1922

Une brochure d'éducation populaire sur le communisme...

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Précis du communisme

Charles Rappoport


  1. L'homme est un être social

Le plus grand penseur de l'Antiquité, Aristote, a écrit : « L'homme est un animal politique ». La science sociale de notre temps, d'accord avec l'expérience, développe et précise cette vérité en constatant que « le homme est un être social ». C'est dans la société qu'il apprend à penser, à exprimer sa pensée dans les termes d'un langage connu et à agir sur les forces de la nature. Un homme absolument isolé est un être sans raison, sans moyens d'action sur le monde extérieur.

C'est la société qui, profitant de l'expérience des siècles, met dans les mains de l'homme un outillage perfectionné de production : le feu, les armes tranchantes, la machine à vapeur, l'électricité. Cet outillage bouleverse peu à peu toutes les conditions de la vie et prépare les bases techniques d'une nouvelle société fondée sur la solidarité de tous ses membres.

La conception bourgeoise ignore ou méconnaît cette vérité première et fondamentale. Elle ne connaît et ne reconnaît que l'individu. Elle sacrifie l'intérêt de tous, l'intérêt collectif à l'égoïsme individuel, la majorité des producteurs à la minorité des parasites. Sa devise est : laissez-nous faire, laissez-nous passer, - c'est-à-dire laissez tous les privilèges, tous les avantages à quelques individus favorisés et bien armés pour la lutte en vouant le reste de l'humanité à l'ignorance et à la misère. La conception bourgeoise sacrifiant la société à l'individu privilégié, est une conception individualiste qui viole la loi fondamentale de la vie sociale : la solidarité et la coopération des individus dans la société. Le communisme, qui est basé sur la reconnaissance des intérêts communs à tous les membres de la société, est une conception collectiviste ou sociale, ne sacrifiant ni l'individu à la société, ni la société à l'individu. Le communisme a pour but : l'individu libre dans une société libre, le bien-être de chacun assuré par le bien-être de tous, l'homme normalement développé dans une société bien organisée.

  1. Notre société est une société de classes

La conception bourgeoise vulgaire, ne voyant que l'individu dans la société, ignore ou nie l'évidence, à savoir que toute société se compose de classes. Comme l'homme isolé est impuissant et succombe facilement dans la lutte pour l'existence, il se groupe avec d'autres hommes ayant les mêmes intérêts qui forment ainsi une classe, s'opposant aux autres classes ayant des intérêts contraires. La société antique se composait de maîtres armés et d'esclaves désarmés travaillant, sous le fouet, pour les maîtres. Il y avait aussi des classes intermédiaires. L'esclave était la chose de maître, ne vivait et ne travaillait que pour lui. Le maître disposait de la vie et de la famille de l'esclave. Toute velléité de résistance aux maîtres puissants était cruellement châtiée. Le maître était tout, l'esclave rien.

Le Moyen Age se fonde également sur une domination de classe. La société se compose de la noblesse et du peuple, de paysans serfs. Le serf n'appartient pas corps et âme, au noble, en règle générale. Il peut racheter, par toutes sortes de redevances et de taxes, le droit de travailler pour lui-même. C'est un demi-esclave. Mais, au point de vue juridique, politique et social, le peuple asservi dépend de la classe dominante des nobles qui le juge, le gouverne et le traite en classe sociale inférieure, « taillable et corvéable à merci ».

Des éléments intermédiaires entre ces deux classes, se forme peu à peu une nouvelle classe moyenne : la bourgeoisie des villes qui vit du commerce et de l'industrie. En face de la classe des propriétaires fonciers se dresse une nouvelle classe de propriétaires d'argent, la classe capitaliste.

La découverte de l'Amérique, le développement du commerce par l'extension du marché, d'innombrables inventions mécaniques transformant de fond en comble l'industrie, favorisent et font grandir cette nouvelle classe capitaliste qui finit par déclarer la guerre à la noblesse devenue socialement inutile et s'empare du pouvoir politique. Elle en profite pour dominer et exploiter, à son tour, la classe ouvrière dont le travail l'enrichit.

En résumé, Antiquité, Moyen Age et Société moderne ne représentent que des formes différentes de domination de classe. Voilà pourquoi l'on divise tout naturellement toute l'histoire humaine en trois grandes périodes : société esclavagiste, société féodale et société capitaliste.

  1. Le pouvoir économique entraîne le pouvoir politique

La société, pour vivre, a besoin de produire. Pour produire, elle se sert des moyens de production que tout le monde connaît : sol, sous-sol, machines. Ces moyens de production deviennent des moyens de domination lorsqu'ils ne sont pas à la disposition de la société tout entière, mais sont la propriété privée d'une classe. Ainsi les grands propriétaires du sol, s'emparant du moyen de travail qu'est la terre, en profitent pour exploiter les esclaves d'abord et les serfs ensuite. Le propriétaire foncier dit : « Le sol est à moi. Et toi, paysan, tu seras un esclave travaillant pour moi sur ma terre ». Le paysan se soumet à la volonté du propriétaire de la terre. Jadis, presque partout, la terre appartenait en commun à ceux qui la cultivaient. Des guerres perpétuelles, des actes de violence directe et systématiques, des expulsions en masse par des nobles armés et par leurs gouvernements transformaient pendant des siècles les cultivateurs en prolétaires, c'est-à-dire en hommes qui n'ont pas d'autres moyens d'existence que leur force de travail. Et ils les ont obligés à vendre leurs bras à ceux qui ont volé les instruments de travail. Des propriétés communales furent ainsi transformées, en Angleterre, en grandes propriétés capitalistes. Les terres cultivés devenaient des pâturages. Les hommes furent chassés et remplacés par des moutons dont la laine était nécessaire pour le développement de l'industrie textile.

