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La préparation du programme du PC allemand... Source : Bulletin Communiste, n°23, I° nov. 1922. |
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August Thalheimer
Le programme communiste
Introduction
La Commission du programme du K. P. D. (Parti Communiste Allemand) a accepté à l'unanimité comme base de programme de travail, les définitions suivantes.
Le Manifeste communiste donne un ample exposé historique sous la forme d’enchaînement historique :
Développement de la société bourgeoise; sa distinction d'avec les anciennes formes de société ; la société bourgeoise génératrice de la lutte de classe; son rôle révolutionnaire : au point de vue technique, économique, social et politique. Résultat positif : création de forces productives formidables. Autre résultat : rébellion des forces productives engendrées sous le capitalisme contre les conditions de production et de propriété. Phénomènes de ces contradictions : crises commerciales revenant périodiquement.
Par conséquent, résultats objectifs du processus économique :
Augmentation formidable et concentration (association) des moyens de production, Centralisation politique adéquate (État, etc). Ceci représentant l'hypothèse économique positive, la condition de la transformation Socialiste.
Rébellion de ces forces productives contre les conditions de Ia production et de la propriété. L'anarchie capitaliste amène fatalement des crises périodiques et produit des causes de crises de plus en plus nombreuses.
La classe ouvrière, comme force active, accomplit consciemment la transformation socialiste.
Tout d’abord, il est disséminé par la concurrence. Puis, lorsque les ouvriers se forment en masses compactes, ce n’est pas pour des buts politiques propres, mais pour ceux de la bourgeoisie, qui considère le prolétariat comme un troupeau qu’elle exploite contre ses adversaires (monarchie absolue, propriétaires fonciers, bourgeois non industriels, petits bourgeois. Donc, pas encore de conscience de classe propre.
Formation de coalitions prolétariennes et d'associations contre la bourgeoisie, pour la défense des salaires, la diminution du temps de travail, l’amélioration des conditions de travail, etc. Résultat positif : organisation croissante de la classe ouvrière,.La liaison des luttes de salaires, leur croissance quantitative se transforme en importance qualitative : lutte de classes, qui est également une lutte politique. Obtention de réformes.
La bourgeoisie est contrainte, par les collisions (dans le cadre national et inter national d'attirer la classe ouvrière dans le mouvement politique. Simultanément, processus de dissolution de la classe dirigeante. Des éléments isolés passent au prolétariat, venue d’éléments intellectuels.
Afflux venant de la petite bourgeoisie.
Caractéristique du lumpenproletariat (prolétariat en haillons, canaille).
Les conditions d'existence de In vieille société sont déjà abolies dans les conditions d’existence du prolétariat.
Pour le prolétariat, sont abolis : la propriété, la famille au sens bourgeois du mot; la morale et la religion bourgeoises, le préjugé national. Le prolétariat ne peut s'emparer des forces productives sociales qu'en absorbant le mode d'appropriation qui lui était particulier (salaire; et, par suite, tout le mode d’appropriation en vigueur jusqu'à nos jours (production, distribution, circulation capitaliste).
Celle lutte de classe, si elle en revêt la forme, n'est pas, au fond, une lutte nationale.
Le mouvement prolétarien est le mouvement indépendant d'une majorité formidable au bénéfice de la majorité. La lutte de classe éclate en révolution ouverte quand et aussitôt que la bourgeoisie n'est plus en état « d'assurer l'existence à ses esclaves dans le cadre de l'esclavage établi par elle » .
Position des communistes à l'égard du prolétariat.
Les communistes représentent la partie consciente du prolétariat qui embrasse et soutient l'intérêt du mouvement intégral.
Les buts immédiats des communistes :
Constitution du prolétariat en classe, c'est-à-dire création d'organisations animées de la conscience de classe. Qu'est-ce que la conscience de classe ? Conscience vivante, se traduisant dans l’action, des intérêts communs du prolétariat et de l’opposition des intérêts prolétariens à ceux de la bourgeoisie ;
Destruction de la suprématie bourgeoise ;
Conquête du pouvoir politique par le prolétariat.
Par la séparation d’avec le libéralisme bourgeois, les buts du prolétariat sont encore déterminés plus précisément :
Abolition de la propriété privée;
Avec la disparition du trafic disparaît le libre trafic;
Suppression de la formation des classes ;
Abolition de la famille bourgeoise, substitution de l'éducation familiale par l'éducation de la société, l'éducation soustraite à l'influence de la classe régnante
En même temps que le prolétariat conquiert le pouvoir, il devient une classe nationale, il se constitue en nation;
Abolition des séparations nationales et des antagonismes.
