1945

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! LA LUTTE DE CLASSES Organe de l'Union Communiste (IVème Internationale).
nº 55 - Troisième année -


LA LUTTE DE CLASSES nº 55

Barta

1er décembre 1945


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Les nationalisations source d'inflation

Comme les nouvelles "nationalisations" annoncées, malgré la présence de beaucoup de ministres staliniens au gouvernement, ressemblent aux anciennes "nationalisations", Hervé dans L'Humanité du 23-11, dit en manière d'excuse : "Nous ne dirons jamais que ce que nous faisons aujourd'hui c'est du socialisme, mais..." Mais est-ce une raison pour se faire les valets de la bourgeoisie ?

Car ces gens ont la mémoire vraiment courte : bien avant qu'ils n'envoient leur "secrétaire général" siéger dans le nouveau gouvernement, c'est Pleven, l'agent du Grand Capital, qui avait été le promoteur des "nationalisations" actuellement projetées ; et c'est lui encore qui aujourd'hui établit le plan de "nationalisation" du crédit. Bien avant que Thorez n'entre au gouvernement, L'Humanité dénonçait ce genre de nationalisations, effectuées déjà dans certains secteurs miniers et industriels. Parce que :

Premièrement, les indemnités versées aux capitalistes constituent une charge écrasante pour les contribuables ; exemple : "les gros actionnaires des mines continuent à toucher des sommes considérables (238 millions par an), tandis qu'incombent à l'Etat les difficultés d'exploitation et le renouvellement de l'outillage".

Deuxièmement : la direction continue à être assurée par les capitalistes ; exemple : c'est un représentant des 200 familles qui assume la direction de l'usine Renault "nationalisée".

Pour illustrer ces fausses nationalisations, L'Humanité donnait aussi l'exemple de la S.N.C.F. au budget déficitaire, "nationalisée" en 1937, et dont les actionnaires continuent à toucher des dizaines de millions.

La bourgeoisie se fait un mérite de procéder à de nouvelles "nationalisations". Le Monde (27-11) approuve celle du crédit, car "le financement de la reconstruction pose de nouveaux problèmes... un immense effort de rééquipement s'impose aujourd'hui..., les besoins de capitaux seront tels que le crédit devra être nécessairement contingenté pour alimenter par priorité les secteurs essentiels", et il donne à l'appui l'exemple de l'Angleterre.

De son côté le journal bourgeois anglais The Economist démontre que la "nationalisation" de la Banque d'Angleterre est destinée à réglementer les investissements de capitaux ; d'autre part, pour l'industrie "un très large programme de dépenses est nécessaire et c'est seulement l'Etat qui peut trouver l'argent. La nécessité des nationalisations est généralement acceptée"... pour que ce soient les contribuables qui paient les frais de rééquipement.

Quel bon prétexte donc que ces soi-disant nationalisations pour prélever de nouveaux milliards sur le revenu national ! De pareilles nationalisations Hitler et Mussolini en ont pratiqué. "Le Gouvernement de Franco nationalise les gisements d'uranium", informe Le Populaire du 6-10-45. Toute la nation est mise en coupe réglée pour les besoins des magnats du Capital.

Des mesures de sauvetage à l'égard de certains secteurs capitalistes, des mesures de contrôle bureaucratique et réactionnaire auxquelles l'Etat de la bourgeoisie est obligé de recourir dans le propre intérêt de celle-ci, on les baptise "nationalisations", pour mieux en faire supporter les frais aux masses.

C'est pour cela aussi que le but des "nationalisations" est faussement désigné comme étant la "reconstruction économique". En réalité rien n'est prévu pour cette reconstruction (agriculture, bâtiments pour les sinistrés, etc.). Si l'Etat bourgeois procède à la mobilisation des capitaux et des richesses, ce n'est pas pour la reconstruction économique, mais pour la reconstruction d'un potentiel de guerre. "La France continue ses commandes en Amérique en vue de poursuivre sans interruption le réarmement de l'armée" ("Le Monde, 2-9). Rien que pour l'occupation de l'Indochine du Nord, les frais sont d'un milliard par mois (Le Monde, 25-11). En France, Renault fabrique des tanks, les usines d'aviation des bombardiers, d'autres des canons, etc...

On comprend ainsi que "nationaliser" le crédit (établir un contrôle de l'Etat capitaliste), est une mesure nécessaire à la bourgeoisie impérialiste, non pas en faveur des masses, mais contre elles.

La "Délégation des gauches avait déjà reconnu que les dépenses militaires sont le principal facteur de l'inflation. Mais de 167 milliards pour 1945, les demandes de crédits militaires sont de 250 milliards pour 1946. Si à ces milliards s'ajoutent les nouveaux milliards d'intérêts à payer aux capitalistes "nationalisés", où cela mènera-t-il ?

