1843-50

"On remarquera que, dans tous ces écrits, et notamment dans ce dernier, je ne me qualifie jamais de social-démocrate, mais de communiste... Pour Marx, comme pour moi, il est donc absolument impossible d'employer une expression aussi élastique pour désigner notre conception propre.." F. Engels, 1894.

Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec.


Le parti de classe

K. Marx - F. Engels

Formation de l'Internationale

Statuts provisoires de l'Association Internationale des Travailleurs


Considérant :

Pour ces raisons, l'Association Internationale des Travailleurs a été fondée. Elle déclare :
Que toutes les sociétés et individus y adhérant reconnaîtront comme base de leur comportement les uns envers les autres et envers tous les hommes, sans distinction de couleur, de croyance et de nationalité, la Vérité, la Justice et la Morale.
Pas de devoirs sans droits, pas de droits sans devoirs.
C'est dans cet esprit que les statuts suivants ont été conçus:

Art. 1. - L'Association est établie pour créer un point central de communication et de coopération entre les sociétés ouvrières des différents pays aspirant au même but, savoir: la protection, le progrès et le complet affranchissement de la classe ouvrière.

Art. 2. - Le nom de cette association sera: Association Internationale des Travailleurs.

Art. 3. - Tous les ans aura lieu un Congrès ouvrier général composé de délégués des branches de l'Association. Ce Congrès proclamera les aspirations communes de la classe ouvrière, prendra l'initiative des mesures nécessaires pour le succès de l'oeuvre de l'Association Internationale et en nommera le Conseil général.

Art. 4. - Chaque Congrès fixera la date et le siège de la réunion du Congrès suivant. Les délégués se réuniront aux lieu et jour désignés, sans qu'une convocation spéciale soit nécessaire. En cas de besoin, le Conseil général pourra changer le lieu du Congrès, sans en remettre toutefois la date. Tous les ans, le Congrès réuni désignera le siège du Conseil général et en nommera les membres. Le Conseil général ainsi élu aura le droit de s'adjoindre de nouveaux membres.
A chaque Congrès annuel, le Conseil général fera un rapport public de ses travaux. Il pourra, en cas de besoin, convoquer le Congrès avant le terme fixé.

Art. 5. - Le Conseil général se composera de travailleurs appartenant aux différentes nations représentées dans l'Association Internationale. Il choisira dans son sein les membres du bureau nécessaires pour la gestion des affaires, tels que trésorier, secrétaire général, secrétaires correspondants pour les différents pays, etc.

Art. 6. - Le Conseil général fonctionnera comme agent international entre les différents groupes nationaux et locaux, de telle sorte que les ouvriers de chaque pays soient constamment au courant des mouvements de leur classe dans les autres pays; qu'une enquête sur l'état social soit faite simultanément et sous une direction commune; que les questions d'intérêt général, proposées par une société, soient examinées par toutes les autres, et que, l'action immédiate étant réclamée, comme dans le cas de querelles internationales, tous les groupes de l'Association puissent agir simultanément et d'une manière uniforme. Suivant qu'il le jugera opportun, le Conseil général prendra l'initiative des propositions à soumettre aux sociétés locales et nationales. Pour faciliter ses communications, il publiera un bulletin périodique.

Art. 7. - Puisque le succès du mouvement ouvrier dans chaque pays ne peut être assuré que par la force de l'union et de l'association; que, d'autre part, l'action du Conseil général sera plus efficace, selon qu'il aura affaire à une multitude de petites sociétés locales, isolées les unes des autres, ou bien à quelques grands centres nationaux des sociétés ouvrières, les membres de l'Association Internationale feront tous leurs efforts pour réunir les sociétés ouvrières, isolées, de leurs pays respectifs en associations nationales, représentées par des organes centraux. Il va sans dire que l'application de cet article est subordonnée aux lois particulières à chaque pays, et que, abstraction faite d'obstacles légaux, chaque société locale indépendante aura le droit de correspondre directement avec le Conseil général.

Art. 7a. - Dans sa lutte contre le pouvoir uni des classes possédantes, le prolétariat ne peut agir en tant que classe qu'en se constituant lui-même en parti politique distinct et opposé à tous les anciens partis politiques créés par les classes possédantes. Cette constitution du prolétariat en parti politique est indispensable pour assurer le triomphe de la Révolution sociale et de sa fin suprême: l'abolition des classes.
La coalition des forces de la classe ouvrière, déjà obtenue par la lutte économique, doit ainsi lui servir de levier dans sa lutte contre le Pouvoir politique de ses exploiteurs.
Puisque les seigneurs de la terre et du capital utilisent toujours leurs privilèges politiques pour défendre et perpétuer leurs monopoles économiques et pour subjuguer le travail, la conquête du Pouvoir politique est devenu le grand devoir du prolétariat [1].