Il se forma peu à peu toute une armée prolétarienne dont les propriétaires des usines et des fabriques devenaient les véritables maîtres. Les inventions mécaniques destinées à économiser le travail humain et à procurer à l'homme des loisirs lui permettant de développer ses facultés, son intelligence et son goût, les machines, qui devraient être, pour l'homme, de véritables esclaves de fer, sont devenues, au contraire, sous le régime capitaliste, ses pires ennemies, ses concurrentes, le moyen le plus puissant de son exploitation et de son esclavage. La machine détruit d'innombrables petits métiers. La fabrique met sur le pavé l'artisan. Et la société se divise de plus en plus en deux classes : d'un côté, les propriétaires des instruments de travail, les fabricants, les usiniers, les maîtres de forge et de l'autre, les salariés, les sans-propriété, les ouvriers, les prolétaires.

Toute classe qui possède les instruments de travail cherche à s'emparer du pouvoir politique, de l'Etat et de la force armée, pour assurer sa propriété exclusive, sa propriété-monopole. Le pouvoir économique entraîne le pouvoir politique. Le propriétaire foncier exploitant directement le paysan ignorant, dispersé à travers les campagnes, sans habitude d'organisation, préfère le pouvoir absolu de la monarchie. Le propriétaires des instruments mécaniques ayant affaire à une société plus développée, ne pouvant pas se passer du concours de la science et exploitant les ouvriers concentrés dans les villes, est obligé d'avoir recours, pour maintenir sa domination à la monarchie parlementaire ou à la République. Mais monarchie ou République capitaliste, c'est toujours le pouvoir politique au service de la propriété privée, c'est toujours la force armée à la disposition des intérêts des classes privilégiées. Qui a propriété, a pouvoir. Le prolétariat est une classe de non-propriétaires. Et il est privé aussi du véritable pouvoir politique. Mais cette situation ne peut pas durer éternellement. Le prolétariat finit par comprendre qu'il est la dupe et la victime d'un régime qui ne vit que par lui et qui l'exploite impitoyablement.

  1. La conquête du pouvoir

La société capitaliste ne peut exister sans le prolétariat. C'est le prolétariat qui met en mouvement le formidable outillage mécanique. Le prolétariat assurant le fonctionnement de la grande production, travaillant dans les grandes usines et les immenses fabriques, crée le travail organisé sur des bases collectives. La production moderne est une production de masses. Cependant le profit en est individuel, c'est-à-dire que les richesses produites collectivement sont accaparées par des capitalistes individuels.

Aussitôt que le prolétariat prend conscience de ce fait, de ce scandale permanent de la société capitaliste, il commence à se révolter contre un état de choses qui assure au capitaliste la part du lion. Et il revendique son dû.

Cependant, le prolétariat moderne ne veut pas retourner à son ancien métier. Les prolétaires travaillant dans une mine, dans les hauts fourneaux, à une voie ferrée ne peuvent pas demander le partage de la mine, du haut fourneau et du chemin de fer. Ce sont des grands organismes vivants et ne sauraient être coupés en morceaux sans cesser de vivre et de produire.

Voilà pourquoi le prolétariat demande la propriété sociale, la propriété communiste, c'est-à-dire la mise en commun des grands instruments de travail, du sol, du sous-sol, des usines, des fabriques, des chemins de fer, etc., etc. A travail collectif, propriété collective. La collectivité doit posséder ce que la collectivité produit. Le prolétariat devenu maître des instruments de travail cesse d'être l'esclave du capitaliste. La machine cesse d'être sa rivale, pour devenir son auxiliaire, son aide, son amie. Elle lui assure du loisir pour développer toutes ses facultés. D'un esclave, d'un instrument vivant, l'ouvrier devient un homme conscient, maître de lui-même. Il supprime l'exploitation de l'homme par l'homme. Il établit l'égalité sociale ; à la lutte contre le patron, il substitue la lutte contre les forces de la nature, contre sa propre ignorance. Il arrache à la nature ses secrets et multiplie sa propre force qui est celle de toute la société.

Mais la classe capitaliste ne cédera pas de bon gré sa place au prolétariat. Pour transformer la propriété, il faut lui arracher son pouvoir politique, son instrument d'oppression et qui, entre les mains du prolétariat, devient l'arme de l'émancipation de tous les producteurs. Le prolétariat, en s'emparant du pouvoir politique par la voie révolutionnaire, ne fait que suivre l'exemple des classes qui l'ont précédé. Toute classe a besoin du pouvoir politique pour sauvegarder la forme de propriété qu'elle représente. Par cela même que le prolétariat assure la propriété sociale, c'est-à-dire, en définitive, la propriété de tous, son pouvoir politique est également le pouvoir de tous les producteurs et il ne s'exerce d'une façon violente que contre les parasites et les contre-révolutionnaires, qui ne font qu'un.

  1. La victoire du communisme

La victoire du prolétariat communiste n'est pas seulement désirable. Elle est aussi pratiquement possible et historiquement certaine. La victoire du communisme est désirable parce que le communisme seul mettra fin à l'exploitation de l'homme par l'homme et de la femme par l'homme. Seul le communisme supprimera la lutte pour le partage du globe, entre les continents, les races et les nations. Le communisme seul mettra fin à la guerre et à la misère, aux innombrables injustices dont est saturée notre vie quotidienne.

En effet, la société actuelle, basée sur l'égoïsme aveugle, réalise le maximum de l'absurdité ! En haut, une petite minorité de possédants qui ont tous les moyens de bonheur, mais incapables d'en profiter. Car ils sont condamnés à vivre isolés du peuple travailleur qui les hait. Ils passent leur vie à trembler pour les privilèges et à combattre tout mouvement d'avant-garde qui menace le régime du privilège. De plus en plus, ils sont obligés de vivre comme dans une forteresse assiégée. Se condamnant, par leur richesse, à une vie oisive qui répugne à la nature humaine, ils ne jouissent, pour la plupart, ni de la santé physique, ni de la santé morale. L'ennui, qui leur fait chercher toutes sortes de faux plaisirs, souvent grossiers, ou grotesques, est le lot habituel des riches privilégiés de notre régime.

