1988

" Pendant 43 ans, de ma vie consciente, je suis resté un révolutionnaire; pendant 42 de ces années, j'ai lutté sous la bannière du marxisme. Si j'avais à recommencer tout, j'essaierai certes d'éviter telle ou telle erreur, mais le cours général de ma vie resterait inchangé " - L. Trotsky.

P. Broué

Trotsky

XXVI – Trotsky et les siens [1]

Petrograd fit les heures de gloire de Trotsky. Mais il y vécut en définitive très peu. Et les années décisives de son destin politique s'écoulèrent pour lui à Moscou entre 1918 et 1927 : un séjour de dix ans, tel qu'il n'en connut pas dans sa vie d'adulte, dans aucun pays.

Il ne connaissait de Moscou que la prison Boutyrki où il était passé après sa période de militantisme de Nikolaiev et où il s'était marié avant de partir en déportation. C'est sans superstition que le gouvernement soviétique décida de retenir la solution la plus simple : le logement au Kremlin, l'ancienne résidence des tsars, des dirigeants du parti et de l'Etat. Les Trotsky furent logés dans l'aile Cavalier. Natalia Ivanovna raconte :

« Nous eûmes au Kremlin l'appartement d'un haut fonctionnaire, plusieurs pièces en enfilade. Le cabinet de travail de Lev Davidovitch était tout en bois de Carélie, luisant et presque doré. [...] Lev Davidovitch me reçut, quand j'arrivai avec les enfants, très amusé par cette installation. "Enfin, disait-il avec humour, un bel appartement! " [2]. »

L'appartement de l'aile Cavalier communiquait directement avec la salle à manger des commissaires du peuple où se tenaient parfois les réunions du bureau politique. Lénine, d'abord proche voisin, s'éloigna dans un autre bâtiment. Staline habitait initialement dans le même bâtiment, l'appartement d'en face. Les dirigeants de l'exécutif des soviets, Enoukidzé et Kalinine, logeaient dans le même couloir. Il y eut des conflits avec Staline qui ne respectait pas le règlement interdisant les voitures dans ce secteur après dix heures du soir [3], puis quand il réclama comme appartement des pièces réservées au musée [4].

En été, la famille quitta les quatre grandes pièces du Kremlin pour aller à la campagne – l'été seulement – à Arkhangelskoié dans une demeure qui avait appartenu à un Moscovite fortuné. Les immenses salons du rez-de-chaussée étaient consacrés à un musée public. Proche des bois, la maison ne comportait que deux pièces habitables, au premier étage, auquel on n'accédait que par une sorte d'échelle, et la tuyauterie, abîmée par le gel, n'avait pas été réparée, mais Trotsky expliqua en riant à Rosmer que c'était bien suffisant pour les nouveaux maîtres soviétiques [5] !

Dans ce cadre, à partir de la fin de la guerre civile, Trotsky menait une vie beaucoup plus réglée, tout à fait réglée même, étant donné ses goûts et ses besoins. Natalia Ivanovna l'évoque :

« Lev Davidovitch est extrêmement méthodique dans son travail ; il entend fournir un effort maximum sans s'épuiser. Ses habitudes, fixées depuis la jeunesse, sont de ponctualité, d'attention, d'horaires bien observés, et il les impose autour de lui. Il n'admet pas de retard pour les séances et les rendez-vous. Il a horreur du bavardage, du laisser-aller, du travail négligé, et il réussit sans peine à s'entourer de collaborateurs sérieux, de sorte qu'à une époque de désordre, le commissariat à la Guerre, le conseil supérieur de la Guerre, les autres bureaux qu'il dirige et son secrétariat personnel donnent un exemple de bon fonctionnement que l'on commente à Moscou tantôt avec éloge, tantôt avec hostilité [6]. »

Trotsky se lève vers sept heures trente et se rend à son bureau pour y être présent à neuf heures exactement. La plupart du temps, il revient déjeuner au Kremlin vers une heure trente et s'accorde un repos allongé de trois quarts d'heure au plus au milieu des siens avec lesquels il se détend. C'est l'heure à laquelle ses filles viennent le voir – pendant qu'elles habitent à Moscou –, et elles protestent vivement contre le refus du père d'aborder à ce moment et dans ce cadre les questions politiques. Selon le témoignage de Natalia Ivanovna, il n'eut réellement jamais le temps de raconter ses voyages et ce qu'il avait vu. Mais il aimait parler des hommes, de leurs caractéristiques, de leurs qualités plus que de leurs défauts.

Trotsky ne fume pas – sans doute depuis la révolution, puisqu'il fumait encore dans son exil espagnol. Il proteste contre les fumeurs – son ami Rakovsky en est un, invétéré – et ce qu'il appelle leur « saleté », les cendres sur leurs vêtements, les mégots qu'ils écrasent ou non, n'importe où, sans se préoccuper des traces qu'ils laissent. Il ne boit d'alcool que dans des circonstances exceptionnelles et pour honorer un hôte. Réunions ou travail, sa journée se termine entre minuit et deux heures du matin. Avec ses camarades de la direction, il a des rapports cordiaux de bonne camaraderie, mais pas de relations mondaines, visites ou réceptions. En 1938 encore, il parle avec indignation d'une réception chez Kamenev, en 1920, dans le « corridor blanc », à l'occasion d'un Noël ou d'un Nouvel An, qui lui parut le comble du conformisme néo-bourgeois et qu'il quitta en claquant la porte [7]. Il a le sens de l'humour, mais abhorre la vulgarité – les anecdotes, souvent graveleuses, de Radek, par exemple – et se montre plutôt pudibond dans son langage et son comportement. Il est très sensible à la personnalité comme à la beauté féminines, ainsi que le montrent les qualificatifs qu'il utilise pour célébrer la magnifique Larissa Reissner : « Pallas de la Révolution », « belle jeune femme qui avait ébloui bien des hommes », « brûlant météore », « déesse olympienne » [8]. Sur cette question, Max Eastman écrit en 1925 :

