1976

La marche à la révolution et son développement seront faits d'alternances, de flux et de reflux, qui s'étendront vraisemblablement sur une longue période. Il y aura des situations confuses. des formes confuses. (...) C'est la conséquence de la contradiction entre la maturité des conditions objectives, et le retard accentué à la solution de la crise de l'humanité qui "se réduit à celle de la direction révolutionnaire". Résoudre cette contradiction est la tâche des organisations qui se réclament de la IV° Internationale, de ses origines, de son programme.


A propos des « 25 thèses sur "La révolution mondiale" » d'E. Mandel

Stéphane Just


L'action du prolétariat arrache réformes et concessions

Mais l'impérialisme a‑t‑il :

« garanti certaines réformes, fait des concessions à la fois à la classe ouvrière dans les pays impérialistes et à la bourgeoisie des pays coloniaux (...) ce qui permit de stabiliser relativement le système durant deux décennies » ?

Cette proposition doit être inversée. La lutte de classe des prolétariats des pays capitalistes avancés, comme la lutte des peuples coloniaux et semi‑coloniaux, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l'instabilité des rapports sociaux et politiques, la menace récurrente de la révolution ont contraint l'impérialisme à céder au prolétariat d'importantes réformes sociales et concessions et à s'appuyer sur les bourgeoisies des pays coloniaux et semi-­coloniaux. Bien entendu, encore fallait‑il qu'il en ait les moyens. Les terribles défaites du prolétariat jusqu'en 1943 ont permis un avilissement de la valeur de la force de travail. Jusqu'aux environs du milieu des années 1950, cela a donné au capital les moyens de reculer sous l'action du prolétariat qui reconquérait dans ce domaine le terrain perdu. La production et la réalisation de la plus-­value dans les conditions évoquées plus haut, l'accroissement de la productivité du travail lui ont encore permis de nouvelles concessions. Mais c'était le produit d'une constante instabilité sociale et politique du système dans son ensemble, correspondant à l'instabilité économique fondamentale.

L'exemple européen est démonstratif. Le capital américain, l'État bourgeois américain, ont accordé jusqu'au milieu des années 1950 d'énormes prêts, crédits, souvent à fonds perdus aux différents pays capitalistes d'Europe. Ils étaient indispensables à la reconstruction, à la remise en route, à l'impulsion du capitalisme en ces pays. L'impérialisme US n'a pas, et ne pouvait pas, transformer les bourgeoisies européennes en bourgeoisies compradores. Il a tenté de leur redonner vigueur et santé, (non sans profits, bien sûr, pour le capital américain, et en dictant ses conditions politiques). Pourquoi ? Le camarade Ernest Mandel a raison d'écrire :

« Affirmer que la reconstruction du capitalisme en Europe de l'Ouest, après la Deuxième Guerre mondiale, fut imposée aux USA par la puissance de l'Union soviétique, relève au mieux d'une analyse incomplète, si ce n'est totalement incorrecte. »

Pourtant, affirmer :

« Il faut ajouter que cette reconstruction fut rendue possible par la trahison de la montée révolutionnaire de 1943 à 1948 en Europe de l'Ouest, par les partis staliniens et sociaux‑démocrates. »

c'est juste, mais incomplet. C'est juste, car cette « tra­hison empêcha une percée victorieuse de la révolution socialiste dans cette région ». (et non le bas niveau de la conscience de classe du prolétariat). C'est incomplet car, pour pouvoir contenir le prolétariat, il a fallu l'action politique de la bureaucratie du Kremlin, des PC et des PS, des bureaucraties syndicales, et l'aide économique des USA. Par peur de la révolution prolétarienne en Europe, l'impérialisme américain a remis sur pied les bourgeoisies européennes, leur économie. La force du prolétariat, le menace récurrente de la révolution ont protégé la classe ouvrière, comme classe, d'une profonde dégradation. C'est le prolétariat, ses luttes de classe, qui ont arraché réformes sociales et concessions, lesquelles l'ont à leur tour renforcé socialement et politiquement.

Mais ces réformes sociales, ces concessions, arrachées au capital, lui deviennent de plus en plus insupportables au fur et à mesure que la crise chronique du système impérialiste tend à devenir une crise aiguë, menaçant de disloquer les rapports économiques et tous les rapports bourgeois. La France, depuis bientôt deux décennies, a été un lieu « privilégié » des tentatives de la bourgeoisie et de son État de réduire et de détruire les conquêtes antérieures de la classe ouvrière, des masses exploitées, de la jeunesse, et cela dans tous les domaines, santé, Sécurité sociale, enseignement, formation professionnelle, etc.


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