1920

 

N. Boukharine

Économique de la période de transition

VIII : Système de la gestion de la production sous la dictature du prolétariat


Sous la domination du capital, la production est production de plus-value, production pour le profit. La production sous la domination du prolétariat est une production destinée à satisfaire les besoins sociaux [1]. La signification fonctionnelle différenciée de tout le système de production est indiquée par la différence existant dans les rapports de propriété et dans le caractère de classe du pouvoir d'État [a]. Sur le plan théorique, la conception selon laquelle à chaque classe correspond une seule forme d'administration, figée jusqu'en ses moindres détails, est absolument fausse. Une classe sociale quelconque peut se trouver dans différentes conditions auxquelles les méthodes et les formes de l'administration doivent être adaptées. Celles-ci se définissent selon des normes de rationalité technique; en outre, les différentes formes ont un seul et même contenu de classe, pour autant qu'elles existent dans le cadre de rapports de propriété déterminés, et d'un caractère de classe précis du pouvoir d'État.

La pratique de la bourgeoisie en fournit le meilleur exemple. Pendant l'époque de l'impérialisme, la bourgeoisie est passée des formes de la « démocratie élargie » à une restriction des droits du Parlement, au système des « Cabinets restreints », au renforcement du rôle du président, etc. Mais la limitation des « droits du Parlement » et la « crise du parlementarisme » ne signifiaient-elles pas aussi une limitation des droits de la bourgeoisie et la crise de son pouvoir ? En rien. Tout au contraire, ces phénomènes indiquaient le renforcement de la domination bourgeoise, la centralisation et la militarisation de son pouvoir, qui du point de vue de la bourgeoisie devenaient une nécessité absolue à l'époque de l'impérialisme.

Lorsque Spencer affirmait qu'un « État-industriel » devait être antimilitariste par nature, puisque le militarisme est le propre du régime féodal, il se trompait grandement, car il universalisait les particularités d'une des phases du développement capitaliste. La lutte concurrentielle, qui mettait tout le développement à l'enseigne de la guerre, contraignait la bourgeoisie à modifier la forme de sa domination. Mais seuls des esprits vulgaires peuvent y voir une restriction des droits de la bourgeoisie au profit d'une puissance non existante. Il n'est pas juste non plus d'opposer le soi-disant « régime personnel » au pouvoir de classe. Au contraire, c'est justement dans le régime personnel que le pouvoir de classe peut trouver, dans des circonstances données, son expression la plus adéquate [2]. C'est ainsi, par exemple, que le pouvoir des propriétaires fonciers avait trouvé son expression dans l'absolutisme. Ainsi, la dictature bourgeoise avait trouvé au temps de la guerre civile, sa forme la plus achevée (c'est-à-dire adaptée aux conditions du moment) dans la dictature du sabre. Le changement de la forme de l'administration peut aussi se produire dans la sphère de l'industrie, selon l'opportunité technique.

Par conséquent, si ces principes sont valables en général ils le sont aussi pour la période de la dictature prolétarienne.

Il en découle que les différents systèmes de gestion de l'industrie au cours au processus de transformation sociale doivent être envisagés en connexion étroite avec les phases concrètes du développement. C'est seulement grâce à cette méthode d'étude que l'on peut comprendre la succession des formes et les variations inévitables des divers systèmes d'organisation, dans le cadre de la même « nature de classe » du système donné.

La phase originaire du développement est la période de destruction et de rupture des rapports de production capitalistes, en même temps que la période de la prise de possession par le prolétariat des nœuds stratégiques de l'économie. D'une façon générale, on peut observer que cette période commence avant le « passage » du pouvoir politique au prolétariat, car les étapes de la révolution (idéologique, politique, économique, technique) ne sont pas rigoureusement séparées l'une de l'autre, et que chacune « pénètre » l'autre. La lutte pour la socialisation de la production, c'est-à-dire pour l'usine prolétarienne, part de la base sur toute la ligne, parallèlement à la croissance de la vague révolutionnaire. Cette lutte se manifeste dans le fait que l'ancien système est ébranlé et divisé définitivement par des organismes comme les « comités d'usine » révolutionnaires (en Russie), les « conseils d'usine » (en Allemagne), ou autres organes similaires représentatifs et parfois collégiaux qui s'unissent au prolétariat dans le cours de la lutte. C'est cette phase du développement qu'il faut analyser en premier.