« J'imagine qu'il y a eu suffisamment d'idylles dans la vie de Trotsky pour occuper un biographe réellement consciencieux pendant plusieurs années. Il semble qu'il ait peu à peu perdu cette méfiance cachée sous une certaine rudesse qui caractérisait ses rapports de garçon avec les filles – ou qu'il en ait gardé juste assez pour rendre son charme tout à fait fatal. Si l'on en juge par la réputation qu'il conserve dans l'esprit de ceux qui l'ont connu dans sa jeunesse, il appartenait à l'école d'Engels, pas à celle de Marx dans cet important domaine. Natalia Ivanovna est la meilleure et la plus chère amie de Trotsky, sa compagne de tous les jours. elle est la mère de ses fils ... Et, pour résumer nombre de choses qui ne sont pas l'affaire du biographe contemporain, Aleksandra Lvovna est aussi son amie [9]. »

J'avoue n'avoir pas creusé cet aspect de la vie de Trotsky, une fois établie son attitude générale. D'accord avec Van pour relever l'élément de flirt dans ses relations avec Clare Sheridan, perceptible dans les souvenirs de l'artiste britannique [10], j'aimerais seulement signaler une remarque de Silone :

« Il connaissait peu l'Italie où il n'avait fait que passer, mais il l'évoquait avec plaisir, car elle lui rappelait, comme il me le dit, "une belle amitié", les quelques mots d'italien qu'il connaissait étaient en effet gracieux et trahissaient une origine féminine [11]. »

Avec la fin de la guerre civile, Trotsky découvre la pêche et la chasse qui vont être, pendant le reste de sa vie, ses seules distractions réelles, son unique moyen de se détendre et de se reposer. C'est Mouralov qui l'a entraîné à la chasse, mais son vrai maître est un technicien auquel il a rendu hommage, Ivan Vassiliévitch Zaitsev, du village de Kolotchino, au bord de la Doubna et de marécages riches en gibier à plume [12]. Il passe aussi des heures à la pêche. Natalia Ivanovna raconte :

« Se trouver sur l'eau pâle, entre les roseaux à l'aube, en compagnie d'un vieux chasseur et guetter le canard sauvage ou tendre les filets ; gravir les pentes d'un bois glacé, grandiose, semé de moraines, pour finir par abattre un ours brun, c'était du vrai délassement et un contact revigorant avec la terre, l'eau, la neige, le vent... C'était aussi une sorte de combat et un temps de méditation [13]. »

On sait que c'est à la chasse dans les marais de Zabolotié qu'il contracta sa fameuse fièvre de 1923-1924. Sur ce point, qui constitue, aujourd'hui encore, le plus grand mystère de sa vie physique, Natalia Ivanovna donne un témoignage, qui est un constat d'ignorance :

« La capacité de travail de Lev Davidovitch fut toujours très grande, on pourrait même dire exceptionnelle. Il vivait littéralement sous pression, suivant à la fois vingt affaires, se documentant, étudiant, traitant de littérature, d'économie, de politique intérieure et internationale. Sa santé cependant commence à fléchir bizarrement ; il souffre de fièvres malignes qui l'affaiblissent, l'obligent assez souvent à garder le lit ou à se réfugier dans les maisons de repos du Caucase. Les médecins et notamment notre ami Gétié diagnostiquaient une variété de paludisme, mais ne dissimulaient pas la difficulté de formuler un diagnostic plus complet. Il semble bien que le tempérament nerveux, la sensibilité très vive, de Lev Davidovitch se manifestaient – contre sa forte volonté – par ces malaises pendant les périodes d'hypertension intellectuelle. Il avait auparavant souffert de troubles gastriques souvent à la veille d'intervenir dans des assemblées. Il ne devait jamais guérir des fièvres qui l'abattaient au cours des luttes [...]. Alité, il continuait à travailler, lisant, annotant et dictant [14] »

Clare Sheridan a sculpté, en octobre 1920, le buste de Trotsky. Elle ne l'a pas connu avant la révolution, mais se hasarde pourtant à suggérer une transformation et esquisse un portrait psychologique intéressant :

« Maintenant, il est devenu lui-même et a inconsciemment développé une nouvelle individualité. Il a les manières et l'aisance d'un homme né pour une grande position. Il est devenu un homme d'État, un gouvernant, un dirigeant. Même si Trotsky n'était pas Trotsky et si le monde n'avait jamais entendu parler de lui, on apprécierait encore son esprit très brillant. La raison pour laquelle j'ai trouvé son portrait beaucoup plus difficile à sculpter que je ne l'escomptais, tient à sa triple personnalité. C'est un homme très instruit, très cultivé ; c'est un homme politique ardent, déchaîné ; et il peut être un écolier rieur, espiègle, avec une fossette dans la joue. Ces trois êtres, je les ai vus successivement et j'ai eu à les faire converger dans mon interprétation en argile [15]. »

Natalia Ivanovna, elle aussi, travaille : elle assure au commissariat du peuple à l'Instruction publique la direction des musées et monuments historiques – domaine où elle est très compétente.

