1920

 

N. Boukharine

Économique de la période de transition

VII : Formes d'organisation générale de la période de transition

L'économie politique bourgeoise fait « par principe » abstraction des formes sociales et historiques du processus de production. C'est pourquoi les rapports de domination, d'exploitation caractéristiques d'une formation sociale donnée, sont pour elle tout à fait « inessentiels ». Il est évident que ce « principe » ne signifie rien d'autre que l'apparition d'une invraisemblable confusion théorique « de principe » qui en pratique n'est pas sans présenter des avantages pour la bourgeoisie. Cette confusion atteignit sa plus grande intensité pendant la guerre et la période de l'après-guerre. Elle s'est surtout manifestée par une confusion grossière entre le système du capitalisme d'État et celui de la dictature socialiste du prolétariat.

Werner Sombart dans son introduction à Fondements et critique du socialisme [a], définit le socialisme de la façon suivante : «le socialisme est une pratique sociale rationalisatrice avec une tendance antichrématistique ». Cette « définition », si l'on peut dire, a de lointaines racines dans la littérature. Il s'agit en fait d'une vieille tradition devenue aussi solide qu'un préjugé, tradition qui confond le « communisme » esclavagiste de Platon, le « socialisme d'État » de la Prusse des Junkers d'un Rodbertus, le capitalisme financier d'État de la période de guerre, et le communisme marxiste, pour la seule raison que toutes ces formes manifestent une « rationalisation sociale avec une tendance antichrématistique ». Il est pourtant évident que ce point de vue n'est vraiment pas meilleur que les définitions grossières et barbares, en même temps naïves et rusées, qu'on donnait pendant la guerre à l'impérialisme en le présentant comme fonction ahistorique ou même parfois comme fonction biologique générale [b]. Cette confusion est logiquement liée à la méconnaissance du caractère de classe de l'État. On présente celui-ci sous les termes de « général », « total », « société globale », en dissimulant le caractère spécifique des rapports de production. Ceux-ci ne sont considérés que dans la mesure où l'anarchie de la production et le système monétaire qui y est lié sont éliminés. Etant donné que cette formule embrasse toutes les formes possibles de structure économique élevées sur la base des rapports de l'économie naturelle comme sur la base de l'économie planifiée, sans distinguer les caractéristiques que comportent ces rapports au sein ou en dehors des classes, il est évident que cette formule n'est pas opératoire ; elle est en effet trop générale puisqu'elle embrasse des structures sociales directement opposées par leur caractéristique de classe.

Si nous passons alors au capitalisme d'État, nous voyons qu'il s'agit d'une catégorie tout à fait spécifique et purement historique, bien qu'on y trouve une « rationalisation sociale » tout comme une « tendance antichrématistique » [1]. En effet, le capitalisme d'État est en même temps l'un des types - le plus perfectionné - du capitalisme. Le rapport de production fondamental du régime capitaliste est le rapport entre le capitaliste qui possède les moyens de production et l'ouvrier qui vend au capitaliste sa force de travail. En examinant la structure du capitalisme d'État, il est impossible, et même absurde, d'éliminer cette caractéristique de classe essentielle [2]. Du point de vue du rapport réciproque des forces sociales, le capitalisme d'État représente un pouvoir de la bourgeoisie élevé à une puissance maximale, où la domination du capital atteint sa plus grande force, d'une dimension vraiment monstrueuse [c]. Autrement dit, le capitalisme d'État est la rationalisation du processus de production, sur la base de rapports sociaux antagonistes, sous la domination du capital qui trouve son expression dans la dictature de la bourgeoisie [3].

Puisque le capitalisme d'État est une fusion de l'État bourgeois et des trusts capitalistes [4], il est évident qu'on ne peut parler de « capitalisme d'État » sous la dictature du prolétariat, qui exclut en principe toute possibilité de ce genre [d].

