1865

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Le Capital - Livre III

Le procès d'ensemble de la production capitaliste

K. Marx

§1 : La transformation de la plus-value en profit et du taux de plus-value en taux de profit


Chapître VII : Considérations complémentaires

En supposant que l'hypothèse que nous avons admise dans cette partie soit vraie, c'est-à-dire que le profit approprié dans chaque branche de production soit égal à la plus - value produite par le capital total de cette branche, le profit ne serait quand même pas considéré par le bourgeois comme étant identique à la plus-value, c'est-à-dire au surtravail non payé. Voici pourquoi :

  1. Quand le capitaliste envisage le procès de circulation, il ne tient pas compte du procès de production. La réalisation de la valeur de la marchandise, opération qui comprend la réalisation de la plus-value, provoque d'après lui la création de la plus-value. [Une page blanche dans le manuscrit indique que Marx avait l'intention de développer ce point. F. E.].
  2. En faisant abstraction de l'influence du crédit, des filouteries auxquelles se livrent les capitalistes entre eux et des avantages résultant du choix d'un marché avantageux, nous avons vu que bien que le degré d'exploitation du travail soit le même, le taux du profit peut être très différent :
    1. suivant que la matière première est achetée plus ou moins cher, avec plus ou moins d'habileté et de compétence ;
    2. selon que l'outillage est plus ou moins productif, efficace et coûteux ;
    3. selon que l'ensemble des installations, pour les différents stades du prix de production, est plus ou moins perfectionné ;
    4. selon que le gaspillage de matières est plus ou moins supprimé et que la direction et la surveillance sont plus ou moins simples et efficaces.

En un mot la plus-value correspondant à un capital variable étant donnée, la capacité technique, soit du capitaliste, soit de ses surveillants et de ses commis, intervient pour une large part pour décider si cette plus-value se traduira par un profit plus ou moins élevé, tant comme taux que comme valeur absolue. Une même plus-value de 1000 produite par une même dépense en salaires de 1000 peut avoir exigé, dans une entreprise A, un capital constant de 9000 £ et, dans une entreprise B, un capital constant de 11000 £ ; d'où, pour A, p’ = 1 000 / 10 000 = 10% et, pour B 1 000 / 12 000 = 8 ⅓ %. Dans. l'entreprise A le capital total produit donc relativement plus de profit que dans l'entreprise B, parce que le taux du profit y est plus élevé, bien que dans les deux cas le capital variable et la plus-value soient de 1000, et que par conséquent le même nombre d'ouvriers y soient soumis à une exploitation d'intensité égale. Une telle différence dans les expressions d'une même quantité de plus-value, c'est-à-dire une telle différence dans les taux et les valeurs absolues du profit donné par une même exploitation du travail, peut aussi être due à d'autres causes. C'est ainsi qu'elle peut résulter uniquement d'une inégalité de capacité entre ceux qui dirigent les deux entreprises, et c'est précisément cette possibilité qui induit le capitaliste en erreur et lui donne la conviction que son profit est dû, non à l'exploitation du travail, mais à d'autres circonstances et surtout à son action personnelle.


 

Le raisonnement et les faits que nous venons d'exposer dans cette première partie démontrent la fausseté de la théorie (de Rodbertus) qui veut que (contrairement à ce qu'elle soutient pour la rente, qui peut croître alors que la surface qui la produit reste invariable) une variation du capital est sans influence sur le taux du profit, parce que la valeur absolue du capital à laquelle ou rapporte le profit pour en déterminer le taux, augmente ou diminue en même temps que la valeur absolue du profit. Cette théorie se vérifie cependant dans deux cas.

Primo . - Lorsque, toutes les autres circonstances et surtout le taux de la plus-value restant invariables, il inter­vient un changement dans la valeur de la marchandise qui sert de monnaie (ou dans les signes qui la représentent). Soit un capital de 100 £, donnant un profit de 20 £ ; le taux du profit sera de 20 % . Si la valeur de l'or vient à aug­menter de 100 % , ce capital, qui primitivement ne valait que 100 £, en vaudra 200 et donnera un profit d'une valeur de 40 £ ; si la valeur de l'or diminuait de 100 % il ne vaudrait plus que 50 £ et il donnerait comme profit un produit de la valeur de 10 £. Cependant dans les deux cas on a 200 : 40 = 50 : 10 = 100 : 20 = 20 % . A aucun moment il n'est intervenu un changement dans la grandeur de la valeur du capital ; il s'est produit uni­quement une modification de l'expression monétaire de cette valeur et de celle de la plus-value, modification qui n'a pu avoir aucune influence sur le taux pl /C du profit.

