1843-50

"On remarquera que, dans tous ces écrits, et notamment dans ce dernier, je ne me qualifie jamais de social-démocrate, mais de communiste... Pour Marx, comme pour moi, il est donc absolument impossible d'employer une expression aussi élastique pour désigner notre conception propre.." F. Engels, 1894.

Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec.


Le parti de classe

K. Marx - F. Engels

Questions d'organisation

Luttes de tendances et dissolution de l'Internationale


Le dernier congrès de l'A.I.T.

Le fiasco du Congrès de Genève était inévitable. Du moment où l'on a su ici qu'aucun délégué ne viendrait d'Amérique, l'affaire était mal partie [1]. On avait essayé de vous présenter en Europe comme de simples figurants. Si nous y étions allés, et pas vous, cela aurait passé pour la confirmation de la rumeur soigneusement répandue par nos adversaires. En outre, cela passait aussi pour la confirmation que votre fédération d'Amérique n'existait que sur le papier.

Par ailleurs, la fédération anglaise n'a pas réussi à rassembler l'argent pour un seul délégué. Les Portugais, les Espagnols et les Italiens annonçaient que, dans les circonstances données, ils ne pouvaient pas envoyer directement de délégués. Les nouvelles d'Allemagne, d'Autriche et de Hongrie étaient tout aussi mauvaises. Une participation française était exclue.

Dans ces conditions, il était certain que le congrès serait composé en majeure partie de Suisses, voire de Genevois. De Genève même, nous n'avions pas de nouvelles, le vieux Becker gardant un silence obstiné, et Monsieur Perret ayant écrit une ou deux fois, pour nous dérouter.

Enfin, au tout dernier moment, le comité romand de Genève au conseil fédéral d'Angleterre nous envoie une lettre dans laquelle les Genevois se refusent d'abord à accepter eux-mêmes les mandats anglais, et y expriment des velléités de réconciliation. Ils y joignent un manifeste (signé Perret, Duval, etc.) directement dirigé contre le Congrès de La Haye et l'ancien Conseil général de Londres. Les gaillards y vont plus loin à maints égards que les Jurassiens, réclamant, par exemple, l'exclusion des « intellectuels » (Le plus beau de l'affaire, c'est que ce factum est rédigé par le misérable aventurier militaire Cluseret, qui à Genève se prétend le fondateur de l'Internationale en Amérique. Ce monsieur voulait le Conseil général pour exercer à partir de lui une dictature secrète.)

La lettre avec son annexe arriva à temps pour détourner Serraillier d'aller à Genève et   comme l'a d'ailleurs fait la fédération d'Angleterre   protester contre la façon d'agir des Suisses, en leur disant d'avance que l'on traiterait leur congrès comme une simple affaire locale, genevoise. C'est une excellente chose que personne ne soit allé là-bas, qui, par sa présence, eût pu faire douter de la nature de ce congrès.

Malgré cela, les Genevois n'ont pas réussi à s'emparer du Conseil général, mais   comme tu le sais sans doute déjà   ils ont remis en question tout le travail fait depuis le premier Congrès de Genève, et même fait beaucoup de choses contraires aux décisions déjà prises.

Étant donné les conditions actuelles de l'Europe, il est absolument utile, à mon avis, de faire passer à l'arrière-plan pour le moment l'organisation formelle de l'Internationale, en ayant soin seulement, si c'est possible, de ne pas lâcher le point central de New York, afin d'empêcher que des imbéciles comme Perret ou des aventuriers comme Cluseret ne s'emparent de la direction et compromettent la cause.

Les événements de l'inévitable involution et évolution des choses pourvoiront d'eux-mêmes à une résurrection de l'Internationale sous une forme plus parfaite.

En attendant, il suffit de ne pas laisser glisser entièrement de nos mains la liaison avec les meilleurs éléments dans les divers pays, et pour le reste se soucier comme d'une guigne des décisions locales de Genève, bref les ignorer purement et simplement. La seule bonne résolution qui y ait été prise, c'est celle de remettre le congrès à deux ans, car elle facilite cette façon d'agir. C'est, en outre, barrer d'un trait de plume les calculs des gouvernements continentaux, car ceux-ci ne pourront pas utiliser le spectre de l'Internationale dans leur imminente croisade réactionnaire. Il est préférable, en effet, que les bourgeois tiennent partout ce spectre pour heureusement enterré.

À New York, les emmerdeurs et les mouches du coche du Conseil général ont eu la majorité, si bien que Sorge a démissionné et s'est retiré [2]. Maintenant, nous ne sommes plus responsables pour quoi que ce soit dans le bazar. Quelle chance que nous possédions les protocoles !

Quant à la grande politique, nous pouvons maintenant la laisser heureusement à elle-même; et il sera toujours temps d'en rire quand nous nous rencontrerons.


Notes

[1] Cf. Marx à F. A. Sorge, 27 septembre 1873.
Le VI° Congrès de l'Internationale avait été fixé à Genève et se tint du 8 au 13 septembre 1873. Sur 41 délégués 39 étaient suisses, réunis sous la présidence de J. P. Becker. On y lut le bref rapport rédigé pour le Conseil général par Engels sur la situation de l'Internationale dans les différents pays : cf. Werke, 18, p: 694-695. Le congrès discuta des statuts, confirma les pouvoirs du Conseil général et les décisions du Congrès de La Haye sur le transfert du Conseil général à New York, ainsi que la nécessité de l'action politique, et prit des mesures complémentaires pour la formation d’une union internationale des syndicats. Ce fut, pratiquement, le dernier congrès de l'A.I.T.

[2] Cf. Engels à Marx, 21 septembre 1874.
Tous les événements   et même la mort   qui obéissent à une nécessité de la nature portent en eux leur consolation, si terribles soient-ils, aimait à répéter Engels. Et il en est également ainsi du parti, lorsqu'il disparaît (pour un temps).


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