1978

"Le titre du livre synthétise ma position : à la place de la démocratie socialiste et de la dictature du prolétariat du SU, je suis revenu aux sources, ai tenté de faire revivre la vieille formule marxiste, tant de fois reprise par Trotsky, de dictature révolutionnaire. Dit d'une autre manière, une dictature pour développer la révolution, et non pour produire de la "démocratie socialiste" immédiatement."


Nahuel Moreno

La dictature révolutionnaire du prolétariat


VII. Une supposée autocritique de Trotsky.


1. Mandel interprète Trotsky.

Pour justifier ses positions révisionnistes, Mandel affirme que les positions prises par Trotsky dans les dernières années de sa vie avaient un caractère auto-critique :

"Quand Trotsky écrit en 1921 que la démocratie soviétique n'est pas un fétiche et que le parti peut exercer le pouvoir non seulement au nom de la classe ouvrière, mais même contre la majorité de la classe ouvrière dans certaines circonstances, alors nous devons être infiniment plus prudents avant de reprendre des formules de ce genre, parce que l'expérience nous enseigne que, dans une telle situation, c'est bien plutôt une bureaucratie qu'une minorité révolutionnaire qui exerce le pouvoir contre la majorité de la classe, choses que Lénine et Trotsky eux-mêmes ont compris un an plus tard. L'année 1921 est, je crois, l'année la plus mauvaise du point de vue de l'élaboration théorique dans l'histoire des bolchéviks et Lénine et Trotsky eux-mêmes ont commis un certain nombre d'erreurs.

"Il suffit de lire les écrits postérieurs pour comprendre qu'après coup, Trotsky a eu conscience de ses erreurs. Quand Trotsky dit à la fin de sa vie qu'il ne veut pas discuter pour savoir si l'interdiction des fractions était oui ou non inévitable, mais qu'il ne peut que constater qu'elle a aidé l'établissement du régime stalinien et de la dictature de la bureaucratie en U.R.S.S., il s'agit là d'une autocritique de fait. Et quand, dans le Programme de transition, Trotsky dit qu'il est pour un système de liberté de multiples partis soviétiques, c'est incontestablement qu'il a tiré la conclusion que lorsqu'il n'y a pas, dans la Constitution, le droit de constituer plusieurs partis, on va utiliser l'argument "tu représentes un parti en puissance" contre n'importe quelle fraction, et "tu es une fraction en puissance" contre n'importe quel courant ou tendance... De cette manière, on étouffe non seulement la démocratie socialiste mais encore la démocratie dans le parti. Il y a une logique interne dans cette affaire, que le Trotsky de 1936-1938 assume pleinement. Nous devons prolonger cette réflexion, sans nous laisser limiter par des considérations de défense à tout prix de chacune des décisions prises sous la direction de Lénine et Trotsky. Je crois d'ailleurs que dans la formule de "liberté des partis soviétiques", il y a une autocritique beaucoup plus sérieuse de la part de Trotsky" (Mandel, 1976) [1] [*].

Comme on le voit, l'interprétation de Mandel est que Trotsky a fait une autocritique presque complète, à trois moments de sa vie. En 1922, avec Lénine, sur le rôle du parti et le fétichisme démocratique soviétique ; à la "fin de sa vie", il fit une "autocritique de fait" sur l'interdiction des fractions dans le parti bolchévique ; et dans le Programme de transition, quand il "dit qu'il est pour un système de liberté de multiples partis soviétiques", "il y a une autocritique beaucoup plus sérieuse de la part de Trotsky".

Mandel ajoute à ces supposées autocritiques une conclusion qu'il tire de son propre fait : la politique bolchévique de 1921 à 1923, d'interdiction du "parti menchévik, des organisations anarchistes et des listes différentes dans les élections soviétiques" fut une erreur. Avec beaucoup de discrétion et de délicatesse, Mandel est en train de nous dire que la politique de Lénine et celle de Trotsky dès la mort de Lénine jusqu'en 1934, sur ces questions fondamentales de l'Etat soviétique, était totalement erronée. Et il affirme avec la même discrétion que pendant ces quinze années les menchéviks et les ultra-gauchistes eurent raison contre Lénine et Trotsky. Il nous faut donc voir ce qu'il y a de vrai dans cette révision complète de l'histoire du trotskysme.


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