1963

Sous peine de nier l'intervention dans l'histoire de la volonté consciente sous la forme élémentaire, et même artisanale, de l'organisation, sous peine de prêcher la renonciation, la résignation, la soumission, de condamner le principe même de la lutte en rejetant les victoires qui ne sont que partielles, les autres ne peuvent que reprendre à leur compte la conclusion de Rosa Luxembourg à sa sévère critique du bolchevisme : "Le problème le plus important du socialisme est précisément la question brûlante du moment : [...] la capacité d'action du prolétariat, la combativité des masses, la volonté de réaliser le socialisme. Sous ce rapport, Lénine et Trotsky et leurs amis ont été les premiers à montrer l'exemple au prolétariat mondial ; ils sont jusqu'ici les seuls qui puissent s'écrier "J'ai osé !". C'est là ce qui est essentiel, ce qui est durable dans la politique des bolcheviks.

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Le parti bolchévique

P. Broué

XV: Les procès de Moscou

Procès de Moscou

Les procès de Moscou

Il semble bien que l'année 1935 ait été celle de la préparation des grands procès contre la vieille garde. Les archives de la Société des vieux-bolcheviks et de l'Association des anciens forçats sont épluchées par les commissions que dirigent Ejov et Malenkov. Quelques-uns des futurs condamnés, Zinoviev, Kamenev, Enoukidzé, Smirnov, sont depuis un certain temps déjà entre les mains de la N.K.V.D. La Pravda du 5 juin 1936 donne le ton de ce qui sera la nouvelle période : « D'une main ferme, nous continuerons à anéantir les ennemis du peuple, les monstres et les furies trotskystes, quel que soit leur habile camouflage. » Le 29 juillet, le secrétariat adresse aux organismes locaux une circulaire dont le texte est encore inconnu, mais dont les archives de Smolensk donnent le titre; elle traite de « l'activité terroriste du bloc trotskyste-zinoviéviste contre-révolutionnaire » [1].

La machine est en marche, et, à partir du 1° août, la presse se remplit d'informations relatant la découverte de complots et d'agissements contre-révolutionnaire, tous « trotskystes-zinoviévistes », l'arrestation, dans toutes les républiques d'U.R.S.S. d'étudiants, de journalistes, de jeunes communistes et d'ouvriers, comme ce groupe de « trotskystes » qui sont accusés de s'être « emparés » de l'organisation du parti au célèbre rayon de Vyborg à Léningrad. Le 11 est annoncé le suicide du premier secrétaire du parti arménien, Khandjian. Le 14, toute la presse publie simultanément l'information suivant laquelle un nouveau procès Zinoviev va s'ouvrir et un décret qui semble revenir quelque peu sur les dispositions draconiennes de la loi de décembre 1934, puisqu'il rétablit les audiences publiques, l'assistance d'avocats et permet un appel à l'exécutif contre les sentences, dans les trois jours qui suivent le prononcé du jugement. Le 19 août s'ouvre le « procès des Seize », le premier des « procès de Moscou ».

Le procès des Seize.

L'acte d'accusation est publié le même jour. C'est le procureur Vychinski qui le présente devant le tribunal militaire de la cour suprême de l'U.R.S.S., formé de trois juges militaires et présidé par Ulrich. Les seize accusés forment, au premier abord, un ensemble assez hétérogène. Il y a en effet parmi eux quatre des plus connus des représentants de la vieille garde, les anciens dirigeants de la « nouvelle opposition », Zinoviev, Kamenev, Evdokimov, Bakaiev. déjà plusieurs fois condamnés, dont une fois pour complicité dans l'assassinat de Kirov; on peut rattacher à leur groupe les personnalités moins connues des vieux responsables que sont Pickel, ancien secrétaire de Zinoviev, et Reingold, ancien collaborateur de Sokolnikov aux finances, tous deux, comme les précédents, anciens membres de l'opposition unifiée. Les anciens trotskystes de l'opposition de 1923, de l'opposition unifiée et de l'opposition de gauche constituent un deuxième groupe :

Ivan Nikititch Smirnov et Serge Mratchkovski, anciens dirigeants de l'opposition, ont renoncé à la lutte en 1928-29. Dreitser, officier de l'armée rouge, proche collaborateur de Trotsky qu'il a soutenu pendant la lutte de 1926-1927, Ter Vaganian, écrivain et journaliste de la jeune génération, ont également capitulé à cette époque. Un haut fonctionnaire, Goltsmann, a rendu visite à Trotsky pendant sa déportation, mais, s'il a sympathisé avec l'opposition il n'en a pas été membre. Le dernier groupe enfin est formé d'inconnus chez qui l'interrogatoire révèlera un passé ténébreux : ce sont Olberg, Berman-Iourine, Fritz David, Moïse et Nathan Lourié. Tous ces hommes annoncent qu'ils plaideront coupables et refusent l'assistance d'avocats.

La thèse de l'accusation affirme qu'à la fin de 1932 Smirnov, Mratchkovski et Ter Vaganian, « ex-trotskystes réintégrés », ont constitué avec Zinoviev et Kamenev un « centre » afin de préparer et d'exécuter des attentats terroristes contre les dirigeants du parti et du pays. Trotsky et Sédov ont, dans ce but, envoyé en U.R.S.S. des terroristes, les six inconnus du banc des accusés, munis de passeports et de visas fournis par la Gestapo. C'est le centre qui, par l'intermédiaire de Zinoviev, a transmis l'ordre, donné par Trotsky, de tuer Kirov. Il n'y a pas de preuve matérielle : l'acte d'accusation ne s'appuie que sur les aveux des inculpés, obtenus d'ailleurs depuis peu, puisque Kamenev n'a avoué que le 13 juillet, Mratchkovski le 20, Pickel le 23 et d'autres à la veille même du procès, Evdokimov le 12 août, Smirnov le 13, Ter Vagaman le 14.

Les contacts du centre avec Trotsky sont attestés par Goltsmann, qui dit avoir eu une entrevue avec Sédov en novembre 1932 à l'hôtel Bristol de Copenhague, puis avec Trotsky lui-même, dans la même ville, et en avoir reçu des instructions pour développer le terrorisme. Mratchkovski déclare qu'en décembre 1934 il a reçu, par l'intermédiaire de Dreitser, qui avait rencontré Sédov à Berlin, une lettre de Trotsky écrite à l'encre sympathique, fixant comme tâche « l'assassinat de Staline et de Vorochilov ». Moïse Lourié avoue avoir reçu, en mars 1933, à Berlin, des instructions de Trotsky de la bouche de Ruth Fischer et Maslow. Bakaiev s'accuse d'avoir veillé aux préparatifs de l'assassinat de Kirov. D'autres accusés avouent avoir préparé des attentats contre des personnalités diverses, Staline, Vorochilov, Kaganovitch, Jdanov, Ordjonikidzé, Kossior, Postychev. Les dirigeants reconnaissent avoir participé personnellement à l'organisation de ces crimes. « Nous brûlions de haine » [2] affirme Zinoviev, après que Kamenev ait dit : « Ce qui nous a guidés, c'était une haine sans borne contre la direction du parti et du pays, la soif du pouvoir » [3].

Le procureur Vychinski requiert la peine de mort contre « ces clowns, ces pygmées », « ces aventuriers qui ont essayé de piétiner de leurs pieds boueux les fleurs les plus odorantes de notre jardin socialiste » [4] : « Il faut fusiller ces chiens enragés. » La presse orchestre le réquisitoire dans le même style; les Izvestia du 23 août écrivent : « Ils n'ont rien dans l'âme, si ce n'est une haine bestiale mûrie durant dix années contre notre soleil Staline et le génie victorieux de l'impureté contre-révolutionnaire. » Le 24, tous les accusés sont reconnus coupables et condamnés à mort. Les Izvestia célèbrent « le seul humanisme, [... ] la défense du régime qui, sous la direction du grand Staline, assure à des millions d'hommes la vie nouvelle, la vie libre ». Le 25, les seize condamnés sont exécutés. La Pravda écrit : « Depuis que c'est fait, on respire mieux, l'air est plus pur, nos muscles acquièrent une vie nouvelle, nos machines marchent plus allègrement, nos mains sont plus prestes. »

Les problèmes posés par les aveux des Seize.

Quoique la version officielle du procès, la thèse de l'accusation ait été admise sous réserve par les partisans de Staline et les « amis de l'U.R.S.S. » dans le monde entier, la lecture attentive des seuls documents officiels fait apparaître une série de contradictions et d'impossibilités, pour ne pas parler des invraisemblances, qui permettent de le considérer comme un des faux judiciaires les plus mal montés de tous les temps.

Il y a d'abord le problème des absents. Vychinski parle de douze inculpés qui font l'objet d'une instruction particulière, mais qui ne paraîtront jamais en public devant un tribunal : Dimitri Schmidt, un des chefs de l'armée rouge, partisan légendaire de la guerre civile, qui serait, selon lui, l'organisateur des groupes terroristes; le vieux bolchevik Guertik, déjà condamné en janvier 1935 et qui est accusé d'avoir participé avec Matorine, un autre secrétaire de Zinoviev, à la préparation du meurtre de Kirov; Gaven, un communiste letton, ami de Smilga, accusé d'avoir servi d'intermédiaire et transmis à Smirnov en 1932 les « directives terroristes » de Trotsky. Ces hommes sont morts ou mourront sans avoir été jugés et sans avoir avoué. L'accusation ne semble pas se soucier de faire coïncider sa thèse avec celle qu'elle avait soutenue au procès de janvier 1935, dont quatre accusés seulement, sur dix-neuf condamnés à cette époque, répondent de nouveau du meurtre de Kirov, Aucune allusion ne sera faite, comme cela semblerait pourtant normal, aux autres procès antérieurs en rapport avec l'affaire, celui des chefs de la N.K.V.D, de Léningrad ou le deuxième procès Kamenev. Il n'est pas question non plus du consul de Lettonie, Bisseneks, qui aurait, en 1934, remis 5000 roubles à Nicolaiev en offrant de le mettre en rapport avec Trotsky. En fait, tout homme honnête, lisant en 1936 les compte-rendus sténographiés du procès des Seize, pouvait, sans attendre les « révélations » de Khrouchtchev en 1956, se persuader de l'innocence de tous les accusés quant au meurtre de Kirov.

