1920

 

N. Boukharine

Économique de la période de transition

II : Économique, pouvoir d'État et guerre

La guerre de 1914-1918 a posé brutalement le problème du pouvoir d'État. Auparavant, pendant la période d'avant-guerre, et jusque dans le camp marxiste, on trouvait de plus en plus répandues des idées fortement teintées de l'esprit manchestérien; il suffit aujourd'hui d'un coup d'œil pour voir, alors que l'État impérialiste a jeté des millions et des millions d'hommes dans le tourbillon de l'histoire, et du même coup rendu manifeste son énorme signification comme facteur économique, que l'analyse du pouvoir d'État est venue à l'ordre du jour des discussions théoriques et pratiques.

La vie de l'organisation d'État qui absorbe tout - non la vie de la société, mais cellà de l'État - est venue occuper le premier plan. Le vieux Hobbes a écrit dans son Léviathan [a] qu'aucun pouvoir ne peut se mesurer à celui de l'État, et pourtant son Léviathan apparaît vraiment ridicule face à la force monstrueuse qui s'est révélée dans l'appareil d'État du capital financier.

Dans la société de classes, la guerre est menée par l'organisation d'État. Dans la société capitaliste, la structure économique contradictoire de la société conduit finalement à une crise aiguë de sa formule politique. Et cela s'opère dans deux directions principales : d'une part, l'anarchie du capitalisme mondial, l'opposition entre le travail social à l'échelle mondiale et l'appropriation «nationale »-étatique s'expriment dans la collision des organisations étatiques du capital et dans les guerres capitalistes; d'autre part, l'antagonisme entre les classes de la société capitaliste, qui s'exacerbe considérablement par suite de la première opposition, conduit à la révolution. Dans le premier comme dans le second cas, c'est la question des organisations données d'État qui est décisive. La guerre entraîne un regroupement des forces sur la même base : le type de pouvoir d'État et son contenu social subsistent. La révolution transforme le fondement de l'organisation d'État en amenant au pouvoir des classes nouvelles et donne naissance à un nouveau type d'État.

C'est pour cela que les questions de la guerre et du pouvoir d'Étatsont les questions les plus aiguës de notre époque et doivent trouver une réponse. Sur ce point nous voulons surtout nous livrer à un examen purement théorique.

Le marxisme envisage tous les phénomènes sociaux dans leur connexion et dans leurs interrelations; par conséquent chaque série de ces phénomènes forme un maillon dans la chaîne des causes qui entraînent le maintien, le développement, ou au contraire la destruction, d'une « structure économique» donnée de la société. C'est de ce point de vue également qu'il faut envisager la guerre et le pouvoir d'État [b].

Toute société de classes est un mécanisme qui crée un surproduit mis à la disposition d'une partie de cette société. Ce surproduit peut prendre la forme de la valeur (par exemple dans l'économie capitaliste), ou demeurer à l'état de simple produit (économie esclavagiste). Dans l'un comme dans l'autre cas, nous avons affaire à un processus d'exploitation. Posons alors la question de façon tout à fait générale : comment ce processus d'exploitation est-il possible ? Comment un système qui sécrète de si fortes contradictions internes peut-il subsister ? Comment se fait-il qu'une société qui se compose fondamentalement de deux sociétés (classes) puisse présenter une unité relative ? Autrement dit : qu'est-ce qui rend possible le maintien d'un équilibre social relatif, la stabilité d'un système social fondé sur la scission de la totalité sociale ?

La réponse est claire. Si un tel système existe, il faut aussi qu'existe quelque chose qui serve de facteur complémentaire, qui cimente la société divisée, et étouffe la résistance des classes opprimées (d'une façon « rude » sur le plan physique, et « subtile » sur le plan idéologique). Bref, une organisation qui domine non seulement les choses, mais surtout les hommes, indispensable à la conservation de ce système. Cette organisation, c'est l'État.

