1971

"L'histoire du K.P.D. (...) n'est pas l'épopée en noir et blanc du combat mené par les justes contre les méchants, opportunistes de droite ou sectaires de gauche. (...) Elle représente un moment dans la lutte du mouvement ouvrier allemand pour sa conscience et son existence et ne peut être comprise en dehors de la crise de la social-démocratie, longtemps larvée et sous-jacente, manifeste et publique à partir de 1914."


Révolution en Allemagne

Pierre Broué

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Essai de définition du rôle d'un parti communiste


XV: Le Parti Communiste après janvier 1919

La répression du « soulèvement » de janvier a porté au parti communiste allemand un rude coup. Dans les mois qui suivent, ses militants sont engagés sur tous les fronts, au premier rang de tous les combats, sans coordination, sans centralisation : malgré la proclamation du K.P.D. (S), la classe ouvrière allemande n'a pas encore de parti révolutionnaire, seulement des détachements épars qu'une direction élue en janvier ne parvient pas à homogénéiser.

Paul Levi.

La centrale est reconstituée dans les premiers jours de mars. L'homme qui prend la succession des grands morts de janvier, Paul Levi, est relativement neuf dans le mouvement, mais il n'est pas, au moins sur le moment, contesté. D'une génération plus jeune que les fondateurs de Spartakus - il n'a que trente six ans -, c'est le fils d'un banquier d'Hechingen. Avocat à Francfort avant guerre, il a très tôt adhéré au parti social-démocrate et été élu conseiller municipal. Mais il ne devient véritablement militant qu'à la suite de sa rencontre, en septembre 1913, avec Rosa Luxemburg, dont il assure la défense dans le procès à propos de son discours de Bockenheim [1]. C'est elle qui l'introduit dans le cercle restreint des révolutionnaires qui refusent l'union sacrée. Mobilisé, il est l'un des premiers correspondants du groupe né au soir du 4 août et est très durement traité à l'armée [2]. Encore sous l'uniforme, il sera l'un des douze délégués à la conférence qui se tient le 5 mars 1915 dans l'appartement  de Pieck à Berlin [3]. A la fin de 1916, réformé, il passe en Suisse l'accueil qui lui est réservé dans les milieux d'émigrés internationalistes montre qu'on le tient pour une personnalité importante du mouvement révolutionnaire allemand. Il exprime une vive hostilité non seulement à l'égard des social-chauvins, mais aussi des centristes, ce qui en fait un élément intéressant pour les bolcheviks [4]. Lénine, qui, dans sa correspondance, déplore chez lui certaines tendances qu'on appellera plus tard « gauchistes » [5] écrira, des années plus tard, après sa rupture définitive avec le communisme :

 « J'ai fait sa connaissance par l'intermédiaire de Radek en Suisse, en 1915 ou 1916. Déjà alors Levi était bolchevik » [6].

C'est en effet Radek qui l'a introduit auprès de Lénine et Zinoviev. En décembre 1916, avec Guilbeaux et Sokolnikov, il est l'un des fondateurs du « groupe socialiste international » qui va publier La nouvelle Internationale, revue au titre significatif [7]. Il est devenu Paul Hartstein, et c'est sous ce nom que, sur proposition de Zinoviev, il entre le 1° février, à la conférence d'Olten, au bureau de la gauche zimmerwaldienne [8]. Précieux contact, tant pour Radek, ce hors-la-loi du mouvement ouvrier allemand, que pour Lénine, qui cherche toujours un pont vers l'Allemagne. Levi se montre un allié des bolcheviks dans la discussion de 1917, puisqu'il se prononce pour la scission et la rupture avec les centristes dans les colonnes d'Arbeiterpolitik [9]. Il signe le manifeste des internationalistes pour le départ de Lénine, puis revient en Allemagne, où il devient l'un des rédacteurs des lettres de Spartakus et un dirigeant du groupe.

Après la révolution de novembre, membre de la centrale, il est rédacteur de Die Rote Fahne et l'un des meilleurs orateurs spartakistes. C'est lui qui accueille Radek - à qui le lient des mois de cohabitation et de camaraderie à Davos [10] - et facilite la reprise de contact entre l'envoyé des bolcheviks et les dirigeants spartakistes [11]. Au congrès de fondation, il s'est vu confier la tâche ingrate de présenter le rapport sur l'Assemblée nationale - ce qui fera de lui la cible favorite des gauchistes, qui l'accusent de briguer un siège de député. En janvier, il maintient le contact avec Radek et s'efforce de convaincre la centrale qu'elle doit condamner nettement la politique aventuriste de Liebknecht et Pieck [12]. Arrêté comme Pieck, Eberlein, Jogiches, il réussit comme eux à reprendre sa liberté quelques heures après l'assassinat de Luxemburg et Liebknecht, qu'il apprend au début d'un interrogatoire [13]. Les jours suivants, il est avec Jogiches un des piliers de l'enquête sur le double assassinat et, à sa mort, son unique remplaçant possible. Au lendemain du prétendu « massacre de Lichtenberg », sa tête est mise à prix par les corps francs pour 20 000 marks [14].