"Nous ne voulons ni de démagogie socialiste, ni de pseudo nationalisations qui consacreraient le règne des féodalités", proclame Hervé dans L'Humanité du 29-11.

Mais pour ne pas être un démagogue et pour prendre des mesures réelles contre les monopoleurs capitalistes, IL NE FAUT ACCORDER A CEUX-CI NI RACHAT NI INDEMNITES prélevés sur le travail du peuple et aggravant sa misère.

Il faut abolir le secret commercial paravent des spéculations financières.

Il faut procéder à la publication des bilans et à l'ouverture des livres de compte de la bourgeoisie (comme l'exigent à l'heure actuelle en Amérique les grévistes métallurgistes).

Il faut que les Syndicats ouvriers établissent le plan d'une production d'objets de consommation pour les masses, de rééquipement de l'agriculture et du bâtiment.

Il faut organiser les ouvriers et les employés pour le contrôle ouvrier sur la production et la comptabilité des industries et des banques.

Parler de nationalisations, sans parler en même temps de toutes ces mesures essentiellement démocratiques et seules efficaces, c'est se faire le valet de la bourgeoisie et agir en démagogue, comme Hervé.

Faute de combattre pour ces mesures, les "nationalisations" ne s'avéreront qu'une nouvelle cause d'inflation, de spoliation du peuple et d'accroissement de sa misère.

LA LUTTE DE CLASSES


La bourgeoisie honore les renégats,
la classe ouvrière les rejettera !

"L'accession de 5 communistes au Gouvernement est un honneur pour la classe ouvrière tout entière" et la place qu'occupe dans le Gouvernement le P.C.F. "avec notre secrétaire général comme ministre d'Etat" montre que "l'on ne peut gouverner sans la classe ouvrière". Suivant ces déclarations de Hervé et de Duclos, les travailleurs exerceraient dorénavant le pouvoir gouvernemental.

Cependant, pour justifier d'avance le travail anti-ouvrier du nouveau Gouvernement, Hervé écrit dans L'Humanité du 22-11 que "ce ne sera pas de la faute des communistes si ce gouvernement doit ne rien innover" (ne rien apporter de nouveau) car, ajoute-t-il le 29-11, pour "ceux qui n'ont pas perdu tout bon sens, en France en 1945 le prolétariat, à notre connaissance, ne s'est pas encore emparé de la puissance publique".

Mais alors, Thorez, Billoux, Tillon, Croizat, Paul, si vous n'avez pas pris le pouvoir, vous n'avez donc pris que des portefeuilles ministériels ! Cela n'est pas le moins du monde un fait nouveau dans l'histoire de la classe ouvrière. Pourquoi vous en faites-vous un honneur ?

Si maintenant le "communiste" Thorez occupe le poste "éminent" de ministre d'Etat (qu'il partage avec 3 autres), en 1936 déjà, le "socialiste" Blum (se réclamant aussi de la classe ouvrière) était Premier Ministre. (Lui aussi affirme que ce n'est pas de sa faute si son gouvernement "n'a rien innové"). Quand Blum, Dormoy, Auriol acceptèrent de servir de paravent au gouvernement bourgeois, le ministérialisme des Viviani, Millerand, Albert Thomas, Briand avait déjà fait entrer ceux-ci définitivement dans l'histoire de la classe ouvrière sous le nom de renégats.

Marcher sur les traces des renégats et considérer cela comme un honneur !... Faut-il regarder ces gens comme des nouveaux-nés en politique qui ne savent ce qu'ils font, ou l'abondance de sinécures de ministres, de sous-secrétaires d'Etat, de chefs de cabinet, etc... a-t-elle le don de les frapper d'un aveuglement particulier, "politique" ?

Le ministérialisme bourgeois des représentants de la classe ouvrière a toujours été une faillite, une source de trahison, à commencer par l'expérience de Louis Blanc en 1848. Car la "puissance publique" dont parle Hervé, le pouvoir, ce ne sont pas les ministres qui le détiennent, mais l'Etat, c'est-à-dire la machine bureaucratique et militaire de la bourgeoisie, dépendant d'elle dans tous les domaines (armée permanente, police, bureaucratie, clergé, magistrature).

Il y a 10 mois encore, Thorez disait dans son discours d'Ivry (le 21-1-45) : "Les Bureaux ! ce n'est pas seulement le sommet de la hiérarchie administrative. C'est aussi et surtout la mainmise de certains cercles privilégiés sur les leviers de commande".

A la même époque, le "socialiste" Le Troquer se "plaignait" que les dispositions prises par lui au moment où il était ministre de la Guerre étaient appliquées ou non au bon plaisir des "Bureaux".

Jusqu'à Laval qui s'est amèrement exclamé à son procès : "Un premier ministre, c'est moins qu'un procureur général !"