D'ailleurs, les aveux eux-mêmes sont pleins de contradictions en ce qui concerne les actes terroristes et les instructions. Dreitser avoue avoir rendu visible à l'Å“il nu, avant de le transmettre à Mratchovski, le message écrit par Trotsky à l'encre sympathique. Mratchovski reconnaît à son tour l'avoir reçu et rendu visible. Personne ne s'inquiète de cette contradiction. Les autres attentats sont, tout au plus, des « crimes d'intention » : Berman-Iourine avoue avoir voulu tuer Staline à la XVIII° assemblée plénière de l'exécutif de l'Internationale, mais n'a pu entrer dans la salle. Fritz David, lui, a pu entrer, mais pas s'approcher de Staline. Vychinski, rappelant ces deux aveux, soutient qu'ils correspondent bien à la vérité puisque Trotsky avait développé, en 1927, sa « thèse Clemenceau »... Nathan Lourié a voulu tirer sur Vorochilov dont l'auto est passée trop loin; il a également pensé à assassiner Kaganovitch et Ordjonikidzé dans une réunion à Tchéliabinsk, mais, finalement, il n'y est pas allé.

Les « preuves matérielles » invoquées par l'accusation ne sont pas plus solides que les aveux. Le fait qu'Olberg, citoyen letton, ait un passeport du Honduras, ne prouve évidemment rien, sauf si l'on croit dur comme fer que seule la Gestapo peut délivrer de tels passeports. Vychinski brandit comme pièce à conviction une lettre de Trotsky, découverte selon lui dans une paroi secrète de la valise de Goltsmann, dans laquelle le chef de l'opposition dit qu'il faut « supprimer Staline ». Il s'agit en réalité d'une lettre ouverte, publiée en 1932 dans le monde entier et qui contient la phrase suivante : « Il faut, enfin, réaliser le dernier et pressant conseil de Lénine : écarter Staline », ce qui prouve au moins que, si Trotsky donnait des « directives terroristes », il était en bonne compagnie. Le procureur a beaucoup de mal à coordonner les indications fournies par les aveux et à les faire coïncider avec l'accusation. L'acte soutient que le centre a fonctionné de 1932 à 1936. Or Zinoviev et Kamenev, qui avouent, étaient en exil de 1932 à 1933, ont été arrêtés en décembre 1934 et ne sont, depuis lors, pas sortis de prison. Mratchkovski, autre membre du centre, était pendant ce temps au Kazakhstan. Quant à Smirnov, il n'a pas quitté la prison depuis le I° janvier 1933. Vychinski devra conclure que, « si le centre fonctionnait, c'est grâce à des liaisons bien organisées qui permirent, même à ceux qui n'étaient pas en liberté, [...] de participer à sa direction » [5] ; mais il ne donne pas la moindre indication sur la nature de ces « liaisons ».

Le « compte rendu sténographique » comprend, à coup sûr, d'importantes coupures : le réquisitoire de Vychinski déclare inadmissibles les comparaisons faites par les accusés avec le terrorisme anti-tsariste du XIX°, alors qu'on ne trouve pas trace de ces comparaisons dans le texte. La thèse même des « aveux » commence à vaciller dès qu'on lit les passages « résumés » du compte rendu. Ainsi Ter Vaganian aurait tenté de ruser en remplaçant (dans les instructions de Trotsky) le mot « terreur » par la phrase « lutte énergique contre les dirigeants du parti communiste ». Ultérieurement, pourtant, il a dû admettre que c'étaient là des instructions dont « le contenu était le terrorisme, et le terrorisme seulement » [6]. De même « Smirnov nie sa participation directe aux activités terroristes. [... ] L'accusé n'avoue que quand l'accusation l'a confondu avec des faits irréfutables » [7]. L'interrogatoire de Smirnov a duré trois heures : un bref dialogue montre qu'il n'avoue pas, puisqu'il nie avoir fait partie du centre :

VYCHINSKI. - Quand donc avez-vous quitté le centre ?

SMIRNOV. - Je n'avais aucune intention de m'en aller, il n'y avait pas d'où s'en aller.

VYCHINSKI. - Le centre existait-il ?

SMIRNOV. - Etait-ce là un centre ?

Dans son réquisitoire, Vychinski revient sur la résistance de Smirnov, qui n'a avoué finalement qu'en manière de plaisanterie, s'offrant comme chef à ses co-accusés puisqu'ils y tiennent. Il avait, auparavant, nié depuis des mois « Tout son interrogatoire du 20 mai tient dans ces mots « Je nie cela, je nie encore, je nie tout » [8].

Les accusés les plus dociles laissent entrevoir des velléités de résistance dans l'emploi d'un langage à double sens qui finit par jeter le doute sur l'authenticité de leurs déclarations. Quelle autre signification peuvent avoir les dernières déclarations d'un Evdokimov, qui a reconnu tout ce dont on l'accusait? « Qui croira, s'écrie-t-il, une seule de nos paroles? […] Qui nous croira, nous qui sommes devant le tribunal comme un gang contre-révolutionnaire de bandits, comme alliés du fascisme et de la Gestapo ? » [9]. Dans la bouche de Kamenev, qui dans ses dernières années a étudié Machiavel et Loyola, certaines répliques ont de curieuses résonances, comme lorsque, après avoir docilement répondu, ainsi que le veut Vychinski, que la soif du pouvoir l'a mené dans les rangs de la contre-révolution, ce que le procureur traduit aussitôt par « combattre le socialisme », il acquiesce avec empressement : « Vous tirez la conclusion d'un historien et d'un procureur » [10]. Il n'est pas jusqu'à l'homme écrasé qu'est Zinoviev qui n'affirme un sursaut de dignité en disant à quel point il souffre d'être dans le box des accusés entre un Olberg et un Nathan Lourié, ce qui n'a aucun sens si l'on admet avec l'accusation qu'il est leur chef.

Bientôt d'ailleurs, l'édifice précaire s'effondre sous les investigations de ceux qui vérifient ce qui est vérifiable. On apprend du Danemark que l'hôtel Bristol, où Goltsmann a avoué avoir rencontré Sédov à la fin de décembre 1935, a été démoli en 1917 et qu'il n'y a plus à Copenhague d'hôtel de ce nom. Sédov prouve d'ailleurs par des témoignages comme par ses visas de l'époque qu'il ne s'est jamais rendu à Copenhague. Les dépositions des derniers jours seront modifiées en conséquence, Berman-Iourine et Fritz David ne parlant plus de a présence de Sédov à Copenhague, et Olberg présentant soudain une version où la femme de Sédov a remplacé son mari, empêché.

Signification et portée du procès des Seize.

L'objectif politique de ce procès se lit entre les lignes du procureur Vychinski, adversaire politique de toujours des accusés, puisqu'il fut menchevik avant d'être stalinien. C'est ainsi qu'il revient sur le procès de 1935 pour presser Zinoviev de faire, cette fois, des aveux suffisants : « Zinoviev eut même l'effronterie de prétendre que lui et ses quinze complices étaient subjectivement loyaux à la classe ouvrière et ne voulaient pas s'engager sur la voie de la contre-révolution, mais qu'objectivement les choses avaient tourné autrement. […] J'aimerais que Zinoviev, dans son discours de défense, nous dise comment il est arrivé que, subjectivement loyal à la classe ouvrière, il se soit objectivement tourné vers l'autre voie. [...] De telles choses n'arrivent pas. [...] Si, objectivement, les choses ont pris en réalité cette tournure, c'est seulement parce que votre loyauté subjective à la révolution, accusé Zinoviev, était fausse et pourrie. Je vous demande de nous parler de cela aussi » [11]. Il est en effet demandé à ce « vieillard affaissé », que Ciliga entrevit pieds nus dans une cour de prison en 1935, d'achever de se condamner en condamnant toute opposition, de la déshonorer en se déshonorant, d'aider Staline à atteindre Trotsky, de servir d'exemple et d'avertissement, par son humiliation et sa mort, à tous les adversaires de Staline.

Car les noms des hommes mis en cause par les « aveux » des accusés du procès d'août sont ceux de la fleur du parti bolchevique, « tous les membres survivants du comité central qui fit Octobre », comme l'a noté Léon Sedov : Boukharine, Rykov, Tomski, Chliapnikov, Sokolnikov, Sérébriakov, Smilga, Piatakov, Karl Radek, les généraux de la guerre civile Putna, Schmidt et d'autres. Avec eux et à travers eux sont menacés tous les opposants du passé, même quand ils ont, depuis lors, renoncé et déposé les armes, en fait, toute opposition, virtuelle, toute direction de rechange. Aucun membre de l'opposition de gauche ne figure d'ailleurs parmi les accusés, qui ont tous, depuis longtemps, rompu avec Trotsky et accepté de jouer contre lui le rôle d'accusateurs pour le compte de Staline, Pickel dès avant le XV° congrès, Zinoviev, Kamenev, Evdokimov depuis janvier 1928. Le procédé de l'amalgame, qui deviendra familier, consiste à présenter ces hommes comme s'ils étaient des opposants, et à les juger en même temps que d'autres, au passé très suspect et qui les accusent. Moïse Lourié, depuis quelques années, était devenu le spécialiste des articles anti-trotskystes dans la Correspondance internationale, sous le nom de Emel. Olberg avait tenté, en 1931, de devenir secrétaire de Trotsky, et avait été écarté en raison même de sa personnalité douteuse. Fritz David avait été le secrétaire de Wilhelm Pieck et, à ce titre, mêlé à toutes les luttes internes du parti allemand. Tous ces hommes, peu connus, dociles instruments de l'accusation, vraisemblablement liés à la Guépéou ou tenus par elle, semblent avoir été choisis dans des milieux proches du parti communiste allemand afin d'accréditer la thèse des rapports avec la Gestapo.

