1971

"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale."


Stéphane Just

Défense du trotskysme (2)

4

Hégémonie du prolétariat, Front Unique Ouvrier, question du pouvoir


Le dilemme : dictature du prolétariat ou barbarie fasciste.

Toute lutte de classe exacerbée soulève la question du pouvoir politique. La crise conjointe de l'impérialisme et de la bureaucratie du Kremlin ne laisse d'autre alternative à la classe ouvrière que celle ci : ou, après une période plus ou moins longue de convulsions sociales et politiques, être politiquement broyée, subir le talon de fer de régimes politiques bourgeois, incarnations de la barbarie ; ou s'emparer du pouvoir, établir la dictature du prolétariat, par la destruction de l'Etat bourgeois et la construction de l'Etat ouvrier. Par le système clair et souple des soviets, le prolétariat exerce démocratiquement le pouvoir. Il s'organise, se centralise comme classe. Il assure son hégémonie politique et la démocratie prolétarienne. Tirant les leçons de la révolution russe, Lénine écrivait :

« L'histoire a joué ce bon tour que les soviets sont nés en Russie en 1905, qu'ils ont été falsifiés en février octobre 17 par les mencheviks, lesquels firent banqueroute pour n'avoir pas su comprendre le rôle et la signification des soviets, et que l'idée du pouvoir des soviets, née dans le monde entier, se répand maintenant avec une rapidité prodigieuse dans le prolétariat de tous les pays, tandis que les anciens chefs de la Ile Internationale font partout banqueroute à leur tour, exactement comme les mencheviks, pour n'avoir pas su comprendre le rôle et la signification des soviets... L'expérience a prouvé que, dans certaines questions de la révolution, tous les pays passeront inévitablement par où a passé la Russie. » (La Maladie infantile du communisme : le gauchisme).

Pour asseoir son pouvoir, la bureaucratie du Kremlin dut détruire les soviets, comme elle a dû détruire le parti bolchevique et la III° Internationale. L'expérience de la marche de la révolution politique contre les bureaucraties parasitaires, en Hongrie, en Tchécoslovaquie, en Pologne, a démontré que les travailleurs tendaient à reconstruire les conseils ouvriers, ossature du système soviétique. Mais même les conseils ouvriers peuvent être vidés de contenu s'ils ne se centralisent pas, n'organisent pas la lutte pour le pouvoir. Les mencheviks tentèrent de réaliser cette opération en Russie. Ils échouèrent grâce au Parti bolchevique. En Allemagne, en 1918 19, la social démocratie parvint à liquider les conseils ouvriers en en prenant le contrôle. Le gouvernement des chiens sanglants Noske et Ebert poussa l'astuce contre révolutionnaire jusqu'à s'intituler : conseil des commissaires du peuple. Bien d'autres moyens sont utilisés afin de dénaturer les conseils ouvriers lorsqu'ils surgissent : l'un d'entre eux consiste à les confiner dans des tâches économiques, « l'autogestion des entreprises ». S'il est une classe à laquelle s'applique cette définition de Lénine   « la politique est de l'économie concentrée »   c'est à la classe ouvrière. Le prolétariat doit s'emparer du pouvoir politique afin de gérer l'économie. La centralisation politique conditionne la démocratie prolétarienne. Il ne s'en suit pas que toute centralisation institue la démocratie prolétarienne. Mais, sans s'être politiquement centralisée, la classe ouvrière est incapable de maîtriser les processus économiques, sociaux et politiques.

La centralisation à son niveau le plus élevé, c'est l'exercice du pouvoir politique. La bureaucratie yougoslave donnerait des leçons à tous sur l'art et la manière de disloquer la classe ouvrière par la soi disant autogestion des entreprises. La classe ouvrière ne gère rien du tout. Elle est confinée à l'horizon étroit de son entreprise. Elle subit toutes les vicissitudes des processus économiques qui lui échappent, qu'elle ne pourrait maîtriser que si elle détenait le pouvoir politique. Le prétendu « sujet » de l'économie est transformé en objet. Le contrôle ouvrier sur la production est inséparable de la lutte politique pour le pouvoir, de la centralisation politique en vue de cette lutte, d'une perspective gouvernementale. Les renégats de la IV° Internationale en font une panacée supra historique, au nom des revendications « qualitatives » opposées aux revendications « quantitatives ».

Ils n'ont pas de stratégie, ni de programme, ainsi que nous l'avons vu, ils expliquent :

« Si nous n'avons pas aujourd'hui de programme à formuler, c'est qu'il existe un rapport dialectique entre la faiblesse de notre implantation et la possibilité de formuler un programme ».