Dans tous les ministères de coalition les représentants ouvriers, même s'ils étaient de bonne foi, n'ont servi que de paravent au Gouvernement bourgeois, de paratonnerre contre l'indignation populaire, d'instrument de duperie des masses, pour endormir leur conscience en leur cachant par leur présence, la véritable nature de l'Etat bourgeois. Pour le reste ils sont impuissants.

Lors de la grande vague ouvrière de 1936, le bourgeois Sarraut a désigné l'alliance avec les chefs "communistes" et "socialistes" (le Front Populaire) comme une "soupape de sûreté du régime", une soupape de sûreté contre le mouvement de masse.

Aujourd'hui la bourgeoisie attend des chefs "ouvriers" de nombreux services. Le Parisien Libéré écrit (22-11) : "Le Parti communiste se trouve détenir les principaux leviers de commande de l'économie française... L'effort auquel il s'est livré depuis des mois, et non sans succès, auprès des travailleurs pour augmenter le rendement pourra s'exercer à plein". Et La Voix de Paris (23-11) : "La remise aux Communistes des grands portefeuilles économiques suscite des espérances, ceux-ci s'étant toujours montrés ardents partisans de la formule "remettre la France au travail". La bourgeoisie attend de la part des chefs staliniens l'utilisation de leur influence pour rejeter comme jusqu'à maintenant sur la classe ouvrière le fardeau de la misère et du travail de forçats au compte des capitalistes sous le prétexte de la reconstruction. Les chefs du P.C.F. s'élèvent-ils contre ces affirmations ? Tout au contraire.

Devant la Chambre des Députés, le 19-11, Duclos donne ses états de service : "Nous avons redonné à la classe ouvrière le sens national... nous avons mené campagne pour le désarmement des groupes armés (ouvriers) et pour la production". Et le 23-11 il se réjouissait de la formation du nouveau gouvernement, car "ceux qui ont été à la pointe du combat pour libérer la patrie sont indispensables à sa reconstruction... Hier, le devoir était de combattre, aujourd'hui il est de travailler, travailler et encore travailler".

Voilà ce que la bourgeoisie attend des représentants traîtres de la classe ouvrière. A ce prix ils auront des Ministères, des portefeuilles, des sinécures.

Mais si ces représentants "ouvriers" voulaient porter la moindre atteinte aux privilèges des capitalistes ou de leur Etat, s'ils essayaient de le faire, la collaboration gouvernementale deviendrait du coup impossible.

Au moment de la crise, Hervé n'écrivait-il pas dans L'Humanité du 19-11 que De Gaulle, "général élevé par les jésuites", n'avait "abandonné aucun de ses préjugés", c'est-à-dire de sa haine contre les masses travailleuses, "ni aucune de ses solidarités", c'est-à-dire de sa solidarité avec la classe des riches ? Si les représentants ouvriers voulaient porter la moindre atteinte aux privilèges de nos exploiteurs afin de soulager nos misères, ils seraient obligés d'entrer dans une lutte ouverte contre eux et leur Etat. En collaborant avec les ennemis de la classe ouvrière, ils ne font donc que la tromper et la trahir.

Mais puisque ces représentants "ouvriers" agissent en renégats et ne veulent pas se détacher de la bourgeoisie, c'est les travailleurs qui se détacheront d'eux pour se tourner vers les ouvriers révolutionnaires. Si les ouvriers révolutionnaires ne sont pas aujourd'hui représentés dans le Parlement bourgeois, ils le sont dans les usines et les chantiers où ils luttent pour la cause des exploités.

L'enseignement des événements que nous vivons depuis le mouvement ouvrier brisé par Thorez en 1936, la défaite de la révolution espagnole et la deuxième guerre mondiale, montre que les masses laborieuses ne pourront s'arracher à l'étreinte de la misère, aux désolations de la guerre capitaliste toujours renaissante, au joug de nos exploiteurs, qu'à la condition de prendre conscience du rôle de trahison joué par les renégats de la classe ouvrière, de repousser toute conciliation avec la bourgeoisie et de passer aux côtés des ouvriers révolutionnaires.

Seuls les ouvriers révolutionnaires soutenus par la lutte des masses travailleuses, pourront réaliser la main-mise du peuple sur les richesses économiques et les leviers de commande pour les faire fonctionner au profit de tous, réaliser les réformes indispensables à la vie économique, garantir la liberté, et préserver l'humanité de nouvelles guerres en brisant le pouvoir des capitalistes.


LA CRISE GOUVERNEMENTALE ET SES ENSEIGNEMENTS

"Maintenant nous allons combattre", s'est exclamé une ouvrière membre du P.C.F., quand éclata le conflit entre De Gaulle et les chefs staliniens au sujet de la répartition des portefeuilles ministériels.