Pour que la thèse de l'accusation ait une portée politique, il faut évidemment que les traîtres eux-mêmes glorifient Staline et célèbrent sa victoire. Ils n'y manquent pas. Reingold déclare : « Zinoviev disait : « Staline concentre en lui-même la force et la fermeté de la direction. Il faut donc l'éliminer » [12]. Mratchkovski affirme : « Il faut considérer comme condamné l'espoir en l'écroulement de la politique du parti » [13]. Smirnov : « Notre pays n'a pas d'autre voie que celle qu'il poursuit et il ne peut y avoir d'autre direction que celle qui nous est donnée par l'histoire » [14]. Kamenev : « La politique du parti, la politique de sa direction a triomphé dans le seul sens où la victoire du socialisme est possible » [15]. Et, dans sa dernière déclaration : « J'adjure mes fils d'employer leur vie à défendre le grand Staline » [16].

La glorification de Staline s'accompagne de la litanie contre Trotsky, « l'homme qui m'a poussé au crime », dit David [17], « l'âme et l'organisateur du bloc terroriste », dit Bakaiev [18]. Mratchkovski l'accuse de l'avoir « engagé dans la voie de la contre-révolution » ; son vieil ami Smirnov dit qu'il est un « ennemi [... ] de l'autre côté de la barricade » [19]. Zinoviev affirme : « Le trotskysme est une variété du facisme et le zinoviévisme est une variété du trotskysme » [20]. Il y a là plus qu'un rite, et plus aussi qu'une opération à usage interne destinée à discréditer Trotsky aux yeux de ce qui reste d'avant-garde ouvrière en U.R.S.S. et dans le monde.

Le 19 juillet 1936, en effet, le soulèvement des militaires espagnols a déclenché une révolution ouvrière et paysanne qui triomphe dans la zone républicaine : à sa tête se trouvent d'irréductibles adversaires de Staline, les syndicalistes-révolutionnaires de la C.N.T., les communistes dissidents que dirige l'ancien trotskyste Andrès Nin. La révolution espagnole est une menace directe pour le statu quo européen, un obstacle à la recherche d'alliés bourgeois pour l'U.R.S.S., puisque, plus encore que la perspective d'extension en Méditerranée de la zone d'influence allemande et italienne, elle effraie les milieux politiques capitalistes d'Angleterre et de France. Staline qui, dans les premières semaines du conflit s'est aligné sur la politique de non-intervention prônée par la France et exigée par l'Angleterre, va bientôt intervenir en Espagne. L'aide militaire russe qui permettra à l'armée républicaine de tenir pendant les derniers mois de 1936 est, sur le plan politique, un contre-feu, car les conseillers russes appuient, dans le camp républicain, les forces modérées, leur permettant de freiner puis d'arrêter l'élan révolutionnaire. Staline fait d'une pierre deux coups, consacrant en même temps les communistes champions de l'antifascisme, conçu comme une alliance de « tous les démocrates » contre les fascistes, reflet dans chaque pays de la coalition qu'il veut former, en Europe, entre les démocraties occidentales et l'U.R.S.S. contre l'axe Rome-Berlin. La lutte contre les éléments révolutionnaires en Espagne est à la fois une garantie donnée aux futurs alliés du point de vue de la conservation sociale et politique et un aspect de la lutte de la bureaucratie russe pour conserver son monopole sur les secteurs ouvriers avancés. A partir de septembre 1936 arrivent en Espagne les conseillers militaires et politiques, les spécialistes de la N.K.V.D., qui vont entreprendre la liquidation de tous les éléments révolutionnaires extrémistes. Vu sous cet angle, le procès des Seize est une opération destinée à faciliter la nouvelle politique étrangère de Staline, en même temps qu'une préparation psychologique à la guerre contre le fascisme aux côtés des démocraties capitalistes, une perspective qui, non seulement, exclut la révolution, mais oblige à la combattre en tant que menace directe contre le système d'alliance de l' U.R.S.S. [21].

Le procès n'est donc que l'aspect le plus spectaculaire d'une vaste campagne politique. En U.R.S.S., Il est le prétexte et la couverture de la nouvelle campagne d'épuration du parti qui se déclenche à partir de l'instruction secrète du 29 juillet. Comme Il ne reste plus guère d'opposants masqués à démasquer, on commence à exclure quiconque dans le passé a eu, avec un zinovieviste ou un trotskyste, un lien même ténu, comme, à Kozalsk, un des rayons de Smolensk, un militant qui, en 1927, avait eu entre les mains la plate-forme de l'opposition, un second qui « avait donné une description favorable d'un trotskyste » ou ce troisième qui avait été simplement élève a l'institut des professeurs rouges. Toutes les réunions se terminent par un hommage à « la vigilance et la sagacité du chef bien-aimé le camarade Staline » [22].

Il est clair, pourtant, que le procès des Seize a manqué son objectif. Kamenev et Zinoviev, en avouant comme mobile la soif du pouvoir, ont rendu à Staline un service empoisonné : en niant avoir eu un programme différent du sien, ils laissent clairement entendre qu'il s'agissait, de part et d'autre, du pouvoir seulement : La Pravda du 12 septembre 1936 enregistre le coup et indique la direction à suivre pour les procès à venir : « Les accusés se sont efforcés de dissimuler les buts véritables de leur action. Ils ont répondu qu'ils n'avaient aucun programme. Ils en avaient pourtant un, celui de la destruction du socialisme et de la restauration du capItalisme. » Au cours du prochain procès, les accusés avoueront bien avoir eu un « programme ».

Vers le deuxième procès.

Il est vraisemblable, pourtant, que les conditions du premier procès ont provoqué dans les milieux dirigeants, même très proches de Staline, des résistances ou des hésitations sur lesquelles nous ne sommes que peu renseignés. Après la mise en cause par les accusés de Boukharine, Rykov et Tomski, une enquête est ouverte contre eux. Vychinski, en l'annonçant devant le tribunal, déclenche du même coup la traditionnelle pluie de résolutions et de messages exigeant leur châtiment. Traqué, pressentant ce qui l'attend, Tomski se donne la mort le 23 août. Cependant, le 10 septembre, un communiqué publié dans la Pravda annonce que l'enquête sur Boukharine et Rykov s'est terminée par un non-lieu, « aucune base légale » d'accusation n'ayant pu être relevée contre eux. La plupart des historiens supposent, à juste titre, semble-t-il, qu'une telle conclusion de l'enquête marquait un recul par rapport aux projets initiaux. Il nous faut, pour l'instant, renoncer à connaître les péripéties qui ont ainsi freiné la répression dirigée déjà à cette date contre les droitiers.

Schapiro pense qu'en tout cas c'est cette décision de non-lieu concernant les deux anciens dirigeants de la droite qui est à l'origine d'une vive réaction de Staline et d'une aggravation de la crise. Il s'appuie en cela sur Khrouchtchev, qui place à la fin du mois de septembre le début de ce qu'il appelle la « répression de masse ». C'est, en effet, le 25 septembre, selon lui, que Staline et Jdanov, en vacances à Sotchi, au bord de la mer Noire, télégraphient à « Kaganovitch, Molotov et autres membres du bureau politique » qu'il est « nécessaire et urgent de nommer Ejov au commissariat du peuple aux affaires intérieures » (N.K.V.D.), et commentent : « Iagoda s'est montré définitivement incapable de démasquer le bloc trotskyste-zinoviéviste. La Guépéou a quatre ans de retard » [23].

La nomination d'Ejov est annoncée dans la Pravda du 27 : « transféré » aux P.T.T., Iagoda sera à son tour épuré quelques mois plus tard. C'est vraisemblablement pendant cette période que la direction de la N.K.V.D. est réorganisée sous la poigne d'Ejov et qu'en disparaissent les anciens tchékistes qui la dirigeaient depuis l'époque de la guerre civile, les Pauker, Trilisser, Agranov et autres : le seul survivant des six adjoints de Iagoda, Zakovski, dont Khrouchtchev, en 1956, a souligné le rôle dans la fabrication des aveux aux procès, est aussi le seul dont les premiers services dans la police politique soient postérieurs à la guerre civile et qui ait pu ainsi échapper au soupçon de sympathiser avec les vieux-bolcheviks. Les arrestations se multiplient parmi ces derniers, dont un tout petit nombre seulement figurera au deuxième procès. Il faut se contenter de noter que des rumeurs persistantes attribuent à l'époque à Ordjonikidzé des efforts pour arrêter les coups qui menacent la vieille garde et protéger, notamment, son adjoint Piatakov, promis par son passé d'opposant à un rôle de premier plan dans un procès à venir. Au XXII° congrès, Krouchtchev a partiellement confirmé ces rumeurs en révélant que Sergo Ordjonikidzé, dont la mort devait être annoncée le 18 février 1937, s'était en réalité suicidé parce que « ne voulant plus avoir affaire à Staline et partager la responsabilité de ses abus de pouvoir » [24].

Nous n'avons guère non plus de renseignements précis sur le procès pour sabotage et terrorisme qui s'est déroulé à Novossibirsk, du 19 au 22 novembre 1936, et où, sur neuf accusés qualifiés de « trotskystes », six ont été condamnés à mort et exécutés. Le fait que les neuf aient été présentés comme des agents de Piatakov, contre lequel a été produit le témoignage de son ami Drobnis, laisse imaginer une mise en scène analogue à celle de juillet 1935 contre Kamenev, destinée à briser la résistance et à arracher les aveux d'un homme autour duquel les mailles du filet se resserraient, puisque sa femme avait déjà été arrêtée, huit mois avant lui, et que, selon le compte rendu de son procès, il n'a consenti aux premiers aveux qu'en décembre 1936.