D'autre part, l'immense majorité des producteurs, ouvriers et paysans, sont condamnés aux travaux fastidieux qui minent leur santé, travaux sans joie engendrant d'innombrables maladies et des accidents professionnels. Le chômage guette la classe ouvrière au tournant de chaque crise économique qui survient périodiquement. La tuberculose, fille de la misère, la décime. L'alcoolisme, où l'ouvrier surmené cherche l'oubli de sa vie misérable, l'empoisonne et contribue à sa dégénérescence physique et morale. La vie d'un ouvrier est presque deux fois moins longue que celle d'un riche. Vie gâchée et sans bonheur chez les classes riches, impossibilité d'une vie normale chez les classes exploitées - voilà le tableau véridique d'une société basée sur la lutte des classes, des races, des nations et des individus. Cette société se trouve toujours dans un état de déséquilibre qui l'a fait justement comparer à une pyramide renversée sur la pointe avec la base en l'air. On peut dire de notre société qu'elle est une maison à l'envers avec les caves à la place du toit. Ce ne sont pas les classes productrices, créatrices de la vie, qui la gouvernent, mais les classes et les couches parasitaires qui la dominent et l'oppriment. La classe des producteurs, en prenant possession de la société, rétablira l'équilibre et mettra chaque chose à sa place.

La science moderne a créé des ressources infinies de bien-être et de bonheur. Appliquée à multiplier les commodités de la vie, elle aurait pu faire de notre vie un véritable paradis social. Par la faute de notre régime absurde, l'humanité se débat dans un véritable enfer social. Les hommes, au lieu de coopérer à l'édification d'une maison commune habitable, sont, au contraire, occupés à s'entre-dévorer, et à s'empoisonner mutuellement la vie. Il en résulte un gaspillage de forces sociales et individuelles effrayant. Le communisme, en supprimant la cause même des luttes et des rivalités - la propriété privée - fondera une nouvelle société basée sur les principes d'économie organisée. Il supprimera tout gaspillage, tout travail improductif, abolira les conflits d'intérêts en faisant fonctionner l'autorité collective non au profit d'une classe, mais au profit de la société tout entière.

Le communisme est donc, à tous les points de vue, désirable.

Il est aussi possible. Car il correspond aux intérêts collectifs, au bon sens, au désir commun de bien-être, à l'intérêt de la classe productrice qui forme l'immense majorité dans chaque pays.

Le communisme est possible. Car, de plus en plus, les hommes s'associent pour mettre leurs efforts en commun. Toutes sortes d'associations d'ordre politique, intellectuel et moral habituent l'homme à organiser son travail et sa vie.

Le communisme est possible. Car les forces productives, grâce au machinisme, ont atteint un degré inouï de développement. On n'a qu'à les mettre en œuvre au profit de tous pour assurer le bien-être complet à tous les membres de la société. Le communisme devient de plus en plus possible avec l'éducation sociale de la classe ouvrière organisée en parti politique de classe, en syndicats et en coopératives. L'organisation rationnelle de la production s'impose avec le développement de la conscience et de la solidarité entre les producteurs.

Mais le communisme est non seulement désirable et possible : il est aussi une nécessité historique. Il est l'aboutissement inévitable de toute l'évolution historique, économique aussi bien que politique, intellectuelle aussi bien que moral.

Sur le terrain économique, la société moderne tend à la concentration de la production. Les grandes entreprises, plus viables et plus profitables, absorbent, de plus en plus, les petites et moyennes entreprises. L'usine gigantesque supprime le petit atelier, le grand commerce domine la petite boutique, la haute banque triomphe de la petite banque. Le communisme est la conclusion logique de cette concentration. Car il remplace le monopole de la minorité possédante par la propriété collective.

L'immense armée des producteurs s'empare de la production déjà concentrée, préparée par son mécanisme même, à passer dans les mains de la collectivité ouvrière et paysanne.

Le même phénomène d'organisation sur des bases collectives, s'observe sur d'autres terrains : social, politique et intellectuel. Les campagnes se vident au profit des villes où les hommes vivent une vie sociale très intense sillonnée par toutes sortes d'organisations et de liens collectifs. L'Etat, forme suprême de la concentration politique, domine de plus en plus la vie individuelle et sociale. La croissance prodigieuse de son budget, qui menace d'absorber presque tout le revenu dit national, en est la meilleure preuve. Cet Etat est aujourd'hui un Etat des classes privilégiées, un instrument d'oppression. Le prolétariat, en le détruisant, lui substitue son propre Etat qu'il met au service de tous les travailleurs des villes et des champs.

L'instruction publique, le développement de la grande presse, la vulgarisation littéraire et scientifique sont autant de facteurs de concentration intellectuelle, qu'il s'agit de canaliser et de diriger vers un but social : le développement intellectuel d'une société de producteurs travaillant pour le bien-être de tous et de chacun.

  1. Ce que disent nos adversaires

Nos adversaires disent que nous ne sommes pas des hommes pratiques. Nous serions des rêveurs, des chimériques, des hommes d'imagination. Nos adversaires nous opposent la « nature humaine ». Et ils s'expliquent : « Vous voulez, nous disent nos contradicteurs, - qu'ils soient savants or ignorants, académiciens ou gens du peuple - changer la société, assurer à tout le monde le bien-être et l'égalité des droits. Vos oubliez, malheureux, la nature humaine ! L'homme est méchant, égoïste. Il n'aime que lui-même. Vous n'arriverez jamais à changer l'homme. Votre idéal est beau. Vos intentions sont excellentes. Mais la mariée est trop belle pour l'homme qui est trop laid ».

A quoi les communistes répondent : On a opposé le même argument de la nature humaine aux adversaires de l'esclavage et du servage, à l'exploitation économique barbare de l'Antiquité et du Moyen Age. On invoquait également la nature humaine pour défendre la monarchie absolue, la servitude politique de l'immense majorité de la nation.