Pendant la période que nous examinons, la société se trouve en état d'instabilité maximale. Le rapport des forces sociales est tel qu'il rend impossible un équilibre sur l'ancienne base. La bourgeoisie capitaliste et l'intelligentsia technique qui d'ordinaire soutient la bourgeoisie capitaliste pendant cette période, n'ont aucun intérêt à « remettre de l'ordre dans la production ». Leur attention est concentrée sur la prévention d'une victoire de la classe ouvrière. Les usines sont de plus en plus « sans maître ». Les organisations du prolétariat déjà nommées constituent la première tentative de promouvoir un nouveau « maître » - la classe ouvrière. Ce système de collégialité étendue, des conseils d'usine, est-il techniquement le meilleur ? Certainement non. Mais ce n'est pas là que réside son rôle fonctionnel. Au cours de la période considérée, il s'agit d'abord d'établir un nouvel équilibre, sans lequel l'élaboration de formes réellement plus parfaites serait impensable. Même pendant les époques « normales » du capitalisme, les organisateurs bourgeois de la production considéraient le problème du rapport entre les organes des capitalistes et ceux de la classe ouvrière comme une des questions les plus importantes de la gestion [b]. Pendant la période en question, ce problème ne peut absolument pas être résolu. Il s'agit seulement de la recherche tâtonnante d'un nouveau système d'équilibre. Par conséquent, à une étape donnée du développement « l'organisation technique parfaite » ne peut pas être posée comme tâche immédiate. Pour réaliser cette tâche, il faut déjà obtenir une certaine stabilité des éléments de la production; non seulement des éléments matériels, mais aussi celle de l'élément humain. Ces préalables n'existent pourtant pas au cours de la période considérée, et ne peuvent pas l'être. On peut quand même parler dans ce cas, en un certain sens, d'un pas en avant.

Nous avons en effet remarqué précédemment que les rapports personnels-techniques dans le travail, sont en même temps des rapports sociaux. C'est pourquoi, comparée à la désorganisation totale de l'appareil de production, alors qu'il n'existe plus aucun principe organisateur dans l'entreprise, la « conquête du pouvoir » dans l'usine par les cellules ouvrières constitue un avantage, même du point de vue de la logique de « la production pure ». Elle présente un avantage beaucoup plus substantiel du point de vue de son rôle dans le processus historique d'ensemble. C'est même seulement de cette façon que l'intervention de la classe ouvrière, comme principe organisateur dans le processus de production, peut se produire. En somme, la tâche à remplir est alors une tâche de lutte économique : renforcer la classe ouvrière comme classe dominante dans tous les chaînons de la vie économique [3]. Au point de vue technique, ce système qui s'accompagne inévitablement de la collégialité la plus large, du principe d'éligibilité absolu (cette éligibilité s'effectue selon le critère politique et non technique), la révocabilité fréquente - en vertu d'une collégialité étendue - entraînent une décentralisation et une dispersion de la responsabilité, le tout fort éloigné de la perfection [c]. Mais c'est ainsi seulement que la classe ouvrière peut consolider ses positions dans la vie économique, en créant les cellules de base de son appareil administratif, cellules qui communiqueront rapidement entre elles, et se joindront aux organisations déjà mûries de la classe ouvrière « au sein du capitalisme » en formant ainsi le nouveau tissu de l'appareil économique prolétarien. Destruction du passé, ébauche rudimentaire de l'avenir [4] - voilà comment se présente le type de gestion de la production que nous examinons.

Il est opportun de montrer ici l'analogie avec le processus qui se déroule dans l'armée. La subordination impérialiste la plus rigoureuse cède la place au principe de l'éligibilité la plus large : d'innombrables. comités de lutte se constituent dans toutes les mailles de l'appareil militaire; les problèmes de l'armée deviennent l'objet des plus amples discussions et délibérations; « l'ancien pouvoir » à l'intérieur de l'armée est définitivement discrédité et sapé; les nouveaux organes, et à travers eux les nouvelles classes, deviennent les centres effectifs du pouvoir. Quel est le sens objectif de ce processus ? D'abord et avant tout : la dissolution, la destruction de l'ancienne armée impérialiste. Ensuite : la formation et la préparation des forces actives organisatrices de la future armée prolétarienne, apprentissage qui s'acquiert au prix de la destruction de l'ancien système. Personne ne saurait affirmer que les comités de régiments suffisent à former une armée apte au combat. Mais la tâche objective ne consiste pas en effet à entretenir la combativité de l'ancienne armée. Au contraire, elle consiste à détruire cette armée et à préparer les forces d'un autre appareil.