A tout propos et hors de propos, ils affirment :

« Il est nécessaire de formuler un programme de transition pour les travailleurs, la jeunesse, les étudiants, etc., pour les peuples coloniaux, pour la classe ouvrière, la jeunesse, les intellectuels de l'Europe de l'Est, de l'U.R.S.S., de la Chine, etc. »

En dehors d'un programme, d'une stratégie, d'une politique d'ensemble, très facilement le mot d'ordre de contrôle ouvrier se transforme en son contraire : « auto gestion », « pouvoir ouvrier », « pouvoir étudiant », « pouvoir paysan », chers à la C.F.D.T. et au P.S.U. On peut ainsi, au nom des « conseils ouvriers », combattre les conseils ouvriers, les soviets, en les châtrant politiquement.

Le P.C.F. est beaucoup plus direct et franc : ouvertement, il repousse l'idée même des soviets. Andrieu écrit :

« La construction du socialisme en U.R.S.S. ne peut être considérée comme un modèle qu'il suffirait de copier mécaniquement en veillant seulement à ne pas renouveler les erreurs. Car, il faut savoir distinguer dans cette expérience ce qu'elle a d'universellement valable et ce qu'elle a de spécifique ».

Il précise par une note ce que, selon lui, « cette expérience » a « d'universellement valable » et de « spécifique » :

« Dans la première catégorie ( ce qui est universel), on peut ranger par exemple la conquête du pouvoir politique par la classe ouvrière et ses alliés, la socialisation des grands moyens de production, la planification socialiste, le rôle du parti marxiste léniniste... Dans la deuxième ( ce qui est particulier à la Russie), la forme soviétique du pouvoir d'Etat »  (Andrieu : Les communistes et la révolution).

La « démocratie rénovée » s'oppose aux soviets. Toute organisation du prolétariat comme classe est à prohiber : le P.C.F. est contre le front unique de classe, contre le comité central national de la grève générale, contre les soviets. Ensemble parfaitement cohérent.

Tout naturellement, les dirigeants du P.C.F. ont retrouvé les vieilles formules éculées : « la démocratie est une création continue », affirment ils. Formule creuse, mensongère et dangereuse, qui relève d'un vulgaire évolutionnisme. Le thème en est connu : par la progression constante de la démocratie parlementaire, combinée à la « pression des masses », le contenu social de celle ci change, il s'opère une transformation de quantité en qualité et un jour le soleil se lève sur une société socialiste.

Tout l'acquis théorique et politique du marxisme est balayé : la division de la société en classe, l'Etat et sa nature de classe, l'impasse du mode de production capitaliste, etc. Mais cette politique n'est pas innocente. Elle prépare les plus grands désastres pour la classe ouvrière.

 Si l'on se borne à un simple constat des forces en présence, il est possible d'affirmer ainsi que le fait un des textes de la tendance majoritaire au premier congrès de la Ligue Communiste :

« La préparation (du fascisme) n'est même pas entamée ».

Et d'élaborer, ensuite, toute une théorie :

« Sur le plan économique, les fascismes italien et allemand ont mis en vase clos leur économie et leur monnaie nationale, ne faisant par là que donner des fausses solutions à un état de fait tendanciel de l'économie d'avant-guerre...
... La modification essentielle, qui s'est largement confirmée dans les années de boom d'après-guerre, c'est précisément la tendance à l'imbrication internationale du capital, sa monopolisation croissante par quelques trusts internationalement liés, sous l'influence dominante de l'impérialisme nord américain » (c'est la fameuse « interpénétration des capitaux » mais qui, cette fois, se réalise directement sous l'influence dominante de l'impérialisme nord américain). « Le fascisme, à l'heure actuelle, ne serait même pas un semblant de solution pour les économies capitalistes. Au contraire, chaque fois que les difficultés pointent à l'horizon des comptes bancaires, c'est la bourgeoisie internationale qui tente de régler les problèmes nationaux et par là même les problèmes des autres économies nationales qui en dépendent...
Même les Etats fascistes « classiques » (l'Espagne, le Portugal) ont évolué dans ce sens. Aujourd'hui se pose même à leur bourgeoisie le problème de l'inadéquation de leur système politique fasciste et de leur économie monopolisée. Les formes de domination fasciste sont même principalement critiquées par ceux auxquels elles avaient pourtant profité dans les premiers temps. Ainsi, dans l'hypothèse d'un glissement très à droite du régime, c'est plutôt vers une solution atlantiste, resserrant ses liens avec les Etats Unis que la bourgeoisie française inclinerait ». (Cahiers rouges n° 10-11   pages 89 et 90).