Les plus grands penseurs anciens, Aristote et Platon, défendaient l'éternité de l'esclavage avec l'argument de la « nature humaine ». Ils disaient : « C'est la nature humaine qui a fait que les Grecs, peuple civilisé, ont transformé les barbares vaincus, tous les autres peuples, en esclaves. C'est la nature humaine qui crée des maîtres et des esclaves. C'est la nature humaine qui exige l'inégalité parmi les hommes et la domination des uns sur les autres. »

Or, l'esclavage a été aboli. Et la nature humaine n'a pas protesté. Tout au contraire. Ceux qui voudraient rétablir l'esclavage, sous la forme antique, seraient considérés, aujourd'hui, comme des ennemis du genre humain. Et on leur dirait qu'ils entreprennent une chose contraire à notre nature, qui ne tolère plus l'esclavage.

Cependant, il faut être juste, même envers le passé. La situation de l'esclave dans l'Antiquité, surtout quand les esclaves étaient peu nombreux, était meilleure que celle des ouvriers sans travail. Car le maître considérait son esclave comme une propriété qu'il faut ménager. Il lui assurait les moyens d'existence. Et souvent, s'il était bienveillant, il le traitait en membre de sa famille.

Tandis que la société capitaliste condamne à la misère du chômage et à la famine ceux qu'elle ne peut pas employer pour augmenter ses richesses.

C'est une grossière erreur de dire que la nature humaine ne change pas. Tout change dans la nature et dans la vie. Tout se transforme. Le mouvement est la loi universelle de tout ce qui existe. C'est la conclusion de toutes les sciences de notre temps : la science des corps célestes (astronomie), les sciences naturelles et biologiques, les sciences sociales et historiques. Tout évolue, tout se modifié, d'une manière constante. Comme disaient les anciens : « Tout coule. On ne descend pas deux fois le même fleuve ». On ne rencontre pas deux fois le même homme, car, entre deux rencontres, il a vieilli, il a changé de constitution, d'âge et de caractère, ce n'est plus le même. L'espèce humaine, elle aussi, a varié. Elle descend des animaux inférieurs. Les planètes mêmes, le soleil, la lune, ne furent pas toujours ce qu'ils sont aujourd'hui. Notre terre a subi d'innombrables révolutions géologiques.

L'histoire humaine est un perpétuel changement.

L'esclavage fut remplacé par le servage de l'Ancien Régime. Le servage a dû céder la place à notre salariat, qui est « la dernière forme de l'esclavage ». Et le salariat cédera la place au communisme, qui est la fin de toute exploitation de l'homme par l'homme, la fin de tout esclavage.

Si tout change, si tout se transforme, si tout se modifie, comment peut-on admettre un seul instant que la forme actuelle de la propriété restera toujours la même ? C'est précisément cela qui serait contre nature. Regardez autour de vous et comparez ce que vous voyez avec ce qui existait autrefois. Le globe est sillonné de voies ferrées. Les océans sont traversés par des « palais nomades ». L'homme a conquis l'air et s'y tient comme sur la terre. On vole d'un continent à l'autre. La fée électricité répand partout une lumière éblouissante. La télégraphie sans file communique, en quelques minutes, les nouvelles d'un bout du monde à l'autre. Nous pouvons communiquer avec d'autres hommes, de vive voix, à des milliers de kilomètres. Tout dans notre vie a changé et l'on voudrait maintenir la société seule dans son ancien état barbare de lutte et de misère !

Il est naturel que des hommes qui vivent sous un régime ne croient pas à la possibilité d'un autre régime ; les uns parce qu'ils s'y trouvent bien, les autres parce qu'ils sont ignorants et ne réfléchissent pas. A la vieille de la prise de la Bastille, on croyait en France la monarchie assurée à jamais. Avant la Révolution de 1917, on ne croyait pas, en Russie, à la possibilité de la chute du régime tsariste. Avant la Révolution d'Octobre, personne, en Russie, ne pouvait croire que le prolétariat arriverait aussi rapidement au pouvoir et qu'il s'y maintiendrait plus de quelques semaines. Dans le monde entier, on ne voulait jamais admettre qu'un jour la Chine se mettrait en mouvement et formerait les Soviets.

Il y a à peine un siècle les hommes d'Etat les plus éminents raisonnaient comme nos arrière-grand'mères en disant : « On ne verra jamais de voitures sans chevaux ». Les chemins de fer, les automobiles et les avions se moquent de leurs prévisions pessimistes. Et nous sommes obligés de conclure, sous l'avalanche de faits sans nombre, qu'il ne faut jamais désespérer du progrès humain. Ce qui nous paraît impossible aujourd'hui, devient possible demain. L'utopie d'aujourd'hui, c'est souvent la réalité de demain.

Autres objections au communisme. On nous accuse de vouloir supprimer la liberté ! Mais, où est-elle, cette fameuse liberté ? L'ouvrier est-il libre de ne pas aller à l'usine pour y travailler au profit du capitaliste ? L'employé est-il libre de ne pas se rendre à son bureau, à heure fixe ? Le médecin est-il libre de ne pas attendre les malades qui le font vivre ? Le capitaliste lui-même est-il libre de ne pas exploiter « ses » ouvriers s'il veut augmenter sa fortune est « maintenir son rang » ? La presse capitaliste est-elle libre de ne pas mentir si elle veut continuer à toucher ses subsides ? Le gouvernement capitaliste est-il libre de ne pas envoyer de troupes sur les champs de grève, sans être chassé à coups de bottes par le Capital qui les paie ? Les troupes sont-elles libres de ne pas marcher contre les grévistes ? Les peuples sont-ils libres de s'abstenir lorsque les Tardieu, les Mussolini, les Hitler décident de mobiliser des millions d'hommes pour s'entr'égorger ? Le petit commerçant est-il libre de ne pas se laisser ruiner par les Bon Marché et les Louvre ? Le paysan ruiné par le fisc et l'usure est-il libre de ne pas déserter la campagne où il crève de faim ?

