Cher Camarade F. Pfemfert,

Il semble que l'éditeur ait l'intention de retarder la parution du livre jusqu'à la fin de l'automne. Evidemment c'est l'éditeur qui est le mieux à même de savoir comment agir en cette matière. Il se trouve toutefois que la situation en Allemagne est telle que, d'une part, c'est précisément maintenant que le livre ferait l'objet d'un intérêt lié à l'actualité et que, d'autre part, le retard de publication pourrait avoir un effet néfaste pour la marche des événements.

J'aimerais tirer au clair un point important. Je comprends très bien que, dans la situation actuelle en Allemagne une maison d'édition démocrate bourgeoise bien établie puisse avoir des hésitations politiques sur l'opportunité et le bien fondé de la publication d'un livre qui, malgré son caractère historique et scientifique, pourrait être interprété par l'opinion publique officielle (sans même parler des nazis) comme un ouvrage de propagande en faveur de la révolution prolétarienne. Peut-être sont-ce des questions de cette nature qui incitent l'éditeur à retarder la parution, en attendant de voir quelle tournure prend la situation politique.

Je ne verrais là nulle matière à reproches envers lui car il s'agirait d'un cas de force majeure. Je vais même envisager l'éventualité selon laquelle l'éditeur serait même enclin à se libérer des engagements pris à propos de ce livre, à condition, bien sûr que lui soient remboursés les frais engagés.

Ne croyez-vous pas qu'il faudrait également prendre cette question en considération ? Vous comprendrez bien que je suis à mille lieues de vouloir rompre avec un éditeur avec lequel j'ai entretenu les meilleures relations et dont je n'ai nul motif de me plaindre. Mais je considère la situation d'un point de vue strictement politique en tentant de me mettre à la place de l'éditeur. Peut-être suis-je dans l'erreur. J'aimerais en avoir le coeur net et c'est pourquoi je vous prie de bien vouloir servir d'intermédiaire dans cette affaire.