1936

« Staline défend non pas des idées progressives, mais les privilèges de caste de la nouvelle couche sociale, de la bureaucratie soviétique, qui, depuis longtemps déjà, est devenue un frein au développement socialiste de l'U.R.S.S. Il est impossible de défendre ces privilèges par les méthodes de la démocratie prolétarienne ; on ne peut les défendre qu'à l'aide de falsifications, de calomnies et d'une sanglante répression. »

Lev Sedov

Le livre rouge du procès de Moscou

L'assassinat de Kirov

Tous les amalgames stalinistes ont été construits sur le cadavre de Kirov. Pour voir clair dans le procès de Moscou, il faut rappeler tout d'abord l'histoire de cet assassinat et des faits qui s'y rattachent.

Le 1er décembre 1934, à Léningrad, le terroriste Nikolaïev assassinait Kirov.

Pendant plus de deux semaines, on ne sut rien ni de l'assassin ni du caractère de l'assassinat.

Les 6, 12 et 18 décembre, les journaux soviétiques communiquaient la nouvelle du passage par les armes de gardes-blancs terroristes (104 personnes en tout), dont la plus grande partie, disait-on, était venue illégalement en U.R.S.S. De Pologne, de Lettonie, de Finlande et de Roumanie. Il se créait l'impression que ces gens avaient été fusillés en relation avec l'affaire Nikolaïev, c'est-à-dire que Nikolaïev avait été en liaison avec des gardes-blancs.

Le 17 décembre, seize jours après l'assassinat, dans des résolutions d'organisations du parti sur l'assassinat de Kirov, il est mentionné pour la première fois que Nikolaïev avait autrefois fait parti du « groupe de Zinoviev ». (Dans ce groupe était d'ailleurs entrée toute l'organisation du parti de Léningrad en 1926).

Le fait que Nikolaïev fût mentionnée comme « zinoviéviste » éclairait d'un seul coup les intentions de Staline : tenter d'impliquer dans l'assassinat de Kirov l'opposition de gauche et Trotsky, par l'intermédiaire de l'ancien groupe zinoviéviste, bien qu'il ait rompu avec l'opposition depuis 1928, mais qu'il était plus facile, du point de vue policier, de mêler à l'affaire.

Le 22 décembre, l'agence Tass communiquait qu'en relation avec l'assassinat de Kirov, on avait arrêté quatorze anciens zinoviévistes (Kotolynov, Chatski, Mandelstam et autres) dont la majorité faisait, paraît-il, partie du prétendu « centre de Léningrad ». L'information caractérisait comme « fermé » ce centre, dont l'existence n'était nullement démontrée : elle ne disait pas un mot de Zinoviev, de Kamenev, ni d'aucun autre zinoviéviste connu.

Le 23 décembre était publiée une nouvelle information indiquant que depuis le 16 décembre, donc depuis une semaine, à propos de l'affaire Nikolaïev, on avait arrêté Zinoviev, Kamenev, Evdokimov, Bakaïev, etc. ; d'ailleurs, pour sept d'entre eux, parmi lesquels Zinoviev, Kamenev et Evodkimov, « vu l'absence de données suffisantes », des poursuites judiciaires ne seraient pas engagées ; ils seraient remis à la Guépéou en vue d'une répression administrative.

Le 27 décembre, les journaux publiaient l'acte d'accusation de l'affaire Nikolaïev, Kotolynov et autres, qui ne contenait pas un mot sur le groupe Zinoviev et sa participation à l'assassinat de Kirov1.


Les 28 et 29 décembre eut lieu le procès des quatorze (Nikolaïev, Kotolynov et autres), qui, on le sait furent condamnés à mort et fusillés.

Au procès des quatorze, la majorité écrasante des inculpés, malgré une instruction de quatre semaines, ne reconnut pas sa participation à l'assassinat de Kirov. Outre Nikolaïev, seuls Zvezdov et Antonov la reconnurent pleinement, et Iouzkine partiellement, c'est-à-dire quatre sur 14.