Dans le parti, on lui reproche son style de vie de grand bourgeois - la gouvernante qui ouvre sa porte [15], ses goûts raffinés, sa collection de jades chinoises [16], sa passion pour l'égyptologie, les éditions savantes de textes anciens qu'il lit dans le texte et cite de mémoire dans ses interventions, son goût des références à l'histoire romaine, des Gracques à Catilina - et puis son donjuanisme [17], une certaine arrogance d'intellectuel, des manières hautaines, de la susceptibilité et un manque de chaleur dans les rapports. Pourtant, en ces heures dramatiques pour le petit parti, ce sont seulement ses qualités qui comptent, son intelligence et sa culture, son courage moral, son sens des responsabilités. Il traîne comme un boulet le fardeau des tâches illégales mais les accomplit mieux que les autres. Son autorité et son activité l'imposent : c'est entre ses mains que repose, à partir de mars, la direction du parti [18].

Il est de ceux qui considèrent l'action de janvier comme une erreur monumentale. C'est vraisemblablement lui qui écrit à ce sujet, faisant porter, par patriotisme de parti, au seul Ledebour la responsabilité de l'affaire :

« Ledebour voulait prendre le pouvoir dans une conjoncture où il manquait à peu près toutes les conditions de la dictature du prolétariat, puisque le prolétariat était en partie derrière Scheidemann, en partie derrière Haase, et en partie derrière ... Ledebour. Dans une pareille situation, donner à une action révolutionnaire un objectif inaccessible - aussi certainement qu'on peut compter cinq doigts sur une main -, nous appelons cela du putschisme » [19].

Il vient juste d'assumer la direction du parti illégal quand, de Leipzig, où la centrale vient de chercher refuge après la semaine sanglante de Berlin, il écrit à Lénine le 27 mars une lettre signée de son pseudonyme de Suisse, Paul Hartstein [20]. Il y décrit la situation, l'exaspération et l'impuissance du prolétariat, la froide volonté des gardes blancs d'exterminer le mouvement révolutionnaire, et surtout les dangers que celui-ci court de son propre fait :

« Nous faisons, en toute circonstance, notre possible pour retenir les gens afin qu'ils ne donnent pas au gouvernement de possibilité d'opérer une saignée. (...) Il existe en Allemagne un courant syndicaliste (...) : il est souvent difficile de retenir nos gens de commettre de telles folies. Surtout, nous avons, à l'intérieur de notre organisation, venant d'un certain côté, de véritables tentatives de coup d'Etat» [21].

 Il informe Lénine des progrès réalisés au cours des derniers mois par le parti indépendant, mais lui fournit des détails sur la complicité de ses dirigeants avec Ebert, comme s'il redoutait que les Russes ne se laissent prendre aux manœuvres des indépendants qui font publiquement profession de sympathie pour la révolution russe, et formule le souhait que les bolcheviks condamnent nettement la politique de Kautsky et du parti indépendant.

Deux jours auparavant, à l'annonce de la proclamation à Budapest de la république hongroise des conseils, il exprimait ses inquiétudes dans une comparaison implicite avec le soulèvement de Berlin :

 « La nouvelle révolution hongroise qui a remplacé la démocratie bourgeoise par le gouvernement des conseils n'est pas le prix immédiat d'une bataille que le prolétariat hongrois aurait victorieusement livrée à la bourgeoisie et aux hobereaux hongrois. Elle n'est pas le résultat d'un corps à corps entre le prolétariat et la bourgeoisie, où celle-ci aurait été jetée à bas. Elle est la simple conséquence de ce que la bourgeoisie hongroise - il n'y a pas d'autre mot - a crevé. Elle a sombré dans la honte et l'avilissement et, tout ce qui reste, c'est le prolétariat» [22].

L'unification réalisée à Budapest entre les communistes et les social-démocrates qui ont déclaré accepter la dictature des conseils lui paraît de mauvais augure :

« Au début de notre révolution, il y a eu aussi l'« union de tous les socialistes ». Les canailles qui ont trahi le prolétariat hongrois comme Ebert et Scheidemann ont trahi le prolétariat allemand s'enthousiasment maintenant pour la république des conseils et la dictature du prolétariat. C'est un danger qui, dès aujourd'hui, guette la révolution hongroise, et nous devons le dénoncer, dans l'intérêt de nos frères hongrois comme dans celui du mouvement allemand » [23].

Il n'approuve pas non plus la décision des communistes de Munich, dirigés par Léviné, d'établir, dans les circonstances où ils l'ont fait, un gouvernement des conseils dont ils constituent t'unique armature, contrairement aux consignes données. Il écrit aux communistes suisses :

« Nous croyons que nos camarades munichois se sont doublement trompés, d'abord parce qu'ils se sont laissés entraîner à défendre cette caricature de république des conseils dont ils s'étaient d'abord moqués (…), ensuite en permettant que cette action défensive se transforme sans aucune nécessité en action offensive, puisqu'ils ne se sont pas contentés d'empêcher le coup de main, mais sont passés à la dictature des conseils sans s'inquiéter le moins du monde du reste du pays » [24].