Cependant, malgré toutes leurs similitudes, les deux processus présentent de grandes différences. Dans la production, une grande continuité se maintient tout au long du processus. Il en est ainsi parce que les bases de l'appareil de production futur, en premier lieu les syndicats. existent déjà dans le système capitaliste. Les organismes militaires correspondants n'existent pas et ne pourraient même pas exister. Par conséquent, le développement a lieu dans le domaine militaire par grands bonds, tout le processus se réalise de façon plus brusque, plus rude, et on peut même dire plus révolutionnaire.

Le type de production prolétarien militarisé est tout à fait différent du cas que nous venons d'examiner. Le caractère « militaire » d'une organisation quelconque apparaît au moment où le système en question se trouve dans une situation critique. En guerre, chaque partie de l'appareil de combat (l'armée), tout comme son « ensemble », doivent faire face à un danger de mort incessant. C'est pourquoi le type de cette organisation est ainsi déterminé par les conditions mêmes de son existence : la plus grande précision, une discipline inconditionnelle et incontestée, la rapidité dans les décisions, l'unité d'action et par suite le minimum de discussion et de délibération, le minimum de collégialité, le maximum d'unanimité. D'autre part, dans la mesure où les éléments de cette organisation n'ont pas de cohésion interne, et n'exécutent pas eux-mêmes chaque décision, l'armée s'appuie sur un système de mesures répressives qui atteint précisément dans ce domaine son apogée et son expression la plus éclatante.

Ce dernier élément sera particulièrement vigoureux si l'armée recrute parmi des éléments qui ne sont pas eux-mêmes intéressés à la guerre, et que la guerre se mène contre leurs intérêts. Ainsi en va-t-il de la guerre impérialiste. Sous la domination du prolétariat aussi, l'élément de coercition et de répression joue un grand rôle, d'autant plus que sera grande la proportion d'éléments non purement prolétariens d'un côté, et d'éléments inconscients ou peu conscients dans le prolétariat lui-même, de l'autre [d]. En pareil cas, la « militarisation » [e] de la population - surtout dans l'organisation de l'armée - apparaît comme une méthode d'auto-organisation de la classe ouvrière, et par elle d'organisation des paysans.

Lorsque la dictature prolétarienne et son type classique la forme soviétique de l'État - se trouvent dans une situation critique, il apparaît évident qu'elle doit prendre le caractère d'une dictature militaire-prolétarienne. Cela veut dire que l'appareil exécutif de l'administration se rétrécit, que les grands conseils sont remplacés par de plus restreints et que tous les organisateurs et administrateurs disponibles provenant de la classe ouvrière sont répartis de la façon la plus efficace.

Le même phénomène apparaît nécessairement - sous une forme encore plus accentuée - devant le danger d'une catastrophe économique. Ce danger est apparu par suite de l'épuisement économique pendant la guerre impérialiste et la guerre civile. C'est ainsi que le centre de gravité des tâches du prolétariat est transféré dans le domaine économique, là où la trame de l'appareil économique est déjà pénétrée d'ouvriers-administrateurs, là où les organisations ouvrières sont déjà devenues la base, le noyau de cet appareil, et où s'ébauche alors avec une certitude absolue une transformation de cet appareil, transformation qui se traduit par la restriction de la collégialité et parfois (dans certaines entreprises, usines, etc.) par l'introduction d'une direction unique. Celle-ci ne signifie ni une restriction aux droits de classe ni une diminution du rôle de son organisation. Elle présente la forme la plus concise et rationnelle de l'administration prolétarienne de l'industrie, une forme adaptée aux conditions d'une exécution rapide, à une « cadence de guerre ». Au point de vue technique, cette forme est de loin la meilleure, puisque son importance ne réside pas dans la destruction de l'ancien système, ni dans la consolidation du nouveau système ou dans l'éducation des masses, mais précisément dans l'élaboration de l'appareil d'exécution au cours d'un travail continu et précis. Cette tâche est accomplie par, la révolution après que le fondement de l'appareil administratif prolétarien ait été mis en place. Dans ce cas, il n'est plus question de concentrer l'attention sur la consolidation des positions de classe du prolétariat - cette question est résolue dans ses grandes lignes -; le centre de gravité ne réside pas dans la transformation de principe des rapports de production mais dans la recherche d'une forme d'administration qui garantisse un maximum d'efficacité. Au principe de l'éligibilité étendu de la base au sommet (appliqué ordinairement même par les travailleurs dans les usines) se substitue le principe d'une sélection soigneuse qui dépend des capacités techniques et administratives, de la compétence et de la crédibilité des candidats. La direction des entreprises passera aux mains des personnes responsables - ouvriers ou ingénieurs spécialistes. Ceux-ci seront choisis et nommés par les organes économiques de la dictature du prolétariat; mais ils seront aussi présentés et proposés par les organisations ouvrières. dans un pareil système, un ingénieur ne peut remplir d'autres fonctions que celles dont le prolétariat a besoin.

