'avoir affaire, dans tous les domaines, qu'à ses propres élucubrations. La Critique est, entre ses mains, l'instrument qui sert à sublimer en simple apparence et en idées pures tout ce qui, en dehors de la conscience de soi infinie, prétend encore à une existence matérielle finie. Ce qu'il combat dans la substance, ce n'est pas l'illusion métaphysique, mais le noyau temporel — la nature, la nature telle qu'elle existe hors de l'homme et telle qu'elle est nature de l'homme.

Ne supposer la substance dans aucun domaine — il parle encore ce langage — signifie donc pour lui ne reconnaître aucun être distinct de la pensée, aucune énergie naturelle distincte de la spontanéité spirituelle, aucune force essentielle de l'homme distincte de l'entendement, aucune passivité distincte de l'activité, aucune influence étrangère distincte de l'action personnelle, aucun sentiment ni vouloir distincts du savoir, aucun cœur distinct de la tête, aucun objet distinct du sujet, aucune pratique distincte de la théorie, aucun homme distinct du Critique, aucune communauté réelle distincte de l'universalité abstraite, aucun toi distinct du moi. M. Bauer est donc logique avec lui-même quand il va jusqu'à identifier sa personne à la Conscience de soi infinie, à l'Esprit, c'est-à-dire à mettre leur créateur à la place des créatures qu'il a créées. Il est non moins logique de sa part de rejeter comme une Masse et une matière têtues, tout le reste du monde qui persiste opiniâtrement à être quelque chose de distinct de son produit à lui, Bauer. Et maintenant, espère-t-il,

« C'en sera bientôt fait de tout ce qui est corporel [10]. »

Son propre mécontentement de ne pouvoir jusqu'ici venir à bout de

« ce je ne sais quoi qu'est le monde ordinaire »,

Il en fait avec la même logique un mécontentement de soi-même que ce monde éprouverait; et la révolte de sa critique contre l'évolution de l'humanité, il en fait la révolte de masse de l'humanité contre sa Critique, contre l'Esprit, contre M. Bruno Bauer et consorts.

De toute éternité, dès l'aube des temps, M. Bauer fut théologien, non pas théologien ordinaire, mais théologien critique OU critique théologique. Quand il était le tenant extrême de l'orthodoxie du vieil hégélianisme, et le rectifieur spéculatif de toute insanité religieuse et théologique, il ne cessait déjà de proclamer que la Critique était sa propriété privée. Il qualifiait alors la critique de Strauss de critique humaine, et affirmait expressément, par opposition à celle-ci, le droit de la critique divine. C'est son grandiose amour-propre, ou conscience de soi, noyau caché de cette nature divine, qu'il a dégagé par la suite de son déguisement religieux, doté de l'autonomie en en faisant un être propre et, sous l'appellation de « conscience de soi infinie », érigé en principe de la Critique. Dans son propre mouvement, il a accompli alors le mouvement que la « philosophie de la conscience de soi » décrit comme acte vital absolu. Il a supprimé derechef « la distinction entre le produit » de la conscience de soi infinie et son producteur qui n'est autre que lui-même, et reconnu que la conscience de soi dans son mouvement « n'était que lui-même », que par conséquent le mouvement de l'univers ne devient véritable et réel que dans son mouvement idéal à lui.

La critique divine, dans son retour en soi, est rétablie de façon rationnelle, consciente, critique; l'être en soi est devenu être en soi et pour soi, et c'est seulement la fin qui donne existence au commencement, accompli, réalisé, révélé. À la différence de la critique humaine, la critique divine s'est révélée comme la Critique, comme la Critique pure, comme la Critique critique. L'apologie de l'Ancien et du Nouveau Testament a été remplacée par celle des Œuvres anciennes et nouvelles de M. Bauer. La contradiction théologique opposant Dieu et l'homme, l'esprit et la chair, l'infini et le fini s'est métamorphosée en contradiction critico-théologique entre l'esprit, la critique, ou M. Bauer, d'une part, la matière, la Masse, ou le monde profane, d'autre part. La contradiction théologique entre la foi et la raison s'est résolue en contradiction critico-théologique opposant le bon sens à la pensée purement critique. La Zeitschrift für spekulative Theologie (Revue de théologie spéculative[11] est devenue la Literatur-Zeitung critique. Le Rédempteur religieux s'est enfin incarné dans le Rédempteur critique, M. Bauer.

Le dernier stade de M. Bauer ne constitue pas une anomalie dans son évolution; il rentre en soi après son aliénation. Il va de soi que le moment où la critique divine s'est aliénée et est sortie d'elle-même coïncide avec le moment où elle est partiellement devenue infidèle à elle-même et a créé quelque chose d'humain.

Retournée à son point de départ, la Critique absolue a clos son cycle spéculatif et par là même le cycle de sa propre existence. Son mouvement ultérieur n'est que pur mouvement circulaire sur soi, bien au-dessus de tout intérêt de masse, et par conséquent sans le moindre intérêt désormais pour la Masse.


Notes

[1] Phénoménologie, préface p. 12.

[2] Dans la traduction française, ces phrases de Hegel figurent respectivement aux pages 15 et 10 du tome I ; remarquons toutefois que Hegel dit en fait (deuxième citation) : « La philosophie ne doit pas tant résoudre la compacité [...] que... restaurer le sentiment de l'essence. »

[3] HEGEL : Logique. Tome V des Œuvres complètes, seconde édition, pp. 6, 9, 229, 13.

[4] Passage cité par LÉNINE : Cahiers philosophiques, Œuvres complètes, p. 33.

[5] Cause d'elle-même.

[6] HEGEL : Phénoménologie, pp. [574]-575.

[7] Le texte de la traduction française dit « le Moi ».

[8] Ibidem [pp. 5821-583. Cf. Traduction française de la Phénoménologie, II, pp. 294 et 303.

[9] Feuerbach publia en 1843 sa Philosophie der Zukunft (Philosophie de l'Avenir) qui faisait suite à ses « Thèses préliminaires sur la réforme de la philosophie ». Dans ces ouvrages, Feuerbach, critiquant la philosophie idéaliste de Hegel, expose les bases de sa philosophie matérialiste.

[10] GOETHE : Faust, I, sc. 3.

[11] Zeitschrift für spekulative Theologie, revue publiée par Bruno Bauer (Berlin, 1836-1838). Bauer comptait - à cette époque - parmi les Vieux-Hégéliens.


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