Il n'y a pas de liberté où il n'y a pas de propriété pour tout le monde, où l'homme est l'esclave de l'homme, où l'Etat capitaliste dispose de notre vie et de nos biens. La liberté dans notre société, est un mot vide de sens, une phrase creuse, un mensonge.

Seule, la société communiste, mettant le sol, le sous-sol et toutes machines au service de tous ceux qui cultivent la terre et travaillent dans les usines, assurera la liberté réelle à tous. Car ils seront alors leurs propres maîtres. Ils ne travailleront que pour eux-mêmes. Les casernes seront remplacées par des usines, et les soldats esclaves par des producteurs. Pour vivre, les ouvriers et les paysans de tous les pays n'auront pas besoin de se détruire mutuellement. L'Etat, chien de garde des riches, disparaîtra en même temps que ses parasites dont il assure les privilèges.

Après avoir travaillé pour produire ce qui est nécessaire à la vie, le producteur, membre de la cité communiste, sera libre d'employer son temps à sa guise. Tous les biens de la nature, libérés du joug des propriétaires, toutes les richesses inépuisables de la science et de l'art humain seront à sa disposition. La société n'aura d'autre souci que de multiplier les commodités et les joies de la vie, de perfectionner les instruments de travail pour créer à l'homme plus de loisir, plus de lumière, plus de bonheur. La liberté cessera d'être un mot pour devenir une réalité, un fait quotidien, le bien de tous.

On nous dit encore : Si l'homme n'a pas l'aiguillon de la faim et l'appât du profit pour le faire travailler, il deviendra paresseux. En disant cela, on oublie la nécessité de se nourrir, de se vêtir, de se loger. Ceux qui ne travaillent pas ne mangeront pas. On oublie également que la paresse n'est pas le fait d'un homme sain. On n'a qu'à observer les enfants, qui ignorent le repos.

La paresse est un fléau social, fille légitime de notre régime qui est une prime à la paresse. Car il assure toutes les richesses à ceux qui travaillent le moins possible, aux privilégiés oisifs, aux parasites sociaux. La paresse vient enfin des conditions intolérables du travail forcé et excessif, dans les usines insalubres et infectes. Comment travailler de bon cœur lorsqu'on travaille pour enrichir les autres ? Quand les producteurs sauront que les produits de leur travail leur appartiennent, ils se débarrasseront vite du dégoût que leur inspirent les travaux forcés dans une société absurde et malfaisante. Le travail bien réglé et mesuré deviendra attrayant. Il deviendra un plaisir et une joie. Car le travail est nécessaire à la santé physique et morale de l'homme. C'est la science moderne qui établit cette nécessité vitale du travail.

Il y a aussi le prétendu « argument russe ». On dit, ou plutôt on disait : « Voyez la Russie. Le communisme a ruiné ce pays. La famine et la souffrance y règnent en souveraines ». On ne le dit plus maintenant, en face des immenses progrès techniques et économiques accomplis pendant les dernières années, en face d'une nouvelle Russie avec ses usines géantes, avec ses millions de machines agricoles.

La guerre et la contre-révolution ont ruiné la Russie. La double guerre y a duré sept ans. Aucun pays du monde n'aurait pu résister à une guerre aussi longue. Cependant le prolétariat reste maître de la situation. Il a vaincu le monde capitaliste. Il a chassé, anéanti tous les généraux contre-révolutionnaires soutenus par la réaction mondiale, par les capitalistes de tous les pays. Le communisme a supprimé le banditisme et le désordre. Il a assuré la sécurité extérieure et intérieure. Les adversaires de bonne foi reconnaissent aujourd'hui que seul le communisme peut gouverner la Russie et la sauver.

Les communistes construisent la nouvelle Cité du Travail au milieu d difficultés inouïes. Des hordes contre-révolutionnaires ont détruit pendant des années les voies ferrées, les usines, les machines, fait sauter les ponts, incendié les stations électriques. Néanmoins, les prolétaires n'ont pas abandonné leur œuvre gigantesque, leur tâche glorieuse. Ce sont des maçons formidables qui, tout en essuyant des coups de feu de l'intérieur et de l'extérieur, continuent à élever leur maison.

L'exemple soviétique nous fortifie et nous prouve avec éclat ce dont est capable un prolétariat héroïque et conscient. C'est pour la première fois que le communisme moderne sort du domaine de la théorie pour entrer dans celui de la pratique. Il a prouvé, non par des arguments, mais par des faits, sa vitalité. C'est même la raison pour laquelle le monde capitaliste s'acharne contre l'Union soviétique. Les capitalistes ne peuvent pas admettre qu'une société basée sur le travail libre puisse exister et surtout prospérer. Ils craignent la contagion de l'exemple pour « leurs » ouvriers qui continuent à être les esclaves du Capital.

La réaction monarchiste n'a pas pu empêcher la diffusion des idées révolutionnaires à travers le monde pendant tout le XIX° siècle dominé par la grande Révolution française. La réaction bourgeoise n'empêchera pas la victoire du socialisme en U.R.S.S. et dans le monde entier.

  1. Le communisme et la révolution

On nous dit aussi : « Vous voulez la révolution. Vous êtes partisans de la violence ». Or, c'est pour sauver l'humanité de la violence chronique des guerres de classes, que nous déclarons la révolution inévitable et salutaire. Comparez ce que coûtent, en vies et en souffrances humaines les guerres, aux sacrifices imposés par les révolutions. C'est une goutte dans un océan de sang et de larmes. Les guerres de Napoléon en ont valu à l'Europe près de quatre millions. La guerre mondiale a fait tuer près de quinze millions d'hommes et en a fait mutiler trente millions.

Qui dit révolution, dit changement profond, changement de système politique et économique. C'est en se refusant au massacre de ses frères de misère que le peuple russe a accompli la Révolution. Quand la conscience populaire se désolidarise du régime, la force armée passe du bon côté de la barricade, et le peuple a vaincu.