"La crise de gouvernement... pourrait, si l'on n'y prenait garde, se transformer aisément en crise de régime", disait au même moment Le Monde (18-11) en parlant au nom de la bourgeoisie. Mais "il est encore possible de recoudre, de former, sous la même direction, que nous estimons irremplaçable, un gouvernement efficace et homogène".

Ce n'est pas l'attente de l'ouvrière, qui exprimait le sentiment de la majorité des travailleurs qui avaient voté à gauche, mais le voeu de la bourgeoisie qu'ont satisfait les Thorez et les Duclos.

Déjà avant la crise, nous écrivions : "Malgré leurs vantardises (au sujet d'un gouvernement à majorité socialiste et communiste), les chefs du P.C.F. ne pourront qu'entrer dans le gouvernement De Gaulle et plier l'échine" (Lutte de Classes 14-11).

Le "conflit" entre Thorez et De Gaulle a pleinement confirmé la dépendance des chefs staliniens vis-à-vis de celui-ci. Malgré "d'exigeantes" impératives concernant l'Intérieur, la Diplomatie ou la Guerre, ils sont entrés dans un ministère De Gaulle pour y occuper les places que la bourgeoisie en ce moment a grand intérêt à voir occuper par des "représentants ouvriers" : Economie Nationale, Production Industrielle, Travail, Armement. Autant de postes de contremaîtres pour pousser à la production.

Les représentants de la bourgeoisie ont accepté de "recoudre" en faisant de Thorez un des 4 ministres d'Etat, et les bureaucrates staliniens ont plié l'échine, pour les mêmes raisons : "En même temps que les ouvriers se montrent de plus en plus décidés à opposer leurs propres partis et leurs propres solutions à la bourgeoisie, la réaction bourgeoise s'est également renforcée, et ce renforcement des tendances extrêmes – prolétarienne et réactionnaire – ne peut que hâter le conflit entre les deux camps. C'est pour retarder à tout prix ce dénouement, que les bureaucrates ouvriers se réfugient derrière l'arbitrage de De Gaulle" (Lutte de Classes 14-11).

Mais ce refuge pour l'immédiat n'est qu'un piège pour l'avenir".

Pendant la crise, la "Constituante" quoique régulièrement élue, s'est avérée aussi dénuée de pouvoirs que la précédente "Consultative" choisie par De Gaulle. C'est la police et l'armée qui sont entrées en scène pour paralyser la classe ouvrière et faire pression sur les chefs staliniens ; ce sont les bandes fascistes qui ont manifesté et qui depuis ont commencé à s'attaquer aux meetings de gauche. De Gaulle lui-même, en déclarant que la police est la sauvegarde de la politique extérieure, a fait ouvertement l'apologie d'un Etat purement policier.

La crise n'est qu'ajournée par la soumission des chefs staliniens. Mais que nous enseigne un passé dont on peut encore se rappeler la leçon ? Il a suffi qu'en septembre 1939 le Parti stalinien déclare ouvertement son opposition à la politique extérieure de Daladier (au moment du pacte germano-soviétique et de la guerre franco-allemande), pour que le Parti stalinien, alors déjà grand parti de masse, animateur d'un "Front populaire" où participait le même Daladier, se trouve du jour au lendemain en butte à une répression sauvage uniquement au moyen de l'Etat dont disposait Daladier.

Si la politique extérieure ("bloc occidental") ou intérieure de la bourgeoisie exigeait que les chefs staliniens soient chassés du Gouvernement et poursuivis, ce ne sont pas les 5 millions de votes qui pourraient l'empêcher. En Allemagne aussi les Partis "socialiste" et "communiste" avaient eu la majorité des votes dans le pays.

La politique des chefs staliniens nous mène à la catastrophe, comme leur politique du "Front populaire" nous avait menés à la catastrophe en 1939.

Aujourd'hui les fascistes manifestent à la Concorde et au Quartier Latin, ils s'attaquent déjà aux vendeurs des journaux d'extrême-gauche (attaque contre les vendeurs anarchistes à St-Lazare), demain ils viendront attaquer les usines lors des grèves et les locaux ouvriers. La tâche principale est donc de faire l'unité prolétarienne contre le fascisme et organiser des groupes de défense prolétariens.

Il faut forger l'unité prolétarienne dans des "parlements" de classe d'usines et de quartiers, élus par tous les travailleurs en lutte contre le fascisme. C'est ainsi que les ouvriers pourront éprouver sous leurs yeux chaque Parti, chaque tendance prolétarienne, chaque fraction. C'est ainsi qu'ils pourront trouver de nouveaux éléments dévoués à leur classe et qu'ils commenceront la lutte pour un gouvernement ouvrier et paysan.