Il ne faut pourtant [1] pas croire que l'État soit quelque chose qui se tienne au-dessus de la société et au-dessus des classes. La société ne comprend aucun élément qui soit constitué au-dessus des classes. D'autre part, comme nous l'avons déjà vu, la fonction fondamentale de l'État consiste à maintenir, à consolider et élargir le processus d'exploitation dans la mesure où il s'agit de la domination d'une minorité. Il en découle que l'organisation d'État ne peut être, uniquement et exclusivement, qu'une organisation de la classe dominante, ou, comme Engels l'écrivait déjà : « l'État est une organisation de la classe possédante pour la protéger contre la classe non possédante » [c].

Cette situation doit être particulièrement mise en relief. En effet, la possibilité relative d'existence d'un système social contradictoire tout entier pourrait être assurée, d'un point de vue théorique, de deux façons différentes : soit à travers l'existence d'une « troisième force » qui réconcilie les classes, qui atténue les contradictions et favorise l'établissement constant de compromis, soit à travers l'existence d'une organisation de l'un des deux camps qui réprime par tous les moyens - depuis l'utilisation directe de la violence jusqu'à la mise en place d'un tissu idéologique complexe - le camp de la classe adverse. En réalité, nous avons à faire à la seconde solution de la question, c'est-à-dire à l'existence d'une organisation de la classe dominante. La plupart même des constructions marxisantes mettent précisément en relief la première, la théorie « harmonieuse » du pouvoir d'État.

Cette sagesse « théorique » se trouvait déjà, en vérité, dans le code babylonien d'Hammourabi, où l'on dit que « la tâche du souverain est d'assurer la loi dans le pays, d'éliminer les méchants et les malfaiteurs, de sorte que les forts ne nuisent pas aux faibles » [d]. L'argument le plus « sérieux » en faveur de cette vénérable théorie se réfère à l'existence des fonctions dites d'utilité publique qu'exerce le pouvoir d'État : construction des voies ferrées, d'hôpitaux, législation du travail, assurances, etc.

Un examen sans préjugé montre que ces fonctions du pouvoir d'État n'excluent en aucune façon leur pur caractère de classe. Elles constituent une condition nécessaire à l'élargissement du processus d'exploitation lui-même (voies ferrées), ou recouvrent d'autres intérêts de la classe dominante (mesures sanitaires), ou encore sont des concessions stratégiques à l'ennemi de classe [e]. Il se produit à ce sujet la même chose que pour n'importe quelle organisation de la classe dominante. Un trust ou un syndicat (patronal) ont pour objet d'accroître le profit, mais non d'entretenir les hommes ou de leur procurer du travail. Mais pour parvenir à cet accroissement, ils doivent cependant diriger la production et embaucher des ouvriers auxquels ils feront dans certains cas des concessions (par suite de grèves), etc. - sans cesser un instant d'être une organisation d'entrepreneurs, ou comme le disent les ouvriers allemands une organisation de « Scharfmacher » (c'est-à-dire d'hommes qui poussent au travail à outrance pour en tirer profit). Les fonctions d' « utilité publique » ne sont alors rien d'autre qu'une condition nécessaire du processus d'exploitation.

Aussi bien du point de vue du rôle objectif que du point de vue des tâches subjectives et collectives que se propose l'État en tant qu'organisation d'hommes « qui créent leur propre histoire », la fonction sociale de cet État (et par suite son « essence ») consiste dans la défense, la consolidation et le développement des rapports de production qui correspondent aux intérêts de la classe dominante.

La principale caractéristique de l'organisation d'État de la classe dominante, grâce à laquelle cette organisation se distingue d'autres organisations de la même classe, est son universalité. L'organisation d'État est l'organisation de classe la plus large dans laquelle se concentre toute sa force, dans laquelle sont rassemblés les instrument de l'oppression mécanique et de la répression [f], c'est-à-dire dans laquelle la classe dominante est organisée précisément en tant que classe et non comme fraction ou petit groupe d'une classe [2]. Il en découle que toute action « économique », dans la mesure où elle embrasse une classe entière, revêt inévitablement un caractère « politique » : les coups ne sont pas alors dirigés contre un groupe particulier, mais contre une classe dans son ensemble, et par suite contre son pouvoir d'État.