 Bientôt, il tirera un bilan d'ensemble :

« C'était une erreur de croire que quelques troupes d'assaut du prolétariat pouvaient remplir la tâche historique qui est celle du prolétariat. Berlin et Leipzig, Halle et Erfurt, Brême et Munich ont traduit dans les faits ce putschisme et démontré que seul l'ensemble de la classe prolétarienne de la ville et de la campagne peut s'emparer du pouvoir politique » [25].

L'expérience qu'il fait du parti l'amène à la conclusion que les conditions de sa fondation en décembre 1918 ont lourdement handicapé son développement. Les spartakistes sont désormais coupés des centaines de milliers d'ouvriers qui ont rejoint le parti indépendant [26], mais se sont en revanche lié les mains avec des éléments aventuristes, gauchistes, les « putschistes », qu'il rend responsables, par leur inexpérience, leur légèreté et leur impatience, des défaites de 1919 et de la triste situation du parti, que l'illégalité empêche de gagner au communisme l'avant-gardité ouvrière véritable. Très vite, il va se demander comment corriger l'erreur du congrès de fondation, éliminer du parti les éléments anarchisants ou syndicalistes, retrouver le contact avec les travailleurs.

Heinrich Brandler.

Levi n'est pas le seul de son avis dans le jeune parti : les survivants de la centrale sont avec lui, à l'exception peut-être de Paul Frölich, qui est pourtant solidaire de la centrale contre ses adversaires gauchistes [27]. Il a l'appui total de Clara Zetkin qui, conformément aux accords passés en décembre avec Rosa Luxemburg et Jogiches, a attendu le congrès indépendant de mars pour rompre et rejoindre le K.P.D. (S) [28]. Il a aussi apparemment le soutien sans réserves de l'organisation locale la plus nombreuse, celle de Chemnitz. Dans cette cité ouvrière de Saxe, en effet, c'est par 1 000 voix contre 3 que les militants du parti indépendant ont décidé en janvier de rompre avec leur direction et de rallier le parti communiste derrière leurs dirigeants locaux, Fritz Heckert et Brandler, tous deux vieux spartakistes. Au mois de mars, quand l'exécutif indépendant commence à reconstruire à Chemnitz une organisation locale, le parti communiste y compte déjà plus de 10 000 militants [29]. Il n'y est pas, comme dans les autres centres, une petite minorité activiste mais, toutes proportions gardées, un parti de masses exerçant dans la classe ouvrière - notamment au syndicat du bâtiment - d'importantes responsabilités. L'organe du parti à Chemnitz, Der Kämpfer, prend position contre ce qu'il appelle les « aventures » et défend dans l'immédiat une politique d'union ouvrière dans l'action, écrivant notamment en juillet :

« Les putschs, les émeutes, les révoltes ne servent à rien; au contraire, ils aident la contre-révolution. Travailler de façon unitaire, avec une claire conscience de l'objectif, au rassemblement de la classe ouvrière encore peu capable d'action politique, telle est la voie à suivre, difficile certes, mais unique » [30].

 Heinrich Brandler est le dirigeant des communistes de Chemnitz : ce maçon de trente-huit ans est un vétéran du parti social-démocrate et du mouvement syndical; il est le seul à avoir fait, depuis novembre 1918, l'expérience de l'action au sein des conseils ouvriers d'une organisation communiste de masse. En franche opposition avec les gauchistes de l'aile utopiste du parti, fidèle à la tradition spartakiste de la recherche de l'unité de la classe par la lutte et en accord avec la théorie bolchevique des soviets, il écrit que les conseils ouvriers sont le moyen d'unifier la classe ouvrière en même temps que d'atteindre son but final, le communisme :

« Cette unité de la classe ouvrière sera d'abord le résultat de la lutte victorieuse pour le pouvoir elle-même. Elle se fera, elle n'est pas donnée. La réalisation de cette unité de la classe prolétarienne au sens le plus large du terme est une tâche dont dépend la victoire de la révolution sociale. Un moyen d'atteindre cette unité, c'est la constitution de conseils. Aucune organisation, ni parti politique, ni syndicat, ni coopérative de consommation, n'est en mesure de réaliser en elle l'union de toute la classe. Ces organisations ont aujourd'hui une signification énorme et un rôle historique exceptionnel. (...) Dans la lutte pour tout le pouvoir politique, pour la transformation de tout l'ordre social capitaliste, elles ne suffisent pas, parce qu'elles ne sont nécessairement jamais capables de rassembler plus qu'une partie de la classe. Il en va autrement des conseils. (...) L'organisation des conseils est aussi vaste que le mode de production capitaliste lui-même. C'est à travers l'organisation des conseils que le dernier des prolétaires exploités comprend sans peine et s'incorpore au mouvement total » [31].