Les filles du premier mariage sont devenues des femmes, de jeunes mères de famille. Au début des années vingt, Zinaida (Zina, Zinouchka), qui dirigeait à seize ans le journal des Jeunesses communistes de Petrograd, est enseignante à Moscou. D'un premier mariage avec Zakharov, elle a une petite fille. Divorcée, remariée avec un autre enseignant, P.I. Volkov, elle a un petit garçon, Vsiévolod, né en 1926. Le couple part enseigner en Crimée. Nina, elle, s'est également mariée très jeune et son aîné, Lev, est né en 1920 alors qu'elle n'avait que dix-huit ans. Son mari, Man Nevelson, est à peine plus âgé. Mais ses connaissances et son caractère lui promettent un bel avenir. Il était lycéen quand il a rejoint le parti en 1917. Engagé en 1918 dans l'Armée rouge, il a gravi rapidement les échelons de la hiérarchie des commissaires: au milieu de 1920, lors de l'offensive contre la Pologne, il était chef du département politique de la 5° armée. Démobilisé à la fin de l'année, il a repris ses études, est devenu économiste. Ils ont eu un deuxième enfant. Nous ignorons à quelle date les deux jeunes femmes ont été frappées du mal terrible qui enleva prématurément tant de femmes et d'hommes de leur génération : toutes les deux sont tuberculeuses.

Trotsky est donc grand-père avant que son dernier fils ait atteint l'âge adulte ... De son mariage avec Natalia Ivanovna, il a eu deux garçons qui portent le nom de famille de leur mère. L'aîné est appelé Lev (Léon), comme son père, mais est pour tous Ljova. Le cadet, Sergéi, est pour tous Sérioja. La famille est unie, et les deux garçons y tiennent une grande place, mais les longues absences du père, les obligations professionnelles de la mère, n'en ont pas fait des enfants « couvés » et leur ont laissé une grande liberté et beaucoup d'initiative.

Ljova s'est vieilli d'une année pour pouvoir adhérer avant l'âge requis aux Jeunesses communistes, où il commence à militer avec les ouvriers boulangers. Il obtient plusieurs fois, alors qu'il n'a pas quatorze ans, l'autorisation d'accompagner son père au front, et il est à ses côtés sur le front polonais, en veste de cuir, lui aussi [16]. Il n'a pas seize ans qu'il refuse de monter dans l'auto de fonction de son père, pour manifester son refus personnel d'un privilège. Il quitte l'appartement du Kremlin pour aller vivre dans le foyer des étudiants prolétariens, puis dans une « commune » au goût des jeunes communistes de l'époque. Après ses études secondaires, étudiant à l'Institut technique supérieur de Moscou, fasciné autant par les mathématiques pures que par le métier d'ingénieur, il participe à tous les travaux volontaires : « Samedis communistes », liquidation de l'analphabétisme, répétitions pour ses camarades sortis de la Rabfak. Il a la passion de la politique, s'est jeté en 1923 dans les activités de l'Opposition ; il est, avec sa camarade Nina Vorovskaia, fille d'un vieux-bolchevik assassiné par un blanc, l'un de ses organisateurs dans les J.C. Il s'est marié très jeune avec Anna, jeune et belle ouvrière moscovite et ils ont un fils, né en 1926, appelé Lev comme son père, son grand-père et son cousin.

Sérioja est doué, lui aussi, d'une grande intelligence et d'une force de caractère peu commune. Porté vers la musique et la littérature dés l'enfance, il se tourne à l'adolescence vers les mathématiques et la technique. Il reste féru de sport et, quittant, lui aussi, la famille, va vivre et travailler dans un cirque, avant d'entreprendre des études supérieures. Il n'a jamais voulu adhérer aux Jeunesses et a fortiori au parti, ne parle jamais de problèmes politiques. Résolument apolitique, il est pourtant profondément solidaire de son père, mais au plan personnel seulement.

Trotsky n'a plus ses parents. On se souvient de la mort de sa mère au temps de l'exil à Vienne. Il a revu son père au début de la guerre civile. Natalia Ivanovna raconte :

« C'est au début de notre séjour au Kremlin que le père de Trotsky arriva à Moscou. Le vieil homme, soudain ruiné par la révolution, soixante-dix ans, avait quitté son village de Yanovka, franchi à pied quelque deux cents kilomètres entre Kherson et Odessa, à travers un pays dangereux. Plusieurs fois interrogé sur les routes par des groupes de partisans, il avait failli se faire écharper. Pour les rouges, qui ne connaissaient que le nom de Trotsky, le vieillard était un bourgeois-paysan, un koulak. Les blancs reconnaissaient en lui le père de l'exécrable Juif Bronstein-Trotsky. Père et fils se revirent avec affection. Il nous conta qu'on lui avait tout pris et que, du reste, il avait tout abandonné de bon gré à la révolution: terres, constructions, chevaux, bétail. Son sens de l'équité le rendait favorable à la cause populaire. Le rôle que jouait son fils l'enorgueillissait peut-être, mais il n'en laissa rien paraître. Il dit avec un petit éclair de malice dans les yeux quelque chose comme ceci: "Les pères travaillent, travaillent, pour acquérir quelque aisance pour leurs vieux jours; et puis les fils font la révolution..." Il reçut du travail dans une exploitation agricole nationalisée. Il s'y montra capable. Il y mourut à la tâche, vers 1922, pas loin de ses soixante-quinze ans [17] [a]. »

