1929

Cet article, paru dans la Vérité du 31 janvier 1930, constitue le deuxième article de la brochure : La Troisième période d'erreurs de l'Internationale communiste


Œuvres - décembre 1929

Léon Trotsky

Crise de conjoncture et crise révolutionnaire du capitalisme

22 décembre 1929


Au 5° congrès de la C.G.T. unitaire [1], A. Vassart prononça contre Chambelland un grand discours qui fut ensuite édité en brochure avec une préface de Jean Brécot. Dans son discours-brochure, Vassart essaie de défendre la perspective révolutionnaire contre la perspective réformiste. Dans ce sens, notre sympathie lui est tout entière acquise. Mais, hélas ! il défend la perspective révolutionnaire avec des arguments qui ne peuvent profiter qu'aux réformistes.

Son discours renferme une série d'erreurs mortelles, théoriques et pratiques. On peut rétorquer que les argumentations faibles ne manquent pas et que Vassart peut encore beaucoup apprendre. Je serais moi-même heureux de le croire. Mais les choses se compliquent du fait que le discours est édité en brochure de progagande, avec le renfort d'une préface de Jean Brécot, lequel est au moins le cousin de Monmousseau [2], et que cela donne à cette brochure l'allure d'un programme. Le fait que non seulement l'auteur, mais aussi le rédacteur, en préparant un discours destiné à être imprimé, n'ont pas remarqué les criantes erreurs qu'il renferme, témoigne de l'état navrant du niveau théorique des dirigeants actuels du communisme français. Jean Brécot ne se lasse pas de tonner contre l'opposition marxiste. Néanmoins, comme nous le montrerons tout à l'heure, il devrait, de toute nécessité, commencer par apprendre son alphabet. La direction du mouvement ouvrier, Marx l'a dit un jour à Weitling, ne s'accommode pas de l'ignorance.

Chambelland a exprimé au congrès l'idée, qui ne repose décidément sur rien, hormis sur les tendances réformistes de l'orateur, que la stabilisation du capitalisme se maintiendrait encore de trente à quarante ans. Autrement dit, même la nouvelle génération du prolétariat, qui n'en est encore qu'à ses premiers pas, ne peut compter sur la conquête révolutionnaire du pouvoir. Chambelland n'a fait valoir aucune raison sérieuse en faveur de ces délais fantastiques. Or, l'expérience historique de ces vingt dernières années et l'analyse théorique de la situation actuelle se retournent entièrement contre les perspectives de Chambelland.

Mais voyons comment Vassart le réfute. Ce dernier démontre, tout d'abord, que même avant la guerre le système économique ne pouvait exister sans secousses : « Depuis 1850 jusqu'à 1910, il y a eu environ tous les quatorze ans une crise engendrée par le système capitaliste... » (p. 14.) Et plus loin : « Si, avant la guerre, il y avait des crises tous les quatorze ans, y a une contradiction entre ce fait et l'affirmation de Chambelland qui ne voit pas de crise sérieuse avant quarante ans. »

Il n'est pas difficile de comprendre que, par cette argumentation, Vassart, qui confond les crises de conjoncture avec la crise révolutionnaire de l'ensemble du capitalisme, ne fait que renforcer la position fausse de Chambelland.

Ce qui frappe tout d'abord, c'est que le cycle de conjoncture soit fixé à quatorze ans. Où Vassart a‑t‑il pris ce chiffre ? Nous l'entendons pour la première fois. Et comment se fait‑il que Jean Brécot, qui nous donne des leçons avec tant d'autorité (pour ainsi dire avec autant d'autorité que Monmousseau lui-­même) n'ait pas remarqué cette erreur grossière, surtout dans cette question qui est d'une importance immédiate et vitale pour le mouvement syndical ?

Avant la guerre, chaque syndicaliste savait que les crises, ou tout au moins les dépressions économiques, se répétaient tous les sept à huit ans. Si l'on prend une période portant sur un siècle et demi, on constate que, d'une crise à l'autre, il ne s'est jamais écoulé plus de onze années. Quant à la durée moyenne du cycle, elle est environ de huit années et demie. D'autre part, comme la période d'avant‑guerre l'a déjà montré, le rythme de conjoncture a tendance, non pas à se ralentir, mais à s'accélérer, ce qui est en connexion avec le renouvellement plus fréquent de l'outillage technique. Dans les années d'après‑guerre, les variations de conjoncture eurent un caractère irrégulier qui s'est, cependant, traduit par ceci que les crises se sont répétées plus souvent qu'avant la guerre. Comment des syndicalistes français de premier plan peuvent‑ils ignorer ces faits élémentaires ? Comment peut‑on, en particulier, diriger un mouvement de grève sans avoir devant les yeux le tableau réel de l'alternance des conjonctures économiques ? Cette question, tout communiste sérieux peut et doit la poser aux dirigeants de la C.G.T. unitaire et, en premier lieu, à Monmousseau, carrément.

