1976

La marche à la révolution et son développement seront faits d'alternances, de flux et de reflux, qui s'étendront vraisemblablement sur une longue période. Il y aura des situations confuses. des formes confuses. (...) C'est la conséquence de la contradiction entre la maturité des conditions objectives, et le retard accentué à la solution de la crise de l'humanité qui "se réduit à celle de la direction révolutionnaire". Résoudre cette contradiction est la tâche des organisations qui se réclament de la IV° Internationale, de ses origines, de son programme.


A propos des « 25 thèses sur "La révolution mondiale" » d'E. Mandel

Stéphane Just


Révolution sociale et révolution politique : même base objective

Mais en outre, rappelons ce que Trotsky écrivait :

« Le marxisme procède de l'économie mondiale considérée non comme la simple addition de ses unités nationales mais comme une puissante réalité indépendante créée par la division internationale du travail et par le marché mondial qui, à notre époque, domine tous les marchés nationaux. Les forces productives de la société capitaliste ont depuis longtemps dépassé les frontières nationales. La guerre impérialiste ne fut qu'une manifestation de ce fait. La société socialiste devrait représenter, au point de vue production et technique, un stade plus élevé que le capitalisme ; si l'on se propose de construire la société à l'intérieur de limites nationales, cela signifie qu'en dépit de succès temporaires on freine les forces productives, même par rapport au capitalisme. » (Préface à La Révolution permanente.)

« La guerre impérialiste ne fut qu'une manifestation de ce fait », manifestation négative. Une autre manifestation de ce fait, manifestation positive, c'est la révolution prolétarienne. Les rapports de production issus de la révolution d'Octobre, les forces productives qui se sont développées dans le cadre de ces rapports étouffent dans les limites de l'URSS et des pays d'Europe de l'Est. En Europe de l’Est, les limites qui leur sont imposées approfondissent toutes les difficultés, non seulement en raison de l'étroitesse de la base économique de chaque pays, de la coupure de leurs liens antérieurs, que l'essor des forces productives rend plus sensible, mais encore par suite des spoliations de la bureaucratie du Kremlin. Le découpage de l'Europe en deux rend intolérables ces contradictions. Ces pays ont été coupés des relations millénaires du processus vivant avec les autres pays d'Europe, dont s'est nourrie leur identité nationale. Le métabolisme économique, social, politique, culturel entre l'Europe de l'Ouest et de l'Est est profondément lésé.

« Les traits spécifiques de l'économie nationale, si importants qu'ils soient, constituent à un degré croissant les éléments d'une plus haute unité qui s'appelle l'économie mondiale. » (idem.)

Le cas extrême est évidemment l'Allemagne dont la chair a été déchirée vive.

En URSS, en Europe de l'Est, les bureaucraties parasitaires distordent, pillent, gaspillent les forces productives. Le carcan de la bureaucratie est d'autant plus intolérable que celles‑ci se développent néanmoins. Les forces productives se révoltent contre la bureaucratie. Le prolétariat croît et se renforce à tous les points de vue. Il constitue la principale des forces productives. La révolte positive des forces productives se déroule sur le plan politique : elle s'appelle la révolution politique.

La marche de l'histoire ne s'accommode pas de logique formelle : d'un côté, en Europe de l'Est, en URSS. la révolution politique est une brûlante nécessité parce que les forces productives croissent ; de l'autre, la révolution sociale est une brûlante nécessité parce que le capital n'est plus capable de développer les forces productives. En réalité, il s'agit d'un seul et même processus. La révolution politique est nécessaire en Europe de l'Est et en URSS parce que l'acquis de la révolution sociale se heurte à la réaction bourgeoise que les bureaucraties parasitaires incarnent. La révolution sociale en Europe de l'Ouest reprendra et achèvera, conjointement à la révolution politique, ce que la révolution d'Octobre avait commencé. Ainsi seront brisés tous les carcans qui s'opposent au développement des forces productives, ou les limitent, ou les déforment. Ainsi, les conditions politiques et sociales de la constitution des États‑Unis socialistes d'Europe se réaliseront. Le besoin de l'unité européenne est un des plus puissants leviers de la révolution sociale et de la révolution politique qui constituent la révolution européenne.

L'éclatement de la révolution sociale, sa victoire en Europe de l'Ouest est un pressant besoin pour les masses de l'Europe de l'Est et de l'URSS. La révolution politique et sa victoire sont un besoin non moins pressant pour les prolétariats des pays capitalistes européens. L'impérialisme et les bureaucraties parasitaires collaborent étroitement pour maintenir l'ordre européen établi à Yalta et à Potsdam. La bureaucratie du Kremlin, parfaitement au fait du lien organique entre la révolution sociale et la révolution politique, défend inconditionnellement l'ordre bourgeois, les formes mêmes de domination politique de la bourgeoisie qui existent en chacun des pays capitalistes européens. L'impérialisme mène son attaque contre les masses de l'URSS, de l'Europe de l'Est, par la médiation des bureaucraties parasitaires. Il les aide et les aidera à contenir et à réprimer la révolution politique. Outre la perspective historique, sur le plan politique immédiat, et ceci est fonction de cela, les prolétariats de l'ensemble de l'Europe ont les mêmes ennemis : l'impérialisme, les bureaucraties parasitaires. la bureaucratie du Kremlin qui en constitue le centre, son appareil international, les PC. Révolution sociale et révolution politique sont donc à tous égards intimement liées, l'objectif des États‑Unis socialistes d'Europe leur est commun.


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