Ce verbiage prétentieux cache une grande confusion. La bourgeoisie n'a jamais eu recours de bon gré aux solutions de type fasciste. Il y a autant de particularités dans les régimes fascistes qu'il y eut de systèmes politiques fascistes. L'autarcie économique s'est imposée, par suite de la dislocation du marché mondial, avec plus ou moins de force aux différentes bourgeoisies. Elles ne l'ont pas voulue. La mystique nationale, le racisme, l'antisémitisme, l'anticommunisme furent les axes idéologiques de la mobilisation des masses petites bourgeoises contre la classe ouvrière et ses organisations, mais la raison profonde de cette mobilisation est la crise de la société bourgeoise et l'impuissance de la classe ouvrière à la résoudre sur son propre plan. De nouveaux axes idéologiques peuvent être trouvé, ou les anciens réordonnés. Un fascisme calqué sur l'hitlérisme, un nouvel Hitler, sont très improbables en Europe. L'hitlérisme exigeait que le rêve de la grande Allemagne, dominant l'Europe et le monde, établissant pour un millénaire son ordre mondial, soit tablé sur quelques réalités : la puissance relative de l'impérialisme allemand. Mais un genre de fascisme reposant sur la combinaison d'une dictature militaire et d'une quelconque organisation politique encadrant certaines couches de la petite bourgeoisie reste possible. Quant aux U.S.A., un fascisme, auprès duquel le fascisme hitlérien semblerait une entreprise philantropique, est une possibilité tout à fait réelle. En dernière analyse, c'est la perspective la plus probable au cas où le prolétariat mondial ne règlerait par leur compte à la bureaucratie du Kremlin et à l'impérialisme. Une fois encore, les renégats de la IV° Internationale font fi de l'unité mondiale de la lutte des classes.

Le fascisme hitlérien fut un avertissement historique, une des premières factures que l'humanité dut acquitter parce que le prolétariat tardait à accomplir ses tâches historiques. L'impressionisme petit bourgeois prend ici sa forme béate : les forces productives croissent à l'infini, les progrès de l'humanité sont infinis, plus jamais la guerre, plus jamais le fascisme, le tout exprimé cependant en termes « scientifiques » à la façon des «marxistes ». Trotsky, qui n'en peut mais, est appelé à la rescousse :

« Le fascisme ne fait, sur le plan international, qu'aggraver la tendance de l'ensemble du système capitaliste au repliement national et à l'autarcie. En arrachant l'économie à la division internationale du travail, en adaptant les forces productives au lit de Procuste de l'Etat National, il introduit le chaos dans les relations mondiales » (Léon Trotsky : la IV° Internationale et l'U.R.S.S.   cité par Daniel Guérin : Fascisme et grand capital).

Une fois encore, ces gens font vraiment preuve de sérieux : ils citent Trotsky d'après Daniel Guérin, et ne se donnent même pas la peine de vérifier eux mêmes. Si au moins ils prenaient celle d'analyser le contenu de la citation faite par oui dire, ils s'apercevraient que Trotsky explique le contraire de ce qu'ils prétendent : « Le fascisme ne fait, sur le plan international, qu'aggraver la tendance du système capitaliste au repliement national et à l'autarcie ». La tendance est inhérente au système capitaliste à une certain stade de son développement   l'impérialisme   lorsqu'explosent les contradictions accumulées. Ce qui est directement contra­dictoire avec la thèse pabliste de « l'interpénétration des capitaux », de « la bourgeoisie internationale qui tente de régler les problèmes nationaux »; l'entité « bourgeoisie internationale » supprime ici les contradictions nationales, efface la réalité   antagonique des bourgeoisies et Etats nationaux. « Le repliement national et l'autarcie » sont des manifestations de l'incapacité de la bourgeoisie à développer les forces productives, et le fascisme est une expression de la barbarie qui en résulte. Si donc, ainsi que l'affirment les renégats de la IV° Internationale, les forces productives connaissent un essor sans précédent, il n'est plus question de fascisme parce que la bourgeoisie, vaille que vaille, a résolu ses propres problèmes et en même temps ceux de l'humanité. Il ne peut pas plus se produire de crise révolutionnaire, car la bourgeoisie développe et instaure le fascisme, encore une fois, à son corps défendant : afin de briser les os et le crâne du prolétariat qui, par ses luttes, aggrave la crise sociale et pose la question du pouvoir. L'unité des contraires est absente des analyses de ces gens qui mâchonnent comme du chewing gum le mot « dialectique ». Qu'ils le veuillent ou non, leurs thèses se fondent sur le progrès continuel de l'humanité. Elles se réduisent à un vulgaire évolutionnisme. Au mieux, par progrès successifs, la classe ouvrière s'acheminerait vers la participation au pouvoir. De là leur facilité à s'adapter aux multiples « théories » bourgeoises, distillées par le P.S.U., la C.F.D.T., sur les multiples pouvoirs, l'autogestion et le reste, et ainsi que nous le verrons staliniennes. Naturellement éclectiques sans principes, ils sont forts capables de dire également le contraire. Mais dans la lutte de classe, la théorie réclame implacablement son du. Un pas à peine sépare les pablistes de la conception stalinienne, empruntée au réformisme le plus éculé, que traduit la formule : « la démocratie est une création continue ». Et nous verrons qu'ils ne sont pas loin de le franchir.