L'État est une organisation humaine définie. De cette façon, il n'est pas l'expression du rapport technique de l'homme à la nature, mais du rapport social des hommes entre eux, et d'une partie des hommes aux autres. Il serait tout à fait erroné de rechercher « l'essence » de l'État dans ses attributs techniques et organisationnels, par exemple dans le fait qu'il représente un appareil centralisé. Le concept abstrait de la centralisation peut en effet recouvrir des types de rapports sociaux diamétralement opposés, et c'est justement là que réside le fond du problème. « Un nègre est un nègre, un homme de la race noire; mais c'est seulement dans des rapports de production déterminés qu'il devient esclave. » Les moyens de production sont toujours des moyens de production. C'est un concept technique. Mais c'est seulement dans des rapports déterminés que ces moyens de production deviennent du capital, à savoir quand un rapport social déterminé commence à se réifier en eux, rapport d'un genre tout à fait particulier qui constitue précisément ce que l'on nomme « l'essence » du capital. « Le capital n'est pas une chose, mais un rapport social » (Marx).

Pour Marx, tous les phénomènes sociaux sont historiques, et c'est justement dans leur détermination historique que Marx recherche leur caractéristique constitutive [3]. Rien d'étonnant alors si l'État, du point de vue du marxisme, représente une catégorie de part en part historique, c'est-à-dire une catégorie de la société de classes. Ce qui est « essentiel » à l'État n'est pas que celui-ci soit un appareil centralisé, mais plutôt que cet appareil centralisé incarne un rapport déterminé entre les classes, à savoir le rapport de domination, de pouvoir, d'oppression et d'asservissement; il s'agit d'un appareil qui disparaîtra en même temps que disparaîtront les classes et la dernière forme d'une domination de classe, la dictature du prolétariat [g].

Parmi les chercheurs bourgeois, Gumplowicz et Oppenheimer, fortement influencés par Dühring, se situent le plus près de la vérité. Oppenheimer définit « l'État historique » de la façon suivante : « Par sa forme, l'État est une institution de droit imposée par un groupe victorieux à un groupe soumis. Son contenu est l'exploitation systématique (« Bewirtsehaftung ») des groupes inférieurs par les groupes supérieurs » [h]. Sans nous arrêter à la question selon laquelle la conquête et l'origine des classes elles-mêmes proviennent uniquement d'une « pression extra-économique » [i], nous devons admettre que la formule d'Oppenheimer de l'exploitation systématique (Bewirtschaftung) est juste dans son essence (ce qui n'empêche pas cet auteur de s'attendrir dans d'autres travaux sur le fonctionnaire prussien « au-dessus des classes » et de lui faire des compliments).

Son caractère de « superstructure » sur une base économique résulte clairement de l'analyse précédente du pouvoir d'État. Comme pour toute « superstructure », il ne s'agit pas simplement d'une cloche de verre recouvrant la vie économique, mais d'une force active, d'une organisation agissante qui consolide de toutes parts la base de production dont elle est issue.

Il faut alors poser une autre question, celle de la guerre. Nous devons examiner cette question du même point de vue sous lequel nous avons envisagé le problème du pouvoir d'État. Quelle place la guerre occupe-t-elle dans le flux de la vie sociale ? Et, comme la vie sociale est avant tout un processus de reproduction et de succession des rapports sociaux de production, quel rôle la guerre joue-t-elle précisément dans ce domaine ?

Il n'est plus alors bien difficile de répondre à cette question. La guerre n'est pas conduite en réalité par les « peuples » et les « nations » ; elle est menée par des États qui se servent de la force vive des « peuples » sur le champ de bataille tout comme ils l'utilisent dans les usines et les mines. L'armée - cet instrument mis en action dès le début de la guerre - est la composante essentielle de l'appareil' d'État. Notons à ce propos que tout l'édifice social est caractérisé par un monisme original de son architecture : toutes ses parties ont un seul et même « style ». De même que les hommes se situent dans les rapports de production selon une échelle hiérarchique donnée qui correspond à des regroupements de classe, de même cette hiérarchie sociale se reflète dans l'appareil d'État en général et dans l'armée en particulier.