LES OUVRIERS NE S'Y TROMPENT PAS, MESSIEURS LES JUGES !

Lorsque, invoquant le prétexte de la distribution d'un tract, les magistrats français ont emprisonné une quarantaine de membres de la Délégation Indochinoise, ce n'est qu'à la suite de nombreuses protestations, qu'ils les ont relâchés, sauf les cinq intellectuels qu'ils tenaient.

Déjà, après la révolte de l'Afrique du Nord, ils avaient arrêté (et gardent encore en prison) de nombreux intellectuels nord-africains, séjournant en France, qu'il y ait ou non des charges contre eux.

Dans les deux cas, les magistrats procèdent de telle façon qu'ils ont l'air de nous dire : "Ces révoltes coloniales, qui les dirige ? Les Habib Bourguiba, Tran Duc Thao, Nehru, Gandhi, Dr Soekarno, etc... Des intellectuels !

Nous leur avons donné notre culture, nous les avons nourris de nos idées généreuses sur l'Humanité, sur les Droits de l'Homme... Et ils n'ont pas discerné ce qu'elles avaient de réalisable et ce qu'elles avaient d'utopique !

Ils les ont agitées sous le nez des paisibles indigènes, qui, sans eux restaient tranquilles. Ils les ont excités ; ils leur ont échauffé la cervelle et ont pris la direction de leur révolte.

Une fois les chefs, ces intellectuels, ces hommes politiques mis dans l'incapacité de nuire, le mouvement s'éteindra..."


Mais, est-ce vrai que ce sont les intellectuels, les représentants de la bourgeoisie coloniale, qui sont les dirigeants, les promoteurs de ce mouvement ? Partout, en Indochine, en Indonésie, aux Indes, qu'ils soient arrêtés ou non, les ouvriers et les paysans continuent le combat.

En Indonésie, il a fallu écraser pendant plusieurs semaines Sourabaya sous les bombes, en massacrant des milliers de femmes et d'enfants, pour venir à bout de la résistance des travailleurs. Maintenant, "la situation se gâte à l'intérieur de Java" (Monde, 30-11-45). Et cela, malgré que le gouvernement hollandais ait "apprécié l'esprit de conciliation qui se fait jour, soit dans le cabinet Soekarno, soit dans d'autres milieux républicains influents" (Monde, 30-10-1945).

A Calcutta, pour protester contre le procès fait aux officiers de l'"Armée Nationale Indoue", "20.000 employés des services publics se sont mis en grève" (Monde, 24-11-45) ; "les manifestations organisées par les étudiants... ont fait 300 victimes civiles. Quarante policiers et 26 soldats américains ont, en outre, été blessés" (Monde, 27-11-45). Et cela, malgré Gandhi et sa théorie de la non-violence.

Partout, les intellectuels, les représentants de la bourgeoisie coloniale, qui, loin de diriger la lutte, ne sont que le reflet d'un mouvement qui les dépasse ("...les agitateurs les plus actifs ne sont pas sous le contrôle des dirigeants indonésiens" Monde, 6-10-45), ont dû choisir : disparaître ("les représentants du Viêt-minh – qui négociaient avec les Franco-Anglais – ayant été débordés par les troubles ont disparu" Monde, 25-11-45) ou suivre le mouvement résolu et profond des peuples qui combattent sans esprit d'accommodement ("le congrès indonésien a pris la résolution de suspendre toutes négociations avec le gouvernement des Pays-Bas" Monde, 30-11-45).

Ce mouvement n'est dirigé par des intellectuels, des hommes politiques, venus de la bourgeoisie coloniale, qu'en tant qu'ils se font l'écho de la volonté irréductible des ouvriers et paysans de leur pays, de lutter jusqu'à l'émancipation totale. C'est un irrésistible soulèvement des classes opprimées contre l'oppression impérialiste ; classes qui ont à résoudre par ce combat des questions de classe, comme la question agraire.

Les ouvriers et les opprimés du monde entier ne s'y trompent pas. Ils sentent obscurément que la lutte des peuples coloniaux, c'est la lutte contre leur propre ennemi de classe : les bourgeoisies française, anglaise, hollandaise, indoue, etc... C'est pourquoi "des soldats musulmans des forces anglo-indoues... ont refusé de se battre contre les Indonésiens (Humanité, 16-11-45) ; c'est pourquoi des usines de tissage ont décrété une grève de 24 heures pour exprimer leur solidarité avec les Indonésiens (Humanité, 20-11-45) ; c'est pourquoi les dockers américains de Portland, suivant l'exemple de leurs camarades australiens, ont refusé de charger tout matériel destiné à être utilisé contre les Indonésiens. C'est pourquoi en France, à Marseille, d'eux-mêmes, les ouvriers qui réparent des bateaux comme le "Savorgnan de Brazza" travaillent le plus lentement possible et les dockers peuvent déclarer : "Tout est prêt. Nous n'attendons plus que l'ordre de grève de la C.G.T..."