La bourgeoisie comme la bureaucratie du Kremlin sont profondément empiriques. La logique du système capitaliste s'impose à la bourgeoisie comme s'imposent à la bureaucratie du Kremlin les contradictions qui résultent de la gestion, en fonction de ses intérêts, de l'économie planifiée. La tendance à l'Etat fort, le fascisme dans toute sa brutalité, la guerre impérialiste, procèdent des impulsions profondes du système capitaliste et non des désirs subjectifs de la bourgeoisie. La bureaucratie du Kremlin, pour défendre ses privilèges, est contrainte d'attaquer le prolétariat de l'U.R.S.S. et des pays de l'Europe de l'Est. Ce qui la rend prisonnière de l'impérialisme et des forces les plus réactionnaires qu'elle secrète et qui également la désagrège. En se contentant d'un instantané, on ne perçoit pas l'existence de puissants courants fascistes dans les principaux pays capitalistes avancés. Mais la contradiction entre l'actualité, l'imminence de la révolution, et l'absence de direction révolutionnaire peuvent fournir une base de masse au fascisme, elle peut aboutir à ce que, de l'intérieur de l'appareil d'Etat bourgeois, s'organisent des forces qui combinent leur action avec cette base de masse, et, avec l'accord du capital financier, imposent un certain type de fascisme. De même à l'intérieur de la bureaucratie du Kremlin et des bureaucraties satellites, ce que Trotsky caractérisa comme la « tendance Boutenko » existe toujours. Et encore une fois, la bourgeoisie d'un pays est partie organique de la bourgeoisie mondiale, même disloquée par une crise économique, sociale, politique. Si le prolétariat ne parvient pas à résoudre la question du pouvoir, de l'apparent chaos surgiront, de l'intérieur de la bourgeoisie, les forces qui briseront le crâne et les os du prolétariat en entraînant toute l'humanité vers la barbarie.

L'échec de De Gaulle, celui de Wilson, des gouvernements à participation socialiste en Italie, celui probable de Brandt en Allemagne, etc., la grève générale de mai juin 68, les grandes luttes de classes qui se sont développées dans toute l'Europe de l'Ouest, le processus de révolution politique en Tchécoslovaquie, qui a ses racines en U.R.S.S. et dans tous les pays de l'Europe de l'Est y rendent vivant et actuel ce dilemme : ou prise de pouvoir par les travailleurs, c'est à dire finalement le pouvoir des soviets, ou la dictature de fer du capital financier, c'est à dire un pouvoir politique bourgeois du type fasciste. Ne pas le dire et l'expliquer, c'est berner le prolétariat et préparer sa défaite. Ces perspectives sont à plus ou moins longue échéance. Dans l'immédiat, la bourgeoisie n’est ni désireuse ni en mesure d'avoir recours, à court terme au fascisme. A De Gaulle, Pompidou succède en France ; le gouvernement Tory qui a succédé à Wilson reste dans la tradition parlementaire anglaise ; au gouvernement de grande coalition C.D.U. S.P.D. a succédé un gouvernement de « petite coalition » formé des libéraux et du S.P.D., dominé par les social démocrates en Allemagne de l'Ouest ; en Italie les solutions aux innombrables crises gouvernementales sont toujours cherchées sur le plan parlementaire. Bien plus, après la chute de De Gaulle en France, l'instabilité du mode de domination politique de la bourgeoisie (système complètement bâtard, bonapartisme sans Bonaparte) est telle que tout repose sur la capacité du P.C.F. à fractionner la classe ouvrière, à dévier ses combats et même à la soumettre directement aux exigences de la bourgeoisie. Ces derniers mois, la direction de la C.G.T. et celles des autres centrales syndicales ont ratifié des accords avec le patronat qui soumettent les travailleurs à la rationalisation, à la mobilité de la main d'œuvre, à la polyvalence, à la déqualification, appelées plus élégamment formation professionnelle permanente et recyclage. Elle conclut, ainsi que les autres directions syndicales, à la S.N.C.F., à la R.A.T.P., des « accords cadres » qui appliquent le rapport Nora et ses annexes, dont le but est de comprimer massivement les effectifs, d'assurer la polyvalence, et qui aboutissent immédiatement à la déqualification et, à terme, à la destruction du statut, des régimes de retraites et de maladie. La direction du P.C.F. et ses annexes se sont faits les héraults de l'application de la réforme Faure dans l'enseignement. Et elles paralysent toute riposte efficace à la loi scélérate qui met en cause le droit de manifester, de s'organiser, conquis de haute lutte par les travailleurs, comme elles paralysent toute lutte réelle pour la défense des libertés démocratiques. Cette politique se retrouve, en Italie et ailleurs, sous des formes presque identiques.