Mais si la guerre est une fonction de l'État, le pouvoir d'État in actu, et si l'État est, en tant qu'appareil, un moyen de renforcement et d'élargissement de rapports de production déterminés, il apparaît alors évident que la guerre aussi accomplit en premier lieu ce « travail ». Dans la lutte entre États s'exprime la lutte entre bases de production déterminées, qui sont personnifiées par les classes dominantes de ces États. Toute structure de production possède un type adéquat de pouvoir d'État, et par suite un type adéquat de guerre. Ce n'est pas le côté technique et organisationnel de la guerre qui nous intéresse ici (bien que ce côté, lui aussi, soit déterminé par les rapports techniques et économiques généraux). Ce qui nous importe c'est la signification sociale de ce phénomène. Pour pouvoir répondre à la question de « l'essence » de la guerre, il nous faut examiner cette question, comme celle de l'État, sur un plan historique. Nous aurons alors une réponse semblable, à savoir que la guerre est d'un point de vue sociologique [4] un moyen de reproduction des rapports de production dont elle est issue.

L'État est un «facteur extra-économique ». Néanmoins il a une signification économique considérable. De même la guerre, en tant que fonction du pouvoir d'État, constitue l'un des leviers les plus puissants du processus économique tout en étant un facteur extra-économique [j].

La question doit être précisée par une analyse théorique plus complète. Le processus social, en effet, ne représente pas seulement l'élargissement d'une structure de production déterminée. Il est en outre le processus de substitution de certaines formes, de certains « modes de production », de certaines « structures économiques », par d'autres. Mais la substitution de la « base » s'accompagne aussi des modifications nécessaires de son enveloppe étatique. Les nouveaux rapports de production font éclater la vieille écorce politique.

Pourtant, chaque phase du développement historique et chaque type de rapports de production possèdent eux aussi leurs propres lois spécifiques. Pour comprendre théoriquement une époque donnée, il faut la considérer dans ses particularités et analyser les caractéristiques qui en font précisément une époque, c'est-à-dire qui créent un type particulier de rapports, avant tout de rapports de production. Cependant, si nous découvrons les lois du développement social grâce à cette méthode, il est tout à fait clair qu'étant donnés les liens de tous les phénomènes de la vie sociale entre eux, il nous faut aussi examiner la guerre de la même manière.

Les analyses précédentes offrent la base d'une classification des guerres. C'est la même que celle de la classification des États. Tout type de production entraîne un type correspondant d'État et à chaque type d'État correspond un type déterminé de guerre.

Donnons-en quelques exemples. Prenons par exemple, une économie fondée sur l'esclavage. L'État n'est alors rien d'autre qu'un État d'esclavagistes, et la guerre menée par cet État n'est rien d'autre qu'un moyen [5] d'élargir ce régime esclavagiste, d'élargir la reproduction des rapports de production de la société esclavagiste. Les guerres dites coloniales de l'Espagne, de la Hollande, de la France, etc. étaient des guerres d'États relevant du capitalisme commercial ; leur rôle social consistait à élargir les rapports de production du capitalisme commercial, qui se transformèrent plus tard en rapports du capitalisme industriel. Les guerres menées pour soumettre le monde « arriéré » à la domination du capital industriel commencèrent dès que le capital industriel et ses organisations d'Étatse furent jetés dans la lutte pour les débouchés. Et enfin, dès que la méthode de production capitaliste revêtit la forme du capitalisme financier, un type particulier de pouvoir d'État apparut aussitôt; celui de l'État impérialiste rapace, avec son appareil militaire centralisé, et le rôle social de la guerre consista à élargir la sphère de domination du capital financier avec ses trusts et ses consortiums bancaires.

Il en va exactement de même lorsque la guerre est conduite par une dictature socialiste. L'État ouvrier belligérant s'efforce d'élargir et de consolider la base économique dont il est issu, à savoir les rapports de production socialistes. (C'est de là que résulte entres autre la justification de principe des guerres offensives révolutionnaires et socialistes). Un type tout à fait nouveau de pouvoir d'État correspond à la production qui devient socialiste. Ce type de pouvoir d'Étatse distingue tout autant de tous ceux qui l'ont précédé que le mode de production socialiste se distingue des modes de production antérieurs qui reposaient sur les rapports économiques de la propriété privée. C'est pourquoi aussi la signification sociale de la guerre que mène la dictature ouvrière est principalement différente de toutes les guerres des époques passées, sans exception.