En examinant les choses « en général », on pourrait poser la question de la possibilité d'une pareille forme, étant donné que l'État prolétarien, dès le début de son existence, dirige l'activité des trusts capitalistes jusqu'à « l'expropriation des expropriateurs », préparant rationnellement cette expropriation de façon à conserver tout « l'appareil intact ». Si un tel système était possible, ce ne serait plus un capitalisme d'État, puisque celui-ci suppose un État capitaliste. Ce ne serait plus une expression supérieure du système capitaliste, mais une phase intermédiaire dans le développement de la révolution [5]. Toutefois, une telle forme est impossible [6] puisque pour l'admettre il faudrait se fonder sur l'illusion, d'ailleurs très répandue, que le prolétariat pourrait « conquérir » tout l'appareil capitaliste sans toucher à sa virginité capitaliste, et que messieurs les capitalistes se soumettraient avec plaisir à toutes les volontés du pouvoir prolétarien. Ce qui, par suite, supposerait l'existence d'un équilibre dans des conditions qui excluent dès l'origine un équilibre quelconque [e].

Le système de la dictature socialiste [7], que l'on pourrait appeler socialisme d'Étatsi ce terme n'avait été détourné de son usage ordinaire, est la négation dialectique [8], l'opposé du capitalisme d'État. Dans ce cas, le type des rapports de production est radicalement transformé et le pouvoir suprême du capital dans la production est éliminé puisque le principe de base du système capitaliste, le rapport de propriété, est lui-même transformé. Dans ce cas aussi, existe une « rationalisation sociale avec une tendance antichrématistique », mais ces traits reposent sur un rapport de classe tout à fait différent qui modifie fondamentalement le caractère du processus de production. Dans le système de capitalisme d'État, le sujet administrant l'économie est l'État capitaliste, le capitalisme collectif. Sous la dictature du prolétariat, le sujet qui administre l'économie est l'État prolétarien, le collectif [9] de la classe ouvrière organisée, « le prolétariat institué en pouvoir d'État ». Dans le capitalisme d'État le processus de production est un processus de production de plus-value, accaparée par la classe des capitalistes, qui a tendance à transformer cette valeur en surproduit [10]. Avec la dictature prolétarienne, le processus de production sert de moyen pour la satisfaction planifiée des besoins sociaux. Le système du capitalisme d'État est la forme la plus accomplie de l'exploitation des masses par une poignée d'oligarques. Le système de la dictature du prolétariat rend inconcevable toute forme d'exploitation puisqu'elle transforme la propriété capitaliste collective et sa forme capitaliste-privée en « propriété » collective-prolétarienne. Par conséquent, en dépit d'une similitude formelle ces deux formes sont par essence diamétralement opposées [e]. Cette opposition détermine aussi le caractère antagoniste de toutes les fonctions des systèmes examinés, bien qu'elles puissent être formellement semblables. Ainsi, l'obligation générale du travail dans le système du capitalisme d'État correspond à un asservissement des masses ouvrières; au contraire, dans le système de la dictature prolétarienne, elle n'est rien d'autre que l'auto-organisation des masses au travail [11]; la mobilisation industrielle est dans le premier cas un renforcement du pouvoir de la bourgeoisie et une consolidation du régime capitaliste, tandis que dans le second cas il s'agit d'un renforcement du socialisme; toutes les formes de coercition étatique dans la structure du capitalisme d'État constituent un élément d'oppression qui assure, élargit et approfondit le processus d'exploitation, tandis que la coercition étatique par la dictature prolétarienne est une méthode d'édification de la société communiste. Bref, l'opposition fonctionnelle de phénomènes formellement similaires est ici entièrement prédéterminée par l'opposition fonctionnelle des systèmes d'organisation, par leurs caractéristiques antagonistes de classe [f].