Ce genre de gestion prolétarienne de l'industrie n'est possible et opportun que dans certaines conditions déterminées; tout d'abord il suppose la solidité du pouvoir des soviets déjà établi, et un certain équilibre social instauré sur la nouvelle base. Un pareil système serait inopérant et inopportun au cours de la première phase de la révolution, phase de destruction des anciennes relations et de la conquête des centres de production. Il faut souligner cela avec force [f].

Il faut poser ici une question liée à celles que nous avons déjà examinées. A savoir la question du rapport entre les méthodes d'administration et les méthodes d'apprentissage de l'administration. Une des tâches les plus importantes du régime soviétique est d'amener le plus grande masse des citoyens à l'administration directe. La question se pose précisément de la même façon si l'on envisage les organismes économiques de l'appareil d'État. Pendant la période initiale, la fonction de formation se confond avec la fonction administrative elle-même. Il ne pourrait en être autrement. Les organisateurs bourgeois de la production, l'intelligentsia technique, agissent contre le prolétariat; les ouvriers n'ont encore aucune expérience de gestion, bien que tout repose sur leurs épaules. Dans cette situation de fait, l'avant-garde du prolétariat administre en apprenant et apprend en administrant. Il n'y a pas d'autre issue lors de la première phase de l'édification du socialisme. Pour accomplir ces tâches, on recourt largement au système de la collégialité qui n'est pas tellement une forme d'administration qu'une école de gestion. Toutefois, il est évident qu'il ne faut pas faire de nécessité vertu. Au cours des phases suivantes du développement, et dans la mesure où d'une part la position de la classe ouvrière comme classe dominante se consolide et qu'une administration compétente de l'industrie, dont la base est déjà une couche particulière d'ouvriers-administrateurs, s'implante fermement, et où d'autre part l'intelligentsia technique revient, comme le fils prodigue, au processus de production - la fonction administrative se sépare de la fonction d'apprentissage de l'administration. L'apprentissage de l'administration n'est plus réalisé au prix d'erreurs continuelles dans l'appareil administratif. Des masses toujours plus larges s'instruisent et s'intéressent à l'administration industrielle dans des établissements spécialisés, par des méthodes appropriées, bien plus systématiquement que cela n'était possible pendant les phases précédentes [g].

 Quel est le cours probable du développement ultérieur sur la voie qui mène au communisme ? Au fur et à mesure que la crise économique (la crise de l'épuisement) s'atténuera., et qu'augmenteront les ressources du matériel humain capable d'administrer, on n'aura plus besoin de type militaire extrême d'administration. Ce type d'administration comporte, avec tous ses avantages, quelques désavantages, qui résultent du type de discipline contraignante. Elle est absolument nécessaire dans une situation où il faut agir avec rapidité et décision; les avantages effacent les inconvénients. Cependant, une fois sa mission remplie, une nouvelle phase de système administratif « développe » s'y substituera; celle-ci ne sera en aucune façon la simple répétition de l'étape déjà traversée mais une synthèse des deux stades précédents. La première phase sera, en termes hégéliens, la thèse; la seconde l'antithèse et la troisième leur synthèse en une unité supérieure. Le développement ne s'arrêtera naturellement pas la dans la mesure où le pouvoir d'État et toutes les normes coercitives disparaissent dans les rapports humains, l'humanité communiste, créera un type plus élevé « d'administration des choses », ou le problème de la direction collégiale ou individuelle, sous quelque forme qu'il soit posé, disparaîtra puisque les hommes de l'avenir feront, volontairement ce que l'aride résultat du calcul statistique exigera. L'administration des personnes disparaîtra pour toujours.

Notes de Lénine

[1] Ça ne colle pas. Le profit satisfait aussi les « besoins sociaux ». Il vaudrait mieux dire : là où le surproduit appartient non à une classe de propriétaires mais à tous les travailleurs et uniquement à eux.