Le deuxième procès.

Le deuxième procès se déroule du 23 au 30 janvier 1937 devant le même tribunal, le président Ulrich et le procureur Vychinski. Les dix-huit accusés ont été choisis suivant la méthode désormais classique de l'amalgame. Piatakov est le principal personnage dans le groupe des vieux-boleheviks, avec Karl Radek : le premier était encore membre du comité central et l'autre rédacteur aux Izvestia et co-rédacteur de la Constitution quelques semaines auparavant. Sérébriakov, ancien secrétaire du parti, oppositionnel repenti, administrateur des chemins de fer, et Sokolnikov, vice-commissaire à l'industrie forestière et suppléant du comité central, sont aussi de la vieille garde. Les vieux-bolcheviks, anciens décistes, Drobnis et Bogouslavski, a vaient, eux aussi, abjuré leurs idées, de même que Livschitz, ancien membre de l'opposition unifiée, et occupaient des postes importants dans l'administration économique. Nicolas Mouralov, le vieil ami de Trotsky, est le seul des anciens opposants qui n'ait jamais, avant sa dernière arrestation, signé de déclaration de repentir. Un deuxième groupe d'accusés est composé de responsables de l'économie, Kniazev et Turok, des chemins de fer, Rataitchak et Chestov, de l'industrie chimique, tous vieux communistes, Norkine et Pouchine, communistes de plus fraîche date et importants administrateurs, le sans-parti Stroilov, ingénieur en chef du trust du charbon du Rouznetsk. Enfin Arnold, « chauffeur » sans-parti aux multiples identités et Hrasche, présenté comme « professeur » et « espion » forment le groupe, indispensable désormais, des personnages louches, jouant vraisemblablement le rôle d'indicateurs.

Le schéma général du procès ne diffère guère du précédent. Piatakov et ses compagnons sont accusés d'avoir organisé un « centre de réserve », direction de remplacement destinée à assurer éventuellement la relève du « centre trotskyste-zinoviéviste » détruit lors du premier procès. Ils le reconnaissent et fournissent un luxe de détails sur leurs rapports avec les dirigeants du premier « centre » et avec Trotsky. Un ancien correspondant des Izvestia, Romm, témoigne qu'il a rencontré Trotsky à Paris, à la fin de juillet 1933 et qu'il a reçu de lui des directives écrites qu'il a rapportées à Radek. Radek déclare avoir détruit les textes, mais en donne le contenu : défaitisme et terrorisme, telles étaient les instructions de Trotsky. Piatakov déclare qu'en décembre 1935, de Berlin où il était en mission officielle, il s'est rendu en avion à Oslo, où il a rencontré Trotsky dans sa maison : Trotsky lui a donné des directives de sabotage et de terrorisme et l'a mis au courant de ses entretiens avec Rudolf Hess, le ministre nazi, adjoint de Hitler, et des accords qu'ils ont conclus pour leur lutte commune contre l'U.R.S.S. Piatakov et Radek reconnaissent en outre leur responsabilité directe pour tous les actes terroristes, commis ou non, imputés aux groupes d'action dépendant de l'un ou l'autre centre, depuis le meurtre de Kirov jusqu'à ceux - seulement projetés - de Staline, Vorochilov, Molotov, Kaganovitch, Jdanov, Kossior, Postychev, Eikhe, Tchouhar et autres moindres personnages du régime. Les fonctionnaires de l'administration économique, de Sérébriakov, le vieux-bolchevik, à Stroilov, le sans-parti, avouent une liste impressionnante d'actes de sabotage qui vont de la fixation systématique de normes de travail très basses pour les cheminots à l'organisation de déraillements, en passant par des plans destinés à la diminution de 80 % de la production de charbon, l'organisation d'explosions dans les mines avec comme objectif de tuer le plus d'ouvriers stakhanovistes possible, celle d'« intoxications » ou « d'empoisonnements de masse », la dilapidation des fonds publics, le retard systématique, allant jusqu'à trois mois, du paiement des salaires aux ouvriers, le retrait de la circulation des locomotives en bon état de marche et leur remplacement par des machines non réparées. Kniazev, à lui tout seul, avoue l'organisation de quinze graves accidents de train et de mille six cents avaries. Tous déclarent avoir appliqué dans celte campagne, de sabotage, les directives données par Trotsky. Les moins connus des accusés déclarent avoir été, en outre, des agents des services de renseignements étrangers : Stroilov de l'Allemagne, Kniazev du Japon, Rataitchak étant, selon Vychinski « un espion peut-être polonais et peut-être allemand » [25] et Hrasche mangeant, comme lui, à plusieurs râteliers.

Après ce déballage de turpitudes, Vychinski entreprend, dans son réquisitoire, de démontrer, en remontant à l'activité de Trotsky avant la révolution, comment l'opposition était vouée à finir dans le sabotage et la trahison. Treize accusés sont condamnés à mort, dont Piatakov, Mouralov, Sérébriakov, Bogouslavski, Drobnis. Arnold et Stroilov sont condamnés à dix et cinq ans de prison. Deux des vedettes du procès, Sokolnikov et Radek, sont épargnés, n'étant condamnés qu'à dix ans de prison. Comme après le premier procès, avant et après l'exécution, la presse reprend en chÅ“ur les vitupérations de Vychinski contre les condamnés, « criminels de profession au sang-froid de vipère » [26].

Problèmes posés par le deuxième procès.

Le deuxième procès n'a peut-être pas été préparé par les mêmes hommes; il l'a été, sans aucun doute, dans les mêmes bureaux, par des spécialistes formés à la même école. Ici aussi, il est clair que ne comparaissent que ceux qui ont avoué : tous les dossiers sont numérotés, Arnold a le numéro 36, ce qui permet de supposer qu'il y a au moins dix-neuf absents. Leurs noms sont d'ailleurs cités, au cours des débats, qu'il s'agisse de responsables ou d'exécutants : Priobrajenski est désigné par Radek comme membre du centre, Beloborodov, Boudou Mdivani, Kolziouhinski, pour ne s'en tenir qu'aux plus connus, sont plusieurs fois mentionnés. Ni les uns ni les autres ne figureront jamais dans un procès public. L'accusation tente à plusieurs reprises de faire confirmer par les accusés les aveux faits par les condamnés du premier, notamment en ce qui concerne l'assassinat de Kirov. Mais le changement d'orientation, l'élargissement de la gamme des crimes « avoués » obligent le procureur à contester les aveux des condamnés de 1936, quand il s'écrie : « Quand nous nous sommes mis à démêler de plus en plus les écheveaux abjects de leurs crimes monstrueux, nous avons découvert à chaque pas le mensonge et la duperie de ces hommes qui avaient déjà en pied dans la tombe » [27].

Aucun accusé ne résiste, comme avait tenté de le faire Smirnov. Plusieurs, cependant, nient certaines accusations, font des aveux ambigus. Piatakov refuse d'admettre qu'au « début de son activité « trotskyste », il savait qu'elle le mènerait à la trahison et porte ainsi un coup à la thèse du trotskysme, trahison consciente. Il nie toute préparation à un attentat contre Staline jusqu'à ce qu'on lui ait opposé trop d'autres témoignages pour qu'il puisse continuer sans démolir l'édifice entier. Bientôt on va savoir de façon certaine que deux témoignages, deux aveux, de taille, sont faux : l'entrevue d'Oslo n'a pu avoir lieu, ne serait-ce que parce qu'aucun voyageur étranger ne s'est rendu en Norvège par avion dans la période indiquée, et parce que les circonstances du séjour de Trotsky ne lui permettaient pas de recevoir une telle visite dans des conditions de secret. En outre, il était placé sous la surveillance de la police française à Saint-Palais à l'époque où Romm prétend l'avoir rencontré à Paris. Mais le questionnaire rédigé par Trotsky pour éclairer le témoignage de Piatakov ne lui sera évidemment pas soumis : ainsi que le redoutait le chef de l'opposition, Piatakov est exécuté le 1° février, avant que l'opinion mondiale ait pu exercer une pression suffisante pour le faire de nouveau interroger.

En fait, rien, aujourd'hui, ne subsiste non plus des accusations et des aveux du deuxième procès. Le « voyage d'Oslo » n'existe pas plus que l'hôtel Bristol. Quand, au procès de Nuremberg, le procureur russe aura en face de lui les principaux dirigeants de l'Allemagne nazie, et en particulier Rudolf Hess, il ne posera aucune question sur les entretiens de ce dernier avec Trotsky, base de l'accusation de trahison du procès de 1937, et cela malgré les protestations de Natalia Sédova et des amis politiques de Trotsky. Ce silence et celui des archives allemandes sur ce point établissent clairement la falsification. En janvier 1937, Mouralov, le vieux-bolchevik, et Arnold, l'aventurier, avaient avoué un attentat manqué contre l'automobile de Molotov à Prokopievsk, en 1934. Mouralov fut exécuté. Au XXII° congrès, Chvernik, président de la commission de contrôle, déclare, parlant du « cynisme » de Molotov : « Lors d'un voyage à Prokopievsk, en 1934, les roues de droite de son auto glissèrent, dans la cuvette de la route. Aucun des passagers ne fut blessé. Cet épisode servit par la suite de prétexte à une version parlant d'« attentat » à la vie de Molotov, et un groupe d'innocents fut condamné à cause de cela » [28].

La signification du procès.