Voilà pour le côté pratique... La situation n'est pas meilleure si on la considère du point de vue de la méthodologie. En réalité, que démontre Vassart ? Que le développement capitaliste est, d'une manière générale, inconcevable sans contradictions de conjoncture : celles‑ci existaient avant la guerre, elles continueront d'exister à l'avenir. Voilà un lieu commun qu'il ne viendra probablement pas à l'idée de Chambelland lui‑même de contester. Mais nulle perspective révolutionnaire ne découle encore de là. Ce serait plutôt le contraire : si, au cours des cent cinquante dernières années, le monde capitaliste a passé par dix‑huit crises, il n'y a pas de raison de conclure que le capitalisme doit tomber à la dix‑neuvième ou à la vingtième. En réalité, les cycles de conjoncture jouent, dans la vie du capitalisme, le même rôle que les cycles de circulation du sang dans la vie de l'organisme. Du caractère périodique des crises découle aussi peu l'inéluctabilité de la révolution que du caractère rythmique du pouls découle l'inéluctabilité de la mort.

Au 3° congrès de l'Internationale communiste (1921), les ultra-gauches d'alors (Boukharine, Zinoviev, Radek, Thaelmann, Thalheimer, Pepper, Bela‑Kun et autres) considéraient que le capitalisme ne connaîtrait plus d'essor industriel, car il était entré dans sa dernière (la « troisième » ?) période, laquelle devait se dérouler sur le fond d'une crise permanente jusqu'à la révolution. Autour de cette question s'engagea, au 3° congrès, une sérieuse lutte idéologique. Mon rapport fut en grande partie consacré à démontrer l'idée que même pour l'époque de l'impérialisme, les lois qui déterminent l'alternance des cycles industriels restent en vigueur et que les oscillations de conjoncture seront inhérentes au capitalisme aussi longtemps que, d'une façon générale, il existera dans le monde : le pouls ne cesse de battre que chez le mort. Mais, suivant le caractère du pouls, en connexion avec les autres symptômes, le médecin peut déterminer si l'organisme qu'il a devant lui est fort ou faible, sain ou malade ‑ je ne parle pas bien entendu des médecins de l'école de Monmousseau.

Or, Vassart essaie de prouver l'inéluctabilité et la proximité de la révolution en se basant sur le fait que, d'une façon générale, les crises et les périodes d'essor se succèdent... tous les quatorze ans.

Vassart aurait facilement évité ces erreurs grossières s'il avait étudié ne fût‑ce que le rapport et les débats consacrés par le 3° congrès de l'Internationale communiste à cette question. Mais, hélas ! les documents essentiels des quatre premiers congrès tenus à l'époque où, dans l'Internationale communiste militait une véritable pensée marxiste, constituent à l'heure actuelle une littérature  interdite [3]. Pour la nouvelle génération des chefs, l'histoire de la pensée marxiste commence au 5° congrès, voire tout particulièrement à la 10° session du comité exécutif de l'Internationale communiste [4]. La destruction systématique de la tradition théorique représente un des principaux crimes de l'appareil bureaucratique aveugle et borné.

La conjoncture économique et la radicalisation des masses.

Si Vassart ignore le mécanisme des cycles industriels et ne comprend pas l'interdépendance qu'il y a entre les crises de conjoncture et la crise révolutionnaire de l'ensemble du système capitaliste, l'interdépendance dialectique qui existe entre la conjoncture économique et la lutte de classe ouvrière ne lui est pas moins étrangère. Vassart se représente cette dépendance d'une manière tout aussi mécanique que son adversaire Chambelland, bien que tous les deux aboutissent à des conclusions diamétralement opposées et du reste également erronées.

Chambelland déclare : « La radicalisation des masses, c'est, en quelque sorte un baromètre qui permet d'apprécier l'état du capitalisme d'un pays. Si le capitalisme se trouve à son déclin, les masses sont forcément radicalisées. » (p. 23.) Chambelland en tire cette conclusion que du moment que les grèves n'englobent que la périphérie des ouvriers et que la métallurgie et l'industrie des produits chimiques sont peu touchées, c'est que le capitalisme n'est pas encore à son déclin et qu'il a encore devant lui quarante ans de développement.