Le communisme n'est plus une forme de la période de transition, mais son accomplissement. C'est une structure sans classes et sans État édifiée d'une façon tout à fait harmonieuse dans tous ses détails. Alors seulement apparaît pour la première fois la « totalité » ordonnée absolument unique. La dictature du prolétariat « arrive à maturité » en évoluant vers le communisme, et dépérit en même temps que l'organisation étatique de la société.

Le passage du capitalisme au socialisme s'effectue grâce à la force concentrée du prolétariat, levier de la dictature du prolétariat. L'ensemble de mesures qui permettent ce passage est d'ordinaire désigné par le terme de «socialisation» ou de «collectivisation» [g]. D'après ce qui précède, il est clair que ce terme n'est pas tout à fait exact [12]. Si l'on veut dire, en parlant de socialisation, que le processus de production satisfait dans son ensemble les besoins sociaux c'est-à-dire les besoins de toute la société comme système, une pareille « socialisation » existe aussi dans le cadre du capitalisme. C'est précisément ce qu'entendait Marx en parlant de « travail socialisé » [13]. C'est aussi ce qu'entendait Rodbertus lorsqu'il affirmait que le communisme est l'essence de la société. Il est cependant évident que dans notre cas il s'agit d'autre chose. Il s'agit des mesures qui créeraient un nouveau type de rapports de production sur la base d'une transformation radicale des. rapports de propriété. Autrement dit : « l'expropriation des expropriateurs » doit aussi fournir le contenu du processus de socialisation. Par suite, ce qu'il faut entendre sous le terme de socialisation, c'est le transfert des moyens de production aux mains de la société. Il en découle toutefois une certaine imprécision dans la définition. Dans la période de transition entre capitalisme d'État et communisme, en effet, le sujet conscient qui administre l'économie n'est pas « toute la société », mais la classe ouvrière organisée, le prolétariat [14] . Néanmoins, lorsqu'on envisage le processus dans son ensemble, en commençant par l'expropriation violente jusqu'à l'extinction de la dictature prolétarienne - qui est aussi un processus - la différence entre le prolétariat et l'ensemble de tous les travailleurs s'amenuise constamment, pour disparaître enfin tout à fait. C'est cela même qui justifie le terme de « socialisation » [15] [h]. Si nous comprenons sous le terme « socialisation » le transfert des moyens de production aux mains du prolétariat organisé au sens d'une classe dominante, c'est la question des formes concrètes que revêt ce transfert qui se pose. Nous avons examiné cette question, pour l'essentiel, aux chapitres précédents. Il nous suffit alors de distinguer l'un de l'autre les concepts qui ont été constamment confondus par les adversaires de la révolution communiste. Il est évident que dans la mesure où pendant la période de transition, c'est la classe ouvrière, constituée en pouvoir d'État, qui est le sujet administrant l'économie, la forme fondamentale de la socialisation de la production est son étatisation ou sa nationalisation [i]. Il est cependant tout aussi évident que l'étatisation (nationalisation), au sens général du terme, recouvre un contenu de classe tout différent, sur le plan matériel, selon le caractère de classe de l'État lui-même.

Si l'on ne considère pas - contrairement aux représentants de la science bourgeoise - l'appareil d'État comme une organisation neutre et mystique [16], alors il faut aussi admettre que ce sont toutes les fonctions de l'État qui ont un caractère de classe. Il s'ensuit qu'il est nécessaire de distinguer rigoureusement la nationalisation bourgeoise de la nationalisation prolétarienne [17]. La nationalisation bourgeoise conduit au système du capitalisme d'État. La nationalisation prolétarienne conduit à une structure étatique du socialisme. De même que la dictature prolétarienne est précisément la négation, l'opposé de la dictature bourgeoise, de même la nationalisation prolétarienne est la négation, la contradiction la plus radicale de la nationalisation bourgeoise.