En fait, la clé du procès se trouve dans le compte rendu sténographique officiel, et en particulier dans l'interrogatoire et les déclarations de Karl Radek, véritable porte-parole de l'accusation sur le banc des accusés, un des rare rescapés des procès, épargné visiblement en récompense du rôle qu'il y avait joué. Un des hommes les plus remarquables de sa génération par ses capacités intellectuelles, proche de l'opposition de 1923 à 1926, membre actif de celle-ci de 1926 à 1928, il l'avait abandonnée en 1929 et sera, à partir de cette date, l'une des cibles de Trotsky, qui l'accuse notamment d'avoir dénoncé : Blumkine à la Guépéou et d'être devenu un authentique mouchard. Comédien de grand talent, Radek est parfaitement à l'aise devant le tribunal face à Vychinski qu'il remet à l'occasion à sa place d'un mot sec, dénonce avec nonchalance tous les complices du centre, Boukharine et Rykov, innocentés quatre mois auparavant, Putna, un collaborateur de Toukhatchevski, sur qui il laissera planer un soupçon, pour l'en laver le lendemain. Il prononce surtout une ultime déclaration dans laquelle il jette avec humour quelques informations sur les conditions de l'instruction et donne au procès toute sa signification politique.

Protestant contre certains qualificatifs appliqués aux accusés par le procureur, il commence par rappeler que tout le procès repose sur des aveux. « Le procès, dit-il, a deux points centraux. Il a dévoilé la préparation à la guerre et a montré que l'organisation trotskyste est devenue l'agence de ces forces qui préparent la nouvelle guerre mondiale. Quelles sont les preuves de ce fait? Les preuves sont les déclarations de deux hommes : les miennes, dans lesquelles j'ai déclaré avoir reçu des directives et des lettres - que j'ai brûlées, malheureusement - de Trotsky et les déclarations de Piatakov qui a parlé avec Trotsky. Toutes les autres dépositions reposent sur les nôtres. Si vous n'avez affaire qu'à de simples criminels de droit commun, qu'à des mouchards, comment pouvez-vous être certains que ce que nous avons dit, c'est la vérité, la vérité inébranlable? [... ] Il va sans dire que le procureur et le tribunal, qui connaissent toute l'histoire du trotskysme, qui nous connaissent, n'ont aucune raison de nous soupçonner, nous qui traînons ce boulet qu'est le terrorisme, d'y avoir ajouté pour notre plaisir celui de la trahison d'Etat. Il est inutile de chercher à vous persuader. Mais il faut chercher à persuader en premier lieu les déments trotskystes éparpillés et rodant dans le pays qui n'ont pas encore déposé les armes, qui sont dangereux et doivent comprendre que nous disons ici avec une émotion profonde la vérité et rien que la vérité », cette vérité que, selon lui, Kamenev, Zinoviev et Mratchkovski ont dissimulée, puisque « Kamenev a préféré périr comme un bandit sans programme politique » [29].

Radek entreprend donc de démontrer comment le trotskysme mène à la trahison, parce que le pouvoir de Staline est trop fort. « Les vieux trotskystes, dit-il, soutenaient qu'il était impossible d'édifier le socialisme dans un seul pays : c'est pourquoi il fallait accélérer la révolution en Occident. Maintenant, voilà ce qu'on leur offre : en Occident, aucune révolution n'est possible ; pour cette raison, détruisez le socialisme en U.R.S.S. Que le socialisme soit édifié dans notre pays, c'est un fait que personne ne peut manquer de voir. » Radek explique que, s'il n'a cependant pas dénoncé la conspiration, quand il a connu l'alliance entre Trotsky et Hitler, c'est d'une part parce que « la justice soviétique n'est pas une machine à hacher » et « parce qu'il y avait une couche importante de gens que nous avions amenés dans cette voie de lutte qui ne connaissaient pas, dirais-je, les principes essentiels de l'organisation, qui erraient dans les ténèbres ». Non sans un certain humour noir, il confesse : « Je dois dire que ce n'est pas moi qu'on a torturé, mais que c'est moi qui ai torturé les enquêteurs en les obligeant à faire un travail inutile. Pendant deux mois et demi, j'ai obligé le juge d'instruction, par des interrogatoires et en opposant à mes déclarations celles des autres accusés, à dévoiler devant moi tout le tableau, afin que je sache qui avait avoué, qui n'avait pas avoué, dans quelle mesure les aveux ont été faits par chacun. » Et il raconte comment, le dernier, il a « tout avoué », faisant de lui-même le régisseur du spectacle : selon Krivitzki, ce serait une entrevue avec Staline qui l'aurait décidé à « poursuivre l'instruction contre lui-même » [30].

La conclusion de Radek est un appel politique à l'union sacrée destinée à désarmer toute opposition virtuelle : « Il y a dans ce pays des demi-trotskystes, des quarts de trotskystes, des huitièmes de trotskystes, des gens qui nous ont aidés, ignorant l'existence de l'organisation terroriste, ayant de la sympathie pour nous et qui, par libéralisme ou par esprit frondeur à l'égard du parti, nous ont aidés. Nous disons à ces gens : quand il y a une paille dans la masse d'un grand marteau, le danger n'est pas encore grand; mais, quand la paille est dans une hélice, cela peut entraîner une catastrophe. Nous nous trouvons à une période de tension extrême, une période d'avant-guerre. A tous ces éléments, […] nous disons : celui qui sent dans ses rapports avec le parti la moindre fêlure dans sa confiance doit savoir que demain il peut devenir un fauteur de diversions, un traître, s'il ne s'applique pas à réparer cette fêlure par une sincérité totale devant le parti. Deuxièmement, nous devons dire aux éléments trotskystes de France, d'Espagne et des autres pays - de tels éléments il y en a -que l'expérience de la Révolution russe a montré que le trotskysme, c'est le saboteur du mouvement ouvrier. Nous devons les prévenir qu'ils paieront de leur tête s'ils ne profitent pas de notre expérience. Enfin, nous devons dire au monde entier, à tous ceux qui luttent pour la paix, que le trotskysme est un instrument des fauteurs de guerre » [31].

Stalinien par cynisme, Radek ne rend pas à Staline des services gratuits. Il entend bien en être récompensé et souligne leur valeur : « Quand Nicolas Ivanovitch Mouralov, l'homme le plus proche de Trotsky, que je croyais prêt à mourir en prison sans proférer un mot, quand cet homme a fait ses déclarations et les a justifiées en disant qu'il ne voulait pas mourir avec l'idée que son nom puisse devenir le drapeau de toute la racaille contre-révolutionnaire, eh bien, c'est là le résultat le plus profond de ce procès » [32]. Par sa bouche s'exprime la nécessité qui s'impose à Staline s'il veut préserver son régime menacé : il faut vaincre l'opposition diffuse à l'intérieur du pays, il faut assurer le monopole des partis communistes sur les ouvriers de France, d'Espagne et d'ailleurs, il faut gagner l'alliance des puissances occidentales pour assurer la paix par le maintien du statu quo. La condition de cette victoire est la destruction préalable de l'opposition trotskyste, de l'organisation pour la IV° Internationale qu'il faut anéantir parce qu'elle menace la dictature de la bureaucratie, au dedans comme au dehors : c'est en ce sens que la « confession » Mouralov est « le résultat le plus profond du procès », car elle, et elle seule, est une défaite réelle de Trotsky.

Ici aussi, pourtant, le résultat apparaît mince, avec le recul du temps : tandis qu'en Espagne, et en France les tueurs de la N.K.V.D. s'attachent à la liquidation systématique des partisans de Trotsky, et des révolutionnaires : anti-staliniens en général, assassinant, en France, le Tchécoslovaque Klement et le Polonais Reiss, puis Léon Sédov lui-même, en Espagne, le leader du P.O.U.M. Andrès Nin, l'Autrichien Kurt Landau, le Tchèque Erwin Wolf, l'Allemand Moulin et bien d'autres, elle est amenée inéluctablement à frapper en U.R.S.S. même bien au-delà du noyau numériquement réduit des « trotskystes » et à exterminer toute la vieille garde des bolcheviks et des communistes étrangers résidant en U.R.S.S., les cadres mêmes du parti et de l'Internationale.

Procès à huis-clos et liquidation sans jugement.

Toute une série d'arrestations suivent immédiatement le procès Piatakov. Boukharine et Rykov sont vraisemblablement arrêtés à ce moment, de même que le juriste Pachoukanis, que la Pravda attaque le 20 janvier. Le suicide d'Ordjonikidé, le 18 février, est un autre aspect de la lutte qui se déroule dans l'appareil et dont l'assemblée plénière du comité central qui se déroule entre le 23 février et le 5 mars n'est que l'un des épisodes. Le communiqué de la Pravda du 6 mars dit que « la question de l'activité antiparti de Boukharine et Rykov a été examinée » et que leur exclusion du parti a été décidée. Krivitski et les auteurs de stalinien affirment que Boukharine et Rykov, extraits de prison pour la circonstance, ont assisté à l'assemblée, et y ont vainement plaidé non-coupables. Le compte-rendu fait par Khrouchtchev à Moscou et publié dans la Pravda du 17 mars semble confirmer la présence au comité central des deux hommes : « Ils sont venus à l'assemblée pour la tromper, [...] ils n'ont pas pris le chemin du repentir » et doivent être considérés comme des « ennemis du parti et de la classe ouvrière ».

Dans son rapport du XX°,congrès, Khrouchtchev dit qu'à ce moment où « la terreur était dirigée non contre les restes des anciennes classes exploitées mais contre les honnêtes travailleurs du parti et de l'Etat », mis en accusation pour « double jeu », « espionnage », « sabotage » et « complots », « de nombreux membres [du comité central] mirent réellement en question la justesse de la ligne établie de répressions de masses sous prétexte de lutte contre les hommes à double visage » [33]. Selon lui, Postychev, premier secrétaire d'Ukraine, se serait fait le porte parole de ces nouveaux opposants, battus pourtant, puisque le comité central adopte un rapport d'Ejov sur le danger des opérations de diversion de sabotage et d'espionnage dont Molotov assure au cours de la discussion que leurs auteurs « se donnent pour des communistes et des partisans ardents du pouvoir soviétique » [34].

