1940

En mai 1940, Trotsky rédige le manifeste de la IV° Internationale sur la guerre. Ce texte basé sur les principes de l'internationalisme prolétarien servira de base à l'activité trotskyste durant toute cette période et sera l'un des derniers de Trotsky avant son assasinat.


Manifeste d'alarme de la IV° Internationale

Léon Trotsky

Socialisme ou Esclavage


Nos thèses, La Guerre et la IV° Internationale disent que « le fait qu'apparaisse la nature profondément réactionnaire, putréfiée et pillarde, du capitalisme moderne, la destruction de la démocratie, du réformisme et du pacifisme, le besoin ardent et brûlant du prolétariat d'échapper au désastre imminent mettent à l'ordre du jour la révolution internationale avec une force renouvelée [1] »

Il n'est plus question aujourd'hui, comme au XIX° d'assurer simplement un développement plus rapide et plus sain de la vie économique : il s'agit aujourd'hui de sauver l'humanité du suicide. C'est précisément l'acuité du problème historique qui coupe complètement l'herbe sous les pieds des partis opportunistes. Le parti de la révolution, au contraire, trouve une source de puissance inépuisable dans la conscience du fait qu'il accomplit une inexorable nécessité historique.

En outre, il est inadmissible de mettre sur le même plan l'avant‑garde révolutionnaire actuelle et ces internationalistes isolés qui ont élevé leur voix au début de la dernière guerre. Seul le parti russe des bolcheviks représentait une force révolutionnaire à cette époque. Mais même lui, dans son écrasante majorité, n'arriva pas, sauf pour le petit groupe en émigration autour de Lénine, à secouer l'étroitesse nationale et à s'élever à la perspective de la révolution mondiale [2].

La IV° Internationale, numériquement et surtout dans sa préparation, possède des avantages infinis sur ses prédécesseurs au début de la dernière guerre. La IV° Internationale est l'héritière directe du bolchevisme dans son plein épanouissement. La IV° Internationale a absorbé la tradition de la révolution d'Octobre et a transmuté en théorie l'expérience de la période historique la plus riche entre les deux guerres impérialistes. Elle a foi en elle-même et en son avenir.

La guerre, répétons‑le une fois de plus, accélère énormément le développement politique. Ces grandes tâches qui, hier encore, nous semblaient à des années, voire des décennies de nous, peuvent surgir directement devant nous dans les deux ou trois années qui viennent et même avant. Les programmes qui reposent sur les conditions habituelles de temps de paix vont rester inévitablement suspendus en l'air. D'un autre côté, le programme de la IV° Internationale de revendications transitoires, qui semblait si «irréel » à des hommes politiques à courte vue, va révéler sa pleine signification dans le procès de mobilisation des masses pour la conquête du pouvoir d'Etat.

Au début de la nouvelle révolution, les opportunistes vont tenter une fois de plus, comme ils l'ont fait il y a un quart de siècle, d'imprégner les ouvriers de l'idée qu'il est impossible de construire le socialisme sur des ruines et la dévastation. Comme si le prolétariat était libre de choisir ! Il faut construire sur les fondations que nous donne l'histoire. La révolution russe a démonntré que la domination des ouvriers pouvait sortir un pays très arriéré de la plus profonde pauvreté. D'autant plus grands sont les miracles qui s'ouvrent devant le prolétariat des pays avancés. La guerre détruit les structures, les chemins de fer, les usines, les mines, mais elle ne peut détruire la technique, la science, les qualifications professionnelles. Après avoir créé son propre Etat, organisé correctement ses propres rangs, amené au travail les forces qualifiées héritées du régime bourgeois, et après avoir organisé la production conformément à un plan unifié, le prolétariat va non seulement restaurer en quelques années tout ce qui a été détruit par la guerre, mais créer aussi les conditions de la plus grande floraison culturelle sur le fondements de la solidarité.


Notes

[1] Œuvres,4, p. 49.

[2] Trotsky considérait qu'il y avait eu, autour de Lénine, une véritable « mutation » du bolchevisme à cette époque et un aspect nouveau « ouvert » du bolchevisme. Cf. n° 17, p. 23, à propos du ralliement de Rakovsky au bolchevisme


Archives Trotsky Archives Internet des marxistes
Début Précédent Haut de la page Sommaire suite fin