Si, comme cela fut admis par la version nouvelle du procès de Moscou, Zinoviev, Kamenev, Bakaïev et les autres n'étaient pas seulement en liaison avec le cetre de Léningrad, qui aurait accompli l'assassinat de Kirov, mais encore avaient dirigé immédiatement, pratiquement, cet assassinat, comment expliquer alors qu'une instruction poursuivie un mois durant n'ait apporté absolument aucune donnée sur ce sujet ? Pourquoi les inculpés, qui ont fait d'amples dépositions, se seraient-ils résolus à dissimuler à tout prix le rôle précisément de Zinoviev, de Kamenev et des autres ? Pourquoi la participation de ceux-ci aurait-elle été également dissimulée par l'agent de la Guépéou2 qui se trouvait dans l'entourage de Nikolaïev ?

La seule explication en est que Zinoviev, Kamenev, etc., n'ont rien eu à voir avec l'assassinat de Kirov. C'est précisément pour cela, alors qu'ils n'étaient pas encore définitivement brisés, qu'on ne put les accuser de l'assassinat de Kirov.

Le 16 janvier 1935, les journaux soviétiques publiaient l'acte d'accusation de l'affaire du prétendu Centre de Moscou, avec Zinoviev, Kamenev, Evdokimov et autres en tête.

Zinoviev, Kamenev, Evdokimov et les autres, au sujet desquels on avait communiqué, quelques semaines auparavant tout au plus, qu'ils étaient étrangers à l'assassinat de Kirov, furent traduits en jugement à propos de cet assassinat. L'affaire prit une tournure nouvelle. Les 15 et 16 janvier, le tribunal statuait sur le sort de Zinoviev, de Kamenev, etc., 19 inculpés en tout. Ils étaient accusés d'aspirer au « rétablissement du capitalisme » et de mener une activité contre-révolutionnaire en général. Aucun fait concret, aucune preuve ne furent apportés par l'accusation. Il fut seulement dit au cours du procès que par leurs « critiques malveillantes », en « répandant des bruits », Zinoviev, Kamenev, etc., avaient favorisé l'état d'esprit terroriste et qu'ils portaient par conséquent la responsabilité politique et morale de l'assassinat de Kirov. En même temps, le tribunal considérait comme établi le fait qu'aucun des inculpés n'avait rien à voir avec l'assassinat lui-même, encore qu'il n'y eût aucun doute à ce sujet pour tout homme tant soit peu informé et politiquement averti. Si Zinoviev, Kamenev et les autres avaient si peu que ce fût, trempé dans l'assassinat de Kirov, comment expliquer, encore une fois, que la nouvelle enquête, du 16 décembre 1934 au 15 janvier 1935, n'ait même pas fait apparaître un seul fil qui conduisît à l'assassinat de Kirov ? Or, dans l'affaire Zinoviev-Kamenev furent impliquées des dizaines de personnes, déjà très démoralisées pour la majorité d'entre elles et qui s'accusèrent l'une l'autre de crimes inexistants. Et aucune d'elles, ni d'un mot, ni d'une allusion, ne fût-ce que « fortuitement », n'a remis dans les mains de la Guépéou le fil de la participation de Zinoviev, de Kamenev et des autres à l'assassinat de Kirov.

Staline dut se satisfaire en 1935 de l'aveu par Zinoviev et les autres d'une « responsabilité politique et morale » de l'assassinat de Kirov, aveu arraché déjà sous la menace de la fusillade. Mais par la formulation insolente et intentionnellement équivoque de verdict, — « l'enquête n'a pas établi les fait » de la participation de Zinoviev et des autres à l'assassinat de Kirov, — Staline se gardait la possibilité de « développer » à l'avenir cette affaire selon l'évolution de la situation.

Tous les inculpés évitèrent alors la fusillade. Ils furent condamnés à de longues peines d'emprisonnement. Il était alors tout à fait clair déjà que l'arrestation et la condamnation de Zinoviev et de Kamenev étaient provoquées non pas par leur activité (elle était inexistante), mais par le plan de Staline : en frappant ce groupe, frapper tout t ce qui était opposition dans le pays, en particulier à l'intérieur de la bureaucratie elle-même pour laquelle Zinoviev et Kamenev représentaient encore une certaine autorité, et surtout frapper le « trotskisme ».