La crise est si grave que, pour un temps, il n'y aura pas de procès public, ni même, dans la majorité des cas, de procès tout court. L'armée rouge est décapitée : le 31 mai, c'est le chef politique de l'armée, Gamarnik, un stalinien fidèle, qui se suicide. Le 11 juin, un communiqué annonce l'arrestation et le jugement, le jour même, d'un groupe généraux comprenant Toukhatchevski, Iakir, Ouborevitch, Feldmann, le chef des cadres, Eideman, Kork, el Primakov et Putna, emprisonnés depuis 1936. Ces hommes étaient en réalité déjà condamnés à mort, ainsi qu'il a été révélé au XXII° congrès, et peut-être déjà exécutés. Malgré les affirmations officielles, il n'est pas certain qu'un jugement ait véritablement eu lieu, certains des juges, dont les noms ont été publiés, comme Alksnis, ayant été déjà arrêtés à celte date. C'est au mois de novembre que, selon les révélations de Chélépine, sont arrêtés des membres importants « militants du parti, hommes d'Etat et militaires marquants » parmi lesquels il cite Postychev, Kossior, Eikhe, Roudzoutak, Tchoubar, Boubnov, Ounschlicht, Krylenko [35]. Presque tous seront fusillés à des dates différentes, Eikhe l'étant, selon Khrouchtchev le 2 février 1940, à un moment où il était, depuis longtemps, considéré comme disparu. Le 16 décembre, un communiqué laconique annonce le jugement à huis-clos, la condamnation pour haute trahison et l'exécution d'Avelii Enoukidzé, exclu en 1935.

C'est à partir de cette date que disparaissent les uns après les autres, les survivants de l'opposition de gauche. Un ancien détenu a récemment donné des détails jusque-là ignorés sur la liquidation des trotskystes au camp de Vorkouta [36] : Ils y sont en 1936 plusieurs milliers, regroupés dans les mêmes baraques, solidement organisés, el qui refusent de travailler plus de huit heures par jour. Leurs chefs de file sont l'Arménien Socrate Guévorkian, le Letton Melnaïs, ancien membre du comité central des Jeunesses, ancien dirigeant de l'opposition à l'université de Moscou, les vieux-bolcheviks Vladimir Ivanov et Vladimir Kossior, l'ancien secrétaire de Trotsky, Poznanski, que Ciliga avait rencontré à Verknouralsk. Au cours de l'hiver 1936-1937, ils ont encore réussi, par une grève de la faim de 132 jours, à obtenir une amélioration de leurs conditions de travail. Mais, à l'été, un premier convoi, comprenant notamment l'ancien membre du comité central Vladimir Ivanov Kossior et Serge Sédov, le fils cadet de Trotsky, est dirigé sur Moscou, où ces hommes seront fusillés. A la fin de mars 1938, Guévorkian et une vingtaine d'autres, emmenés en « convoi », sont abattus non loin du camp. Jusqu'à la fin de 1938, les exécutions se succèdent au rythme d'une quarantaine une ou deux fois par semaine. Il n'y a plus que quelques survivants quand les « convois » cessent, lors du remplacement d'Ejov par Béria. En réalité, Staline ne liquide pas seulement les bolcheviks qui, dans le passé, ont été en conflit avec l'appareil, mais, pratiquement, la totalité de la vieille garde bolchevique, y compris les hommes qui, dans les années 20, avaient assuré son triomphe sur l'opposition. Les exécutions de 1937 ne sont que le signal de la gigantesque purge que les Russes ont baptisée Ejovtchina, du nom du chef de la N.K.V.D. qui fut son metteur en scène. L'essentiel s'en est déroulé sans bruit et sans publicité. Ce n'est qu'à son déclin, après le triomphe définitif de la terreur généralisée, que se déroule l'ultime procès, celui de Boukharine, baptisé procès du « bloc des droitiers et des trotskystes ».

Le troisième procès de Moscou.

Les vingt et un accusés du troisième procès de Moscou sont jugés du 2 au 13 mars. Autour de Boukharine et Rykov, les anciens droitiers, de Christian Racovski, l'ancien dirigeant de l'opposition de gauche, Krestinski, l'ancien secrétaire du parti, des vieux-bolcheviks responsables à de hautes fonctions du parti et de l'Etat, on trouve Iagoda, l'ancien chef de la N.K.V.D., les ex-commissaires du peuple Grinko, Tchernov, Rosengoltz, et des ex-membres du comité central Khodjaev, Ikramov, Zelenski, de hauts fonctionnaires et trois médecins. L'accusation leur reproche d'avoir rassemblé, sous l'étiquette de « bloc des droitiers et des trotskystes » une conspiration réunissant, en outre, des mencheviks, des socialistes-révolutionnaires, des nationalistes bourgeois d'Ukraine, de Biélorussie, de Géorgie, d'Arménie, d'Azerbaïdjan et d'Asie centrale, et d'avoir agi « sur les instructions des services d'espionnage d'Etats étrangers hostiles à l'U.R.S.S. », après un accord conclu, par l'entremise de Trotsky, pour leur concours armé en vue de renversement du pouvoir soviétique et du démembrement de l'U.R.S.S.

La liste de leurs « forfaits » est impressionnante : Krestinski, sur « instructions directes de l'ennemi du peuple Trotsky, agent des services d'espionnage allemand et anglais », est un espion allemand depuis 1921, Hosengoltz espionne pour l'Allemagne depuis 1923 et l'Angleterre depuis 1926, Racovski pour l'Angleterre depuis 1924 et le Japon depuis 1934, Grinko pour l'Allemagne et la Pologne depuis 1932. Il leur est reproché des actes de sabotage dans l'agriculture, les transports, les finances, l'industrie. Ils ont en outre, selon l'accusation, participé à de nombreux attentats terroristes, tenté d'assassiner Staline, Molotov, Kaganovitch et Vorochilov, contribué à l'assassinat de Kirov, assassiné, par l'intermédiaire de Iagoda et des médecins. Maxime Gorki, et son fils Pechkov, Menjinski, successeur de Dzerjinski à la Guépéou, et Kouibychev, tenté d'empoisonner Ejov; Boukharine est, en plus, accusé d'avoir, en 1918, comploté avec les s.r. de gauche en vue d'arrêter et d'assassiner Lénine. Trois accusés, enfin, sont présentés comme ayant été agents de l'Okhrana avant la révolution.

Rien de nouveau, en somme, sinon que, cette fois, d'autres meurtres que celui de Kirov sont à reprocher aux accusés, et que les accusations d'espionnage sont plus généreusement distribuées. Rien de surprenant, en tout cas : depuis plusieurs mois, l'auteur de la Lettre d'un vieux bolchevik avait écrit que la mort de Gorki, empoisonné sur l'ordre de Staline, serait un des chefs d'accusation dans un nouveau procès et Trotsky, le 16 avril 1937, avait annoncé non seulement que Iagoda serait accusé d'empoisonnements criminels, mais encore que Racovski n'était envoyé au Japon que pour étayer ultérieurement une accusation d'espionnage contre lui. On voit également se produire les accusations attendues contre Toukhatchevski et les autres généraux, afin de confirmer a posteriori leur trahison. Les traditionnels entretiens avec Trotsky figurent dans les dossiers de l'accusation, d'ailleurs toujours aussi mal servie. Ainsi, Bessonov avoue avoir reçu une lettre de Trotsky à la fin de décembre 1936, alors que celui-ci, interné en Norvège depuis le mois de septembre, s'est embarqué le 18 décembre pour le Mexique ; Krestinski dit l'avoir rencontré dans les Alpes italiennes aux environs du 10 octobre 1933, alors que, de notoriété publique, il était à cette époque sous l'étroite surveillance de la police française à Barbizon. Le seul élément nouveau dans ce procès, on le trouve en définitive au banc des accusés, dans une résistance tantôt ouverte et tantôt voilée, une complaisance trop éclatante dans certains aveux, la désinvolture de grand seigneur de Boukharine à l'égard de Vychinski, une sorte de volonté de caricaturer de la part de certains accusés en même temps que l'expression poignante d'un désespoir à peine tempéré, de temps en temps, par un clin d'Å“il à ceux, présents ou à venir, dont ils pensent qu'ils pourront un jour comprendre et expliquer.

Le premier jour est marqué par un incident sans précédent. L'accusé Krestinski - dont Vychinski révèlera qu'il a résisté à neuf mois d'interrogatoire avant de céder déclare que ses aveux à l'instruction sont faux. Il affirme : « Je n'ai jamais été membre du bloc des droitiers et des trotskystes, dont j'ignorais l'existence. Je n'ai commis aucun des crimes dont je suis personnellement accusé; en particulier je plaide non-coupable à l'accusation d'avoir eu des liens avec le service de renseignements allemand » [37]. Il s'exclame : « Avant mon arrestation, j'étais membre du parti communiste de l'U.R.S.S. et je le reste. » Il persiste pendant tout son premier interrogatoire, niant toute valeur aux témoignages de ses co-inculpés, affirmant qu'il n'a lui-même avoué que pour comparaître dans un procès public et pouvoir nier, ce qui ne lui aurait pas été possible s'il n'avait d'abord avoué à l'instruction. L'après-midi, il persiste dans ses dénégations et c'est seulement le surlendemain que, de nouveau interrogé, il confirme ses premiers « aveux ». Il conteste cependant farouchement avoir touché des sommes de la part du général Von Seeckt en 1920-21, ne le reconnaissant que pour la période qui part de 1922. Dans son ultime déclaration, il déclare n'avoir été qu'en prison « persuadé de la vanité [de ses] espoirs et du caractère désespéré et criminel » de la lutte [38].