Secundo . - Lorsque la grandeur de la valeur se modifie réellement, mais sans que ce changement soit accompagné d'une modification du rapport v / c , c'est-à-dire lorsque le taux de la plus-value restant constant, le rapport entre le capital avancé pour la force de travail (le capital variable étant considéré, comme l'expression de la force de travail mise en œuvre) et le capital avancé pour les moyens de production reste le même. Dans ces conditions, que nous ayons C ou n x C ou C/ n , c'est-à-dire 1000, 2000 ou 500, le ta u x du profit étant de 20 % , le profit sera de 200, de 400 ou de 100, et nous aurons 200/1000 = 400 /2000 = 100 /500 = 20 % . Le taux du profit est constant, parce que la composition du capital reste invariable malgré les changements qui interviennent dans sa grandeur, et l'augmentation ou la diminution de la valeur absolue du profit correspond simplement à une augmentation ou une diminution de la grandeur absolue du capital engagé. Alors que la grandeur du capital engagé ne varie qu'en apparence dans le premier cas, elle varie réellement ici, mais cette variation n'est accompagnée d'aucune modification de la composition organique du capital, du rapport entre sa partie variable et sa partie constante.

A part ces deux cas, tout changement de grandeur du capital engagé est ou bien la conséquence d'un changement préalable de valeur d'un de ses éléments, c'est-à-dire la conséquence d'une modification des grandeurs relatives de ses éléments (à moins que la plus-value ne change en même temps que le capital variable) ; ou bien la cause d'une modification des grandeurs relatives des deux éléments qui le constituent (ce qui se présente dans les grands travaux, ou lorsqu'on introduit des machines nouvelles). Nous pouvons donc dire d'une manière générale qu'une variation de la grandeur du capital engagé doit être accompagnée d'une variation du taux du profit.

Toute augmentation du taux du profit résulte d'une augmentation relative ou absolue de la plus-value par rapport à son coùt de produ c tion, c'est-à-dire par rapport au capital total, ou d'une diminution de la différence entre le taux du profit et le taux de la plus-value.

Alors qu'aucune modification n'affecte le capital, soit dans sa grandeur absolue, soit dans les éléments qui le constituent, il peut se produire des variations du taux du profit, lorsque la valeur du capital avancé, soit fixe, soit circulant, augmente ou diminue par suite d'une augmentation ou d'une diminution (indépendante du capital déjà existant) du temps de travail nécessaire à sa reproduction. La valeur de toute marchandise - par conséquent la valeur des marchandises qui constituent le capital - est déterminée, non par le temps de travail nécessaire qui y est contenu, mais par le temps de travail social nécessaire pour sa reproduction. Cette reproduction peut s'accomplir dans des circonstances plus ou moins favorables que celles de la production primitive, de sorte qu'un capital ayant originairement une valeur de 100 £ vaudra, la valeur de la monnaie restant invariable, 200 £ ou 50 £, suivant qu'il faudra, d'une manière générale, un temps double ou moitié moindre pour le reproduire. Si cette variation de valeur affecte uniformément toutes les fractions du capital, le profit s'exprimera par une somme d'argent double ou moitié moindre ; mais s'il implique un changement de la composition organique du capital, c'est-à-dire s'il modifie le rapport entre le capital variable et le capital constant, le taux du profit (toutes autres circonstances restant les mêmes) augmentera ou diminuera, selon que le capital variable aura été relativement augmenté ou diminué. S'il ne se produit qu'une modification de la valeur monétaire du capital avancé (par suite d'un changement de valeur de la monnaie), l'expression monétaire de la plus-value variera dans la même proportion, mais le taux du profit restera invariable.


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