1936

Lettre à A. Grylewicz. Bibliothèque du Collège de Harvard, 8386, avec la permission du Collège de Harvard. Traduite de l'allemand.


Œuvres – avril 1936

L. Trotsky

[La revue théorique]

13 avril 1936


Chers Camarades [1],

La revue ne saurait en aucun cas être dirigée par l'état-major rédactionnel et administratif de la section allemande, même si l'état-major rédactionnel devait faire droit à toutes vos exigences. Car il s'agit ‑ du moins à mes yeux ‑ d'un organe de la IV° Internationale et nullement de celui de l'une de ses sections (la parution de cette revue donnerait d'ailleurs à la rédaction d'Unser Wort [2] l'occasion et en même temps la possibilité objective de. consacrer davantage le journal à l'actualité allemande).

Personnellement, j'accepterais très volontiers la fonction de rédacteur responsable [3] si l'on me proposait ce poste. Je n'entends pas cela seulement de jure, mais également de facto. Nous avons besoin d'un organe unique pour toutes les sections, servant principalement et à façonner et à assurer l'homogénéité de notre politique internationale. Les actuelles centaines et centaines de lettres éparpillées et dispersées qui restent sans produire le moindre effet pourraient être remplacées par des articles, des notes, des gloses marginales etc., bien rédigées, qu'on publierait dans la revue. On pourrait mettre en place et former pour cela un état-major international de collaborateurs. A cette tâche, je pourrais consacrer l'année prochaine quelque chose comme le tiers ou la moitié de mon temps de travail. Comme il s'agit d'une revue mensuelle, l'état-major rédactionnel élargi ne serait nullement une fiction, car on peut organiser bien des choses par correspondance dans l'espace d'un mois et d'importants articles peuvent même être préparés et élaborés dans un délai de deux, trois mois au plus.

Au sujet de l'administration aussi, il serait possible de passer pour ainsi dire « officiellement » un accord avec votre groupe, car l'administration ‑ dans de telles entreprises – est - toute mon expérience me le dit ‑ au moins aussi importante que la rédaction.

Puisque vous êtes justement à discuter de cette question, ces considérations complémentaires ne seront peut-être pas sans utilité.

Si l'on se décide pour la revue, il faudrait que le premier numéro paraisse aux environs de septembre‑octobre. Auparavant, toutes les modalités financières, rédactionnelles, administratives devraient être réglées avec toute la précision nécessaire. La bonne vieille pagaïe doit être éliminée d'emblée. Les autres problèmes la prochaine fois.

P.‑S. La revue internationale ne doit pas naturellement être nécessairement allemande. Une revue française pourrait également être envisagée pour le cas où les Français et avec eux les Belges ne seraient pas en mesure de publier une revue parallèle en langue française. C'est là une éventualité à laquelle il faut encore aussi réfléchir.

P.‑P.‑S. Pour trancher cette question, l'un d'entre vous pourrait peut-être venir voir Crux à Copenhague où d'autres amis se trouveront au même moment dans le même but. Pour ma part, je proposerais éventuellement une rencontre fin mai ou début juillet, mais je suis aussi disposé à accepter toute autre date postérieure.


Notes

[1] La lettre est adressée à Grylewicz et à « ses camarades » de la section allemande émigrés en Tchécoslovaquie. Anton Grylewicz (1885‑1971), ouvrier mécanicien, social‑démocrate en 1912, blessé au front pendant la guerre, avait été après sa réforme, alors qu'il travaillait comme outilleur, un des organisateurs de la classe ouvrière berlinoise, membre à la fois du réseau des « délégués révolutionnaires » et du parti social‑démocrate indépendant. Adjoint du préfet de police de novembre 1918 à janvier 1919, il avait été responsable du parti indépendant pour le Grand Berlin en 1920, puis responsable à l'organisation dans le Brandebourg. Membre du V.K.P.D. en 1921, il avait été l'un des dirigeants allemands qui avaient préparé à Moscou l'insurrection allemande ‑ décommandée ‑ d'octobre 1923. Exclu en 1927, il avait rejoint le Leninbund puis avait rompu avec Urbahns et participé en 1930 à la fondation de l'Opposition de gauche unifiée en Allemagne. Après l'avènement de Hitler, il s'était réfugié en Tchécoslovaquie. Trotsky veut discuter avec lui les problèmes posés par la mise sur pied de la revue théorique rendue possible par la contribution financière de Barton (cf. p. 144‑145).

[2] Unser Wort était l'organe de la section allemande, I.K.D. (Internationale Kommunisten Deutschlands) en exil.

[3] Expression allemande qui correspond à quelque chose comme rédacteur en chef ou directeur de la rédaction en France aujourd'hui.


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