La crise du régime politique bourgeois s'étale en Italie, elle reste masquée en France   encore que la « chambre introuvable » n'avait d'unité que par De Gaulle. Cette « chambre introuvable » conserve une unité apparente par crainte de nouvelles élections qui disloquerait la majorité parlementaire actuelle. Mais des craquements annoncent son triste avenir. En Angleterre et en Allemagne, la mécanique parlementaire semble bien fonctionner. Tandis qu'en Espagne, le régime franquiste est de plus en plus instable malgré la répression, et qu'en Grèce le régime des colonels ne parvient pas à trouver sa stabilité, sans parler des autres pays d'Europe. Mais de ce point de vue, l'Italie donne la plus juste idée de la crise politique qui déchire toutes les bourgeoisies d'Europe et leurs, systèmes de domination politique. Crise de confiance dans leur avenir, difficultés à appliquer la politique nécessaire à la défense de leurs intérêts à l'encontre de la petite bourgeoisie des villes et des campagnes, de la jeunesse, de la classe ouvrière, demi mesures insuffisantes à surmonter leurs contradictions, mais que la petite bourgeoisie, la jeunesse , la classe ouvrière ne peuvent accepter sans réagir, sont le lot de toutes les bourgeoisies européennes. L'inévitable éclatement de grandes luttes de classe, inévitables malgré les efforts des partis réformistes, des P.C., des appareils syndicaux, soumettra à rude épreuve les systèmes politique de domination bourgeois vermoulus.

Il est possible que les P.C., la sociale démocratie, les appareils bureaucratiques des centrales syndicales aient à voler de façon ouverte au secours de l'ordre bourgeois menacé. Déjà, en Italie, se discute ouvertement l'opportunité de la participation du P.C.I. à un gouvernement bourgeois. En France, « l'union de la gauche » avec participation du P.C.F. se referait promptement en cas de nécessité. En Angleterre, un gouvernement d'union nationale Tory Labour Party serait une éventualité très réaliste au cas de grandes luttes de classe du prolétariat britannique, d'aggravation de la situation en Irlande. Dans tous les pays d'Europe Occidentale, selon des formes et des modalités particulières à chaque pays, les directions des partis ouvriers traditionnels sont prêtes à participer à d'éventuels gouvernements ou même à les diriger, lorsque l'impuissance des systèmes actuels de domination politique de la bourgeoisie se manifeste brutalement, afin de sauver l'ordre bourgeois. Le système parlementaire bourgeois semblera peut être briller   un moment   de tous ses feux, au moins dans quelques pays. En fait, l'ordre bourgeois s'appuiera sur la confiance des travailleurs en leurs organisations traditionnelles. La crise économique, sociale, politique, s'aggravera. Derrière la façade (les gouvernements à participation « socialiste », « communiste », éventuellement dirigés par ces partis, ou même composés seulement de ces partis), au sein de l'appareil d'Etat bourgeois, intacts, surgies de l'armée, de la police, de l'administration, se regrouperont les forces politiques les plus réactionnaires, prêtes au coup d'Etat, à la guerre civile.

La politique du P.C.F. s'efforce de prévenir tout assaut de la classe ouvrière contre le système actuel de domination de la bourgeoisie. Mais elle laisse ouverte l'éventualité d'un effondrement politique de celui ci et prépare sa relève. La formule « démocratie avancée » contient cette politique. A la rigueur, dans sa propagande, le P.C.F. est prêt à « nationaliser les monopoles », néanmoins les nationalisations ne pourraient être que « progressives », elles laisseraient un « vaste secteur privé ». Il est cependant un domaine où la direction du P.C.F est intransigeante : l'Etat doit rester, on ne touche pas à l'Etat bourgeois :

« Si les soviets ont été une forme originale de la Révolution Russe, le parlement dans un pays comme le nôtre   dont le peuple a été le premier à instituer une république en 1875 – peut être utilisé comme un des moyens du passage parlementaire »... « au socialisme ».

On sait ce que pensait Lénine des Républiques parlementaires les plus démocratiques. Il suffit de lire « l'Etat et la Révolution », « La Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky », « La maladie infantile du communisme » et l'on jugera de la « trahison » que constitue ces quelques lignes d'Andrieu.

Andrieu n'en reste pas là, il en rajoute

« Mais plusieurs conditions sont nécessaires. D'abord il faut que le parlement représente réellement la volonté populaire, ce qui implique que les députés soient élus à la proportionnelle. Ensuite qu'il soit doté de pouvoirs réels au lieu d'être réduit, comme c'est le cas actuellement au rôle d'une chambre d'enregistrement ».  (Idem page 241).

Afin que nul ne s'y trompe, Andrieu situait dans quelle lignée se place « la démocratie rénovée » :

« L'effort des communistes français pour unir la gauche autour d'un programme commun se situe dans le prolongement d'une politique dont les traits et les mérites sont apparus avec une particulière clarté lors des Fronts Populaires et à la Libération ». (Idem   page 237).