Les autres accusés manifestent aussi, clairement, leur volonté de résister. Rykov est celui qui va le plus loin dans l'aveu d'une activité terroriste. Il nie pourtant avoir poussé Tchernov à utiliser ses fonctions de commissaire à l'agriculture pour saboter mais, comme Tchernov confirme l'accusation, répond : « II a trop bien répondu. Sans doute ai-je dû faire ce qu'il a dit » [39]. Quand Vychinski le presse de reconnaître qu'ils étaient des espions, il se tait, et répond à la question de savoir s'il organisait l'espionnage : « Je ne valais pas mieux qu'un espion » [40]. Il nie toute responsabilité dans le meurtre de Kirov, reconnaît avoir « discuté la question du terrorisme », donné à son secrétaire l'instruction de surveiller le passage des autos de membres du gouvernement, mais répète : « Nous n'avons jamais pris de décision précise quant à tuer tel ou tel » [41]. Iagoda dit qu'il est devenu un conspirateur lorsqu'en 1929, d'accord avec Boukharine et Rykov, il a caché son opposition à la direction du parti, nie, le matin du 3 mars, avoir participé à l'assassinat de Menjinski, puis reconnaît l'après-midi l'avoir fait sur l'ordre d'Enoukidzé - jugé à huis-clos et exécuté trois mois auparavant. A la question de savoir s'il a réellement donné des ordres pour que la N.K.V.D. n'empêche pas l'assassinat de Kirov, il répond : « Oui... Ce n'était pas cela... mais c'est sans importance » [42]. Il répond au docteur Lévine qui l'accuse de lui avoir donné l'ordre d'assassiner Gorki : « Il exagère, mais ça n'a pas d'importance » [43]. Il indique à un moment qu'il donne au tribunal « l'information qu'il juge nécessaire de lui donner » [44]. Il nie enfin l'accusation d'espionnage : « Je ne suis pas un espion et ne l'ai jamais été » [45], souligne que, dans ce cas, tous les agents secrets de l'étranger auraient pu se trouver en chômage et tourne en ridicule l'accusation sur ce point.

De tous les accusés, c'est Boukharine qui résiste avec le plus de constance et, semble-t-il, conformément à un système. Il touche, comme en passant, le problème juridique de fond et déclare : « L'aveu des accusés est un principe moyen-âgeux » [46]. Il bouscule sévèrement le procureur, faisant mouche par certaines répliques - « moi aussi, je peux être spirituel » [47] -, ou, quand le procureur lui a, dans une série de questions, « arraché » certaines précisions sur ses crimes, concluant son propre interrogatoire : « C'est exactement ce que je voulais savoir » [48]. Il admet avoir voulu déclencher contre Staline une « lutte ouverte » en 1928, mais rabroue Vychinski qui a cru possible de traduire cela par « insurrection armée », et conclut la passe d'armes en déclarant que « l'incident est clos » [49]. Il refuse d'admettre qu'il a été au service de l'espionnage étranger et ferme le dialogue en affirmant : « Pendant l'année où j'étais en prison, on ne me l'a jamais demandé » [50] Quand Vychinski s'efforce de l'entraîner dans une lointaine complicité avec un cas précis de terrorisme, il ironise : « Ainsi, il apparaît que je savais quelque chose dont quelque chose découlerait » [51]. A plusieurs reprises, il démolit accusation ou témoignage, mais s'arrête sans pousser son avantage, comme si ce genre de démonstration devait se tenir dans certaines limites. Le témoin Maximov finit par se contredire sous ses questions, qu'il arrête aussitôt. Il avoue avec emphase avoir collaboré à l'élaboration de la plate-forme Rioutine et conspiré illégalement. Vychinski, pressé, commet la maladresse de l'interrompre : « Vous ne dites rien sur vos crimes. » Et Boukharine de rétorquer : « Ainsi vous ne considérez pas comme crime une organisation illégale, ni la plate-forme Rioutine ? » [52]. Quand le procureur, plusieurs fois échaudé par ce redoutable adversaire et visiblement désarçonné, tente de lui faire reconnaître qu'il serait « plus correct » de sa part d'admettre qu'il est un espion, il réplique sèchement : « C'est votre opinion, la mienne est différente » [53].

En réalité, il nie toutes les accusations précises tout ce qui n'est pas une responsabilité politique générale. Malgré l'apparition de « témoins » comme Ossinski, il nie avoir essayé d'assassiner Lénine en 1918, n'admet pas l'accusation de défaitisme et d'espionnage, dément catégoriquement que les généraux Toukhatchevski et Kork aient projeté, en cas de guerre d'« ouvrir le front » aux troupes allemandes, refuse d'admettre même une lointaine complicité dans les meurtres de Kirov, Menjinski, Kouibychev, Gorki, Pechkov, affirme qu'il a rencontré pour la première fois nombre de ses co-accusés, qu'il n'a jamais abordé « de sujet contre-révolutionnaire » avec la plupart des autres et que, pour former un gang, comme le procureur les accuse de l'avoir fait, il faut « au moins se connaître et être en contact les uns avec les autres » [54].

Il n'est pas jusqu'au malheureux Racovski, vieillard évidemment brisé par les conditions de son emprisonnement, qui ne relève la tête entre les aveux les plus invraisemblables, parlant à plusieurs reprises de l'opposition, ce que Vychinski ne peut tolérer, avouant qu'il a transmis à l'Intelligence Service « une analyse de la nouvelle Constitution » [55], affirmant qu'il n'a appris les « crimes du bloc qu'au tribunal », détruisant dans la même phrase l'aveu qu'il vient de faire : « En 1934, [...] nous étions devenus une école d'espionnage, de sabotage, de trahison, de terrorisme. Pourtant il y avait une sorte de liaison interne avec notre passé »[56] - ce passé dont il a plusieurs fois rappelé qu'il était un passé de révolutionnaire : « Personne, Je le pense, ne peut mettre le signe égal entre nous et les fascistes. Ce serait déformer tout le tableau, […] nuire à la vérité. [...] Toute notre politique était de l'aventurisme; [...] ce que nous faisions était jouer le tout pour le tout, mais quand une aventure risquée réussit, les aventuriers deviennent de grands hommes d'Etat » [57].

La portée des aveux.

En définitive - et sans qu'il soit toujours possible de les expliquer dans le détail de façon satisfaisante - les aveux des accusés du procès Boukharine ont une signification profonde par rapport à l'état réel de la société soviétique dont ils révèlent quelques aspects particulièrement scandaleux - et expriment ainsi un rôle secondaire des procès qui est de fournir à une opinion publique peu critique des boucs émissaires à bon marché. Zelenski, responsable des coopératives de commerce de détail, « avoue » avoir lancé sur le marché les beurres les plus coûteux et empêché la distribution de beurres à bon marché, reconnaît avoir fait placer dans les mottes du verre pilé, des clous et des coquilles d'escargots. Grinko raconte comment il retenait systématiquement les salaires des ouvriers, privait de crédit les entreprises. Tchernov relate ses efforts pour répandre les épizooties et détruire le cheptel national. Fayçoullah Khodjaev dit qu'il faisait abattre les mûriers et accusait ceux qui protestaient contre ce gaspillage d'être « 0rposés à la mécanisation, opportunistes et antiparti ». Tous les accusés prennent gaillardement à leur compte comme « sabotage » l'incapacité bureaucratique, la gabegie administrative. Il faut cependant renoncer à comprendre pourquoi Zelenski refuse d'avouer, et pourquoi Vychinski tient tellement à lui faire avouer qu'il a mis des coquilles d'escargots dans les Å“ufs qu'il livrait au marché, alors qu'il reconnaît complaisamment en avoir systématiquement dissimulé dans les paquets de beurre. Dans cette débauche d'aveux. cocasses, la palme revient sans doute à l'accusé Ikramov prêtant à Boukharine ces propos destinés à rassurer des saboteurs qui craignent d'être démasqués : « Vous êtes de drôles de gens si vous croyez qu'on va parler de ce que vous faites. Chaque fois, vous n'avez qu'à dire que c'est la ligne du gouvernement; ainsi c'est le gouvernement qui est à blâmer » [58].

Les aveux imposés sont un miroir terrible de la société et du régime qui les dicte : ceux du docteur Lévine sont accablants et donnent du despotisme de la police dans le régime stalinien une image si cruelle que bien des sages en douteraient s'ils n'avaient été prononcés à Moscou devant le tribunal. Le malheureux médecin racontant comme si ce genre de démarche était dans l'ordre des choses - la visite du chef de la police lui donnant l'ordre d'assassiner son illustre malade, lui prête cette menace : « N'oubliez pas que vous ne pouvez pas me désobéir, vous ne pouvez pas m'échapper. Vous ne pouvez rien dire. On me croira, moi, mais pas vous. » Plaidant pour sa vie, l'illustre praticien ajoute - quel accablant témoignage contre le régime, que l'aveu soit authentique ou dicté - : « Il me répéta que mon refus d'exécuter signifierait ma ruine et celle de ma famille. Il me représenta que je n'avais d'autre issue que de me soumettre à lui. Quand on considère comment le tout-puissant Iagoda m'est apparu, à moi, sans-parti, alors, bien sûr, il était difficile d'échapper à ses menaces et à ses ordres » [59].

C'est dans ce cadre, et dans ce cadre seulement, non dans la « psychologie du bolchevik » ou dans l' « âme slave » comme ont essayé de le faire croire de trop nombreux essais de littérature pseudo-historique, qu'il faut comprendre les aveux des vieux-bolcheviks. Mieux qu'aux procès précédents sans doute, les dépositions - celles de Racovski et de Boukharine - éclairent le comportement de ces hommes qui, après avoir été de vaillants révolutionnaires, des hommes intrépides, aussi courageux moralement que physiquement, ont lutté, sans toujours bien comprendre ce qui arrivait, contre l'étranglement de leur propre parti et contre la dictature de l'appareil inspiré par Staline. A cette date, ils sont vaincus, et ont renoncé définitivement à se battre. A des moments différents, ils ont su que ce n'était pas une société socialiste qui s'édifiait sous leurs yeux, et que la révolution dégénérait : Boukharine évoque devant les juges l'époque où il considérait « avec un haussement d'épaules, avec ironie et même avec une certaine rancÅ“ur, au fond, la croissance de ces gigantesques usines, comme des boutons monstrueux, qui privaient de larges masses d'articles de consommation et représentaient, au fond, un certain danger » [60]. Ils ont lutté, avec des méthodes différentiels, contre ce certain danger qu'ils tentaient d'analyser dans le cadre de leur pensée marxiste, avec leurs instruments propres de militants. Ils ont été battus, Boukharine avant d'avoir livré combat, de crainte d'ouvrir les vannes de la réaction, Racovski après des années de lutte très dure. Dès lors, sur ces hommes vieillissants, qui baissaient les bras, les humiliations, les coups ont plu. Boukharine, toute honte bue, s'est humilié en public. Pourquoi lutter, à quoi bon? Un nouveau système social est né qui n'est pas le socialisme. Sous le climat terrible de Barnaoul, Racovski a tenu six ans et le sentiment de la solitude et de la défaite a fini par l'accabler aussi, après son évasion manquée : « Il n'y avait plus pour nous d'avenir politique » [61]. Ils ont pourtant été de nouveau jetés en prison et - ils le disent tous deux - ce n'est que là qu'ils ont consenti à « parler », à jouer en public le dernier acte de leur tragédie.