Art. 8. - Chaque section a le droit de nommer ses secrétaires-correspondants au Conseil général.

Art. 9. - Quiconque adopte et défend les principes de l'Association Internationale des Travailleurs peut en être membre. Chaque section est responsable pour l'intégrité de ses membres.

Art. 10. - Chaque membre de l'Association Internationale, en changeant de pays, recevra l'appui fraternel des membres de l'Association.

Art. 11. - Quoique unies par un lien fraternel de solidarité et de coopération, toutes les sociétés ouvrières adhérant à l'Association Internationale conserveront intacte leur organisation particulière .

Art. 12. - La révision des Statuts présents peut être faite à chaque Congrès sur la demande des deux tiers des délégués présents.

Art. 13. - Tout ce qui n'est pas prévu dans les présents Statuts sera déterminé par des règlements spéciaux que chaque Congrès pourra réviser.

Règlements spéciaux

1. Le Conseil central est tenu d'exécuter les résolutions du Congrès.

  1. Il rassemble dans ce but tous les documents que les sections centrales des différents pays lui enverront ou qu'il aura pu se procurer par une autre voie.
  2. Il est chargé d'organiser le Congrès et de porter son programme à la connaissance de toutes les sections par l'intermédiaire des conseils centraux des différents pays [2].

2. Le Conseil central publiera, autant et aussi souvent que ses moyens le lui permettront, un bulletin qui embrassera tout ce qui peut intéresser l'Association internationale. Ce bulletin traitera essentiellement de l'offre et la demande de travail, des sociétés coopératives et de la situation des classes laborieuses dans tous les pays.

3. Ce bulletin, rédigé en plusieurs langues, sera envoyé gratuitement à tous les comités correspondant avec le Conseil central, qui en communiqueront à chaque fois un exemplaire à chacune de leurs sections.

4. Pour faciliter au Conseil central l'exécution des devoirs qui lui sont imposés par les articles ci-dessus, tout membre de l'Association et des sociétés adhérentes versera par exception, pour l'année 1866-67, une cotisation fixe de 30 centimes.

5. Partout où les circonstances le permettront, des conseils centraux groupant un certain nombre de sections seront établis [3]. Les membres, élus et révocables à tout moment par leurs sections respectives, doivent envoyer leurs rapports au Conseil central une fois par mois, et plus souvent s'il est nécessaire.

6. Les frais d'administration de ces conseils centraux seront supportés par les sections qui les ont établis.

7. Les conseils centraux, non moins que le Conseil central de l'Association, sont obligés de faire honneur au crédit qui sera donné aux membres de l'Association par leurs sections respectives, mais autant seulement que leurs carnets seront visés par le secrétaire de la section à laquelle appartient le membre qui lui demande le crédit.
Dans le cas où la section à laquelle le membre adresse la demande de crédit n'a pas de fonds disponibles, elle est en droit de tirer à vue sur la section qui garantit pour le crédit.

8. Les conseils centraux et les sections sont obligés d'admettre tout membre de l'Association à prendre connaissance des rapports du Conseil central.

9. Chaque section, nombreuse ou non, a le droit d'envoyer un délégué au Congrès. Si la section n'est pas en état d'envoyer un délégué, elle s'unira avec les sections voisines en un groupe qui nommera un délégué commun pour tout le groupe.

10. Les frais des délégués seront supportés par la section ou le groupe de sections.

11. Chaque membre de l'Association internationale a le droit de vote et est éligible.

12. Chaque section ou groupe de sections qui compte plus de 500 membres a le droit d'envoyer un délégué pour 500 membres au-dessus de ce nombre primitif.

13. Chaque délégué n'a qu'une voix au Congrès.

14. Chaque section est libre de rédiger ses statuts particuliers et ses règlements selon les circonstances locales et les lois de son pays, mais ils ne doivent en rien être contraires aux statuts généraux et aux règlements généraux.

15. Les présents statuts et règlements peuvent être modifiés par chaque congrès, à la demande des deux tiers des délégués présents.


Notes

[1] L'article 7a, synthèse de la résolution adoptée en 1871, à la Conférence de Londres, fut inclus dans les Statuts par décision du Congrès de la Première Internationale celébré à La Haye en septembre 1872.

[2] Ce texte a été adopté au premier congrès de l'Internationale (Genève, 1866). Nous le reproduisons d'après le texte de Marx et de Lafargue. L'intérêt en rebondira lors de la polémique entre L'Égalité et le Conseil central.

[3] Le texte français du Congrès de Genève affirme : « un certain nombre de sections de la même langue ».
Cependant, Marx a toujours manifesté une préférence pour une organisation reposant plutôt sur des superstructures politiques de délimitation territoriale, superstructures qui sont liées aux groupements économiques nationaux, créés par la révolution anti-féodale. Marx polémiquera d'ailleurs avec Becker qui prétendait soumettre les organisations allemandes au conseil de Genève.


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