Voilà ce qui s'appelle parler net. L'assaut du prolétariat français en juin 36 fut enlisé dans les marais du parlementarisme bourgeois. Blum proclamait la « pause » après que Thorez ait affirmé :

« Il faut savoir terminer une grève dès que les principales revendications sont satisfaites ».

Symbole du Front Populaire, Daladier, soi disant représentant de ces couches moyennes, de cette petite bourgeoisie des villes et des campagnes dont il faut faire la pacifique conquête, qu'il ne faut pas effrayer - radicaux parmi les radicaux   défilait levant le poing entre Blum et Thorez en juillet 36 ; il brisait la grève générale du 30 novembre 38 ; il interdisait le P.C. et toutes les organisations se réclamant du communisme en septembre 39 et envoyait leurs représentants en prison. La chambre de Front Populaire fut celle qui vota tous les pouvoirs à Pétain en juillet 40. L'évocation de la Libération est tout aussi suggestive. C'était le temps « des camarades ministres » du « produire, produire », de « la grève, arme des trusts », du fameux « tryptique » de Thorez au Comité Central d’Yvry, en janvier 45 : « Il faut une seule police, une seule armée, un seul gouvernement ». C’était le temps où, disposant de la majorité absolue à la Chambre sur la base de la représentation proportionnelle, « socialistes » et « communistes », participaient au gouvernement du général De Gaulle d’abord, au tripartisme avec le M.R.P. ensuite, jusqu’au jour où la classe ouvrière débordant les appareils syndicaux, la grève des travailleurs de chez Renault en avril 47 ayant une signification nationale et annonçant que la grande masse des travailleurs allait s’ébranler et remettre tout en cause, les « camarades ministres » furent jugés plus utiles à l’extérieur du gouvernement, comme « opposition ». Duclos prenait la précaution d’affirmer alors que les ministres du P.C.F. démissionnaient : « Nous restons un parti de gouvernement », autrement dit « fidèles à l’ordre bourgeois ».

C'est de ce temps là que les dirigeants du P.C.F. gardent au cœur une plaie ouverte : ils sont rares ceux qui comme Thorez méritèrent les éloges du général De Gaulle lui même, fussent ils funèbres, en raison de leurs bons et loyaux services au sein du gouvernement qui « remit la France sur ses rails ».

Toutefois, poursuit Andrieu, pas de « crétinisme parlementaire » :

« Enfin et surtout qu'il s'appuie sur un puissant mouvement populaire dans le pays, c'est même là une condition sine qua non car ce serait tomber dans le « crétinisme parlementaire » que de croire qu'il suffirait d'obtenir la moitié des voix plus une à l'Assemblée pour que la révolution soit faite. Si le suffrage universel, comme nous l'avons déjà souligné, peut donner la majorité aux partis se réclamant du socialisme, il n'a pas la vertu d'octroyer à lui seul le pouvoir réel de former un gouvernement. Encore faut il mettre fin à la dictature de fait de la bourgeoisie c'est à dire à la domination des maîtres des monopoles qui, détenant tous les leviers de commandes de l'Etat et de l'économie peuvent enrayer la production, organiser la fuite des capitaux à l'étranger, torpiller le franc, utiliser à des fins de sabotage les grands commis de l'administration, les cadres supérieurs de l'armée et de la police. Il est évident que la pression populaire doit s'exercer pour neutraliser les résistances de la minorité aux décisions de la majorité parlementaire ». (Idem   pages 235­-236).

Si les termes n'existaient pas, il faudrait les inventer : « la pression populaire » ! Dix millions de travailleurs en grève, est ce une « pression populaire » ? Les oracles du P.C.F. dessaisissent les travailleurs de leur grève générale (il y a l'armée, la finance, l'administration qui se dresseraient contre les travailleurs si ceux ci tentaient de s'emparer du pouvoir, affirmaient ils) en faveur d'élections législatives. Mais une majorité parlementaire change tout, et par simple « pression populaire », l'armée, la finance, les cadres de l'administration s'inclinent devant la volonté du peuple. Malheureusement, avec ou sans majorité parlementaire, ni la bourgeoisie comme classe, ni l'appareil d'Etat, ne peuvent être ainsi brisés. Il faut détruire l'Etat bourgeois et lui substituer l'Etat ouvrier : le pouvoir des conseils, le pouvoir des soviets. Ce que refusent expressément les dirigeants du P.C.F. et ses plumitifs, Andrieu, Salini et autres. L'Etat ouvrier, c'est d'abord l'organisation du prolétariat comme classe dont une première forme, par la formation des comités de grève, leur fédération jusqu'au C.C.N. de la grève générale, pouvait surgir du combat engagé par les travailleurs en mai juin 68.

La formule de la « démocratie avancée », les phrases sur les « nationalisations », la « pression populaire », révèlent leur fonction politique ; un contre-feu opposé à l’organisation du prolétariat comme classe, embryon de l’Etat ouvrier ; une machine de guerre contre le front unique ouvrier qui dresse le prolétariat comme classe face à la bourgeoisie, son Etat, son gouvernement, et qui, seul, peut entraîner la petite bourgeoisie des villes et des campagnes à combattre aux côtés du prolétariat.