[2] Juste ! Sauf l'expression « régime personnel » qui n'est pas précise et a une autre signification. Ce n'est pas le mot.

[3] Voilà le tond du problème. L'auteur devrait développer plus « la classe dominante ».

[4] Très bien !

Notes de l'auteur

[a] Cf. N. LENINE, Discours au IX° Congrès du Parti communiste russe (Bolchevik), in Œuvres complètes, vol. 30, pp. 451-503.

[b] Cf. par exemple. TAYLOR.

[c] Otto NEURATH a donc raison quand il affirme que les « Ausschüsse » (« comités » ou « Conseils » sont peu utilisables, étant donnée leur structure, pour des fonctions administratives de production (F. EULENBERG dit aussi la même chose, loc. cit. Toutefois ces « critiques » ne veulent absolument pas comprendre - ou font semblant de ne pas comprendre - la signification sociale et la nécessité sociale de ces formes de transition. La question est posée dans les termes corrects par l'ingénieur Hermann BECK, loc. cit.

[d] Si l'on entend sous le terme de milice une milice idéale, ou tout le monde remplit ses fonctions volontairement, à l'instar des musiciens qui suivent la baguette du chef d'orchestre, on pourrait lui appliquer les paroles d'ENGELS : « Seule une société organisée et éduquée selon des principes communistes peut être rapprochée d'un système de milice, sans pourtant le rejoindre » (cité par Franz MEHRING, Karl Marx, Leipzig, 1918, p. 308).

[e] En fait, dans ce cas, le terme « militarisation » et d'autres ne sont pas du tout applicables, puisque l'organisation militaire de l'État prolétarien tout comme le type militaire d'organisation de l'industrie prennent ici une toute autre signification. Le « militarisme rouge » est une combinaison verbale vraiment barbare. Mais la pauvreté de la langue et « l'usage courant » (usus) nous obligent à adopter ici le terme « militarisation » [*].

[*] Ajouter : contre le pacifisme petit-bourgeois (« social-démocrate »). (note de Lénine)

[f] Par exemple, les résolutions du IX° Congrès du Parti communiste russe tout à fait correctes pour la période correspondante de la vie de la République soviétique russe, sont absolument inutilisables pour un moment analogue chronologiquement dans d'autres pays. Nous ne pouvons parler en détail ici de ce système et renvoyons ceux qui s'y intéressent aux sources suivantes : Protokoly 9 ovo sezda R.K.P., la revue Ekonomitcheskaïa jizn de la seconde quinzaine de mars et de la première quinzaine d'avril 1920, Protokoly 3 evo sezda Professwnalnykh soiousov.

[g] En Russie, le camarade TROTSKY a le premier soulevé cette idée. Elle a été bien formulée par l'ingénieur Hermann BECK : « Une assemblée de nombreuses têtes ne peut prendre de décision, au moins dans la vie économique avec ses connexions complexes et les lourdes conséquences de chaque délibération. Il faut en premier lieu affirmer une fois pour toutes que ce n'est pas la tâche des Conseils d'Usine de se mêler constamment de la marche technique et économique de l'administration d'entreprise, encore moins qu'un Parlement ne peut s'immiscer dans les affaires courantes de l'administration étatique. La conduite d'une entreprise ne peut être effectuée par des comités et conseils, elle doit être dirigée par des personnes individuelles responsables et qualifiées qui agissent indépendamment ... L'importance de ces organismes collectifs ne peut résider que dans le fait qu'ils établissent la constitution de l'entreprise tant en ce qui concerne la ligne que l'esprit de la direction de la production, et contrôlent continuellement la gestion de la direction d'entreprise ... Par contre, une seconde fonction importante des Comités et des Conseils est d'assurer le dispositif de sélection. (Sozialisierung als organisatorische Autgabe, p. 52). Et dans un autre passage : « Il faut être obstiné pour se plaindre de ce que le Conseil d'entreprise et le Conseil ouvrier soient les nouvelles créations les plus précieuses de l'organisation politique, même si aujourd'hui il y a encore un bon nombre de clubs de bavards inefficaces ... Il faut aussi se garder, en tenant compte de l'immaturité de la première phase du développement d'une forme d'organisation, de négliger son noyau pur.» (Avant-propos; p. 8). Malgré cette dernière remarque, BECK lui-même est loin de comprendre les particularités de chaque étape du processus de transformation. Les plans d'organisation sont donc tout à fait inapplicables, d'après leur structure propre, à la période à laquelle l'auteur lui-même les a destinés.

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