La plus grande révolution sociale - la Révolution d'Octobre - s'est accomplie presque sans effusion de sang. L'armée est passée du côté de la Révolution. Le sang qui a coulé en Russie a été versé par la contre-révolution. Que celle-ci en porte seule la responsabilité ! Nous ne prêchons pas le culte de la force brutale à la manière fasciste. Nous ne faisons que constater trois grands faits historiques :

  1. Un régime qui a fait son temps ne saurait être sauvé par des améliorations partielles, par un replâtrage, en un mot par des réformes : il faut un changement de base, une transformation fondamentale ;
  2. Jamais une classe dominante n'a cédé de bon gré sa place à une nouvelle classe appelée à la remplacer dans la direction de la société, sans la pression d'une force supérieure, de la violence. Les classes et les régimes ne se suicident pas. Il faut les pousser dehors par la force. C'est l'histoire de toutes les révolutions ;
  3. Pour changer de régime, il faut s'emparer du pouvoir politique. L'exercice révolutionnaire du pouvoir politique s'appelle dictature du prolétariat. Une nouvelle classe s'emparant du pouvoir, impose sa volonté à la classe déchue. La bourgeoisie s'est débarrassée de la classe féodale par un pouvoir dictatorial. Aujourd'hui, elle en use contre le prolétariat parce qu'il s'agit de la fin de sa domination et de l'avènement au pouvoir de la classe ouvrière alliée à la paysannerie. Le prolétariat vainqueur détruit l'Etat bourgeois, appareil de domination de classe de la bourgeoisie, et élève sur ses décombres l'Etat prolétarien qui accorde la liberté réelle à tous les travailleurs, à tous les producteurs.

Pour éviter l'effusion du sang populaire, dont les communistes sont avares, il n'y a qu'un seul moyen : le développement de la conscience et de l'organisation de la classe ouvrière. Plus les ouvriers et les paysans seront conscients et organisés, moins ils auront besoin d'employer la violence. La violence révolutionnaire ne devient inévitable que parce que les classes dominantes opposent leur violence réactionnaire, qui est chronique, à la classe révolutionnaire, au prolétariat, qui revendique ce qui doit lui appartenir : les instruments de travail. C'est une nécessité historique.

  1. Le communisme et les paysans

Pour rendre impossible la révolution prolétarienne, on cherche à dresser les paysans contre les ouvriers. On dit aux petits paysans propriétaires que nous voulons les déposséder de leur instrument de travail, de leur petit lopin de terre. C'est une calomnie. Le communisme rend la terre aux cultivateurs. Seuls seront expropriés les gros propriétaires parasites pour lesquels la terre n'est qu'un capital qu'ils font valoir par le travail des autres. En France, nous mettrons fin à ce scandale que les trois cinquièmes du sol sont possédés par 69.000 familles, tandis que sept millions de petits paysans ne disposent que des deux cinquièmes, c'est-à-dire de moins de la moitié du sol français.

Les petits cultivateurs qui travaillent dur sur leurs terres comprendront facilement tous les avantages de la coopération agricole, de l'achat en commun des engrais, de l'usage en commun des machines, etc., etc. Les communistes leur fourniront tous les moyens de production perfectionnés, les initieront aux procédés de la grande culture moderne, à gros rendement, en multipliant les coopératives de production agricoles, les kolkhoz (exploitations agricoles collectives).

Aucune violence ne sera employée envers les paysans vivant de leur travail. Ils aideront leurs frères des villes qui, eux aussi, pour la plupart, sont d'origine paysanne. La solidarité entre l'ouvrier et le paysan sauvera le monde. Le paysan a besoin des produits des usines. Les ouvriers ont besoin du blé. Les uns ont donc besoin des autres. En attendant l'établissement, sur de nouvelles bases, d'une société qui ne connaîtra qu'un peuple producteur travaillant, tantôt dans de vastes usines bien aérées, tantôt dans des champs avec des instruments perfectionnés, à la fois travailleur manuel et intellectuel, la ville échangera sans tromperie ni spéculation, ses objets fabriqués avec la campagne.

Ce sont les gros, les riches, les privilégiés, les parasites et leurs journalistes à gages qui excitent les paysans contre leurs frères des villes. Pendant que le paysan se bat contre l'ouvrier, l'exploiteur commun fait les poches de l'un et de l'autre. La paix entre l'ouvrier et le paysan, ces deux bras de la société productrice, est nécessaire pour libérer l'un et l'autre du joug commun des capitalistes.

  1. Le communisme et la science

Sous le régime capitaliste, les savants et les hommes de lettres, les ingénieurs et les techniciens forment presque une caste à part, au service des hommes d'argent. C'est la domesticité dorée du Capital, les exploités et les asservis en redingote et en chapeau haut de forme. La science, respectée en parole, est l'esclave des riches, dans la pratique quotidienne de la vie.

Le communisme émancipera la science. Il lui accordera la première place dans la société. Car plus le travail est productif, autrement dit plus scientifiquement il est organisé, plus il profite à tous. Dans la société capitaliste, la machine n'est introduite que lorsque le capitaliste y trouve son compte, et ce n'est pas toujours le cas. Le communisme, par contre, y trouvera toujours profit. Car améliorer la situation du producteur, lui assurer le bien-être, voilà l'objet de la société communiste.

La société capitaliste a fait de la science un instrument de meurtre, une arme de destruction formidable. Elle fabrique des poisons de guerre. Ses batailles sont des batailles aériennes et chimiques.

Elle invente des engins d'une force dépassant toute imagination. Bientôt, elle menacera de destruction toute l'humanité. En un mot : le Capitalisme, c'est la destruction de plus en plus scientifique, tandis que le communisme, c'est « la production scientifique ». La science au service de la mort, c'est la société capitaliste. La science au service de la vie, c'est le communisme. La science, réduisant au minimum notre dépendance à l'égard de la nature, rend l'homme libre et heureux.