Il faut aller plus loin et le dire clairement, les formules qu'utilise le P.C.F. ont un sens précis : il se prépare, en cas d'assaut de la classe ouvrière, à défendre l'Etat bourgeois, l'ordre bourgeois. Au nom du « parlement », de la « démocratie avancée », les Noske et les Ebert du P.C.F. feront assassiner les militants révolutionnaires, ils feront tirer sur la classe ouvrière. De plus, la « démocratie avancée, rénovée » et tout ce que l'on voudra, est une recette politique de crise dont la seule fonction est de préserver l'ordre bourgeois et son Etat, qui ne peut rien résoudre décisivement : elle aggraverait la crise économique et sociale et empêcherait le prolétariat de la résoudre sur son plan de classe ; aux cadres de l'armée, de la police, de l'administration, aux fractions les plus réactionnaires de la bourgeoisie, au capital financier, elle fournirait une base de masse parmi la petite bourgeoisie des villes et des campagnes exaspérée, enragée par la crise, et qui en rejetterait la responsabilité sur la classe ouvrière. Ainsi fabrique t on une base de masse à un type de fascisme quelconque.

La « démocratie avancée » est la formulation française utilisée par le P.C.F., d'une très vieille et très universelle politique. La crise, qui n'en est encore qu'à ses prémisses, qui, au cours des années à venir, secouera l'impérialisme mondial, et, particulièrement, les puissances impérialistes décadentes d'Europe, en fournira de multiples variétés, social démocrates, staliniennes, aux noms divers. Toutes auront ces traits communs : verbiage démocrate socialiste, protection de l'Etat et de l'ordre bourgeois, obstacle et contre-feu à l'organisation du prolétariat comme classe. Elles nourriront les pires complots réactionnaires, fomentés de l'intérieur de l'appareil d'Etat bourgeois, et rejetteront la petite bourgeoisie sous l'emprise du capital financier dont il fera une force de frappe contre le prolétariat qui lui même risque d'être démoralisé. Comme le «Front populaire » à son époque, les nouvelles formules et leur vieux contenu sont des antichambres du fascisme, des coups d'Etat militaires, des solutions les plus réactionnaires, que le capital financier peut mettre sur pied et utiliser pour broyer les os et fracasser le crâne du prolétariat.

