1978

"Le titre du livre synthétise ma position : à la place de la démocratie socialiste et de la dictature du prolétariat du SU, je suis revenu aux sources, ai tenté de faire revivre la vieille formule marxiste, tant de fois reprise par Trotsky, de dictature révolutionnaire. Dit d'une autre manière, une dictature pour développer la révolution, et non pour produire de la "démocratie socialiste" immédiatement."


Nahuel Moreno

La dictature révolutionnaire du prolétariat


IX. Construction socialiste dans un seul pays ou
révolution socialiste internationale ?


1. Stalinisme conséquent.

La thèse qui vertèbre le document du SU est simple : jusqu'à la prise du pouvoir, la tâche essentielle est de faire la révolution, mais lorsque le prolétariat s'est approprié le gouvernement, la tâche essentielle est la construction socialiste. Et la révolution est terminée. A partir de cette thèse, deux autres thèses surgissent : premièrement, après la prise du pouvoir, la lutte révolutionnaire et de classes tend à diminuer d'intensité ; deuxièmement - et en conséquence de ce qui précède, "la dictature du prolétariat commencera à dépérir dés sa naissance".

Il y a une multitude de citations qui le démontrent. Voyons-en quelques unes. Toute restriction de la démocratie "ne peut qu'entraver l'émergence d'un consensus majoritaire autour des solutions de ces problèmes brûlants du point de vue de la construction du socialisme..." (souligné dans l'original) (SU, 1977) [1]. Et l'on peut poursuivre  : "construction d'une société sans classes..." (Idem) [2]. Pour être plus précis, c'est quinze fois qu'apparaissent ces expressions, sans compter toutes les fois où l'on parle de cela en employant d'autres termes.

Contrastant avec cette abondance d'affirmations, nous trouvons des silences non moins catégoriques : nulle part il n'est dit que c'est après la prise du pouvoir que commence la véritable révolution socialiste. Il est évident que pour le SU, la révolution sociale se termine avec la dictature du prolétariat, qui, dès son instauration, entre dans l'étape de sa disparition progressive. Ce n'est pas non plus par hasard que la résolution ne cite jamais la contre-révolution impérialiste. Il ressort clairement de sa lecture qu'une fois que le prolétariat a pris le pouvoir dans un pays, la bourgeoisie de ce pays est isolée, en recul, "désarmée et expropriée", définitivement en décadence. Il ne surgira pas en son sein de nouvelles tendances liées à la contre-révolution impérialiste, et elle n'aura d'autre possibilité que "la référence nostalgique au passé bourgeois".

Le SU falsifie le stalinisme, et il est intéressant de s'arrêter à la critique originale qu'il en fait : "e) une autre hypothèse sous-jacente à toute cette conception, c'est celle d'une intensification de la lutte de classes au cours du processus de construction du socialisme..." (Idem) [3]. Mais que font les camarades ? En plus de tout confondre, ils attribuent au stalinisme une position révolutionnaire ? Trotsky le critiqua en permanence pour le contraire, parce qu'il soutenait qu'après la prise du pouvoir, la révolution était terminée et la lutte de classes commençait à s'éteindre. Il disait que le stalinisme possédait "un système d'idées plus concret : les contradictions sociales ne feront plus que s'atténuer progressivement ; le paysan riche sera peu à peu assimilé par le socialisme; l'évolution, dans son ensemble, indépendamment des événements extérieurs, demeurera régulière et pacifique." (Trotsky, 1936) [4]. Notons au passage que la critique de Trotsky sert pour le SU.

C'est qu'en fait la position actuelle du SU est la même que celle soutenue jusqu'à présent par le stalinisme. Mais ils s'en servent comme prémisse pour arriver à des conclusions différentes. Tous deux disent que la lutte de classes disparaîtra immédiatement. Pour combattre les résidus mesquins de l'idéologie bourgeoise, le stalinisme soutenait qu'il fallait un état toujours plus fort. Le SU, plus conséquent, tire du même principe erroné une conclusion pertinente : s'il y a toujours moins de contradictions, il peut y avoir toujours plus de liberté, et donc, "la dictature du prolétariat commencera à dépérir dés sa naissance".


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