Les explications, aujourd'hui, ne manquent pas. Après dix années de capitulation, ces hommes, ainsi que le dit Trotsky, en étaient venus à n'avoir « d'autre espoir de salut qu'en une soumission absolue, en une prostration totale ». Mais cette mise en condition était nous en avons aujourd'hui la certitude - le complément psychologique des méthodes policières les plus brutales et les plus cyniques. Après les révélations de Veissberg et d'lvanov Razoumnik, celles du XX° congrès ont achevé d'éclairer la préparation des grands procès. « Les aveux de culpabilité, déclare Khrouchtchev, avaient été obtenus à l'aide de tortures cruelles et inhumaines. » Il donne sa réponse aux questions depuis longtemps posées : « Comment se fait-il qu'un homme confesse des crimes qu'il n'a pas commis ? D'une seule manière, à la suite de l'application de méthodes physiques de pressions, de tortures l'amenant à un état d'inconscience, de privation de son jugement, d'abandon de sa dignité humaine. C'est ainsi que les confessions étaient obtenues ». Après avoir dit que Staline ne connaissait qu'une méthode, « battre, battre et battre encore », Khrouchtchev précisera au XXII° congrès : « Certains d'entre eux avouaient. Même lorsqu'on leur annonçait qu'on les relevait des accusations d'espionnage portées contre eux, ils insistaient eux-mêmes sur leurs dépositions précédentes, car ils estimaient que mieux valait persister dans leurs fausses dépositions, afin d'en finir au plus vite avec la torture, pour mourir au plus vite » [62].

A la lumière de ces aveux-là, le silence de la majorité des bolcheviks assassinés en secret prend une singulière grandeur. La thèse tenace du « dernier service » rendu au parti, dans une sorte de sacrifice personnel, qui a fourni à la littérature tant de développements sensationnels est ramené à de plus justes proportions. D'après les aveux de Khrouchtchev, les témoignages des rescapés des prisons hongroises, Paloczi-Horvath et Justus, d'après les informations dont on dispose sur le sort des familles, on devine bien des marchés et bien des chantages. « La vie sauve contre les aveux » : c'est un coup de dé, mais Radek est la preuve que l'accusé peut sauver sa tête. Dans plusieurs cas - au moins celui de Boukharine et de Piatakov -, on peut tenir pour vraisemblable un marché du type de celui qui fut offert au Hongrois Rajk : les aveux en échange de la promesse de garantir la vie de la femme et des enfants. Qui oserait affirmer qu'un homme vaincu ne peut être tenté de saisir l'unique chance de sauver les siens? Qui peut encore affirmer, en toute connaissance de cause, que les aveux étaient l'aboutissement normal de l'idéologie du bolchevik et de son acceptation de la discipline du parti?

Les aveux mêmes, sous cet éclairage, prennent un autre aspect. Les accusés qui avouent tiennent leur engagement : chez presque tous cependant se manifeste sous une forme ou sous une autre leur passé de militant révolutionnaire et comme un appel pathétique à l'avenir contre le présent qui les écrase. C'est le vieux militant qui parle en Racovski quand, après avoir avoué ses « activités » d'espionnage, il évoque le danger de guerre : « J'appris les fiévreux préparatifs que tous les Etats fascistes faisaient pour déclencher une guerre mondiale. Ce que le lecteur absorbe d'habitude à petites doses, tous les jours, [...] je l'ai ingurgité d'un coup à haute dose » [63]. Boukharine, battu et sans espoir de revanche, explique sa défaite ultime par une dérisoire fidélité à ce qui reste de la révolution d'Octobre et que menace aujourd'hui la barbarie nazie. Militant, il cherche un substitut qui rappelle ses convictions passées, pour ne pas mourir seul, désormais inutile et conscient de l'être, après avoir identifié pendant trente années son destin personnel à celui du prolétariat : « Quand on se demande : « si tu meurs, au nom de quoi mourras-tu? c'est alors qu'apparait soudain, avec une netteté saisissante un gouffre absolument noir. Il n'est rien au nom de quoi il vaille de mourir si je devais mourir sans avouer mes torts. Et, au contraire, tous les faits positifs qui resplendissent en Union soviétique prennent des proportions différentes dans la conscience : c'est ce qui, à la fin, m'a désarmé et m'a forcé à fléchir le genou devant le parti et devant le pays. Et quand on se demande : Bien, supposons que tu ne meures pas, supposons que, par quelque miracle, tu vives, encore une fois, pour quoi ? Isolé de tous, ennemi du peuple, dans une situation inhumaine, complètement isolé de ce qui est l'essence même de la vie. [... ] Le résultat, c'est la complète victoire morale interne de l'U.R.S.S. sur les opposants à genoux » [64].

De la même manière quand le vieux Racovski affirme : « Bien sûr, mon passé peut être réduit à néant et sera effacé par mes malheureuses actions, mais, comme motif interne, personne ne peut rien contre lui » [65], il témoigne encore pour les générations à venir, comme Boukharine clamant sa foi dans le socialisme, ridiculisant le procureur Vychinski, ou niant toutes les accusations précises, que chez ces hommes battus, brisés, déshonorés, privés des raisons de se battre et de vivre, il restait un grain d'espoir qu'un jour, proche ou lointain, des camarades les comprendraient, liraient entre les lignes et sauraient.

En définitive, dans ces procès où le seul véritable accusé, Trotsky, était hors de la portée des juges et des policiers, où les accusés présents n'étaient que des témoins forcés, d'avance condamnés, où le passé du bolchevisme était traîné dans la boue et piétiné, c'est finalement contre Staline et le régime bureaucratique que se retourne, des années après, le témoignage des victimes, qu'il s'agisse de leur silence ou de leurs aveux. Des siècles auparavant, Galilée aussi avait dû avouer que la terre ne tournait pas et qu'il en avait menti; et pourtant, elle tourne.


Notes

[1] Cité par FAINSOD, Smolensk, p. 233.

[2] Le procès du centre terroriste trotskiste-zinoviéviste, p. 72.

[3] Ibidem, p. 65.

[4] Ibidem, p. 120.

[5] Ibidem, p. 154.

[6] Ibidem, p. 129.

[7] Ibidem, p. 79-83.

[8] Ibidem, p. 158.

[9] Ibidem, p. 166.

[10] Ibidem, p. 69.

[11] Ibidem, p. 143.

[12] Ibidem, p. 55.

[13] Ibidem, p. 41.

[14] Ibidem, p. 174.

[15] Ibidem, p. 65.

[16] Ibidem, p. 175.

[17] Ibidem, p. 176.

[18] Ibidem, p. 169.

[19] Ibidem, p. 174.

[20] Ibidem.

[21] P. BROUE : et E. TEMIME, la révolution et la guerre d'Espagne.

[22] FAINSOD, Smolensk, p. 236.

[23] KHROUCHTCHEV, A.S.C., p. 26.

[24] KHROUCHTCHEV, rapport au XXII° congrès, op. cit. p. 508.

[25] Le procès du centre antisoviétique trotskyste, p. 494.

[26] Ibidem, p. 482.

[27] Ibidem, p. 535.

[28] XXII° congrès, op. cit., p. 132.

[29] Le procès C.A.S.T., pp. 565-566.

[30] Ibidem, p. 573.

[31] C.A.S.T., pp. 572-573.

[32] Ibidem, p. 573.

[33] KHROUCHTCHEV. A.S.C., p. 29.

[34] MOLOTOV cité par CHVEHNIK, XXII° congrès, op. cit., p.432.

[35] XXII° congrès, op. cit., p. 291.

[36] Courrier socialiste, nov.-déc. 61, traduit dans IV° Internationale, déc. 62 : « Les trotskystes à Vorkouta ».

[37] The case of the anti-soviet bloc of rights and trotskysts, p.36.

[38] Ibidem, pp. 259-264.

[39] Ibidem, pp. 109.

[40] Ibidem, pp. 413.

[41] Ibidem, pp. 170.

[42] Ibidem, pp. 376.

[43] Ibidem, pp. 578.

[44] Ibidem, pp. 175.

[45] Ibidem, pp. 786.

[46] Ibidem, pp. 778.

[47] Ibidem, pp. 137.

[48] Ibidem, pp. 166.

[49] Ibidem, pp. 130.

[50] Ibidem, pp. 424.

[51] Ibidem, pp. 419.

[52] Ibidem, pp. 389.

[53] Ibidem, pp. 432.

[54] Ibidem, pp. 769.

[55] Ibidem, pp. 307-308.

[56] Ibidem, pp. 296.

[57] Ibidem.

[58] Ibidem, pp. 347.

[59] Ibidem, pp. 518.

[60] Ibidem, pp. 381.

[61] Ibidem, pp. 763.

[62] XXII° congrès, op. cit., p. 507.

[63] The case of A.S.B. R. T., pp. : 313-314.

[64] Ibidem, pp. 777-778.

[65] Ibidem, pp. 313.


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