On peut dire la même chose des diverses formes de municipalisation, de communalisation, etc. Il est incorrect, au niveau théorique, d'opposer ces concepts à celui de l'étatisation. En effet, le système d'« autogestion locale » n'est pas autre chose, dans toute société de classes (et par suite dans toute société où l'État existe), qu'une partie intégrante des appareils locaux de l'organisation étatique de la classe dominante [18] [j]. Un caractère de classe déterminé du pouvoir d'État entraîne un caractère de classe déterminé des organismes locaux de ce pouvoir. C'est pourquoi il faut établir une distinction bien précise entre la municipalisation prolétarienne et la municipalisation bourgeoise, tout comme entre les différents modes de « nationalisation ».

Il va de soi qu'en plus de ces formes fondamentales sous lesquelles le prolétariat conquiert la direction du processus de production, toute une série de formes inférieures de ce même processus existent (en particulier en rapport avec la population paysanne). Le lien avec l'État prolétarien est alors moins étroit, mais il existe. Comme la dictature prolétarienne est le levier qui renverse le vieil ordre et en élève un nouveau, le processus de socialisation est ainsi, en dernière instance, sous toutes ses formes, une fonction de l'État prolétarien. 


Notes de Lénine

[1] La définition du capitalisme d'État est à peine correcte si elle omet les concepts d'actions, de trusts (et peut-être de monopole). L'auteur n'a pas saisi le sens de la chose, ni économique ni concrète.

[2] C'est juste.

[3] La définition est mauvaise. Elle manque d'éléments nécessaires et la «rationalisation» n'est pas obligatoire. « Pouvoir du capital » et « antagonisme », c'est la même chose. La dictature de la bourgeoisie a été (et va) jusqu'au capitalisme d'État.

[4] C'est une tautologie.

[5] Juste !

[6] C'est une exagération. Elle est possible dans deux ou trois petits États à condition qu'au début il y ait une victoire totale des ouvriers dans quatre ou cinq États plus grands et plus avancés.

[7] Hum ! !

[8] L'auteur fait mauvais usage du terme «négation dialectique» : II ne faut pas l'employer avant de faire une démonstration prudente et par les faits.

[9] Du point de vue national, mais pas collectif.

[10] ? ? ? Bizarrerie !

[11] L'opposition ne tient pas.

[12] Exact !

[13] Précisément pas cela : où ? Quand ? L'auteur s'exprime sans précision.

[14] Exact !

[15] ? ? ? Pas du tout. Il justifie la confusion entre le « processus » de la naissance de l'homme et le « processus » de la mort.

[16] Bien dit !

[17] Voilà exactement !

[18] Exactement !

Notes de l'auteur

[a] Grundlagen und Kritik des Sozialismus, édité par Werner SOMBART, Askanischer Verlag, Berlin, 1919, 1re partie, p. VII.

[b] Un écrivain français définit l'impérialisme comme aspiration de toute forme de vie à se développer aux dépens des autres. De ce point de vue la poule qui ne pond jamais des œufs d'or et picore des grains de blé, est un sujet de la politique impérialiste puisqu'elle « annexe » ce grain.

[c] Cf. notre article « Quelques concepts de base de l'économie moderne », dans Kommunist du 16 mai 1918, n° 3, p. 9.

[d] Cette conception apparemment bien claire reste obscure pour de nombreux camarades. Ainsi, par exemple, le camarade TSYPEROVITCH écrit dans son ouvrage déjà cité sur les syndicats et sur les trusts en Russie après la révolution d'octobre : « Même dans le stade préparatoire que nous sommes en train de traverser, le stade du capitalisme d'État (!!), l'ouvrier représente en même temps, le maître de la production ... » (loc. cit., p. 170), De quelle façon l'ouvrier peut être le « maître de la production » dans le système capitaliste, personne ne peut évidemment le comprendre, car un pareil système rappelle le fer en bois. Cela « n'existe » que dans la tête de certains individus et non dans la réalité « qui vaut pour tous ». Ce système a été défini encore plus pertinemment par le camarade BOJARKOV dans Viestnik Metalista (Pétrograd, janvier 1918) comme «capitalisme développé» que la classe ouvrière doit édifier « sans entrepreneurs ». « Capitalisme sans capitalistes ». Voila a quelle absurdité dégénère le manque de clarté dans des concepts fondamentaux. Il va de soi que les publications bourgeoises et opportunistes ne sont pas meilleures et qu'elles abondent en confusions rageuses encore bien pires.