Que répond à cela Vassart ? « Il (Chambelland) ne voit pas mieux la radicalisation parce qu'il ne voit pas non plus les nouvelles méthodes d'exploitation. » Vassart ressasse sur tous les tons l'idée que si l'on admet l'aggravation de l'exploitation et si l'on comprend que cette aggravation va encore se développer, il y a là « quelque chose qui oblige à répondre par l'affirmative à la question de la radicalisation des masses. » (p. 31.)

Quand on lit cette polémique, on a comme l'impression de deux hommes qui chercheraient à s'attraper l'un l'autre les yeux bandés.

Il est faux qu'une crise, toujours et dans n'importe quelles conditions, radicalise les masses. Exemple : l'Italie, l'Espagne, les Balkans, etc. Il est faux que le radicalisme de la classe ouvrière corresponde immanquablement à une période de déclin du capitalisme. Exemple : le chartisme en Angleterre, etc [5]. Chambelland et Vassart, au nom de schémas inanimés, méconnaissent autant l'un que l'autre l'histoire vivante du mouvement ouvrier. Également fausse est la conclusion de Chambelland : car il n'est pas possible de tirer la négation de la radicalisation qui commence du fait que les grèves n'ont pas encore englobé la masse principale des ouvriers français ; en revanche,. on peut et on doit en tirer une appréciation concrète de l'ampleur, de la profondeur et de l'intensité de cette radicalisation. Visiblement, Chambelland n'entend croire à celle-ci qu'une fois qu'elle aura englobé l'ensemble de la classe ouvrière. Or, la classe ouvrière n'a pas besoin de ce genre de chefs qui veulent être défrayés de tout. Il faut savoir distinguer les premiers symptômes, qui ne s'étendent, pour le moment, qu'à la sphère économique, adapter sa tactique à ces symptômes, et suivre attentivement l'évolution du processus. En même temps, on ne doit pas perdre un instant de vue le caractère général de notre époque, qui a déjà montré plus d'une fois et montrera encore, qu'entre les premiers symptômes d'animation et l'élan impétueux qui crée une situation révolutionnaire, il faut non pas quarante ans, mais peut‑être cinq fois ou même dix fois moins.

Vassart ne s'en tire pas mieux. Il établit tout simplement un parallélisme mécanique entre l'exploitation et la radicalisation. Comment peut‑on nier la radicalisation des masses, s'écrie Vassart, indigné, si l'exploitation augmente de jour en jour ? C'est de la métaphysique enfantine, toute inspirée de Boukharine. La radicalisation, il faut la démontrer, non par des déductions, mais par des faits. L'argument de Vassart peut sans peine être retourné ; il suffit de poser cette question : Comment les capitalistes pourraient‑ils augmenter de jour en jour l'exploitation s'il y, avait réellement radicalisation ? C'est précisément le manque de combativité des masses qui permet d'aggraver l'exploitation. Certes, un tel raisonnement, non accompagné de réserves, serait lui aussi unilatéral, mais il serait tout de même plus près de la réalité que l'échafaudage de Vassart.

Le malheur est que l'accroissement de l'exploitation n'entraîne pas en toutes circonstances une plus grande combativité du prolétariat. Ainsi, dans une conjoncture déclinante, dans une période de développement de chômage, tout particulièrement après des batailles perdues, l'accroissement de l'exploitation engendre non pas la radicalisation des masses, mais au contraire l'abattement, la débandade, et la désagrégation. C'est par exemple ce que nous avons vu chez les mineurs anglais, au lendemain de la grève de 1926. C'est ce que nous avons vu sur une plus large échelle encore en Russie, quand la crise industrielle de 1907 vint s'ajouter à l'écrasement de la révolution de 1905. Si, ces deux dernières années, l'accroissement de l'exploitation a abouti en France à un certain développement du mouvement de grèves, c'est qu'un terrain propice à été créé, par l'essor de la conjoncture économique et non par son déclin.

Les faux révolutionnaires craignent le processus économique.

Les opportunistes « ultra‑gauches » qui dirigent l'Internationale communiste craignent une période d'essor comme une « contre-révolution » économique. Leur radicalisme s'appuie sur un frêle pivot. Une progression ultérieure de la conjoncture industrielle porterait au premier chef un coup mortel à la théorie stupide de la « troisième et dernière période ». Ces gens tirent les perspectives révolutionnaires non du processus réel des contradictions, mais de schémas faux. Et de là découlent leurs fatales erreurs de tactique.