Il faut ajouter au cercle familial celle que Victor Serge appelle la « babouchka » (la grand-mère) Aleksandra Lvovna Sokolovskaja, la première femme de Trotsky, mère de Zinaida et de Nina, grand-mère de quatre de ses petits-enfants, aimant tendrement d'amour maternel les deux garçons de Natalia Ivanovna. Elle réside normalement à Léningrad mais demeure toujours très proche : ne garde-t-elle pas souvent les petits-enfants ? Il ne semble pas que d'autres membres de la famille aient compté : Olga, la sœur de Trotsky, de quatre ans plus jeune que lui, mariée à L.B. Kamenev, n'est pas particulièrement proche ; frères ou sœurs, cousins, ne sont pas mentionnés dans les travaux consacrés à Trotsky, à l'exception du cousin Spenzer auquel il a envoyé Eastman à la recherche de documentation sur sa jeunesse.


Évoquant l'entourage de la deuxième partie des années vingt à Moscou, Natalia Ivanovna écrit :

« On reprochait couramment à Lev Davidovitch un certain manque de sociabilité. Le fait est qu'il ne tutoyait personne, que nous ne faisions ni ne recevions de visites – faute de temps, tout d'abord –, qu'il n'allait que rarement au théâtre, bref que le cercle de nos relations personnelles était étroit et conditionné par le travail ou la lutte politique [18]. »

De fait, le nouveau rythme de la vie politique, la force même du combat font que, pour la première fois, Trotsky n'apparaît plus comme un homme seul. Il n'existe certes pas de « trotskystes » comme s'acharnent à le répéter les apparatchiki, mais il y a incontestablement des fidèles de Trotsky, des amis, des camarades, vieux et jeunes.

Le plus ancien de tous est sans doute celui qui est alors le plus éloigné géographiquement. Kristian Georgévitch Rakovsky [19], qui le connaît depuis 1903, est son ami depuis l'immédiat avant-guerre et le séjour de Trotsky en Roumanie au temps de la seconde guerre balkanique. C'est un personnage extraordinaire que ce fils de riches propriétaires, devenu révolutionnaire dans l'enfance, et qui a milité au premier rang dans plusieurs partis socialistes – sans oublier le parti français – avant la guerre. Après avoir joué pendant la Première Guerre mondiale un rôle déterminant dans l'organisation de la conférence de Zimmerwald, il a collaboré à Naché Slovo et l'a probablement financé. Jeté en prison par la réaction roumaine, libéré par la révolution russe, il a guerroyé, dirigé l'administration politique de l'Armée rouge, présidé le conseil des commissaires du peuple d'Ukraine. Il s'est dressé, parmi les premiers, contre la politique de russification des minorités menée par Staline. En 1923, il a été envoyé comme ambassadeur à Londres, un véritable exil, par lequel on cherchait à le couper de l'Opposition et de l'énorme influence dont il dispose en Ukraine.

En 1925, il est affecté à Paris où le cercle de ses amis personnels est celui même des Trotsky, Alfred et Marguerite Rosmer en tête. Trotsky l'a-t-il souvent rencontré en cette période ? On peut le supposer. En avance sur son temps et, comme tous les bolcheviks, passionné de techniques avancées, Rakovsky n'hésite pas à utiliser l'avion pour de brefs voyages à Moscou où il est impensable qu'il ne rencontre pas son ami. Ce dernier mentionne, presque par hasard, un voyage aérien de Rakovsky et I.N. Smirnov, venus le visiter au printemps 1924 à Soukhoum – un geste du secrétaire de l'exécutif des soviets, Enoukidzé, qui rendit ce voyage possible [20]. Nous savons aussi qu'en 1927, Natalia Ivanovna séjourna à Paris, de mars à octobre dans l'appartement des Rakovsky, voyagea en France avec eux et fit une cure à La Bourboule [21].

Rakovsky est un ami à la dimension de Trotsky. Il continue à se distinguer par son immense culture, son charme irrésistible, sa compétence universelle, sa bienveillance et sa serviabilité, sa constante bonne humeur, son sang-froid et son courage à toute épreuve. Il est alors, sans aucune discussion possible, le plus éminent des diplomates soviétiques, et ce n'est pas sans raison que tous les anticommunistes de France lui vouent une haine irréconciliable et réussissent même en 1927 à le faire déclarer persona non grata.

Il est resté un pur et, dans le voyage de retour qu'ils font dans le même wagon, le fils de paysans Panait Istrati découvre avec stupeur que l'ambassadeur porte sous son frac des chemises élimées ou rapiécées [22]. « Rako » est, pour Trotsky, l'Ami dans toute l'acception du terme.