La guerre socialiste est une guerre de classe, qu'il faut distinguer de la simple guerre civile. Celle-ci n'est pas une guerre dans le sens propre du terme [6], car elle n'est pas une guerre entre deux organisations d'État Dans la guerre de classe, en revanche, les deux parties sont organisées en pouvoir d'État : d'un côté, l'État du captal financier de l'autre l'État du prolétariat.

Nous avons considéré tous ces phénomènes dans leur forme pure. En réalité, la chose est, bien entendu, beaucoup plus complexe. L'économie mondiale contemporaine donne, malgré la puissante concentration du capital, une image assez bigarrée d'elle-même. Et même la guerre mondiale révéla, à côté d'éléments purement impérialiste, toute une série d'autres éléments insérés dans la même toile de fond. Ainsi le chauvinisme national des petites nations qui deviennent - pour un bref moment historique - des unités étatiques, bourgeoises indépendantes. Cependant le sort du monde ne sera pas déterminé par les rapports réciproques entre les colosses de l'impérialisme, et en dernière instance par la lutte entre les colosses de la guerre de classe.

Notes de Lénine

[1] Pas bon ce « pourtant » ...

[2] Très bien.

[3] « Caractéristiques constitutives des phénomènes sociaux », ce n'est pas bien.

[4] Ouf ! C'est la même chose que si un chimiste écrivait dans son manuel « le point de vue historique naturel ». Quel autre point de vue ? Psychologique ? Trop simple et imprécis. (En allemand dans les notes.)

[5] Et parfois le « moyen» (mot pas commode) de désintégration de ces régimes.

[6] Ouf ! oh ! Au secours ! Totale confusion provoquée par le grand amour de l'auteur pour pratiquer le jeu des idées et proclamer le même amour pour la « sociologie ». (En allemand dans les notes.)

Notes de l'auteur

[a] Thomas HOBBES, The moral and political works, London, 1750 : « Non est potestas super terram quae eomparetur ei » (JOB. 4124).

[b] K. MARX attribuait à la guerre une très grande signification économique. Cf. son Introduction à la critique de l'Économie politique in Contribution à la critique de l'Économie politique, Paris, Ed. sociales, 1957, p. 149. Werner SOMBART donne une image complètement déformée dans son ouvrage Krieg und Kapitalism, vol. II de Studien zur Entwicklungsgeschichte des modernen Kapitalismus, Munich, DUl1cker und Humblot, 1913, 232 p. On trouve sa critique chez KAUTSKY, « Krieg und Kapitalismus », in Zeit, 1913, vol. II, p. 39.

[c] F. ENGELS, L'origine de la famille, de la propriété et de l'État, Paris, Editions sociales, 1966, p. 158. « La politique n'est qu'une méthode de persistance, un instrument de conservation et d'extension de la propriété » (Achille LORIA, Les bases économiques de la constitution sociale, 2- Ed., Paris,,1903, p. 362) [*].

[*] LORIA n'appartient pas à la distribution de cet opéra. (note de Lénine)

[d] Cf. Ludwig GUMPLOWICZ, Geschichte der Staatsheorien, Innsbrück, 1905, p. 8. Cf. aussi Otto LOENIG, « Der Staat », dans Handwoerterbuch der Staatswissenchajten, Iena, Fisher, 1895; Willy WYGODZINSKY, « Staat und Wirtschaft », Handbuch der Politik; Wielhelm JERUSALEM, Der Krieg im Lichte der Gesellsrhaftlehre, Stuttgart, 1915, I, p. 61.

[e] Pour qui connaît la littérature sur la question de la population en rapport avec les déclarations sur la « dégénérescence » de la nation, il est clair que toute une série de mesures destinées à prévenir cette « dégénérescence » n'est dictée que par le désir d'obtenir une masse correspondante de chair à canon utilisable.

[f] Hans DELBRUECK Regierung und Volkswille, Berlin, Stilke, 1914, p. 133 : « Où le véritable pouvoir réside-t-il, en dernière instance ? Il réside dans les armes. C'est pour cette raison que la question décisive concernant le caractère interne d'un État est toujours : A qui appartient l'armée ? » Cf. à ce sujet les prophéties naïves de SPENCER : Man versus the State [**].