Les moyens de la révolution prolétarienne :
Élévation du prolétariat au rôle de classe dirigeante ;
Conquête de la démocratie ;
Organisation du prolétariat comme classe dirigeante.
Première étape : Constitution du prolétariat par la révolution en classe dirigeante; Il s'organise comme État pour l’oppression de la bourgeoisie.
Deuxième étape : Par la disparition des différences de classes, c’est-à-dire par le perfectionnement de Ia société socialiste, le pouvoir public perd son caractère politique.
Condition préliminaire : suprématie politique du prolétariat, :
Buts généraux : expropriation progressive de tout le Capital de la bourgeoisie, centralisation dans les mains de l'État, de tous les instruments de production, augmentation au plus vite de la quantité des forces productives, tout ceci par la prise de mesures transitoires paraissant « insuffisantes et insoutenables » au point de vue économique, mais qui, au cours du mouvement, se dépassent elles-mêmes et sont indispensables comme moyen de « bouleverser le mode de production tout entier » .
Ces mesures différent dans les différents pays.
Propositions applicables aux pays avancés :
Expropriation de la propriété foncière et affectation de la rente foncière aux dépenses de l'État;
Impôts fortement progressifs ;
Suppression du droit d'héritage ;
Confiscation de la propriété de tous les émigrants et rebelles;
Centralisation du crédit dans les mains de l’État au moyen d'une banque nationale dont le capital appartient à l'État et qui jouit d’un monopole exclusif ;
Centralisation dans les mains de l’État, de tous les moyens de transport ;
Multiplication des manufactures nationales et des instruments de production, défrichement des terrains incultes et amélioration des terres cultivées d’après un système national ;
Travail obligatoire pour tous, organisation d’armées industrielles, particulièrement pour l’agriculture ;
Combinaison de travail agricole et du travail industriel, mesures tendant à faire graduellement disparaître la distinction entre la ville et la campagne
Éducation publique et gratuite de tous les enfants, abolition du travail des enfants dans les fabriques tel qu'il est pratiqué aujourd’hui ; combinaison de l'éducation avec la production matérielle, etc.
Chapitre III — Distinction du communisme d'avec le socialisme féodal, le socialisme petit-bourgeois de Sismondi, le « socialisme vrai » , le socialisme conservateur ou bourgeois et le socialisme et le communisme critico-utopique.
Chapitre IV — Position des communistes vis-à-vis des différents partis d'apposition :
En France, les communistes se rallient au parti social-démocrate contre la bourgeoisie conservatrice et radicale.
En Allemagne, le Parti Communiste lutte d'accord avec la bourgeoisie contre la monarchie absolue, la propriété foncière féodale et la petite bourgeoisie ; en même temps, éveil de la conscience de classe indépendante des travailleurs.
Ligne de conduite générale : les communistes appuient en tous pays tout mouvement révolutionnaire contre l'état des choses social et politique existant et ne cessent de mettre en avant la question de la propriété, qu'ils considèrent fondamentale.
Sommaire : tendance du développement économique du capitalisme : disparition de la petite exploitation, prolétarisation de grandes masses, monopolisation des moyens de production en peu de mains, augmentation gigantesque des forces productives du travail, misère croissante des masses.
Développement de la lutte de classe. Les crises prouvent que les forces productives commencent à dépasser la société.
But général : transformation du mode de production capitaliste en système socialiste.
Cette lutte est une lutte politique pour le pouvoir politique.
Devoir du Parti social-démocrate : uniformiser cette lutte et rendre les prolétaires conscients de ce qu'elle est.
Unité internationale de la lutte.
Sommaire : démocratie, réformes sociales, protection ouvrière.
Point de départ le 9 novembre. La débâcle est sans issue en dehors du socialisme et de la révolution mondiale.
La forme politique de la suprématie prolétarienne : organes des conseils, organes de classe du prolétariat substitués à la bureaucratie.
Les masses profondes opéreront le bouleversement économique que dirigeront leurs organes.
La révolution, considérée comme guerre civile dans la forme la plus aiguë ; position à l'égard de la terreur. Définition de la dictature du prolétariat.