Nikolai Ivanovitch Mouralov [23] est un tout autre type d'homme. Cet agronome de stature impressionnante et à la grosse moustache, fils de paysans, est entré au parti au début de 1903, s'est distingué par son courage en 1905 en se frayant, les armes à la main, un chemin dans la foule surexcitée des pogromistes Cent-Noirs, a fait de la prison, animé une auberge populaire – centre d'éducation. Dirigeant de la section des soldats du soviet de Moscou, il y est membre du comité militaire révolutionnaire. Il a été nommé ensuite commandant de la région militaire de Moscou, poste auquel il est revenu en 1921, après des commandements à l'est et dans la 12° armée, il devient également inspecteur général de l'Armée rouge. Il est lié à Trotsky depuis 1918 et a été, en 1923, l'un des signataires de la déclaration des Quarante-six. Il est très différent de Trotsky, sait rire bruyamment, jurer à l'occasion, tranche, par sa jovialité, sur la raideur de son ami qu'il a entraîné, pour son plus grand bien, dans les parties de chasse et de pêche.

Ivan Nikititch Smirnov [24] est de la même génération que Mouralov. Ce fils de paysan a été cheminot, puis ouvrier d'usine, mécanicien de précision. Il a derrière lui des années de prison et d'exil. Il est surtout connu pour le rôle qu'il a joué dans la soviétisation de l'Extrême-Orient soviétique, à partir de 1920, qui lui a valu d'être surnommé « le Lénine de la Sibérie ». Mais c'est à Sviajsk, devant Kazan, que Trotsky et lui se sont connus. Là, dans les épouvantables conditions que l'on sait, son courage tranquille, ses exigences sans limites à l'égard de lui-même, sa sérénité et sa lucidité lui ont valu d'être surnommé « la conscience du parti  ». De lui, Larissa Reissner, qui n'était pas facilement impressionnable écrit que l'on sentait qu'« au pire moment, il serait le plus fort et le plus dénué de peur » et qu'il avait été devant Kazan « le critère moral suprême et la conscience communiste [25] ». Victor Serge résumera plus tard sa personnalité en écrivant qu'il « incarnait, sans gestes ni phrases, l'idéalisme du parti [26] ». Il est devenu commissaire aux P.T.T. en 1923 et le restera jusqu'en 1927. Natalia Ivanovna se souvient de lui, « grand, mince, avec un visage aux traits fins, des lunettes, blond, bienveillant et travailleur [27] ». Il était avec Rakovsky, en 1924, dans la petite escapade aérienne à Soukhoum.

A.A. Joffé [28], « grand malade d'aspect imposant, au visage assyrien, esprit indépendant et incorruptible [29] », écrit Natalia Ivanovna, est, comme Rakovsky, un ami de l'avant-guerre. Ils se sont connus à Vienne, où il était l'ami et le mécène, l'homme de la liaison de la Pravda avec la Russie. C'est lui qui a ouvert à Trotsky l'univers viennois de la psychanalyse, la maison d'Alfred et Raïssa Adler. Il a été l'un des grands diplomates de la Russie révolutionnaire, ambassadeur en Allemagne, en Chine, en Autriche. Pendant toutes ces années, il est rarement à Moscou, mais lorsqu'il y est, avec sa toute jeune femme, Maria Mikhailovna, il rencontre longuement Trotsky qui aime à l'interroger, à l'écouter, apprendre de lui. A partir de 1925, les deux hommes sont de nouveau très proches dans le travail, puisqu'il est devenu l'adjoint de Trotsky à la commission des concessions.

C'est là le cercle étroit des amis intimes, ceux de l'exil, puis de la guerre civile. Mais, au-delà, il y a un cercle plus large, d'autres qui, pour n'être pas des amis au sens le plus étroit du terme, n'en sont pas moins des camarades très chers et qui entretiennent avec Trotsky ou Natalia Ivanovna des relations affectueuses.

E.A. Préobrajensky [30] a trente et un ans en 1917 et pourtant c'est un vieux-bolchevik, entré au parti en 1905, qui a participé à l'insurrection de Moscou. Il a derrière lui des années de prison et d'exil en Sibérie, a milité en 1917 dans l'Oural avant de venir à Moscou travailler à la Pravda. Communiste de gauche en 1918, secrétaire du parti en 1920-1921, porte-parole de l'opposition des Quarante-six en 1923 et à la XIII° conférence, il s'est ensuite quelque peu spécialisé dans les questions économiques. C'est aussi un chasseur passionné qui a souvent partagé avec Trotsky ses instants de détente dans la chasse aux canards sauvages. Il a écrit des études savantes comme des ouvrages de vulgarisation. Sa compagne, Paulina S. Vinogradskaia, sociologue et spécialiste de la question « féminine », est, elle aussi, proche des Trotsky.

L.S. Sosnovsky [31] a vingt-sept ans en 1917. Il a commencé à distribuer l'Iskra à treize ans. Il a émigré après la révolution de 1905, assisté à Amiens au congrès de la C.G.T. qui a adopté la fameuse Charte. Il est allé plusieurs fois en prison, mais, dans l'intervalle, s'est affirmé comme l'un des meilleurs journalistes du Parti bolchevique. Il est à la Pravda, considéré comme le meilleur journaliste soviétique de son époque et respecté comme tel. Sa plume acérée le fait, dans les débuts du régime, redouter des puissants. Ses billets dans l'organe central du parti savent trouver le trait qui dénonce et disqualifie le bureaucrate. Pendant plusieurs années, il a été rédacteur en chef du journal paysan Bednota et ne ménage pas les koulaks. Natalia Ivanovna parle de son intrépidité.