Ce n'est pas en arrêtant les intellectuels, les représentants de la bourgeoisie coloniale, Messieurs les Juges, que vous interromprez l'irrésistible marche en avant des mouvements d'émancipation. Ils sont nés du colonialisme, et ils ne finiront qu'avec lui, c'est-à-dire avec la victoire de la révolution socialiste.


Il faut forger l'unité révolutionnaire.

GRATTEZ LES OPPORTUNISTES, VOUS DECOUVRIREZ DES SECTAIRES


Comment la "Vérité" informe (!) ses lecteurs

A notre critique (La Lutte de Classes N°53 et N°54) et à notre proposition, au cas où cette critique serait reconnue juste, de créer un Comité de coordination pour que l'unité politique réalisée dans ce comité CIMENTE l'unité organisationnelle du P.C.I. et de l'U.C., La "Vérité" (!!) répond de la façon suivante :

L'Union... des poissons pilotes

Les navigateurs des mers du Sud ont créé la légende du poisson-pilote. Il s'agit d'un poisson de petite taille qui se fixe sur la tête des requins. Doué d'un odorat particulièrement développé, il dirigerait le requin vers les bancs de poisson où celui-ci peut faire ripaille. D'où son nom.

Les savants admettent l'existence de cet animal curieux, mais lui dénient tout rôle dans l'orientation du requin. Ce fameux pilote n'est qu'un vulgaire parasite, un poisson dégénéré, incapable de se mouvoir par lui-même, incapable de s'alimenter autrement qu'aux dépens d'animaux plus vigoureux, et incapable de se diriger. Accroché au requin, il le suit partout où l'autre l'entraîne. Séparé de lui, il meurt.

Dans le genre humain, le poisson-pilote est représenté par ces nombreuses chapelles sectaires qui, incapables de penser et d'agir par elles-mêmes, vivent en parasite du parti révolutionnaire. C'est ce rôle qu'a choisi le groupe de l'Union Communiste et son journal Lutte de Classes. Notre participation à la campagne électorale est pour cet organe la source de réflexions et de commentaires qui remplissent la presque totalité de ses colonnes. Critiquer et ne pas agir, telle est la formule de nos hommes-pilotes.

Cela ne leur donne assurément pas le droit de se revendiquer de la IVème Internationale, qui, s'il lui arrive de se tromper, le fait dans la mesure où elle agit au lieu de bavarder.

La IVème Internationale n'a, en France, qu'une seule section : le P.C.I. Nous pensons que nos camarades de l'Union Communiste, avec qui nous sommes d'accord sur la plupart des questions fondamentales, ont mieux à faire que de commenter l'action des autres, même lorsque les commentaires sont justifiés. A plusieurs reprises nous leur avons fait des propositions de fusion. Nous les renouvelons aujourd'hui.

Dans le cadre du parti unifié, leur critique aura plus de sens et plus d'efficacité. Dans l'isolement, elle ressemble à un radotage de vieille femme à principes.

Pierre Favre 

La direction du P.C.I. veut compromettre notre politique par l'argument démagogique qui fut celui des chefs staliniens contre les trotskistes en général (avant de passer à d'autres plus... frappants) : "Vous êtes forts en paroles, parce que vous êtes petits et n'agissez pas, nous, nous agissons ; c'est une chose de bavarder, c'en est une autre d'agir."

C'est cet argument des réalistes (social-traîtres) de la politique "ouvrière", argument qui veut faire croire que théorie et pratique, ce sont deux choses différentes, que Favre reprend à son compte : "critiquer et ne pas agir telle est la formule de nos hommes-pilotes ; la IVème Internationale (le P.C.I. ?), s'il lui arrive de se tromper, le fait dans la mesure où elle agit au lieu de bavarder, vous, vous avez mieux à faire que de commenter l'action des autres même lorsque les commentaires sont justifiés."

Cependant, tout révolutionnaire marxiste sait qu'il n'y a pas de pratique révolutionnaire sans théorie révolutionnaire ; tout révolutionnaire marxiste accueille une critique politique juste comme une ACTION de premier ordre.

Tout révolutionnaire marxiste tient pour prouvé qu'une politique juste d'une organisation, ne peut être que le résultat d'une pratique révolutionnaire profonde, hardie et opiniâtre de tous les jours.

C'est pourquoi Favre ne fera entrer dans la tête d'aucun travailleur conscient qu'on puisse parler aussi bêtement d'une organisation, "avec qui nous sommes d'accord sur la plupart des questions fondamentales", dit le même Favre. Seul un phraseur professionnel peut être capable d'un tel tour de force "intellectuel".