[**] Il faudrait « souligner », même les bourgeois, qui ne sont pas stupides, comprennent cela mieux que KAUTSKY, O. BAUER et cie. (note de Lénine)

[g Les social-démocrates ont complètement déformé ce point de vue. L'auteur de ce travail l'a soutenu énergiquement, déjà, au début de la guerre, dans une série d'articles de journaux et de revues : Dans la revue hollandaise De Tribune (l'essai « De Nieuwe Lyveigensckap», 25 nov. 1916 et suivants), dans l'organe de la gauche norvégienne, Klassenkampen, dans Arbeiterpolitik de Brême et, en dernier lieu, dans la revue Jungendinternationale (Suisse), ainsi que dans les articles polémiques du journal Novyi mir de New York. Pour les travaux des classiques du marxisme, cf. F. ENGELS, L'origine de la famille ... , op. cit.; du même, Anti-Dühring (trad. franç. Ed. sociales, 1972); du même, Dell' autorita (Almanaco Repubblicano per l'anno 1874, Lodi, 1873), trad. franç. in MARX-ENGELS, Œuvres choisies, Moscou, Ed. du Progrès, 1970, t. II, p. 395. K. MARX, Kritische Randglossen zu dem Artikel «Der Konig von Preussen und der Sozialreform, von einen Preussen» etc. (Vorwaertz, 1844, tract. franç. Molitor, Œuvres philosophiques, t. V, 1937). K. MARX, Contribution à la critique de la Philosophie du Droit de Hegel, Introduction in Critique du Droit politique hegelien, Paris, Ed. sociales, 1975, Annexes, p. 197. Le lecteur trouvera une excellente illustration de cette question avec un choix de citations correspondantes de MARX et ENGELS dans l'ouvrage du camarade LÉNINE, L'État et la Révolution. Les professeurs bourgeois ont compris la doctrine communiste de Marx tout aussi peu que les social-démocrates. Ainsi par exemple Adolphe WAGNER « Staat in nationaloekonomischer Hinsicht », Woerterbuch der Staatswissenschaftten écrit que «l'État» socialiste peut avoir toutes les caractéristiques de l'État « à leur plus haute puissance », puisque le caractère de classe de l'État moderne est le pur produit d'un « abus » (tout comme chez BOEHM-BAWERK, pour qui l'usure est un « abus » et le profit existe aussi dans l'Étatsocialiste où il poussera sur les arbres). JELLINEK (Allgemeine Staatslehre) comprend MARX à la façon de WAGNER. A cette différence près que la théorie du pouvoir le plonge dans une terreur sacrée et il explique que« ses conséquences pratiques ne consistent pas dans la consolidation, mais dans la destruction de l'État » (p. 175) et que cette théorie fraye la voie à la révolution en permanence [***]. Cf. GUMPLOWICZ, Geschzchte der Staatstheorien, Innsbrück, 1905, pp. 373 et sq.

[***] Dans ses notes marginales, Lénine souligne révolution en permanence.

[h] F. OPPENHEIMER, « Staat und Gesellchaft » Handbuch der Politik vol. I, p. 117. Cf. aussi, OPPENHEIMER, Der Staat Frankfurt à M. 1907; du méme, Theorie der reinen und politischen Œkonomie, 8, Ed. 1911.

[i] Cf. à ce sujet ENGELS, Anti-Dürhing; SCHMOLLER, Das Wesen der Arbeitsteilung und Klassenbildung (Polémique contre Gumplowicz, à la p. 72). Le développement des États-Unis, en particulier, peut servir d'exemple contre cette théorie, bien que le féodalisme nord-américain ne doive pas être sous-estimé. Cf. Gustave MAYERS, The history of great american fortunes.

[j] Werner SOMBART a donné dans son livre déjà cité, Krieg und Kapitalismus, une description de l'influence de la guerre sur l'origine du capitalisme. La méthode de SOMBART, celles des différentes mères (tantôt la guerre, tantôt le luxe et l'amour, par exemple dans son livre Luxus und Kapitalismus, qui engendrent la guerre l'une après l'autre, selon l'humeur de l'honorable professeur, entraîne toutefois inévitablement de terribles exagérations.

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