1919

Un ouvrage qui servira de manuel de base aux militants communistes durant les années de formation des sections de l'Internationale Communiste.


L'ABC du communisme

N.I. Boukharine


2
Développement du régime capitaliste


18 : La concentration et la centralisation du capital sont des conditions de réalisation du régime communiste

Le capitalisme, ainsi que nous l’avons vu, creuse lui-même sa propre tombe, parce qu’il engendre ses propres fossoyeurs : les prolétaires; plus il se développe, plus il multiplie le nombre de ses ennemis mortels, et plus il les réunit contre lui-même. Mais il prépare également le terrain pour une nouvelle organisation économique, fraternelle et communiste.

En effet, nous avons vu plus haut (§ 11. Le Capital) que le capital croît sans cesse. Une partie de la plus-value que le capitaliste arrache à l’ouvrier est ajoutée au capital, qui devient ainsi plus grand. Mais le capital une fois accru, on peut élargir la production. Cette augmentation du capital, sa croissance dans les mêmes mains s’appelle accumulation ou concentration du capital.

Nous avons vu également [1] qu’au fur et à mesure du développement capitaliste, petite et moyenne production sont anéanties; les industriels et les commerçants, petits et moyens, sont ruinés, sans parler des artisans : tous sont dévorés par le gros capital. Ce que possédaient les petits et moyens capitalistes, — leurs capitaux, — s’échappe de leurs mains, et, par différents chemins, se concentre dans celles des grands brigands, accroissant ainsi le capital de ces derniers. Ainsi, le capital, partagé jadis entre plusieurs possesseurs, se rassemble dans une seule main, dans un seul poing victorieux. Cette concentration du capital, autrefois dispersé, s’appelle la centralisation du capital.

La concentration et la centralisation du capital, c’est-à-dire son accumulation dans un petit nombre de mains, ne signifie pas encore la concentration et la centralisation de la production. Supposons que le capitaliste ait acheté, avec la plus-value accumulée, la petite fabrique de son voisin et l’ait fait travailler comme par le passé. Il y a bien accumulation, mais la production reste ce qu’elle était. Cependant, d’ordinaire, le capitaliste transforme alors la production, l’élargit et agrandit les fabriques elles-mêmes. Il n’y a plus seulement accroissement du capital, mais aussi de la production elle-même. La production devient énorme, emploie quantité de machines, réunit des milliers d’ouvriers. Il arrive qu’une douzaine de très grandes fabriques satisfasse aux besoins de tout un pays. Dans ce cas, les ouvriers produisent pour toute la société, le travail, comme on dit, est socialisé. Mais la direction et le profit appartiennent au capitaliste.

Cette centralisation et cette concentration de la production rendent également possible une production véritablement fraternelle, mais seulement après la Révolution prolétarienne. En effet, si cette concentration de la production n’existait pas et si le prolétariat prenait le pouvoir alors que la production est dispersée entre des centaines de milliers de tout petits ateliers où ne travaillent que deux ou trois ouvriers, il serait impossible d’organiser ces ateliers sur une base sociale. Plus le capitalisme est développé, plus la production est centralisée, et plus il est facile au prolétariat, après sa victoire, de diriger la production.

Donc, non seulement le capitalisme engendre ses ennemis et mène à la Révolution communiste, mais encore il crée la base économique pour la réalisation du régime communiste.


Notes

[1] Cf. plus haut, et § 14.


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