A peine le procès de Zinoviev et de Kamenev venait-il de se terminer qu'une nouvelle affaire, la troisième, commençait en liaison avec l'assassinat de Kirov. Le 23 janvier 1935, douze dirigeants de la Guépéou de Léningrad comparaissaient devant le Tribunal militaire sous l'inculpation suivante : « Disposant d'informations sur un attentat en préparation contre Kirov... ils avaient fait preuve non seulement d'une attitude insouciante, mais aussi d'une négligence criminelle..., n'ayant pas pris les mesures nécessaires. »

Nous avons ainsi appris, de façon tout à fait inattendue, que la Guépéou avait « DISPOSÉ D'INFORMATIONS » sur l'attentat en préparation contre Kirov et que les dirigeants de la Guépéou de Léningrad « N'AVAIENT PAS PRIS DE MESURES pour tirer au clair et faire cesser à temps l'activité à Léningrad... de l'assassin de Kirov, L. Nikolaïev, QUOIQU'ILS AIENT EU TOUTES POSSIBILTÉS NÉCESSAIRES POUR LE FAIRE ».

Par quelle voie la Guépéou pouvait-elle être au courant et avoir « toutes possibilités nécessaires » ? Par une seule voie : PARMI LES TERRORISTES DE LÉNINGRAD, LA GUÉPÉOU AVAIT SON AGENT PROVOCATEUR (peut-être même plus d'un), en liaison immédiate avec Nikolaïev.

Le jugement des membres de la Guépéou de Léningrad et la formulation même du verdict démontrent de façon irréfutable que l'assassinat de Kirov ne s'est pas produit sans que la Guépéou y fût mêlée. Le verdict dit littéralement qu' « ils furent informés (sic) de l'attentat en préparation contre Kirov... et qu'ils firent preuve d'une incurie criminelle ». Trotsky avait déjà exdpliqué dans sa brochure consacrée à l'assassinat de Kirov que l' « incurie » n'avait rien à voir ici et il avait écrit ceci : « Lorsque la préparation de l'attentat terroriste, dont la Guépéou était au courant, était déjà commencée, la tâche de Medved (chef de la Guépéou de Léningrad) et de ses collaborateurs n'était nullement d'arrêter les conspirateurs, — ç'eût été trop simple — il fallait trouver un consul approprié, le mettre en rapports avec Nikolaïev... établir un lien entre le groupe de Zinoviev-Kamenev et les terroristes de Léningrad. Ce n'était pas un travail facile. Il demandait du temps et Nikolaïev s'est refusé à attendre... »3

Medved, c'était un instrument dans les mains de Staline-Iagoda, rien de plus. STALINE PORTE PAR CONSÉQUENT LA RESPONSABILITÉ NON SEULEMENT POLITIQUE, MAIS AUSSI DIRECTE DE L'ASSASSINAT DE KIROV. Bien entendu, Staline et la Guépéou ne voulaient pas cet assassinat ; ils comptaient arrêter les terroristes au dernier moment, mais en préparant l'amalgame (le consul-Trotsky) il jouèrent avec la tête de Kirov.. Ce jeu fut interrompu par le coup de revolver prématuré de Nikolaïev.

Restée inachevée, la combinaison avec le consul et Trotsky s'effondra piteusement. Le procès même contre Zinoviev et Kamenev dut être construit sur des accusations « générales », sans qu'il y eût la possibilité de les mêler à l'assassinat de Kirov. Maintenant, un an et demi plus tard, sans le moindre fait nouveau, une nouvelle affaire, — c'est la quatrième, — est montée dans les coulisse de la Guépéou autour du cadavre de Kirov : Zinoviev, Kamenev et les autres, s'avère-t-il, ont organisé et accompli l'assassinat de Kirov.

* * *

Le fait qu'on n'ait pas pu établir plus tôt l'activité terroristede Zinovieve et des autres s'explique, selon la Guépéou et le tribunal, par le caractère tout particulièrement conspiratif du complot.

En fut-il ainsi ? Le procès de Moscou donne un tableau absolument contraire. En théorie, une conspiration extraordinaire, qui va jusqu'au projet d'assassiner les exécuteurs des actes terroriste après l'arrivée au pouvoir, pour effacer toutes traces ; en pratique, des bavardages incessants sur la terreur, des rencontres, des voyages, des communications incessantes.

Montrons-le dans les faits. Bakaïev, avec le but de préparer l'assassinat de Kirov, va à Léningrad et s'y lie avec Kotolynov, Lévine, Roumiantsev, Mandelstam, Miasnikov4 (ce sont tous des fusillés de l'affaire Nikolaïev). Bakaïev rencontre cinq personnes ! Mais cela ne lui suffit pas.