L'art embellit la vie des travailleurs, orne leurs loisirs, les encourage à l'effort utile et fécond. Aujourd'hui, l'art est le jouet frivole des oisifs, des gavés et des repus, un jouet qu'ils achètent et dédaignent. L'art donne un air de fête au labeur et à la vie humaine. Il remplit l'atmosphère sociale de beauté et de joie. Il attache l'homme à la vie par des liens invisibles de charme et de grâce. Le savant, l'homme de lettres, le technicien, débarrassés des étroitesses et des tares professionnelles, producteurs parmi les producteurs, deviennent le cerveau et le cœur de la vie sociale harmonieuse. Le génie n'est plus menacé d'ingratitude, le savant original de la persécution de ses rivaux. L'inventeur trouve dans la société avide de progrès le concours nécessaire pour faire valoir ses inventions. La société communiste, c'est le triomphe de la science, de l'art et du génie créateur de l'homme.

  1. Le communisme et la paix

Le guerre mondiale fut l'aboutissement du régime capitaliste avec sa lutte pour le partage du globe, pour le marché mondial, pour les zones d'influence, pour les richesses et la domination, avec ses haines et ses rivalités de pays à pays, de nation à nation, de continent à continent. Le régime capitaliste, c'est la guerre extérieure et intérieure. Le communisme, c'est la paix. Le communisme ne reconnaît qu'une seule source des richesses et du bien-être : le travail. Or, les travailleurs sont les ennemis de la mort et des ruines. La Révolution d'Octobre a donné l'indépendance absolue à tous les peuples qui ont accepté de vivre en paix avec elle.

Dès qu'elle se fut débarrassée de l'envahisseur contre-révolutionnaire, la révolution prolétarienne a déclaré la paix au monde. Elle ne pense qu'à l'organisation du socialisme. Elle prêche partout la solidarité de tous les travailleurs. Elle est profondément internationaliste. Et sa devise officielle est : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ».

La société capitaliste a divisé le monde en Etats aux intérêts opposés, tantôt alliés les uns contre les autres, tantôt en guerre ouverte. Le monde est morcelé, « balkanisé », hérissé de frontières et de barrières infranchissables. Les poudrières et les mines, placées un peu partout, menacent de faire sauter la civilisation capitaliste. Des conflits éclatent à chaque instant. La sécurité n'est nulle part. On parle de la paix et l'on prépare la guerre. On proclame la nécessité du désarmement et l'on arme de plus belle.

A peine le massacre mondial est-il terminé, qu'on en prépare activement un nouveau, encore plus formidable, plus atroce. L'Angleterre a battu, avec l'aide de la France et des Etats-Unis, son rival économique l'Allemagne. Et déjà elle voit surgir, au-delà de l'Océan, un nouveau concurrent, encore plus dangereux pour sa domination mondiale : les Etats-Unis. Elle se défie du Japon qui, à son tour, veut dominer l'Asie, envahir et subjuguer la Chine. Ce sera un terrible choc des continents où de nouveau, toutes les nations, grandes et petites, seront, bon gré mal gré, entraînées. Ce sera avant tout une croisade du vieux monde contre le pays du socialisme dont le triomphe sonne le glas de l'ancienne société. Ce sera un massacre sans précédent, organisé selon le dernier mot de la science : une guerre de poisons et de flottes aériennes, en un mot, une « guerre totale », c'est-à-dire la destruction total des hommes, des femmes et des enfants.

Le monde n'a qu'un seul moyen d'éviter ce nouveau massacre mondial : la révolution mondiale, qui remplacera la lutte des nations par la coopération internationale, la défense dite nationale par la lutte contre le nationalisme et la guerre. La propriété privée des instruments de travail provoque la guerre civile. La propriété nationale engendre la guerre internationale. La suppression de la propriété capitaliste fondera définitivement la paix extérieure et la paix intérieure. En supprimant la cause fondamentale des guerres : la propriété privée, on supprimera l'effet, la conséquence : la guerre !

L'humanité doit choisir entre le régime capitaliste destructeur et la révolution créatrice qui, par des efforts méthodiques, préparera un monde nouveau sans guerre ni misère. Le prolétariat russe nous a montré comment on peut utiliser la crise du régime issue de la guerre pour conquérir le pouvoir politique.

La guerre mondiale fit ressortir cette contradiction flagrante. Elle a dit aux peuples : « Vous appartenez, corps et âme, à vos patries. Mais les patries ne vous appartiennent pas. Leur sol, leurs richesses appartiennent aux minorités privilégiées. Faites-vous tuer pour la patrie. Mais la patrie ne vous fera pas vivre ». La révolution mondiale fera du globe une seule patrie, une et indivisible. Dans chaque pays, tenant compte des particularités ethniques et linguistiques, elle assurera l'indépendance de chaque nation, de chaque race, de chaque continent qui, par une libre coopération, travailleront au progrès commun.

Le capitalisme d'après-guerre c'est la paix armée, l'insécurité universelle, le triomphe de la barbarie nationaliste, le protectionnisme, le chômage grandissant, la vie horriblement chère, la dévalorisation de la monnaie, la faillite des Etats, la menace de banqueroute universelle, l'atmosphère empoisonnée de haine et d'esprit impérialiste, préludant à de nouveau carnages gigantesques.

Le communisme, c'est la paix.

  1. Le communisme a travers les âges

Le communisme a existé comme régime de fait, pendant des milliers d'années, chez la plupart des peuples. On considérait que la terre était le bien commun des familles ou des tribus comme l'air, comme le soleil. Actuellement encore, les vestiges de ce communisme primitif existe sur quelques points du globe.

Mais le communisme primitif se distingue du communisme moderne en ceci : le premier avait comme base l'égalité dans la pénurie ou dans la misère. Ses moyens de production étaient primitifs. Il dépendait plus des forces de la nature qu'il ne les dominait.