[e] Cf. N. LÉNINE, « Note d'un publiciste », L'Internationale communiste, n° 9, in Œuvres complètes, t. 30, pp. 364-374.

[f] Un grand nombre « d'œuvres » sur le socialisme parues ces derniers temps à l'étranger éludent ce problème fondamental. Voir le travail de Franz EULENBERG, Arten und Stafen de Sozialisierung. Ein Gutachten, Munich et Leipzig, éd. Duncker et Humbolt, 1920. A la page 5, l'auteur définit le socialisme comme «socialisation des moyens de production; cela comprend la direction de la production et de la distribution pour et a travers la totalité de la population ». A la page 6, il distingue entre autres les « stades » suivants : sous la rubrique II : «transfert de l'industrie qui possède des conditions particulières entre les mains de la totalité; pleine socialisation (étatisation) »; sous la rubrique III : « participation de la totalité à la vie économique en général : entreprises économiques mixtes (capitalisme d'État) ». On peut déjà comprendre d'après ce peu de lignes «savantes » de quelle absurdité l'illustre chercheur allemand est capable. Il voit la « totalité de la population » tantôt sous la forme de l'État « en général », c'est-à-dire d'un État comme il n'en existe pas au monde, tantôt sous la forme d'un État ouvertement capitaliste : d'une part, le socialisme est « la pleine socialisation » et rien d'autre, et de l'autre la « pleine socialisation » est l'étatisation; la pleine « socialisation», dit EULENBERG, se distingue de celle qui n'est pas pleine comme la socialisation se distingue du capitalisme d'État, etc. Et l'on ordonne, classifie, et place tout cela sous des rubriques minutieusement subdivisées ! Rudolf GOLDSCHEID ne montre pas non plus la moindre trace de compréhension dans son livre consacré en particulier à cette question, Staats sozialismus oder Staats kapitalismus. Ein finanz-soziologischer Beitrag zur Losung des Staatsschulden- Problems, 4° et 5° éd., Vienne-Leipzig, 1917. Dans un rapport du plus grand intérêt, Wesen und Wege der Sozialisierung, Otto NEURATH cherche à écarter l'essence du problème puisqu'il explique que la question de savoir quels sont les moyens du pouvoir nécessaires pour réaliser la socialisation, ne l'intéresse pas. Il se rapproche pourtant de la problématique correcte et se place bien au-dessus du radoteur savant et minaudier SOMBART. Citons par exemple, les lignes suivantes : « La socialisation présuppose que soit réalisé un plan économique par quelque organe central de décision. Une administration de ce genre n'est pas nécessairement de nature socialiste, elle pourrait par exemple assurer des conditions de vie favorables à des groupes privilégiés; à Sparte un pareil genre de gestion économique assurait aux spartiates les fruits du travail des ilotes ... Nous appelons socialiste ce qui garantit qu'une gestion économique aura lieu avec une répartition socialiste » (p. 4, souligné par l'auteur). Toutefois, l'élimination de la question des « moyens du pouvoir ». c'est-à-dire de la lutte de classe et des classes rend toute approche de la question nébuleuse et vague [*].

[*] Très bien ! (note de Lénine)

[g] A ce propos, relevons que c'est en effet sur l'incompréhension de cette circonstance que se fondent toutes les « accusations » lancées contre le parti communiste par les petits-bourgeois de la social-démocratie. Dans le meilleur des cas, ces messieurs protestent contre la « morale des hottentots », en établissant une identité de principe entre communisme et barbarie capitaliste. En effet un « démocrate » peut-il nier «le droit égal à l'existence » du loup et de l'agneau ? Ce serait une violation de la justice divine ! [**].

