1940

En mai 1940, Trotsky rédige le manifeste de la IV° Internationale sur la guerre. Ce texte basé sur les principes de l'internationalisme prolétarien servira de base à l'activité trotskyste durant toute cette période et sera l'un des derniers de Trotsky avant son assasinat.


Manifeste d'alarme de la IV° Internationale

Léon Trotsky

Le Problème de la Direction


Reste la question de la direction. Est‑ce que la révolution ne va pas être trahie cette fois aussi dans la mesure où il y a deux Internationales au service de l'impérialisme alors que les éléments authentiquement révolutionnaires constituent une petite minorité ? En d'autres termes, allons‑nous réussir à préparer à temps un parti capable de diriger la révolution prolétarienne ? Pour répondre correctement à cette question, il faut bien la poser. Naturellement, tel ou tel soulèvement peut et même doit se terminer par une défaite due à l'absence de maturité de la direction révolutionnaire. Mais il ne s'agit pas d'un soulèvement unique. Il s'agit d'une époque révolutionnaire entière.

Le monde capitaliste n'a pas d'issue, à moins de considérer comme telle une agonie prolongée. Il faut se préparer pour des longues années, sinon des décennies, de guerres, de soulèvements, de brefs intermèdes de trêve, de nouvelles guerres et de nouveaux soulèvements. C'est là‑dessus que doit se fonder un jeune parti révolutionnaire. L'histoire lui donnera suffisamment d'occasions et de possibilités de s'éprouver lui-même, d'accumuler de l'expérience et de mûrir. Plus vite les rangs de l'avant-garde fusionneront, plus l'époque des convulsions sanglantes sera raccourcie, moins notre planète aura à supporter de destructions. Mais le grand problème historique ne sera en aucun cas résolu jusqu'à ce qu'un parti révolutionnaire prenne la tête du prolétariat. La question des rythmes et des intervalles est d’une énorme importance, mais elle n'altère ni la perspective historique générale ni la direction de notre politique. La conclusion est simple : il faut faire le travail d'éduquer et d’organiser l'avant‑garde prolétarienne avec une énergie décu­plée. C’est précisément en cela que réside la tâche de la IV° Internationale.

La plus grosse erreur est commise par ceux qui, cherchant à justifier des conclusions pessimistes, font simplement référence aux tristes conséquences de la dernière guerre. En premier lieu, la dernière guerre a donné naissance à la révolution d'Octobre sur les leçons de laquelle vit le mouvement ouvrier du monde entier. En second lieu, les conditions de la guerre actuelle diffèrent profondément des conditions de 1914. La position économique des Etats impérialistes, y compris les Etats‑Unis, est infiniment pire aujourd'hui et le pouvoir de destruction de la guerre infiniment plus grand que ce n'était le cas il y a un quart de siècle. Il y a donc assez de raisons pour attendre cette fois une réaction bien plus rapide et bien plus décisive de la part des l'armée.

L’expérience de la première guerre n'est pas sans avoir profondément affecté les masses. La II° Internationale a tiré sa force des Illusions démocratiques et pacifistes presque intactes des masses. Les ouvriers espéraient sérieusement que la guerre de 1914 serait la dernière des guerres. Les soldats se sont fait tuer pour épargner à leurs enfants un nouveau massacre. Ce n’est qu’à cause de cet espoir que les hommes ont pu supporter la guerre pendant plus de quatre années. Aujourd'hui, il ne reste presque rien des illusions démocratiques et pacifistes. Les peuples souffrent de la guerre actuelle sans plus y croire, sans en attendre plus que de nouvelles chaînes. Cela s'applique aussi aux Etats totalitaires. La vieille génération ouvrière, qui a porté sur ses épaules le fardeau de la première guerre impérialiste et oublié ses leçons, est loin encore d'être éliminée de l’arène. La génération suivante, qui a fait ses classes pendant la dernière guerre, entend encore résonner dans ses oreilles les faux mots d'ordre de patriotisme et de pacifisme. L'inestimable expérience politique de ces couches qui sont maintenant écrasées par le poids de la machine de guerre se révèlera dans toute sa force quand la guerre obligera les masses laborieuses à se prononcer ouvertement contre leurs gouvernements.


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