On apprend qu'il est allé à Léningrad non pas seul, mais avec quelque « trotskiste-terroriste » (dont le nom n'est pas cité et dont le tribunal ne tente même pas d'établir l'identité). Mais comme si Bakaïev s'efforçait visiblement d'être découvert, il prie de « convoquer les gens ». « Un peu plus tard, dans l'appartement de Lévine, se rassemblèrent, en plus de lui-même et de Mandelstam, Sossitsiki, Vladimir Roumiantsev, Kotolynov et Miasnikov »5. (A cette réunion, il ne manque que le chef de la Guépéou, Medved !). Pensant certainement qu'on n'avait pas encore tout fait pour que l'affaire fût découverte à coup sûr, Bakaïev demande qu'on lui présente aussi Nikolaïev personnellement. Il se rencontre avec Nikolaïev et s'entretient avec lui de l'assassinat de Kirov et non pas seul à seul, mais en la présence du même « trotskiste » anonyme, comme s'il s'efforçait d'avoir un témoin.

Encore un détail intéressant. Lors du voyage de Bakaïev à Léningrad, Lévine vient à sa rencontre à la gare. Il se plaint à Bakaïev : « Eh bien, Gérori Evséiévitch (Zinoviev) ne croit ni Guertik, ni Koukline, ni même Evdokimov »6

Nous apprenons ainsi, c'était d'ailleurs indiqué dans l'acte d'accusation, que Guertik, Koukline et Evdokimov furent aussi en liaison avec les terroristes de Léningrad. Et c'est cela qu'on appelle de la « conspiration » !

Zinoviev n'envoie pas seulement Bakaïev, Guertik, Koukline et Evdokimov (et plus tard, comme nous le verrons, Kamenev lui-même) à Léningrad pour assurer la liaison avec les terroristes, mais juge encore nécessaire de raconter tout cela à droite et à gauche. Ainsi, par exemple, Reingold, qui selon les documents judiciaires ne prit aucune part immédiate à l'acte terroriste contre Kirov, déclare : « J'ai appris de Zinoviev lui-même que l'assassinat de Kirov à Léningrad était préparé sur sa propre directive... »7. Tout se passe comme si Zinoviev craignait fort que son rôle personnel dans l'assassinat de Kirov restât inaperçu et insuffisamment apprécié. Le même Reingold indique que Faivilovitch se tenait aussi en liaison avec les terroristes de Léningrad.

Bakaïev indique que l'assassinat de Kirov fut aussi confié à Karev ; Evdokimov proposa en outre de mettre Karev en liaison avec Lévine et Anichev. Bien entendu, cela ne parut pas suffisant à Zinoviev et il proposa de mettre Karev également en rapports, à Léningrad, avec Roumiantsev. Ainsi, Karev était en liaison avec Lévine, Anichev et Roumiantsev. En outre, Bakaïev, lors d'un « entretien », informe Karev de l'existence du groupe terroriste de Kotolynov. L'affaire ne s'arrête pas là. Il s'avère qu'en juin 1934 Kamenev se rendit personnellement à Léningrad « où il chargea le zinoviéviste actif Iakovlev de préparer, parallèlement avec le groupe Nikolaïev-Kotolynov, l'attentat contre Kirov »8 ; Kamenev informe de plus Iakovlev que d'autres groupes préparent également des actes terroristes : à Moscou contre Staline, à Léningrad le groupe Roumiantsev-Kotolynov contre Kirov.

En quête de nouveaux auditeurs, Zinoviev raconte ses intentions terroristes à Matorine et à Pikel ; Pikel met de plus Bakaïev en liaison encore avec un autre « terroriste », Radine.

Après une absence de presque deux années, Mratchkovski revient à Moscou dans l'été de 1934. Kamenev lui raconte immédiatement que « Bakaïev organise à Léningrad... un acte terroriste contre Kirov »9.

Evdokimov raconte enfin que « dans l'été 1934, dans l'appartement de Kamenev à Moscou, une conférence avait eu lieu à laquelle assistèrent Kamenev, Zinoviev, Evdokimov, Sokolnikov, Ter-Vaganian, Reingold et Bakaïev. On avait décidé à cette conférence de hâter l'assassinat de Kirov »10.