La démocratie dans le Parti révolutionnaire

Favre nous propose généreusement de fusionner avec le P.C.I. car, paraît-il, dans le cadre du Parti unifié notre critique aura "plus de sens et d'efficacité".

Pendant la campagne électorale nous avons soutenu les meetings P.C.I. physiquement et politiquement contre les Staliniens.

Nous avons invité nos sympathisants à voter dans le premier secteur pour le P.C.I. ; si nous n'avons pas fait d'appel public en ce sens, c'est que nous ne pouvions pas prendre devant les travailleurs la responsabilité du programme opportuniste (flattant tous les préjugés parlementaires) défendu par le P.C.I. Nous avons donc agi conformément à la discipline révolutionnaire qui donne droit à tout militant, avant et après l'action, de critiquer publiquement la position de son Parti : à ce point de vue même l'unité avec le P.C.I. n'aurait en rien modifié notre attitude. 

Si notre critique "justifiée" est restée du radotage pour la direction du P.C.I. parce que nous formons une organisation à part, cela prouve seulement que le "sectarisme" contre lequel on s'insurge en paroles, est devenu le pain quotidien de La "Vérité".

Le Parti créé par Lénine, le Parti bolchevik (1901-1923) ne résumait pas la démocratie à un... bulletin intérieur ("dans le cadre du Parti unifié leur critique aura plus de sens"..., dit Favre).

Les colonnes des journaux bolcheviks, dans l'illégalité, étaient précisément remplis de "réflexions et de commentaires" aussi bien au sujet de n'importe quelle tendance du mouvement ouvrier, que sur leur propre politique. Il n'y a eu aucune divergence dans ce Parti qui n'ait pas été discutée publiquement. Dans la pire des situations, ayant à peine pris le pouvoir, devant résoudre la question de la paix avec l'impérialisme allemand, La Pravda écrivait en 1918, à propos du Comité du Parti de Moscou : "Il est tout à fait naturel que des camarades qui sont en désaccord marqué avec le C.C. sur la question d'une paix séparée, lui adressent un blâme catégorique et expriment la conviction qu'une scission est inévitable. C'est là un droit très légitime des membres du Parti et cela se conçoit parfaitement" (Lénine).

C'est cela la véritable démocratie qui fait progresser la classe ouvrière. Celle-ci en effet ne sera capable de faire la révolution que lorsqu'elle aura assimilé par sa propre expérience les méthodes et les objectifs de la lutte révolutionnaire. Il faut donc discuter de ces méthodes et de ces objectifs dans le journal, devant la classe ouvrière et non pas dans le Bulletin intérieur devant une mince couche d'initiés représentant le "Parti" ! Pourquoi La Vérité n'explique-t-elle pas aux travailleurs que le P.C.I. s'est trompé en participant au référendum pétainiste de De Gaulle ? Car les ouvriers n'ont aucun autre moyen pour apprendre comment la bourgeoisie peut camoufler la pire dictature par des formalités "démocratiques". Si La Vérité en connaît un autre qu'elle l'indique.

Trotsky avait établi la règle suivante : grattez les sectaires et vous découvrirez des opportunistes. Nous voyons que la réciproque est également vraie : notre critique de l'opportunisme politique du P.C.I. nous a fait découvrir son sectarisme organisationnel !

L'appartenance à la IVème Internationale

Favre écrit à notre sujet : "cela ne leur donne assurément (?) pas le droit de se revendiquer de la IVème Internationale" !

Pour les camarades qui connaissent les... qualificatifs que la direction du P.C.I. nous a lancés à ce sujet, cela n'est pas très courageux.

Nous avons demandé depuis six mois une commission d'enquête ouvrière pour juger cette question. Si cette commission établissait que nous n'avons pas respecté les statuts qui règlent la discipline de la IVème Internationale, nous sommes prêts à renoncer à nous en réclamer. Pour nous la IVème Internationale n'est pas une étiquette pour faire passer "plus facilement" notre marchandise politique, mais une organisation internationale dont nous nous sentons solidaire en toutes circonstances. Il fut un temps où toute une fraction de l'actuel P.C.I. avait peur de dire aux ouvriers que nous luttions pour la IVème Internationale et réclamait qu'on supprime cette partie de notre étiquette politique.

Aujourd'hui, la direction du P.C.I. veut la transformer en une parure, pour couvrir sa nudité opportuniste.

Nous indiquons à nouveau ce qui nous paraît être la seule voie pour l'unité révolutionnaire :

1° commission ouvrière d'enquête

2° création d'un Comité de coordination pour jeter les bases d'une politique commune, seul gage de l'unité organisationnelle.

C'est à la direction du P.C.I. de décider si elle peut être la sienne.


LIBERTE POUR QUI ?