Dans le cercle des proches, il y a aussi les anciens de l'Armée rouge, ceux des heures les plus difficiles de la guerre civile. Le Letton Karl Ivanovitch Grünstein est un ancien bagnard et un ancien de Sviajsk. Ce bolchevik de 1904 a été commissaire politique, notamment de la 5e armée, puis, a commandé une division. Pendant des années, il commande l'Ecole de l'Air, qui forme les cadres de l'aviation rouge ; il préside en même temps aux destinées de la Société des anciens forçats prisonniers politiques, dont il est le secrétaire actif. Sa femme, Revecca Ashkenazi, militante aussi, est également liée aux Trotsky.

V.D. Kasparova, née Djvadovka, communiste d'origine tatar, est entrée dans le parti à dix-neuf ans, en 1904. D'abord commissaire politique dans l'Armée rouge pendant la guerre civile, elle est devenue secrétaire du bureau pan-russe de leur organisation et, à ce titre, une proche collaboratrice du commissaire du peuple à la Guerre. Après la guerre civile, elle est passée à l'Internationale communiste et a dirigé la section « Orient » de son secrétariat féminin, y devenant spécialiste de la « question féminine » en Orient.

Parmi les relations cordiales, Natalia Ivanovna mentionne également L.P. Sérébriakov, un ancien ouvrier qui a été secrétaire du parti, homme de masse à l'esprit conciliateur [32]; N. V. Krestinsky [33], dont on a fait un ambassadeur à Berlin pour l'éloigner, lui aussi ancien secrétaire du parti ; sa femme, une vieille militante ; V.A. Antonov-Ovseenko [34], révoqué en 1923 de son poste à la tête de l'administration politique de l'Armée rouge, affecté ensuite dans la diplomatie, ancien de Naché Slovo, hostile en 1926 à l'alliance avec Zinoviev ; l'écrivain et critique littéraire A.K. Voronsky, le directeur de la revue Krasnaia Nov'.

Il faut faire une place à part à Radek [35] dont l'esprit, souvent étincelant et parfois douteux, ne plaisait pas toujours à Trotsky, qui appréciait pourtant ses capacités intellectuelles, son art de saisir le concret, de trouver la bonne formule, son talent de journaliste et de vulgarisateur. A partir de 1925, il est doyen de l'Université Sun Yat-sen à Moscou, vit avec Larissa Reissner, qui a été commissaire politique de la flottille de la Volga. On raconte qu'il réussit à la troubler en lui assurant que Trotsky souhaitait lui faire un enfant, car elle était la plus belle et lui le plus intelligent...

L.G. « Iouri », Piatakov [36], plus jeune de presque une génération – onze ans de moins –  est considéré comme l'un des hommes les plus intelligents du parti ; mais c'est aussi un dirigeant, l'un des six mentionnés dans le « Testament », qui a été un combattant d'un tranquille courage, héros de la guerre civile en Ukraine. Economiste et administrateur, il est parti en 1923, sous le pseudonyme d'Arvid, dans la « commission allemande » en Allemagne, avec Radek. On dit qu'au cours de la discussion sur le « cours nouveau » en 1923, il a obtenu la majorité dans toutes les cellules où il a représenté l'Opposition. On sait qu'il a longtemps pressé Trotsky de « modifier » son caractère, de se montrer « plus sociable » afin de n'être pas accusé d'être hautain et dédaigneux [37]. Mais Trotsky ne savait pas comment faire ce qu'il lui demandait et n'en comprenait sans doute pas la nécessité. Avec les années, il devient toujours plus pessimiste et ne reste dans l'Opposition que par fidélité personnelle.

L'ancien ouvrier A.G. Beloborodov, l'homme qui a appliqué en 1918 la décision d'exécuter le tsar et sa famille, est ministre de l'intérieur de la R.S.F.S.R., et Trotsky l'apprécie beaucoup. Sa femme, Faina Viktorovna lablonskaia, professeur d'histoire de la Russie à l'Institut du journalisme, est une vieille amie personnelle de Natalia Ivanovna [38]. Tous deux accueilleront en 1927 le couple, lors de son départ précipité du Kremlin. On peut mentionner aussi S.V. Mratchkovsky, né en prison de père et mère prisonniers politiques, bolchevik en 1903, chef de partisans contre Koltchak, commandant militaire dans l'Oural après la guerre civile, secrétaire de l'Opposition en 1927, et sa compagne, l'ancienne tchékiste Nadejda Ostrovskaia. Il y a aussi B.M. Eltsine, vieux militant de l'Oural, auteur d'un remarquable Dictionnaire politique, et dont le fils, Viktor Borissovitch, est l'un des secrétaires de Trotsky.