Ainsi, il apparaît que des dizaines de terroristes — le nombre des seules personnes nommées plus haut se monte à 24 — ont bavardé pendant de nombreux mois sur la terreur, ont eu des entrevues terroristes, ont tenu des réunions terroristes, etc., etc. Ils ont bavardé là-dessus à droite et à gauche ; tous leurs amis et connaissances savaient qu'ils préparaient l'assassinat de Kirov ; seule... la Guépéou l'ignorait. Et quand la Guépéo, après l'assassinat de Kirov, opéra enfin des arrestations, elle ne sur rien en tirer. Près de deux mois d'instruction autour de l'affaire Kirov, la présence, répétons-le, parmi les terroristes, d'un agent (d'agents) de la Guépéou, trois procès, et la Guépéou n'a malgré tout encore aucun soupçon de l' « activité terroriste » de Zinoviev, Kamenev et autres. Il semble que l'affaire se passe dans la lune et non pas en U.R.S.S., entièrement prise dans les filets d'une Guépéou toute-puissante.

* * *

Et tout ce tapage et tout cet invraisemblable remue-ménage « terroriste » autour de Kirov. Pourquoi donc Kirov ? Admettons pour un instant que Zinoviev et Kamenev eussent été réellement des terroristes. Pourquoi donc leur uût-il fallu assassiner Kirov ? Zinoviev et Kamenev étaient des gens trop avertis pour ne pas comprendre que l'assassinat de Kirov, une figure absolument de troisième plan, immédiatement remplacé par un autre Kirov-Jdanov, ne pouvait les « rapprocher du pouvoir ». Or, d'après les termes mêmes du verdict, ils cherchaient par la terreur à se rapprocher du pouvoir et cela seulement.

* * *

Notons encore ceci. Zinoviev, dit Vychinsky, avait hâté l'assassinat de Kirov et « le désir de renchérir sur les terroristes-trotskistes n'était pas le dernier des motifs », et à un autre endroit : « Zinoviev déclara que c'était pour eux une question d' « honneur » que de réaliser leur désir criminel (l'assassinat de Kirov) plus vite que les trotskistes »11. Bakaïev, de son côté, déclara devant le tribunal : « Zinoviev a dit que les trotskistes, d'après la directive de Trotsky, avaient entrepris l'organisation de l'assassinat de Staline et que nous (c'est-à-dire les zinoviévistes) devions prendre en main l'initiative de l'assassinat de Staline »12

Si Zinoviev avait tant voulu dissimuler sa participation13 et celle de ses amis aux actes terroristes, il eût dû être fort satisfait de ce que les « trotskistes » prissent sur eux tous les risques et que par cela même les zinoviévistes, tout en se tenant à l'écart, pussent, ensuite, jouir des fruits de la victoire.

Il y a ici une incohérence manifeste : ou Zinoviev veut dissimuler sa participation aux actes terroristes, ou il donne à ces actes un caractère de démonstration politique (« C'est nous les zinoviévistes et non les trotskistes qui... »). Mais non pas l'un et l'autre à la fois !

* * *

Il est hors de doute que si le dixième de ce dont s'accusèrent les inculpés avait été vrai, il auraient été jugés et fusillés il y a au moins deux ans. L'assassinat de Kirov fut l'acte de quelques jeunes communistes désespérés de Léningrad, sans liaison avec quelque organisation terroriste centrale que ce fût (il n'en existait pas). Ni Zinoviev, ni Kamenev, ni aucun autre des vieux bolchéviks n'ont rien eu à voir avec l'assassinat de Kirov.

Notes

1 La tentative était faite de mêler directement à l'affaire L. Trotsky à l'aide d'un consul anonyme. Voir à ce sujet page 35.

2 Voir page 25.

3 L. Trotsky, La bureaucratie staliniste et l'assassinat de Kirov, ed. fr., p. 38.

4Le procès du centre trotskiste-zinoviéviste, publié par le Commissariat du peuple de la Justice de l'U.R.S.S., p. 33 et 34.

5 Ibidem, p. 61.

6 Ibidem, p. 60.

7 Ibidem, p. 32.

8 Ibidem, p. 67.

9 Ibidem, p. 43.

10 Ibidem, p. 48.

11 Ibidem, p. 148.

12 Ibidem, p. 48.

13 Reingold, par exemple, indique, et le tribunal estima ce fait établi, que Zinoviev lui avait dit : « La principale tâche pratique est d'organiser le travail terroriste d'une façon assez conspirative pour ne se compromettre en rien » (Le Procès..., p. 19).

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