La compréhension de cette question-clé, base même de la théorie bolchevique des soviets, va de pair avec la prise de conscience du recul de la révolution, Le premier affrontement entre gauchistes et partisans de Levi se produit à la conférence clandestine du K.P.D. (S) qui se tient à Francfort-sur-le-Main, les 16 et 17 août [32]. Willi Münzenberg, qui, depuis sa sortie de prison, mène la bataille contre ceux qu'il appelle « les bonzes du parti », développe la thèse suivant laquelle le champ d'action du parti doit être les conseils révolutionnaires dans les usines, réclame une condamnation définitive du « parlementarisme », c'est-à-dire de la participation aux élections et au Parlement. Contre lui, Levi expose le point de vue de la centrale et le justifie par une analyse différente de la situation et du rapport de forces :

« La révolution est, selon toute apparence, arrivée à un point mort, de sorte qu'on peut parler de son épuisement. Nous sommes au terme d'une époque, celle qui s'est engagée le 9 novembre et qui a conduit à la défaite de la révolution. (...) Nous sommes entrés dans la phase où la révolution s'effiloche, et nous ne pourrons plus désormais nous attendre à de grands mouvements de masse » [33].

Radek.

En août également, le regime de détention de Karl Radek ayant été assoupli, Paul Levi peut reprendre un contact qui sera régulier pendant plusieurs mois. Les deux hommes se connaissent depuis des années; ils ont eu la même appréciation du « soulèvement de janvier », partagent la même hostilité au gauchisme. Le renfort est précieux pour Levi, car Radek est l'émissaire du parti bolchevique, et lui apporte non seulement ses conseils mais sa caution morale. Radek a pu de son côté mesurer, au cours des mois passés en Allemagne, l'ampleur de la tâche qui attend les révolutionnaires allemands. Il vient d'écrire à Alfons Paquet que la route des bolcheviks a été jonchée de roses en comparaison de celle que doivent suivre les communistes allemands [34]. Il ne s'attend pas à la victoire du jour au lendemain :

« La révolution mondiale est un processus très lent où l'on peut s'attendre à plus d'une défaite. Je ne doute pas que, dans chaque pays, le prolétariat ne soit obIigé de construire sa dictature et de la voir s'effondrer à plusieurs reprises avant de l'emporter définitivement » [35].

Les deux hommes ont de longues discussions, échangent une abondante correspondance. Radek insiste sur l'importance du travail dans les syndicats, où sont regroupés des millions de travailleurs et auxquels les communistes ont systématiquement tourné le dos jusque-là. Pour lui, il est vital que le parti comprenne l'erreur qui était celle de la majorité du congrès de fondation sur ce point. Levi reconnaît le bien-fondé de la position de Radek mais, s'il consent à appeler les militants à ne pas quitter les syndicats, il se refuse pourtant à engager la bataille pour y faire revenir ceux qui en sont partis, pour y faire entrer ceux qui s'en sont tenus à l'écart, et à lancer le mot d'ordre : « Tous dans les syndicats » [36]. La discussion de l'expérience bavaroise les divise également : Levi désapprouve Léviné d'avoir lancé le parti dans une bataille qu'il savait perdue; Radek estime que Léviné n'avait rien d'autre à faire, car les communistes ont le devoir d'être toujours avec les ouvriers quand ces derniers combattent leur ennemi de classe [37]. Levi, enfin, veut abandonner la direction du parti. Il dit qu'il est au-dessus de ses forces de poursuivre cette tâche sous le poids de la méfiance et de l'hostilité des éléments gauchistes de l'organisation [38]. Radek s'emploie à le convaincre de rester à son poste ; il lui écrit même que son retrait constituerait une désertion, un acte pour lequel, au cours de la révolution, un dirigeant serait fusillé. Levi se laisse convaincre [39].

De ces discussions sort, sous la plume de Radek une brochure qui fait date dans l'histoire du communisme en Allemagne. Terminée en novembre 1919, dans la cellule de la prison de la Lehrerstrasse, Le Développement de la révolution mondiale et la tactique des partis communistes dans la lutte pour la dictature du prolétariat [40] constitue la première tentative d'application à l'Europe occidentale des analyses qui ont permis le triomphe de la révolution en Russie. Le prisonnier d'Etat qu'est Radek commence par y rappeler que la base des perspectives de la révolution mondiale n'est pas dans le désir qu'en ont les communistes, mais dans les contradictions objectives croissantes de l'impérialisme, et résulte donc d'une analyse de la situation économique et politique mondiale ainsi que des tendances de son développement [41]. C'est également en fonction de ses contradictions insurmontables, lesquelles lui commandent de faire peser sur le prolétariat sa propre dictature, que la bourgeoisie va contribuer d'elle-même à disperser les illusions démocratiques des masses et à faire pénétrer en leur sein l'idée que seule la dictature du prolétariat, « dictature de la majorité du peuple travailleur » [42], est capable de mettre fin à sa dictature à elle,