La bureaucratie du Kremlin et les bureaucraties satellites ont une politique non moins empirique que celle de la bourgeoisie. Elles hésitent et tergiversent. Deux ans après l'invasion de la Tchécoslovaquie, elles n'ont pas encore pu briser le prolétariat tchécoslovaque : le feu couve sous la cendre. L'énormité de l'enjeu, tout autant que leurs propres contradictions, les font hésiter. Comparée à la brutalité de la répression en Hongrie, la répression en Tchécoslovaquie semble légère. Par centaines, les intellectuels, les étudiants, sont chassés des universités, privés de leur travail, obligés de faire les besognes les moins en rapport avec leurs capacités. Les professeurs sont chassés de leur enseignement. Des enquêtes sont ouvertes sur tous les membres du corps enseignant, de l'armée, de l'administration, Des fichiers monumentaux sont préparés. Le Parti, les organisations syndicales sont épurés. Des militants sont emprisonnés ou sous surveillance, mis dans des hôpitaux « psychiatriques ». La presse, la radio, tous les moyens d'information sont bâillonnés et mis au service de l'appareil. L'appareil est peu à peu reconstruit. Il est encore plus étranger, si possible, au prolétariat et au peuple tchécoslovaques que ne l'était celui de Novotny, il est composé d'agents strictement au service du Kremlin. Mais jusqu'à présent le prolétariat tchécoslovaque poursuit une résistance passive dans les usines. Des groupes organisés existent. Des exécutions comparables à celles de Hongrie n'ont pas eu lieu. Dubcek, Smirkovsky et bien d'autres n'ont pas subi le sort de Imre Nagy, Pal Maleterre et tant d'autres. La répression est plus ouverte, ou en tout cas mieux connue, contre les intellectuels et opposants communistes de l'U.R.S.S. A la vérité, la limite   relative   de la répression contre la classe ouvrière et le peuple tchécoslovaques provient de la combinaison de leur résistance à la crise de l'appareil international du stalinisme qui se manifeste jusqu'au sommet de la bureaucratie de l'U.R.S.S., au Kremlin. Aller plus loin, déclencher la répression sanglante contre les 40 000 « contre-révolutionnaires » dont parlait «  La Pravda », c'est engager la guerre civile qui s'étendrait à tous les prolétariats de l'Europe de l'Est et à celui de l'U.R.S.S. C'est briser l'appareil international du stalinisme, c'est faire exploser la crise qui divise la bureaucratie du Kremlin. La conférence des partis communistes, tenue en juin 1969, à Moscou, fut révélatrice. Après des années de « préparation », de multiples hésitations, de reports à des dates ultérieures, elle fut enfin convoquée. Il devenait urgent, après le processus de révolution politique en Tchécoslovaquie, le début de la « normalisation »    à l'instant où le Kremlin désignait la Chine comme l'ennemi public numéro 1 de la civilisation humaine et de ses valeurs, comparable seulement au militarisme japonais et au fascisme hitlérien   que soit renouvelé le serment d'allégeance des partis communistes à la bureaucratie du Kremlin et réaffirmé leur soutien sans murmure à sa politique. La conférence aboutit au résultat inverse. Au nom du P.C.I. et de quelques autres P.C., Berlinguer s'est élevé contre le bipartisme américano russe, la discipline imposée mécaniquement de Moscou aux différents P.C., la condamnation sans appel de la Chine, il souleva la question de la Tchécoslovaquie. Fait non moins important, « La Pravda » publia « objectivement » les interventions des P.C. qui s'opposaient à la ligne officielle. La signification ne fait pas de doute : Berlinguer parlait au nom d'une fraction du groupe dirigeant du Parti communiste de l'U.R.S.S. Les prises de position de la plupart des P.C. d'Europe occidentale condamnant l'intervention militaire en Tchécoslovaquie, correspondaient à leurs besoins propres. L'approbation de l'intervention militaire par le P.C. français, par exemple, au lendemain de sa trahison de la grève générale eut aggravé et peut être fait exploser la crise du P.C.F. D'autre part, les P.C. d'Europe occidentale, par leur politique depuis des décennies, ont introduit à l'intérieur de l'appareil des tendances à l'adaptation directe à leur propre bourgeoisie : bureaucrates syndicaux, des comités d'entreprises, des municipalités, députés, députables, aspirants ministres, que gêne la subordination étroite au Kremlin et qui ont besoin de brevets démocratiques. Jamais, pourtant, des P.C. comme le P.C.F. se seraient permis de tels écarts si, derrière eux, ne s'était tenue une aile des dirigeants du P.C. de l'U.R.S.S. et de son gouvernement. Il suffit de rappeler que Dolorès Ibarruri, qui vit depuis trente ans en U.R.S.S., qui n'existe que comme agent du Kremlin, s'est prononcée contre l'intervention en Tchécoslovaquie : elle servait de porte parole à une fraction des dirigeants du Kremlin. La bataille se poursuit : des P.C. comme celui d'Autriche sont épurés, d'autres comme le P.C. anglais résistent. Le P.C.F. a ratifié la position officielle de la bureaucratie du Kremlin au cours de la conférence. Georges Marchais, Etienne Fajon, guépéoutistes de plus ou moins longue date, contrôlent, au compte de la ligne officielle du Kremlin, l'appareil du P.C.F. Mais un homme comme Garaudy est, sans aucun doute, en relation avec une fraction des dirigeants de l'appareil du Kremlin, il est plus ou moins ouvertement soutenu par la direction du P.C.I.

De là à tirer la conclusion que les P.C. se « social démocratisent », il n'y a qu'un pas que les renégats de la IV° Internationale, en compagnie de bien d'autres, franchissent allègrement. Ils sont les dépositaires de tous les poncifs politiques de la petite  bourgeoisie. Facilement, ils en concluent que la capacité répressive du Kremlin s'affaiblit et s'affaiblira de plus en plus. Et que, pas plus qu'un mouvement fasciste de masse ne peut se constituer et prendre le pouvoir en Europe occidentale, une restauration du capitalisme par la victoire de la « tendance Boutenko », c'est à dire une tendance fasciste surgie de la bureaucratie, ne serait concevable. A la rigueur, estiment ils, si un danger de restauration menaçait l'U.R.S.S. et les pays de l'Europe de l'Est, il proviendrait plutôt d'un mouvement de masse incontrôlé. Pas plus que la crise de l'impérialisme n'implique mécaniquement la victoire du prolétariat, pas plus celle de la bureaucratie du Kremlin et des bureaucraties satellites ne l'implique. Le danger provient de l'attitude réformiste vis à vis des bureaucraties parasitaires. Il suffit de la croyance en une « libéralisation » de celles ci, une sorte de conception « front populaire » ou « démocratie rénovée », adaptée et à usage des pays de l'Europe de l'Est et de l'U.R.S.S. ; somme toute, ce qui a été dénommé « socialisme à visage humain » . La dislocation de la bureaucratie n'est pas encore la victoire du prolétariat, même en U.R.S.S. et dans les pays de l'Europe de l'Est. il faut extirper jusqu'aux racines la bureaucratie. Toute illusion à ce propos serait dangereuse, sinon fatale. il n'est qu'un seul moyen : la restauration de la dictature du prolétariat.


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