Ces gens sont des personnages connus du Gotha bolchevique. Mais, dans l'univers affectif de la famille, il en est d'autres, moins connus, plus proches dans la vie quotidienne, un peu plus distants du fait de la différence d'âge. Ce sont les collaborateurs de Trotsky depuis 1917 et 1918, auxquels il est profondément attaché. On sent dans Ma Vie l'affection et l'estime exceptionnelles qu'il éprouva pour E.M. Skliansky, jeune médecin militaire, devenu, à moins de trente ans, son adjoint à la Guerre et qu'il appela « le Carnot soviétique ». Ecarté en 1924, nommé à la tête de l'industrie textile, il rencontra Trotsky pour la dernière fois en 1925, à la veille d'un voyage aux Etats-Unis au cours duquel il allait se noyer, peut-être accidentellement, dans un lac au cours d'une sortie [b] [39]. Le secrétariat du parti refuse d'accueillir dans le mur du Kremlin l'urne contenant ses cendres et l'envoie dans un cimetière de banlieue [40]. Trotsky se souviendra de ces représailles qui lui rappellent le refus de la Pravda de publier la nécrologie de Glazman [41].

la. G. Blumkine, l'ancien s.r. assassin de l'ambassadeur allemand en 1918, converti au bolchevisme en prison par Trotsky, a travaillé dans son secrétariat avant de devenir l'un des meilleurs spécialistes soviétiques du renseignement. Rosmer l'a rencontré loin de chez Trotsky, auquel il demeure totalement dévoué, bien que leurs rencontres soient rares [42]. Les camarades de la guerre civile, les « hommes du train », G.V. Boutov, N.M. Sermouks, I.M. Poznansky et N.V. Netchaiev, sont toujours là. Sermouks accompagne même Trotsky en Allemagne en 1926 avec un mandat du G.P.U., pour veiller à sa sécurité pendant ce séjour hospitalier.

Des nouveaux apparaissent. Viktor Borissovitch Eltsine était lycéen quand il est entré au parti en 1917 ; il a été commissaire politique dans l'Armée rouge, au niveau d'une division. Diplômé de l'Institut des professeurs rouges, il a travaillé à l'édition des Œuvres, après la défection de Lentsner. Trotsky a trouvé d'autres jeunes collaborateurs, vieux révolutionnaires et jeunes « professeurs rouges ». Ce sont E.B. Solntsev, historien et économiste, très tôt exilé dans les missions commerciales – car l'appareil le redoute comme adversaire –, Grigori Stopalov, ancien militant clandestin, à vingt ans, contre Denikine, devenu professeur rouge et collaborateur des Œuvres.

Nous possédons de ces hommes des photographies préservées dans les papiers de Harvard ou Hoover, et de brefs portraits tracés par Natalia Ivanovna ou d'autres : Sermouks était un homme aux cheveux blond roux et au visage fin, Poznansky « un beau brun, bien bâti, passionné de musique et de jeu d'échecs ». Boutov était « petit et pâle », avait « les yeux gris ». Nous savons que Trotsky ne les rencontrait jamais qu'à la tâche, qu'ils lui étaient attachés jusqu'à la mort, qu'il les estimait et les aimait.

Ces hommes constituaient-ils, comme Staline et les siens les en ont accusés à tous les vents, une « fraction », c'est-à-dire un groupement illégal à l'intérieur du parti, ayant sa discipline propre ? La question est aussi absurde que la plupart des questions de type policier. Les hommes que nous venons d'énumérer ici étaient pour la plupart de vieux-bolcheviks liés à Trotsky à un moment ou un autre de leur vie militante. Tous s'étaient retrouvés d'accord avec lui, sinon dans la « question syndicale  », du moins dans la discussion sur le « cours nouveau  » et avaient constitué en quelque sorte l'encadrement des Quarante-six. Parmi eux, Préobrajensky, Piatakov et, dans une certaine mesure, Radek, avaient été, en l'absence de Trotsky, les porte-parole de l'Opposition de 1923 dans le débat précédant la XIIIe conférence. Sur le problème de la démocratie de parti, de l'omnipotence de l'appareil, sur la politique économique, sur la tactique de l'Internationale communiste, ces hommes, avec des nuances, bien sûr, étaient avec Trotsky, épousaient ses analyses, suivaient l'actualité de son point de vue. Seul le malaise dans un parti dominé par la hiérarchie de ses secrétaires pouvait qualifier de « fraction », voire de « groupement », la constellation et le réseau – dont elle était le centre – d'amis et de partisans des analyses de Trotsky, car l'un et l'autre étaient l'expression d'un problème politique que la discussion de 1923 n'avait pas réglé et qui n'allait cesser de se poser en termes sans cesse aggravés.

Mais il n'est pas possible non plus de dénier toute existence politique aux amis de Trotsky dont les hommes mentionnés plus haut, amis et proches camarades, étaient en fait les dirigeants. Vieuxbolcheviks de l'Armée rouge, hauts fonctionnaires ou administrateurs, jeunes professeurs rouges et ouvriers d'usine, ces hommes n'avaient pas en commun des intérêts personnels et ne constituaient pas par conséquent une clique. Ils avaient en commun une analyse politique et constituaient donc un courant politique, une tendance à l'intérieur du parti. Le régime interne imposé à ce dernier faisait de la moindre rencontre entre eux, de la moindre réunion hors du cadre du parti dans laquelle ils se retrouvaient à plusieurs une initiative « fractionnelle » passible de sévères sanctions disciplinaires. On peut en conclure, non sans raison, que la condamnation des fractions sous le prétexte de la chasse à l'ennemi intérieur conduisait inéluctablement à la constitution des courants en tendances et des tendances en fractions et que la fameuse « scission » si redoutée avec l'éventuelle naissance d'un «deuxième parti » était en réalité le résultat direct de la répression imposée au parti par ses nouveaux maîtres de l'appareil.