Il peut paraître incroyable qu'au congrès des syndicats unitaires de France les orateurs officiels aient eu principalement à coeur de représenter sous le jour le plus lamentable la situation du capitalisme français. En même temps qu'ils exagéraient d'une manière criarde l'ampleur actuelle du mouvement de grèves, les staliniens français donnaient une caractéristique de l'économie française qui enlève tout espoir à la lutte de grève corporative à l'avenir. Vassart était du nombre. C'est d'ailleurs parce que, avec Monmousseau, il identifie la crise du capitalisme à une crise de conjoncture et considère, cette fois avec Chambelland, qu'un essor de conjoncture peut renvoyer la révolution à des années lointaines, que Vassart a une crainte superstitieuse d'un essor industriel. Aux pages 21‑24 de sa brochure, il démontre que la reprise industrielle actuelle de la France est « factice » et « momentanée » (p. 24). Au comité national de décembre, Richetta décrivait l'industrie textile française comme déjà en état de crise. S'il en est ainsi, c'est donc que le mouvement de grèves, qui constitue pour le moment l'unique manifestation de la radicalisation, n'a pas de base économique, ou qu'il la perdra bientôt. A tout le moins, en anticipant, Vassart et Richetta fournissent aux représentants du capitalisme des arguments d'un prix inestimable contre les concessions économiques aux ouvriers et, ce qui est plus important encore, donnent des arguments décisifs aux réformistes contre les grèves économiques, car on doit bien comprendre qu'en aucun cas la perspective de batailles économiques grandissantes ne saurait découler d'une perspective de crise chronique.

Est‑il possible que ces syndicalistes de malheur ne suivent pas la presse économique ? Ils diront, sans doute, que les journaux du capital font à dessein étalage d'optimisme. Mais on comprend bien qu'il ne s'agit pas, dans notre esprit, des articles leaders. De jour en jour, de mois en mois, la presse publie les cours de la Bourse, les balances des banques, des établissements industriels et commerciaux, des chemins de fer. A ce sujet, quelques chiffres ont déjà été donnés dans le n° 12 de la Vérité [6]. Des chiffres plus récents ne font que confirmer la tendance ascendante de l'économie française. Le dernier supplément économique du Temps (9 janvier) qui m'est parvenu donne, par exemple, le rapport lu à l'assemblée générale des Forges et Aciéries du Nord et de l'Est. Nous ignorons ce que pense M. Cuvelette de la philosophie de la « troisième période » et nous avouons ne pas nous y intéresser beaucoup. Mais en revanche, ce monsieur sait très bien calculer les bénéfices et répartir les dividendes. Cuvelette fait ainsi le bilan du dernier exercice : « La situation du marché intérieur a été particulièrement satisfaisante. » Cette formule n'a rien de commun avec un optimisme platonique, car elle est appuyée par 40 francs de dividende par action au lieu de 25 francs l'an dernier. Nous posons la question : Ce fait a‑t‑il ou n'a‑t‑il pas d'importance pour la lutte économique des ouvriers de la métallurgie ? Il semblerait que ça en ait. Mais, hélas ! derrière Cuvelette, nous apercevons la figure de Vassart ou de Brécot, ou bien de Monmousseau lui-même, et nous les entendons dire : « Ne croyez pas les paroles de cet optimiste capitaliste qui ignore que nous sommes enfoncés jusqu'aux oreilles dans la troisième période ! » N'est‑il pas clair que, si l'ouvrier commet la faute de croire Monmousseau dans cette question plutôt que Cuvelette, il devra en venir à cette conclusion qu'il manque de base solide pour mener une lutte économique victorieuse, à plus forte raison une lutte offensive ?

L'école de Monmousseau ‑ si l'on peut qualifier d'école un établissement où les gens se déshabituent de penser, de lire et d'écrire ‑ a peur d'un essor économique. Néanmoins, il faut dire tout net que, pour la classe ouvrière française qui, à deux reprises au moins, a renouvelé sa composition sociale : pendant la guerre et après la guerre, qui, de la sorte, a incorporé dans ses rangs d'im­menses quantités de jeunes, de femmes, d'étrangers, et qui est encore loin d'avoir fondu cette substance humaine dans sa cuve [7], pour la classe ouvrière française, l'évolution ultérieure de l'essor industriel créerait une école incomparable, cimenterait ses rangs, montrerait à ses couches les plus arriérées leur importance et leur rôle dans le mécanisme capitaliste et, en conséquence, porterait à un plus haut niveau la conscience que la classe ouvrière a d'elle-même. Deux ou trois ans, voire une année de lutte économique large et victorieuse transfigureraient le prolétariat. Et, après une juste utilisation de l'essor économique, la crise de conjoncture peut donner une sérieuse impulsion à une réelle radicalisation politique des masses.