En fonction de cette analyse, les partis communistes doivent proposer au prolétariat une tactique et une stratégie ne reposant pas sur une courte campagne, mais au contraire axées sur une guerre longue, où la défensive succède à l'offensive et dans laquelle il ne doit négliger aucune des armes à sa disposition [43], L'illusion d'une victoire rapide est née, de l'avis de Radek, d'une mauvaise interprétation des leçons de la révolution russe, dont les conditions, dans un cadre historique identique, n'étaient pas du tout les mêmes que celles de la révolution européenne, D'abord parce que la guerre - qui, en Russie, a mobilisé la paysannerie aux côtés du prolétariat - a pris fin, et parce que la paysannerie occidentale est loin d'avoir la même homogénéité que la paysannerie russe [44], Ensuite parce que la bourgeoisie russe était jeune, faible, étroitement soumise au capital étranger et qu'elle n'est parvenue au pouvoir pour la première fois qu'en mars 1917, dans les conditions de la guerre, qui l'obligeaient à le partager avec l'armée, tandis que la bourgeoisie européenne est ancienne, bien organisée sur la base de la concentration économique, expérimentée par des décennies d'exercice du pouvoir et, enfin, instruite par l'expérience russe [45], Conduisant sa révolution en pleine guerre, le prolétariat russe est parti à l'assaut les armes à la main : le prolétariat occidental, lui, a dû rendre ses armes avec la démobilisation, cependant que la bourgeoisie armait ses corps spécialisés, et il devra lancer les mains nues ses premières attaques [46], Enfin, dans les pays développés, les illusions dans la capacité du capitalisme de surmonter sa crise sont plus grandes, notamment parmi la couche privilégiée de l'aristocratie ouvrière: bien qu'à la fin cette dernière ne puisse que rejoindre le prolétariat, il est incontestable que les prochaines grandes luttes prolétariennes auront un caractère réformiste. Le processus de transformation de la conscience des masses sera donc long [47].

C'est en fonction de cette analyse qu'il faut aborder la question de la lutte économique et de la lutte politique, On ne doit pas les séparer l'une de l'autre, sous peine de courir le risque de tomber dans les déviations « syndicalistes» ou « putschistes », aussi dangereuses l'une que l'autre. Sur ces deux terrains, il faut mener sans se lasser tous les combats partiels, car le sort de la bataille sera tranché seulement quand le prolétariat, « rassemblé dans ces combats, plein de volonté révolutionnaire, arrachera victorieusement les organes de pouvoir à la minorité bourgeoise» [48].

Dans cette longue lutte, la seule condition préalable de succès - ou de victoire aux moindres frais - est l'existence de partis communistes capables d'analyser les situations données des différentes étapes des combats en fonction de l'issue et de l'objectif final. Les « syndicalistes » se paient de mots quand ils disent que les masses dirigent leurs propres combats : les masses dirigent effectivement ce combat, mais en fonction de leur expérience et des mots d'ordre qui leur sont proposés. C'est le parti communiste qui seul peut tirer les leçons des expériences et proposer des mots d'ordre clairs :

 « Le parti communiste est le parti de la libre discussion dans les pauses entre les combats, pas un club de discussion dans le feu de la lutte, mais une direction. Il est l'état-major de la révolution prolétarienne et il ne peut donner des ordres, mais seulement convaincre » [49].

 Hors de Russie, les partis communistes sont trop jeunes encore pour comprendre l'ensemble de leurs tâches. Leur premier devoir consiste à dresser un inventaire de leurs forces et de leurs moyens d'intervention. En Allemagne, ils doivent d'abord tenir compte de l'existence de syndicats de masse, organisant plus de six millions de travailleurs, et dirigés par des contre-révolutionnaires [50], ensuite de la puissance du parti social-démocrate et d'un parti social-démocrate indépendant, qui tous deux écrasent de leur supériorité un parti communiste illégal qui n'a guère plus de 80 000 membres.

A partir de cette analyse du rapport des forces réel, Radek engage la polémique avec les gauchistes, qui ne se préoccupent pas de savoir comment ils peuvent gagner une partie au moins de ceux des travailleurs - l'écrasante majorité - qui ne sont pas organisés chez les communistes :

« La conception puérile suivant laquelle il y a d'un côté les petits partis communistes, de l'autre les contre-révolutionnaires, et, entre eux, du vent, à partir de quoi nous pourrions former nos organisations de la révolution mondiale, n'a rien à voir avec la méthode du communisme. Elle résulte d'un sectarisme communiste infantile » [51].

Les partis communistes doivent éviter de se comporter en sectes de prêcheurs et être capables de constituer leur propre organisation, leur propre programme et leur propre tactique, tout en prenant part aux luttes partielles. Généralement partis d'une base purement propagandiste, ils doivent résister à une autre tentation, infantile, celle du putschisme, qui cherche à « réaliser au début ce qui est à la fin de son chemin » [52], sectarisme qui les conduit à boycotter les élections, c'est-à-dire en définitive à faire reposer leur lutte sur les sentiments d'une infime minorité [53]. Cependant - et c'est là incontestablement l'écho de la discussion avec Levi - les communistes, qui combattent à juste titre putschisme et sectarisme, ne doivent pas tomber dans l'excès inverse, la passivité, et ont le devoir de toujours chercher à mettre les masses en mouvement. Radek formule à ce sujet une critique précise contre la centrale :

 « Au moment où Noske mobilisait ses gardes blancs centre Munich, le prolétariat allemand était encore trop faible pour aider la république des conseils de Munich à vaincre par un soulèvement d'ensemble, une adhésion à ses buts. Mais, si les partis révolutionnaires avaient manifesté, pendant les combats, par des meetings, des manifestations et des grèves au centre du mouvement, sa solidarité avec Munich, il aurait peut-être pu contraindre le gouvernement à renoncer au bain de sang. (...) Le parti communiste n'est pas le parti de l'attente [54] du grand chambardement à venir, mais celui du renforcement, de la radicalisation des actions du prolétariat » [55].

