1936

Lettre à Bosovitch, Bibliothèque du Collège de Harvard, 7424, avec la permission du Collège de Harvard. Traduite du russe


Œuvres – avril 1936

L. Trotsky

[Sur la question nationale ukrainienne]

6 avril 1936


Cher Camarade Bosovitch [1],

J'ai reçu en son temps votre première lettre et maintenant je reçois la seconde avec en annexe la Lettre ouverte des camarades Podolinsky, Terein et Garmach [2]. J'éprouve, à ne pas vous avoir répondu à temps, un grave remords de conscience. Pour me justifier, je dois alléguer que j'ai été bien malade ces derniers mois et que j'ai même dû, à plusieurs reprises, entrer en clinique. A cause de ces longues interruptions dans mon travail, occasionnées par la maladie, j'ai accumulé quantité d'engagements dont je n'ai pas pu m'acquitter. C'est ainsi que j'ai retardé pendant quelques mois l'édition américaine nouvelle de l'Histoire de la Révolution parce que je n'avais pas écrit la préface à temps. Maintenant je travaille beaucoup à cette préface qui constitue en fait un petit livre dont le titre est Qu'est‑ce que l'U.R.S.S. et où va‑t‑elle ? Je tiens ce travail pour très important, car si l'on ne comprend pas correctement les processus qui se déroulent en U.R.S.S., on ne peut pas répondre correctement à aucune des questions du mouvement ouvrier mondial et en particulier à la question nationale. Dans mon récent article sur l'interview de Staline et de Roy Howard, j'ai essayé au passage d'indiquer au moins le lien qui existe entre la question ukrainienne et la politique internationale de la bureaucratie soviétique. Un tel lien existe aussi dans tous les autres domaines : économique, politique, culturel, etc. C'est pourquoi je tiens avant tout pour nécessaire de terminer mon travail sur l'U.R.S.S. Il me prendra encore quelques semaines. Ce n'est qu'après cela que je pourrai m'occuper réellement de vos lettres. Je dois cependant vous prévenir que j'ai pris ces dernières années beaucoup de retard en ce qui concerne le développement de la question nationale ukrainienne, que ce soit en Ukraine soviétique ou en Ukraine occidentale. A mon grand regret, pendant mon troisième exil, il ne m'a pas été une seule fois donné de rencontrer un camarade ukrainien qui puisse, dans une discussion vivante, me mettre au courant des questions les plus brûlantes de la politique ukrainienne actuelle. Tout cela réuni constitue pour moi de grosses difficultés. Dans tous les cas, j'essaierai dans quelques semaines de faire tout mon possible pour répondre sur le fond à vos lettres, ainsi qu'à la lettre ouverte des trois camarades mentionnés plus haut [3].

Mes vœux les plus vifs de réussite dans votre travail. Saluts révolutionnaires.


Notes

[1] Bosovitch était un Ukrainien du Canada, membre du groupe de langue ukrainienne du parti socialiste qui avait donné naissance au P.C. du Canada. Il avait occupé des fonctions dans la direction nationale à Toronto et avait rejoint l'Opposition de gauche. Il tentait de convaincre Trotsky de la nécessité de reconnaître le droit à l'autodétermination de l'Ukraine, y compris le droit de sécession de l'Ukraine soviétique.

[2] Il s'agit d'une déclaration signée de trois Ukrainiens transmise à Trotsky par le « bureau ukrainien » du Workers Party of Canada.

[3] C'est dans cette correspondance qu'il faut voir la source de la réflexion de Trotsky sur cette question, laquelle allait aboutir à sa prise de position en faveur de l'indépendance de l'Ukraine.


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