Au ministère de l'information, au D.G.E.R. Soustelle a succédé l'intellectuel Malraux, représentant de la culture bourgeoise.

Celui-ci a déclaré lui-même : "Il y a ce que l'on veut et ce que l'on peut".

En effet, sous prétexte de manque de papier, il annonce ensuite que "l'autorisation préalable" est maintenue pour les journaux.

Ainsi les ministres se succèdent, mais c'est la bureaucratie bourgeoise qui reste le véritable maître du pouvoir. Car, "l'autorisation préalable" n'a rien à faire avec le manque de papier, elle est uniquement UNE MESURE POLICIERE.

Contre qui joue cette mesure policière ? Contre la presse réactionnaire et fasciste ? Non ! L'écrasante majorité des journaux autorisés constitue, comme dans le passé, une PRESSE POURRIE. Cette mesure ne joue que contre les journaux ouvriers. Surtout contre la presse ouvrière complètement indépendante de la bourgeoisie, qui depuis septembre 1939, est réduite à l'illégalité ou à la semi-légalité.


A BAS L'AUTORISATION PREALABLE !

Camarades, il faut briser les entraves sans nombre que la bourgeoisie apporte à la liberté la plus élémentaire pour les exploités : la liberté de presse.

Achetez les journaux "non-autorisés" ouvriers, qui répondent à vos besoins moraux, intellectuels et matériels (défense de vos salaires) ; ils sont nombreux à être étouffés par la censure bourgeoise.

Protégez leur vente, côte à côte avec les organisations révolutionnaires, qui veilleront à ce que des provocateurs ne puissent l'empêcher.

DIFFUSEZ-LES LARGEMENT ; comme par le passé, vous n'avez que des chaînes à perdre et un monde à gagner !

UNION COMMUNISTE IVème Internationale


AU SUJET DU PROCES DE NUREMBERG

Le Monde écrit le 18 novembre : "...le fait de faire partie du grand Etat-Major, organe qui existe dans toutes les armées, peut-il passer pour un crime de guerre ? Pour le soutenir, il faudra démontrer que l'Etat-Major allemand avait un esprit, des principes, des habitudes entièrement différents de ceux des autres : ce ne sera pas chose facile".

L'organe des 200 familles avoue en somme qu'un Leclerc-de Hautecloque ou un Thierry d'Argenlieu valent un Goering ou un Doenitz, comme ceux-ci valent un Mac Arthur ou un Alexander...

A ce même procès, Schacht, ancien ministre des Finances allemand, déclarait que la Reichsbank investissait la majeure partie des biens étrangers qui lui étaient confiés dans les industries d'armement et que par conséquent "nos armements sont financés en partie par les avoirs de nos ennemis politiques".

On peut rappeler à ce sujet qu'en 1938 les aciéries américaines (dont Stettinius, ministre pendant la guerre et représentant autorisé de l'Etat américain, est un des magnats) faisaient partie du cartel international dominé par Fritz Thyssen.

Les affaires sont les affaires...

Si la classe ouvrière pouvait, elle, faire parler les accusés de Nuremberg, ses révélations dévoileraient entièrement la complicité dans cette guerre des brigands capitalistes de tous les pays contre leurs peuples.

A défaut, le procès de Nuremberg n'est qu'une mise en scène (comme les procès Pétain ou Laval) pour que, grâce à quelques boucs émissaires, le capitalisme international puisse continuer ses crimes...


AUX ETATS-UNIS, NOS CAMARADES DENONCENT L'IMPERIALISME AMERICAIN

[Extrait d'un discours de J.P. Cannon, reproduit du journal "The Militant" (22-9-45),
organe de la section américaine de la IVème Internationale]


L'OPPOSITION SYNDICALE LUTTE DE CLASSES

Nos camarades syndiqués nous ont fait parvenir La Voix des Travailleurs, "Bulletin inter-usines de l'Opposition syndicale Lutte de Classes.

Nous avons donné à plusieurs reprises des échos de la position prise par cette nouvelle tendance syndicale, dont le but est de ramener la C.G.T. (en commençant par les syndicats de base) à son véritable rôle : la défense des intérêts des salariés contre la patronat. Car la direction actuelle mène une politique de collaboration de classe avec les patrons et s'oppose aux principales revendications ouvrières (échelle mobile) ou ne les accepte que verbalement.

C'est un progrès marqué de cette tendance ouvrière que la publication d'un Bulletin inter-usines.

Nous appelons tous les syndiqués à prêter leur concours au Bulletin et à rallier l'Opposition.

La Voix des Travailleurs demande un soutien financier et indique qu'on peut envoyer les fonds ainsi que la correspondance au camarade Jacques Ramboz, 7, impasse du Rouet, Paris 14ème.

LA LUTTE DE CLASSES


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