Au nom de ce principe fondamental, il condamne le mot d'ordre, lancé par les gauchistes, de sortie des syndicats: quitter les syndicats, c'est se couper des masses, s'isoler, se cantonner volontairement dans le rôle de secte en renonçant à gagner dans l'action les prolétaires qui ne sont pas encore communistes, mais veulent lutter pour la défense de leurs conditions de vie [56]. La question est, pour les partis communistes, une « question de vie ou de mort » : toute initiative scissionniste contredit, au sens le plus strict du terme, les intérêts du communisme [57]. Et Radek développe la nécessité de l'«éducation» des masses prolétariennes. insistant notamment sur le rôle capital des conseils d'usine et du mot d'ordre de « contrôle ouvrier sur la production », seul capable d'éduquer les masses et de les préparer à l'exercice du pouvoir [58].

Radek aborde enfin le problème qui va être, au cours de l'année suivante, le centre de la stratégie communiste, mais aussi l'enjeu d'une intense bataille politique interne, celui des éléments «hésitants » du socialisme, en d'autres termes, des partis centristes - en Allemagne, du parti indépendant :

 « Nous pensons qu'il ne s'agit pas tellement de pousser les éléments de gauche à la scission d'avec le Centre, mais de les aider à chasser les dirigeants droitiers des organismes centraux et locaux, et de construire ainsi, par la fusion des deux armées communistes du prolétariat, un grand parti communiste. Si le parti communiste parvenait à vaincre les éléments anarcho-syndicalistes dans ses rangs et à adopter un cours ferme et politiquement actif, si, dans chaque action politique concrète, il parvenait à mettre le parti indépendant devant l'alternative, ou bien de prendre part aux actions engagées pour les besoins évidents des masses ouvrières révolutionnaires, ou bien de perdre son influence, les masses ouvrières indépendantes de l'U.S.P. seraient contraintes dans la pratique à un bloc avec le K.P.D. Les dirigeants de droite de l'U.S.P. ne pourraient à la longue y participer, et devraient ou être chassés du parti ou condamnés à l'impuissance totale. Mais (...) un tel développement ne sera possible que si le K.P.D. lutte pour parvenir à la clarté de ses conceptions et devient le point de rassemblement spirituel du mouvement ouvrier allemand. S'il n'y parvient pas, la tactique décidée par son congrès de fondation ne pourra être appliquée : il ne provoquera pas la scission des autres partis; c'est lui-même qui connaîtra les scissions et l'effondrement » [59].

Et comme si, déjà, il s'adressait aux militants « de gauche » du parti indépendant, le prisonnier de la Lehrerstrasse termine sa brochure par un appel à renforcer l'Internationale communiste, « rassemblement de toutes les tendances révolutionnaires de la vieille Internationale » [60], et à défendre la révolution russe :

« Pensez en continents! », lançait aux impérialistes anglais Joë Chamberlain. « Pensez en continents et en siècles! », tel est l'appel de l'Internationale communiste au prolétariat » [61].

 Autour de ce texte va s'engager la discussion qui culminera sur le plan international avec la brochure de Lénine sur le gauchisme. En Allemagne, il est considéré comme l'expression du point de vue des bolcheviks, En fait, si Bronski, revenu de Moscou, pense, avec Radek, que « la première vague a échoué » et qu'il faut maintenant « organiser les masses en vue de la prochaine» [62], Boukharine, à Moscou, il n'est pas d'accord et pense qu'en Allemagne le pouvoir est toujours au bout des fusils d'une insurrection prochaine [63]. Or il n'est pas le seul à le penser : nombreux sont en effet en Europe les communistes qui tirent des défaites de 1919 des conclusions tout à fait opposées à celles de Levi et de Radek. Et d'abord, comme il était prévisible en Allemagne même, au sein du K.P.D. (S).

Les gauchistes du K.P.D. (S).

A mesure que les actions isolées se révèlent de plus en plus vouées à l'échec, les plus enragés des militants communistes commencent à s'interroger : la « combativité des masses », qui avait pour eux justifié leur propre impatience révolutionnaire, disparaît. Dénoncer la trahison des dirigeants social-démocrates se révèle vite insuffisant pour réveiller dans la masse des travailleurs la soif d'action. Ces hommes qui ont cru le pouvoir à portée de main se mettent à la recherche de raccourcis, de recettes nouvelles leur permettant, soit de surmonter l'apathie des masses, soit de faire la révolution malgré elle.