[**] Très bien ! (note de Lénine)

[h] Le fait que l'on se sert de ce terme substitué à ceux d'« expropriation des expropriateurs » et de « confiscation » est caractéristique de l'idéologie opportuniste internationale. On le fait afin de pouvoir parler plus facilement de « socialisation » en relation avec « la totalité de mauvaise réputation ». c'est-à-dire afin qu'on puisse ranger les mesures du pouvoir d'État capitaliste parmi la « socialisation ». Cf. en particulier les travaux d'Edmond FISCHER [***].

[***] Juste ! (note de Lénine)

[i] Dans sa brochure La marche au socialisme, op. cit., Otto BAUER oppose la socialisation à l'étatisation et voit dans la première une combinaison d'organes formés par les représentants des ouvriers, des employés, des fonctionnaires, d'une part, et les consommateurs de l'autre et enfin l'État comme grandeur neutre. comme tierce partie; il propose entre autres mesures d'attribuer les usines en location aux coopératives agricoles (c'est-à-dire aux syndicats). La question de la dictature n'est pas posée convenablement; l'État est la « démocratie en général ». Ce point de vue tout à fait, bourgeois trouve une expression bien grossière chez W. RATHENAU ou la « socialisation » s'exécute de façon que la production se concentre entre les mains des groupes professionnels capitalistes. Pour ce qui concerne cette « théorie de la socialisation» le Dr. Karl TYSZKA (op. cit., p. 25) note avec raison que ce genre de concept signifie la renaissance des corporations médiévales. Le Pro. TYSZKA lui-même montre pourtant qu'il ne comprend pas le moins du monde le contenu de classe de la socialisation. Chez Hermann BECK, Sozialisierung als organisatorische Aufgabe, les sujets du processus de socialisation sont aussi les « groupes d'intérêt » des entrepreneurs (p. 51). Dans la conférence des ingénieurs allemands le Dr PRANGE désignait cette structure comme un « capitalisme anobli » en retournant ainsi les cartes. E. FISHER (Vom Privatkapitalismus zum, Sozialismus), type classique du crétin social-démocrate, joue tout le long de son livre avec le concept de socialisation (en allemand : Vergesellschaftung und Sozialisierung), il lui applique deux acceptions différentes, et grâce à cet artifice atteint le brillant résultat d'affirmer que la socialisation existe depuis longtemps. Le Pr OPPENHEIMER, qui sait parfaitement de quoi il parle défend la position capitaliste par la théorie de l'immaturité. Pour lui, quiconque aspire aujourd'hui à la socialisation est un « putschiste », un « blanquiste », etc.

[j] Ce dernier terme est évidemment loin d'être précis : en premier lieu il confond la « nation » (le « tout ») avec l'État, c'est-à-dire avec l'organisation de la classe dominante. En outre, il révèle la marque de l'époque des États nationaux. Nous conserverons ce terme parce qu'il s'est introduit dans l'usage, bien qu'il soit dépourvu de fondements logiques [****].

[****] ? ? ? Ce n'est pas une confusion mais un fait historique. L'auteur a « oublié » que l'État capitaliste typique est un État national (+ les colonies, mais c'est une autre question). (note de Lénine)

[k] L'illusion du soi-disant « socialisme municipal » est fondée sur la méconnaissance de ce fait. Evidemment les actions inorganisées du prolétariat peuvent conduire à une prise du pouvoir dans des districts particuliers, et par suite à une « municipalisation » prolétarienne sous le pouvoir étatique du capital au cours du processus de dissolution du capitalisme et de la révolution. Mais tout lecteur accordera qu'il s'agit d'une catégorie d'un tout autre ordre. Dans le texte, le thème est évoqué à propos de systèmes sociaux relativement stables.

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