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Gustav Landauer

(1870-1919)

Daniel Bensaïd

Fils d’un petit commerçant juif, Gustav Landauer fît des études de littérature et de philosophie à Heidelberg, Berlin, Strasbourg et à nouveau Berlin. Il interrompit ses études, fut exclu des universités prussiennes et ne parvint pas non plus, par la suite, à s’inscrire en médecine à Fribourg-en-Brisgau. A Berlin, il entra en contact avec la Freie Volksbühne social-démocrate et par cet intermédiaire avec les Jeunes : il adhéra au Verein Unabhängiger Sozialisten en 1892. Il fut l’un des cofondateurs de la Neue Freie Volksbühne, créée par les Jeunes en opposition avec celle du SPD. Jusqu’en 1897 et de 1910 à 1917, il fut l’un des cinq membres de son conseil artistique. En 1893, il devint rédacteur de Der Sozialist, l’organe des Jeunes qui devint celui de la tendance anarchiste en leur sein, dont il était le chef de file. Délégué des Jeunes au congrès de Zurich de la IIe Internationale en 1893, il participa, tout comme en 1896 à Londres, au congrès parallèle anarchiste. Arrêté en octobre 1893, il fut condamné à deux puis neuf mois de prison. C’est là que se consolida sa conception du socialisme : il estimait désormais que le changement devait se pro­duire dans la conscience des individus pour qu’ils rompent avec la servitude volon­taire (La Boétie) qui les liait aux appareils ; il n’y inclut pas l’État qui était une as­sociation entre les êtres humains, sa destruction devant être le résultat du change­ment des comportements. Les agents de cette transformation seraient les coopératives de production et de consommation. En 1896, il plaida pour la collaboration des petits paysans et des ouvriers agricoles dans des coopératives agricoles. Alors comme plus tard, à travers la communauté de résidence dont il emprunta l’idée à Benedikt Friedländer et en 1911, en proposant un « congrès ouvrier libre » de­vant en cas de guerre propager la grève de masse, il cherchait à instaurer le socia­lisme « ici et maintenant ». Le congrès devait être une assemblée de délégués de groupes professionnels à mandat impératif, décentralisée, s’inspirant des sections de la Révolution française. Il proposa aussi une Diète socialiste selon le même prin­cipe. Mais son refus de la lutte de classe l’opposa aux anarchistes qui y étaient at­tachés : en 1897, il était isolé et en 1899, Der Sozialist cessa de paraître. Il se retira de la vie politique pendant dix ans, se consacrant à ses activités littéraires et à des cercles d’intellectuels. Ce fut dans l’un d’eux, Die neue Gemeinschaft qu’il rencontra ceux qui allaient devenir ses fidèles amis Erich Mühsam et Martin Buber. Lors d’un séjour de plus d’un an à Londres, en 1901, avec la poétesse Hedwig Lachmann qui deviendra sa deuxième femme, il rencontra Kropotkine. De retour à Berlin, il s’installa à Hermsdorf où il fut libraire et traducteur. En 1908, il fonda son organisation, le Sozialislischer Bund qu’il préparait depuis l’année précédente. Il fit reparaître Der Sozialist comme organe de la Ligue socialiste et s’affronta, comme en 1897 et pour les mêmes raisons, aux anarchistes berlinois au congrès de la Fé­dération anarchiste d’Allemagne en 1910. Il lança son « appel au socialisme » qu’il diffusa dans de nombreuses conférences à travers le pays. En 1911, face à la crise marocaine, comme en 1914, il fut résolument hostile à la guerre. La Ligue socialiste s’étiola à partir de 1913 et Der Sozialist fut interdit en 1915. Il participa pendant la guerre aux actions de divers groupes pacifistes et anti-annexionnistes, approuvant la politique de Wilson.
Il s’installa à Krumbach en Bavière où sa femme mourut en février 1918 : il en fut brisé. Invité comme dramaturge à Düsseldorf, il retarda ce projet lorsque éclata la révolution. Son ami Kurt Eisner le fit venir à Munich pour révolutionner la cul­ture. Sur proposition de Mühsam, il fut coopté au Conseil ouvrier révolutionnaire ; il fit aussi partie du Conseil national provisoire. Exprimant dans un premier temps son admiration pour Eisner, il ne lui ménagea pas ses critiques à partir de décem­bre : il le trouva notamment trop tiède dans sa lutte contre Berlin, pour une Fédé­ration allemande où la Prusse ne serait plus dominante. Il fut toutefois candidat de l’USPD a la Diète de Bavière mais obtint très peu de voix. Ses critiques cessèrent lorsque Eisner fut assassiné : c’est lui qui prononça son oraison funèbre. Favorable au système des conseils, ils approuva dès lors le recours à la force pour défendre le socialisme contre la bourgeoisie. Il fut commissaire du Peuple à la culture et à l’éducation dans la première République des conseils de Bavière du 7 au 13 avril 1919, contribua à fonder le Conseil révolutionnaire de l’Université, le Théâtre ré­volutionnaire et entama une réforme de l’Université selon les principes de la décen­tralisation. Il proposa ses services à la deuxième République des conseils qui les re­fusa. Arrêté à la chute de celle-ci, il fut assassiné le lendemain, le 2 mai, à la prison de Munich-Stadelheim. Il fut considéré par les sionistes socialistes comme l’un de leurs précurseurs. Martin Buber, son exécuteur testamentaire, publiera d’ailleurs des recueils de ses œuvres.

Bio reproduite du site "Maitron"

Archive G. Landauer :
Articles (notamment de “Der Sozialist”)
Pour la colonie (articles)
Vers la communauté par la séparation (1900)
Un appel en faveur du socialisme (1911)


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