La grande majorité des militants se retrouve dans ce courant gauchiste, celui-là même qui l'avait emporté au cours du congrès de fondation du parti. Les événements de janvier ne font que renforcer encore leur détermination, leur haine des opportunistes, des dirigeants majoritaires et des syndicats. Le courant ne s'exprime pas seulement à travers des éléments responsables des I.K.D., comme l'ancien député saxon Otto Rühle, ou le Brêmois Karl Becker, les Hambourgeois Wolffheim et Laufenberg. Il entraîne aussi des hommes comme Willi Münzenberg, formé en grande partie sous l'influence de Lénine en Suisse, de vieux spartakistes comme Merges, du Brunswick, et les dirigeants de l'organisation communiste berlinoise Wendel et Karl Schröder. Tous expriment la même impatience, la même exaspération et une quête éperdue de nouveaux moyens d'action. Tous rejettent en bloc les «compromissions», la participation aux «parlements bourgeois », prônent le boycottage des élections comme arme de classe et la propagande en faveur du boycottage comme moyen de débarrasser les masses de leurs illusions démocratiques [64]. Tous considèrent que les syndicats, corporatistes et réformistes, sont devenus des « chiens de garde » du capitalisme, qu'ils servent à dévoyer la lutte spontanée des travailleurs et que les révolutionnaires doivent lutter afin de les détruire en tant qu'obstacles à la conscience de classe et à la lutte révolutionnaire. Tous opposent « les masses » aux « chefs », l'action « spontanée » à l'organisation, forcément « bureaucratique» à leurs yeux. Tous profitent du mode fédéraliste d'organisation adopté au congrès de fondation et des conditions d'illégalité pour affirmer l'autonomie des groupes locaux, l'indépendance et l'initiative politique des militants « de base », contester le rôle dirigeant de la centrale [65].

A Hambourg, sous l'influence de l'ancien I.W.W. Fritz Wolffheim, se développe le courant que Bock qualifie d'«unioniste » - terme qu'il préfère à celui, généralement employé, de «syndicaliste » [66]. L'idée centrale en est la nécessité de mettre fin à la traditionnelle séparation d'organisations et à la division du travail entre parti et syndicat : les « unions » doivent être les organisations ouvrières uniques, cumulant fonctions économiques et politiques, dont la base est l'entreprise et l'organisme le plus élevé l'union d'industrie. C'est en faveur d'une telle « organisation révolutionnaire d'entreprise » que se prononce, dès février 1919, le journal communiste de Hambourg Kommunistische Arbeiter-Zeitung. La campagne en faveur des unions va de pair avec la dénonciation systématique des syndicats traditionnels et le soutien des initiatives scissionnistes qui donnent naissance à de telles « unions ». Wolffheim justifie théoriquement cette politique. Pour lui, les syndicats ont correspondu à la phase historique de développement du capitalisme et permis le rassemblement de la classe sur ses revendications économiques, mais ils constituent désormais, dans la phase de destruction du capitalisme, des obstacles à abattre sur le chemin de la révolution [67]. Les communistes de Hambourg proposent de dissoudre les syndicats et de distribuer leurs fonds aux chômeurs; en août, l'organisation du district du K.P.D. (S) de Hambourg déclare incompatibles l'appartenance au parti et à un syndicat [68].

Pour eux, en effet, l'une et l'autre formes traditionnelles ont fait faillite avec les opportunistes : il faut désormais surmonter la scission de fait du prolétariat, éparpillé entre partis réformistes et syndicats corporatistes et, partout, soumis à l'autorité de « chefs »; il faut, pour cela, rassembler les travailleurs « à la base », sur le lieu de leur travail, dans ces « unions » sur la base des usines où s'effacerait toute distinction entre action syndicale et action politique, et dont le seul fondement programmatique consisterait en l'acceptation de l'idée de dictature des conseils ouvriers comme seule force d'accession au socialisme. Partisans, eux aussi, des « unions », les militants de Brême, dont Karl Becker se fait sur ce point le porte-parole [69], et ceux de Berlin, Karl Schröder et Wendel, ne remettent pas en question la nécessité du parti communiste, qui doit au contraire, à leurs yeux, créer, soutenir, diffuser les unions. Le 7 octobre, à l'assemblée berlinoise des conseils, la fraction du K.P.D. (S), par la bouche de Rasch, somme les indépendants d'opposer à la « révolutionnarisation » des syndicats la perspective de construction d'organisations révolutionnaires d'usine, et déclare qu'elle quittera la séance si son point de vue n'est pas accepté. Tous les efforts des indépendants de gauche, Richard Müller, Malzahn, Neumann, Däumig, dans cette assemblée que les social-démocrates majoritaires ont depuis des mois désertée, sont vains, face à la détermination des communistes berlinois qui invoquent la « trahison » des syndicats officiels et le « succès » de l'A.A.U. [70].

En fait, critiquant leur propre version du marxisme révolutionnaire, tendant désespérément de forcer le succès après une année de cruels échecs, bien des militants du parti communiste retrouvent simplement, sous les mots d'ordre et à travers une pratique qu'ils estiment « nouveaux », des tendances très proches des courants anarchistes et syndicalistes contre lesquels le marxisme s'était initialement imposé au sein du mouvement ouvrier, mais qui renaissent sous le poids de la défaite et de l'impuissance face aux bureaucraties. C'est ce que pense Paul Levi, pour qui ces théories constituent « un retour en arrière, vers l'aube du mouvement ouvrier » [71].

