1965

"(...) de toute l'histoire antérieure du mouvement ouvrier, des enseignements de toute cette première période des guerres et des révolutions, de 1914 à 1938, analysés scientifiquement, est né le programme de transition sur lequel fut fondée la IV° Internationale. (...) Il est impossible de reconstruire une Internationale révolutionnaire et ses sections sans adopter le programme de fondation de la IV° Internationale comme base programmatique, au sens que lui conférait Trotsky dans la critique du programme de l'I.C. : définissant la stratégie et la tactique de la révolution prolétarienne."


Stéphane Just

Défense du trotskysme (1)


1

Le stalinisme et la IV° Internationale

Depuis des décennies, le mouvement ouvrier mondial semblait stratifié. A l'échelle internationale, réformistes et staliniens se partageaient le contrôle de la classe ouvrière. De temps à autre apparaissaient des courants s'orientant vers une politique révolutionnaire; mais, le plus souvent pour ne pas avoir rompu le cordon ombilical qui les reliait au stalinisme ou au réformisme, ils se décomposaient et disparaissaient rapidement. Seules ont survécu durablement les organisations trotskystes basées sur le programme de transition adopté par la IV° Internationale à sa conférence de fondation en 1938.

Cependant la IV° Internationale elle-même ne parvenait pas à s'implanter profondément dans la classe ouvrière en tant qu'orga­nisation mondiale. Elle était déchirée par des crises profondes qui remettaient en question son existence même. Celle qui prit naissance au cours des années 50 devait aboutir à sa destruction, en tant qu'organisation politiquement centralisée et intervenant comme un tout.

La fiction d'un « congrès mondial de réunification » tenu sous l'égide du prétendu «  Secrétariat International » à Rome en 1963, s'est vite écroulée. Pablo, ex-secrétaire général de ce « S.I. », qui fut pendant plus de quinze années son dirigeant incontestable, sa tête «  théorique » et politique, a été suspendu de ce prétendu « S.I. » ; le « Lanka Sama Samaya Party » de Ceylan, seul parti ayant une influence de masse qui adhérait au «  S.I.  », a également été l'objet de mesures de suspension prises à l'encontre de la majorité de sa direction par le « S.I. ». Pablo, non content de voir dans l'état de Ben Bella un état ouvrier, attribuait aux dirigeants petits-bourgeois des pays ex-coloniaux le rôle de dirigeants de la révolution prolétarienne mondiale. En ce qui concerne les dirigeants de la majorité du «  L.S.S.P. », leur suspension a été prononcée à la suite de leur participation au gouvernement ceylanais de Mme Bandaranaike, leader du Sri Lanka Freedom Party, l'un des plus importants partis bourgeois de ce pays. Les positions prises par Pablo, comme celles prises par le L.S.S.P., sont des manifestations ultimes de l'orientation liquidatrice qui est apparue dès 1951 au sein de la IV° Internationale. Elles consacrent l'imposture que fut le prétendu « congrès mondial de réunification ». Le « S.I. » n'est plus qu'une fiction. La IV° Internationale n'a pas réussi à se construire jusqu'ici.

Cependant, c'est précisément au moment où se décompose le « S.I. » que se développent au sein du mouvement ouvrier international de nouveaux rapports. Depuis plus de trente ans, le monolithisme des partis subordonnés à la bureaucratie du Kremlin bloquait tout nouveau développement important à l'intérieur du mouvement ouvrier international. Ces partis monopolisaient une large fraction de la classe ouvrière, et la subordonnaient aux intérêts de la bureaucratie du Kremlin, en identifiant celle-ci à la révolution d'Octobre. Aux yeux de millions et de millions de prolétaires, l'Internationale communiste, en dépit de sa dissolution par Staline au printemps de 1943, apparaissait comme le centre dirigeant de la révolution mondiale. Même si la politique des partis communistes entrait en contradiction flagrante avec les intérêts immédiats des travailleurs de tel ou tel pays, des centaines de milliers de militants acceptaient de sacrifier les intérêts de leur propre classe au nom, pensaient-ils, des intérêts supérieurs du communisme dont le Kremlin leur semblait le dépositaire, c'est-à-dire au nom de ce qu'ils croyaient être les intérêts historiques du prolétariat mondial.

En même temps, d'autres millions de prolétaires étaient rejetés dans les filets de la social-démocratie pour des raisons symétriques. Dans la mesure où les crimes du stalinisme étaient identifiés par eux à la révolution d'Octobre, au communisme, ils faisaient oublier à d'autres centaines de milliers de militants ouvriers les crimes de la social-démocratie. Les trahisons multiples de la social-démocratie trouvaient auprès d'eux leur justification dans l'horreur que leur inspirait le stalinisme.


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