Mesures pour préserver la révolution, pour la réalisation de l'organisation des conseils, pour frayer la voie au socialisme, devoirs internationaux.
Attitude de la ligue Spartakus vis-à-vis de la bourgeoisie, de la classe ouvrière et des autres partis ouvriers.

Le manifeste communiste développe les buts historiques et les principes du communisme, mais il contient également, sous une forme brève et détachée, des « exigences transitoires » (pas d'exigence minimum), avec quelques exigences concernant la protection ouvrière (protection du travail des enfants).
Le « point essentiel pratique » du Programme d’Erfurt réside dans les réformes démocratiques et sociales. La partie doctrinale du texte ne décrit les buts que de façon abstraite et générale. Aucune allusion concernant, soit la forme concrète de l'exercice de la dictature prolétarienne (sa forme d’État), soit les mesures transitoires conduisant au socialisme.
Le programme Spartakus se limite à formuler les formes concrètes et les moyens de la dictature prolétarienne et de la transformation socialiste, Les exigences démocratiques du Programme d’Erfurt sont complètement laissées de coté. Il n’est resté que l'exigence succincte d'une « législation sociale incisive » . Le programme Spartakus ne renferme aucune exigence minimum ni aucune «exigence transitoire » .
Un programme communiste rédigé maintenant devrait, dans la forme, non dans le contenu, revenir du type du manifeste communiste dans la mesure où il contiendrait, outre l'exposé et la fixation des buts et des principes communistes, des exigences transitoires, mesures politiques et économiques transitoires qui, partant de Ia démocratie bourgeoise et des formes de production et de propriété capitalistes, se dépassent elles-mêmes. Ces exigences transitoires, en harmonie, par leur caractère général, avec celles du manifeste communiste, ne doivent pas l’être, naturellement, par leur contenu, parce que : 1° le point de départ est différent, et 2° la fin, grâce aux expériences actuelles de révolution prolétarienne, peut être saisie de façon plus concrète.
Ces exigences transitoires se distinguent de façon tranchante, par leur caractère général, des exigences démocratiques minimum du programme d’Erfurt. Celles-ci visent à la transformation de la démocratie bourgeoise, à l’éviction des résidus militaires bureaucratiques et féodaux de l'absolutisme allemand et à l'adoucissement de la contrainte de l’exploitation capitaliste.
Les exigences transitoires du programme communiste tendent à triompher de la démocratie développée, est l'hypothèse réelle et de l'ordre capitaliste dont la contrainte ne se desserre plus par le simple jeu des réformes, mais seulement en recourant déjà aux mesures révolutionnaires partielles. Le Programme Spartacus fit abstraction de ces exigences transitoires parce que son point de départ n'était pas la république bourgeoise, mais les conseils d'ouvriers et soldats et le profond ébranlement de l’ordre capitaliste, et aussi parce que son but immédiat était l’achèvement et la consolidation de l’organisation des conseils ainsi que la transformation. socialiste.
Un programme doit-il contenir de vastes éclaircissements, être à la fois un écrit de propagande et un écrit polémique ? Le manifeste communiste était en même temps, sous forme de données concrètes, un exposé de la conception matérialiste de l’histoire et un écrit polémique (contre le socialisme « vrai » , le socialisme petit-bourgeois, etc.). Cela était nécessaire parce qu'aucune définition importante et serrée de la conception matérialiste de l’histoire et de ses méthodes n'avait pas précédé le manifeste communiste. Les travaux de Marx et d'Engels du manifeste communiste sont des travaux préparatoires. Par contre il se trouve dans les thèses des Congrès de Komintern des exposés détaillés de propagande, polémique et critique des principes et buts du communisme.
Les programmes devraient donc se limiter ainsi que le font les programmes classiques des social-démocrates (Programme d’Erfurt, programme de la social-démocratie française) à résumer les résultats de façon succinte et dans un style à l'emporte-pièce.
Voir la critique d'Engels du projet du Programme d’Erfurt, 1891 :
En règle générale les programmes souffrent du fait que l’on essaie de réunir deux choses incompatibles : ils souffrent d'être autant programme que commentaire du programme. Craignant de ne pas être assez clair Quand on est bref et incisif, on intercale des éclaircissements qui étendent la question et la rendent diffuse. Selon moi, un programme doit être aussi court et aussi précis que possible. Quand bien même il se présenterait un mot étranger ou une phrase qu'au premier coup d’œil on ne pourrait saisir dans toute sa portée, cela ne nuit en rien. Les rapports verbaux dans les discussions, les explications par écrit dans la presse font alors tout le nécessaire et la phrase courte et essentielle, une fois comprise, se fixe dans la mémoire, devient un mot à l'emporte-pièce, ce que n’arrive jamais avec les explications diffuses.