L'historien se doit cependant de souligner les caractères originaux des hommes ainsi réunis derrière Trotsky. Vieux militants – car ils comptent dans leurs rangs pas mal d'anciens qui ne sont pas au sens strict de « vieux-bolcheviks », tout en étant, comme Trotsky et Rakovsky, de vieux révolutionnaires –, ce sont généralement des hommes aux qualités intellectuelles et morales éminentes. Ce ne sont pas des hommes d'appareil, mais des militants de masse. Ils ont connu la clandestinité et la prison, mais aussi l'émigration et les vastes horizons du mouvement international. Moins fonctionnaires que meneurs d'hommes, plus tribuns ou agitateurs qu'administrateurs, plus écrivains que rédacteurs de circulaires. Ils sont au pouvoir et mesurent les dangers de corruption qui les guettent. Ils croient encore à la révolution mondiale, à l'avenir socialiste de l'humanité tout entière. Ils croient dans la force des idées, dans la fécondité de leurs confrontations, dans la conviction qui naît de ce combat. Ils ont confiance dans leur parti, qu'ils veulent reprendre à son appareil, pour lui rendre sa pureté des années de son combat révolutionnaire.

Les hommes comme Manouilsky qui, au même moment, présentent comme un modèle du bolchevisme le militant qui se comporte en « soldat discipliné, les mains sur la couture du pantalon, appliquent toutes les décisions », qualifient de « trotskysme » cette conception du bolchevisme ... Ceux qui s'intitulent fièrement eux-mêmes « bolcheviks », et « léninistes » et nient l'existence du « trotskysme », sont pourtant traités de « trotskystes » et persécutés en tant que tels.

Références

[a] Dans son article « On refait un visage au petit Judas », Sovietskaia Rossia. 27 septembre 1987, le docteur en sciences historiques V.M. Ivanov écrit : « En 1917, la fortune du père de Trotsky s'élève à près d'un million [de roubles]. Quand la révolution éclate, le fils aide le père à "faire son beurre" dans la capitale en proie à la famine. » Mais Angelica Balabanova raconte que Trotsky n'avait même pas pu procurer à son père une paire de souliers.

[b] Bajanov assure que l'accident qui coûta la vie à Skliansky fut préparé et exécuté par les services et, plus précisément, Iagoda.

Notes

[1] L'ouvrage de base pour les autres personnes que Trotsky utilisé ici est le livre de G. Haupt et J. J. Marie, Les Bolcheviks par eux-mêmes. Paris, 1968, où les traductions des notices biographiques de l'Encyclopédie Granat sont complétées et « mises à jour ».

[2] V. Serge, M.V., I, p. 95.

[3] Trotsky, « Derrière les Murs du kremlin », Œuvres, t. 16, p. 48.

[4] Ibidem, pp. 48-49.

[5] Rosmer, Moscou sous Lénine, pp. 63-64.

[6] Victor Serge, V.M., I, pp. 138-139.

[7] « Derrière les Murs… » op. cit., p. 47.

[8] M.V., III,  pp. 224-225.

[9] Max Eastman, The Young Trotsky (ci-après Y.T.), p. 77.

[10] Clare Sheridan, Russian Portraits, traduction française, Cahiers Léon Trotsky, n° 2, 1979, pp. 53-64.

[11] Ignazio Silone, Sortie de Service, Paris, 1966, p. 103.

[12] M.V., III, pp. 107-108.

[13] V. Serge, V.M., I, p. 141.

[14] Ibidem,  p. 140.

[15] Clare Sheridan, op. cit., p. 64.

[16] A. Barmine, op. cit., p. 113.

[17] V. Serge, V.M., I, pp. 96-97.

[18] Ibidem, p. 140.

[19] P. Broué, « Rako.», Cahiers Léon Trotsky, n° 17, 1984, pp. 7-35, & n° 18, 1984, pp. 3-21.

[20] Trotsky, « Derrière… », op. cit., p. 56.

[21] Dossier Rakovsky-Insarov, ministère de l'Intérieur, Paris.

[22] Panaït Istrati, Vers l'autre flamme, Paris, 1980, p. 66.

[23] Haupt et Marie, op. cit., pp. 164-168.

[24] Ibidem. pp. 215-218.

[25] Larissa Reissner, op. cit., p. 56.

[26] V. Serge, M.R., p. 257.

[27] V. Serge, V.M., I, p. 142.

[28] Haupt & Marie, op. cit., pp. 306-311.

[29] V. Serge, V.M., I, p. 142.

[30] Haupt & Marie, op. cit., pp. 181-197.

[31] Ibidem, pp. 232-233.

[32] Ibidem, pp. 198-200.

[33] Ibidem, pp. 147-150.

[34] Ibidem, pp. 259-265.

[35] Ibidem, pp. 321-343.

[36] Ibidem. pp. 174-179.

[37] V. Serge, V.M., I,, p. 142.

[38] Maria Joffé a raconté sa mort, op. cit., p. 14. Voir également Mémoires d'un bolchevik-léniniste, Paris, 1970, p. 21.

[39] Bajanov, op. cit., p. 74, assure que l'« accident » qui coûta la vie à Skliansky fut préparé et exécuté par les services dirigés par Iagoda.

[40] M.V., III,  p. 246.

[41] Cf. supra.

[42] A. Rosmer. Moscou …, pp. 129-130.

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