1932

Edition établie d'après les documents laissés par le regretté Pierre Broué, résultats de travaux à la Houghton Library, pour les "Oeuvres" de Léon Trotsky en français.

Trotsky

Léon Trotsky

Lettre à Léon Sedov

19 avril 1932

A Lyova

19 avril 1932

Très cher,

Otto [Schüssler] est arrivé et je pense que tout ira bien, en dépit de son accent saxon. D'après ce qu'il dit, il semble que la brochure a été publiée trop cher puisqu'elle n'est pas accessible aux ouvriers. Mais même dans son contenu peut-être, elle était plutôt destinée aux cadres. Les espérances de grosses ventes étaient franchement exagérées.

Je vais bientôt écrire une petite brochure ultra-populaire pour les ouvriers allemands, même deux : une sur la situation en URSS et l'autre sur les affaires allemandes.

Que fait Frank à Berlin ? Et que veut-il ? Il cherche une voie médiane entre sectarisme et bureaucratisme ? Cela veut-il dire qu'il est en dehors du parti ? En tout cas, il a confirmé le pronostic selon lequel il allait dans l'organisation seulement pour commencer à s'y quereller. Avec ses incontestables capacités ce monsieur sera évidemment plus dangereux pour l'organisation à laquelle il appartient que pour celle qu'il combat.

Je suis encore absorbé par le second volume ; deux chapitres et la préface n'ont pas été envoyés aux traducteurs. L'ensemble du gros travail est fait mais il faut vraiment un vrai nettoyage. L'édition allemande devra évidemment être mise en train sans les deux derniers chapitres, au moins sans un des deux.

Une lettre de Neurath : leur Cicerin semble s'être prononcé en faveur de l'octroi du visa et la question doit avoir bientôt une solution positive. Qui vivra verra,

C'est une misère qu'on connaisse si mal les pays proches. On va se faire un chemin dans l'avenir proche. Quel est le destin de la Lettre ouverte ? Quelque chose a-t-il été fait à cet égard dans le pays où Ilyich a vécu ?

Que faire avec notre ami M(arkin) ? Bien des facteurs s'entremêlent dans cette question : politiques, éducatifs, personnels. Le mieux, serait évidemment qu'il puisse rester au même service et au même endroit. Si ça ne marche pas, il serait alors possible, me semble-t-il, de l'installer dans le pays de Frank ; il pourrait continuer ses activités et de façon générale s'ouvrirait beaucoup de possibilités. Bien entendu, il pourrait aussi retourner chez ses parents qui seraient très heureux d'avoir des hôtes. Mais serait-il facile ensuite de repartir dans le monde ? C'est la question. S'il voulait vivre tranquillement pour un temps, se détendre, etc. alors le mieux serait bien entendu qu'il revienne au nid familial. Mais si ce qui l'emporte, c'est la crainte (tout à fait légitime) qu'il lui sera très difficile de s'en libérer, il faudra d'abord qu'il s'installe dans la patrie de Frank puis soulève la question de voyager pour se reposer. En tout cas, aucune considération financière ne devrait selon mon opinion jouer là un rôle décisif. Il faut s'adapter aux autres circonstances et surtout à ses propres plans et sentiments.

Le plan pour que Z(ina) s'installe à Vienne, au cas où cela se révélerait impossible à Berlin, me semble juste.

Peut-être peut-on le réaliser en tant qu'affaire médicale.

J'ai eu tout le temps peur d'écrire à Cohn, et que ça puisse parvenir à la presse et servir de base à de nouvelles fabrications insensées sur le visa Je n'ai toujours pas atteint de décision. Peut-être que dans la lettre elle-même je vais lui expliquer ce dont il s'agit. Remercie Rosenfeld de ses salutations et donne lui les miennes. Personne des sommets du S.A.P. ne songe-t-il à venir sur les bords de la mer de Marmara pendant les vacances d'été ? Je verrais volontiers l'un d'entre eux. Cela m'aiderait beaucoup à m'orienter. Ce serait bien de les pousser à une telle initiative. Comme à une époque j'ai refusé de voir Levi, ils peuvent s'y inclure, mais Levi était membre du parti social-démocrate et l'incident s'est produit peu après que Zörgiebel avait abattu plusieurs ouvriers. Quant aux dirigeants du S.A.P. de toutes nuances, il va sans dire que je rencontrerais volontiers n'importe lequel d'entre eux ou plutôt qu'ils trouveraient chez nous ici une hospitalité entière.

Il est inutile de transformer cela en invitation bien entendu, mais ils peuvent et doivent être poussés vers cette idée.

Qu'arrive-t-il avec W[assermann] de Francfort ? Est-il passé au S.A.P. ?