En même temps, on ne doit pas oublier que les guerres et les révolutions de notre époque découlent, non des crises de conjoncture, mais d'un antagonisme parvenu à une extrême acuité entre le développement des forces productives d'une part, la propriété bourgeoise et l'Etat national d'autre part. La guerre impérialiste et la révolution d'Octobre sont déjà arrivées à montrer l'intensité de ces antagonismes. Le rôle nouveau de l'Amérique les a encore aggravés. Or, plus le développement des forces productives dans tel ou tel pays, ou dans plusieurs pays, prendra d'importance, plus tôt le nouvel essor s'enfermera dans les contradictions fondamentales de l'économie mondiale et plus violente sera la réaction économique, politique, intérieure et extérieure. Un important essor industriel serait, dans tous les cas, non pas un inconvénient, mais un immense avantage pour le communisme français en donnant un puissant tremplin de grèves à l'offensive politique. Conclusion : les situations révolutionnaires ne manqueront pas. En revanche, ce qui fera peut-être défaut, c'est l'aptitude à les exploiter.

Peut‑on considérer comme certain un prochain développement ascendant de la conjoncture économique française ? Nous ne voulons pas l'affirmer. Diverses éventualités sont possibles. De toute façon, ceci ne dépend pas de nous. Mais ce qui dépend de nous et ce que nous sommes tenus de faire, c'est de ne pas fermer les yeux sur les faits, au nom de misérables schémas, mais de prendre l'évolution économique telle qu'elle est et de déterminer une tactique syndicale fondée sur des faits réels.

Nous parlons en l'espèce de tactique, que nous séparons de la stratégie, laquelle, bien entendu, est déterminée non par les variations de conjoncture, mais par les tendances fondamentales de. l'évolution. Si la tactique est subordonnée à la stratégie, d'un autre côté la stratégie ne se réalise que par la tactique. Dans l'Internationale communiste comme dans l'Internationale syndicale rouge, la tactique réside dans le zigzag du moment, et la stratégie dans la somme mécanique des zigzags. Voilà pourquoi l'avant‑garde prolétarienne subit défaites sur défaites.


Notes

[1] Le 5° congrès de la C.G.T.U. se tint à Paris en septembre 1929. 148 syndicats, disposant de 214 voix, votèrent contre le rapport d'activité, 1116 syndicats disposant de 1758 voix votèrent pour. Contre Vassart, secrétaire de la C.G.T.U., Maurice Chambelland fut le porte‑parole d'une minorité que Trotsky qualifia de « néo‑réformiste » et qui exprimait la réaction de nombreux militants ‑ membres du parti communiste compris ‑ contre l'aventurisme de la troisième période.

[2] Personne n'ignorait, dans le mouvement communiste, que « Jean Brécot » était l'un des pseudonymes de Gaston Monmousseau.

[3] Seule l'opposition de gauche fera réimprimer, à la Librairie du Travail, les textes des résolutions et adresses des quatre premiers congrès de l'I.C.

[4] Le 5° congrès de l'Internationale communiste, tenu à Moscou du 17 juin au 8 juillet 1924, marque le début, sur une grande échelle, du mouvement de « bolchevisation » de l'Internationale sous la houlette de Zinoviev, c'est‑à‑dire l'élimination de toute velléité d'opposition et surtout du « trotskysme ». Le 10° plénum (en juillet 1929), marque le tournant décisif vers la troisième période.

[5] Le mouvement chartiste, dans le deuxième quart du XIX° siècle, fut en réalité le premier mouvement ouvrier révolutionnaire de masse de l'époque contemporaine et l'expérience chartiste, par l'intermédiaire d’Engels, exerça sur la pensée de Marx une incontestable influence : il coïncida précisément avec la période de montée foudroyante du capitalisme en Grande‑Bretagne.

[6] On ne peut que se féliciter de voir la Vérité donner dans ses colonnes une revue économique mensuelle. Le premier article (n° 12) est une démonstration magnifique de la nécessité pour tout communiste d'avoir une orientation économique, aussi bien dans le travail de parti que dans le travail syndical. Les oppositionnels doivent précisément appuyer sur ce côté des choses en opposant une perspective vraiment révolutionnaire, fondée sur l'analyse marxiste des faits et des chiffres, non seulement aux clapotages vides des Cachin et des Monmousseau, mais aussi à la prose politique de certains personnages de salon qui se sont inscrits par erreur dans les rangs de l'opposition de gauche. (Note de Trotsky.)

[7] Remarque capitale : mais cet aspect de l'histoire contemporaine de la France n'a pas encore été étudié à ce jour.


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