Le communisme moderne, par contre, suppose un vaste développement des forces productives, un outillage mécanique, la grande production concentrée, une classe ouvrière consciente et organisée en parti politique de classe, en syndicats et en coopératives. L'organisation solidaire du Parti, des syndicats et des coopératives est la condition nécessaire de la mise en train, avec l'aide de la science et de la technique, de ce formidable appareil productif. Le communisme moderne hérite du capitalisme sa base technique, ses ingénieurs, ses techniciens et les met au service de la communauté. Nous ne pouvons pas entrer dans les détails de l'organisation communiste, qui d'ailleurs s'adaptera à des conditions locales et nationales extrêmement variées.

Les leçons fécondes de la Révolution d'Octobre nous serviront grandement. Il suffit de dire que la grande production capitaliste prépare les conditions techniques les meilleures pour l'organisation nouvelle. La machine est bien montée. Il suffit de la faire marcher au profit de tous.

La production est collective. Il faut que la propriété soit également collective : le prolétariat a mille moyens d'organiser l'administration, le contrôle et la répartition : comités d'usine, syndicats, coopératives et, avant tout, forme supérieure de la démocratie prolétarienne, les Soviets (Conseils des ouvriers, paysans et soldats).

Le communisme est passé par deux périodes :

  1. La période utopique ;
  2. La période scientifique.

Le communisme de la période utopique ignore la lutte des classes. Il croit à la bonne volonté des classes dominantes. Il fait appel à la justice, à la raison, au bon sens. Il se met à la recherche d'un bon tyran, d'un roi philosophe pour réaliser, au nom de la philosophie, la Cité idéale.

Parmi les communistes de la période utopique on compte le grand philosophe Platon (IV e siècle av. Jésus-Christ), Thomas Morus (1478-1535) et Campanella (1588-1639).

Au commencement du XIX° siècle, nous voyons Saint-Simon, d'origine aristocratique, développer avec éclat, une nouvelle philosophie sociale qui mettait l'industrie et le travail à la base de la réforme sociale. Il avait comme but : « L'amélioration physique, intellectuelle et morale du plus grand nombre », c'est-à-dire de la classe des producteurs.

Saint-Simon eut des disciples remarquables (Enfantin, Bazard et bien d'autres). Saint-Simon fut le précurseur du socialisme scientifique. Car il cherchait à baser sa réforme sociale sur l'évolution historique, sur le développement des forces productives, sur des faits et non sur des rêves. L'avenir sort des entrailles du passé et du présent, comme l'enfant des entrailles de sa mère. Le capitalisme, avec toutes ses conséquences, engendre le socialisme.

Parmi les autres précurseurs du socialisme moderne, il faut nommer : Robert Owen, le père de la coopération en Angleterre. Owen chercha à démontrer par des faits et des expériences sociales, cette vérité que le caractère de l'homme est modifiable et change avec le milieu, avec les institutions sociales. Pour transformer l'homme, il faut changer ses conditions d'existence. C'est l'évidence même.

Le Français Charles Fourier et son école ont donné la critique géniale de notre société basée sur le gaspillage et la dispersion des efforts.

Fourier demandait l'organisation harmonieuse de la société sur les bases de la coopération et du travail attrayant. Il ne rejetait pas les passions humaines, mais cherchait à les utiliser pour donner à la vie une ampleur particulière. Il cherchait l'harmonie et l'économie du travail humain. Le travail pénible, le travail-peine, est remplacé chez Charles Fourier par le travail-joie.

P-J. Proudhon (1809-1865), représentant théorique de la petite bourgeoisie, a débuté par une critique impitoyable de la propriété capitaliste et de l'Etat. Tout en restant partisan des réformes utopiques, il annonce « la capacité politique de la classe ouvrière ».

Louis Blanc dénonçait la concurrence et l'anarchie capitalistes et réclamait l'organisation étatique du travail. Il fut le premier socialiste à participer au pouvoir bourgeois et il a mal tourné en combattant, avec les Versaillais, la Commune de Paris en 1871.

Avec le Manifeste du Parti communiste de Karl Marx et de Friedrich Engels (1847), commence une nouvelle période socialiste : celle du socialisme scientifique. Le socialisme scientifique est un socialisme de classe. Il a comme base théorique l'étude des forces productives, la connaissance de l'économie qui détermine les formes politiques et l' « idéologie » de la société.

La lutte de classe du prolétariat est au centre de l'action. L'étude de la société capitaliste nous montre que de nouvelles forces productives préparent les bases techniques du régime communiste - la grande production mécanique - et la force révolutionnaire qui portera au capitalisme le coup mortel : le prolétariat ! Le socialisme scientifique ne s'adresse pas à la bonne volonté des classes dominantes, mais à la conscience de classe du prolétariat révolutionnaire.

Après Babeuf et Blanqui, la science marxiste préconise la conquête révolutionnaire du pouvoir politique et la dictature du prolétariat.

Proudhon est le père de l'anarchisme. Appartiennent à cette école : Michel Bakounine, Pierre Kropotkine, Jean Grave, etc. Sous l'influence de Proudhon, Georges Sorel et F. Pelloutier fondent le syndicalisme « révolutionnaire » qui substitue le syndicat au Parti révolutionnaire. Proudhon était anticommuniste. Marx a donné, dans sa Misère de la philosophie, une critique scientifique du proudhonisme.

La première révolution prolétarienne victorieuse, la Révolution d'Octobre, se rattache, théoriquement et pratiquement, à la conception marxiste. C'est le prolétariat organisé dans le Parti bolchévik qui a la direction du mouvement. C'est grâce au marxisme que la Révolution d'Octobre a pu surmonter tous les obstacles et construire victorieusement le socialisme.

C'est sous la bannière marxiste que fut fondée la Première Internationale (1864). C'est en abandonnant le marxisme que la Deuxième Internationale, fondée en 1889, a fait en 1914, une chute lamentable sous l'influence du réformisme et du chauvinisme. Et c'est en faisant un retour décisif à la science marxiste que la Troisième Internationale, fondée par Lénine en 1919, mènera le prolétariat à la victoire définitive.


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