Les commentaires à un programme communiste se trouvent déjà dans les thèses. Le programme même doit se graver dans la mémoire, il importe donc qu'il soit court et précis.

Une question se pose : un programme communiste doit-il fixer les exigences transitoires ? Nous nous sommes dressés contre les gens de l’ex K.A.G. qui voulaient fixer, sous forme de programme, les modalités du gouvernement prolétarien. Mais, ici, il y a une différence fondamentale. Ils avaient en vue des exigences minimum dans le sens du Programme d'Erfurt, c’est-à-dire les exigences qui peuvent seulement être prise en. considération pour le temps qu'on aperçoit, alors que les buts et principes du communisme ne devaient avoir qu'une importance théorique, idéale, éloignée à perte de vue, en d'autres termes ne devaient avoir aucune importance pratique. Nous voulons formuler les exigences transitoires exclusivement dans leur sens d'exigences transitoires, c'est-à-dire comme point de passage possible, non comme point d'arrêt pour un temps à portée de vue, dans le même sens, donc, que les mesures transitoires du manifeste communiste. Il y a là une différence de principes.
Par sa réunion au U.S.P.D., par sa disposition à faire partie d'une coalition gouvernementale socialo-bourgeoise ; le fait qu'avant il couvrait déjà la coalition politique anonyme du U.S.P.D. ; le fait que finalement il participa avec le U.S.P.D. à la fusion avec le S.P.D. : tout cela prouve que le K.A.G. a abandonné les principes et les buts du communisme.
Un pareil danger ne menace-t-il pas les partis communistes s'ils fixent sous forme de programme leurs exigences transitoires ? Pas le moins du monde s'ils impriment rigoureusement là caractère transitoire de ces exigences.

Autre question : Des exigences transitoires générales (valables pour tous les pays) peuvent-elles être formulées et dans quelle mesure un programme communiste est-il qualifié à le faire ?
Ici s'applique ce que dit à ce sujet le manifeste communis!e, à savoir « que ces mesures devront différer naturellement avec les différents pays » . Le manifeste communiste formule cependant des mesures transitoires applicables aux pays avancés d'alors.
Aujourd'hui nous avons affaire à un cercle bien plus vaste et plus bariolé de pays dans lesquels le mouvement révolutionnaire joue un rôle. Outre les pays capitalistes les plus développés revêtant en particulier différentes formes d'État, se trouvant à des degrés différents concernant le développement de la lutte de classe et la ruine économique, il nous faut tenir compte des pays aux différents stades du capitalisme ancien, à ceux qui sont limités à la simple production de marchandises, aux formes patriarcales de la production, des pays coloniaux et semi-coloniaux soumis à une constitution plus ou moins absolue.
C'est pourquoi voici ce qui nous paraît le plus conforme :
Pour le programme général, une partie doctrinale à laquelle sont jointes les exigences transitoires variant selon les différents groupes de pays formés d'après un type.
Principaux groupes :
Pays dans lesquels le prolétariat à déjà conquis le pouvoir ;
États développés au point de vue capitaliste avec une démocratie bourgeoise plus ou moins cultivée et souffrant d'un ébranlement économique et financier ; type : Allemagne, Autriche, Tchécoslovaquie, Pologne, Suisse, Italie, France, pays balkaniques ;
Types d’États capitalistes encore stables : Angleterre, États-Unis ;
Type Japon : développé au point de vue capitaliste, mais toujours plus ou moins absolu
Pays coloniaux et mi-coloniaux : Indes, Egypte, Perse, Chine, etc.
Les exigences transitoires pour les groupes isolés devraient, bien entendu, comme dans le manifeste communiste, laisser un certain jeu, être élastiques.
Pour les pays isolés : programme comportant la partie contenant les principes du programme général et exigences transitoires établies spécialement pour le pays intéressé.
Les exigences transitoires du Programme général pourraient servir comme point de départ, comme cadre général aux exigences transitoires des pays isolés.