Convaincu de l'ampleur du mal, il tente d'abord de ressaisir les fils d'une organisation qui n'existe que sur le papier : c'est l'objet de la conférence d'avril 1919, où le pays est divisé en vingt-deux districts, chacun étant dirigé par un secrétaire qui a pour mission de « rassembler tous les éléments communistes », dont la majorité sont encore épars dans les rangs indépendants, « de nouer des liens d'organisation entre les camarades », d' « organiser des groupes locaux » [72].

Mais les débats de la conférence d'août 1919 [73] lui démontrent qu'il faut agir de façon plus radicale : certain qu'il ne dispose pas des moyens de contraindre les éléments gauchistes à accepter la discipline sous l'autorité de la centrale, il se décide pour la scission. L'essentiel, pour lui, est de ramener le parti dans la voie du marxisme, ce qui implique par priorité la correction des décisions du congrès de fondation. L'essentiel est de disposer d'une organisation construite sur des bases marxistes, si réduite soit-elle. Décidé à utiliser sa position à la tête de la centrale, il va de l'avant, bien décidé, s'il le faut, à exclure la majorité des militants pour guérir le parti. Et c'est dans cet esprit qu'il prépare le 2° congrès, lequel se tient, à partir du 20 octobre 1919, dans la région de Heidelberg, changeant quotidiennement de lieu et de couverture.

Instruit par l'expérience des premiers mois de 1919 comme par celle du congrès de fondation, il s'efforce d'abord de modifier le mode de représentation des groupes locaux, dont les plus importants numériquement - ceux-là mêmes qui le soutiennent, comme celui de Chemnitz - ont été sous-représentés, puisque aucun groupe n'avait, au congrès de fondation, plus de trois délégués, même s'il avait plus de 250 membres [74]. Prenant au sérieux le rôle de « centrale » de la direction, il prend des initiatives qui relèvent d'une conception effectivement plus centraliste que celle du 1° congrès [75] : c'est ainsi qu'il obtient la dissolution de la Ligue des soldats rouges, devenue le refuge des gauchistes et des éléments les plus aventuristes, véritable « garde rouge » à l'intérieur et sur les marges du parti [76]. Cette mesure ne provoque apparemment sur le coup aucune protestation, mais, prise dans les conditions difficiles de l'illégalité, elle sera bientôt dénoncée par ses adversaires comme un gage de bonne volonté donné par lui au gouvernement de Noske, et un premier pas vers la capitulation.

Le congrès de Heidelberg.

Dès l'ouverture du congrès, Paul Levi passe à l'attaque dans un rapport qui constitue à la fois un rappel des principes communistes, une analyse de la situation politique et un réquisitoire contre les thèses des gens de Hambourg qu'il dépeint comme des « syndicalistes ». La centrale propose de commencer par une discussion et l'adoption des principes des fondements de l'action du parti, puis d'examiner les points particuliers en discussion, à travers les thèses qu'elle présente sur le parlementarisme et la question syndicale. Les thèses sur les principes soulignent que la révolution ne peut consister en un « coup isolé », qu'elle est « un processus de montée et de descente, de flux et de reflux », le résultat d'une lutte acharnée menée par une classe « qui n'a pas encore complètement conscience de ses tâches ni de ses forces » [77]. Les communistes, dans le but précisément de développer cette conscience, ont le devoir d'utiliser tous les moyens pour y parvenir, y compris la participation aux élections et particulièrement le militantisme au sein des syndicats. Elles dénoncent comme des « utopistes petits-bourgeois » les partisans des « unions ouvrières » qui « croient que des mouvements de masses peuvent être provoqués sur la base d'une forme particulière d'organisation, donc que la révolution est une question de forme d'organisation » [78].

La première discussion éclaire la tactique de la centrale : ses adversaires sont divisés. Unis dans leur hostilité au parlementarisme et aux syndicats, ils sont séparés par des divergences plus importantes encore sur les principes, notamment sur le rôle du parti communiste. Aussi Wolffheim tente-t-il de retourner la situation par une modification de l'ordre du jour, proposant de discuter d'abord du parlementarisme et des syndicats, et seulement ensuite des principes. Levi défend l'ordre du jour avec des arguments simples : la discussion et l'accord sur les principes constituent des préalables, sur la base desquels les autres questions pourront être réglées dans la clarté. Par 23 voix contre 19, le congrès maintient l'ordre du jour proposé par la centrale [79]. Par 24 voix contre 18, il décide de donner le droit de vote aux membres de celle-ci [80].

Les gauchistes sont pris de court. Les mœurs anciennes, l'émiettement de l'organisation sous les coups de la répression, leur avaient fait sous-estimer le danger que pouvait constituer pour eux cette centrale élue au congrès de fondation et composée de militants en réalité minoritaires tant dans ce congrès que dans le parti lui-même. Or il est clair que son objectif est d'exclure ses adversaires les plus déterminés. Laufenberg nie que le débat soit un débat politique, affirme que Levi n'a brandi l'épouvantail du syndicalisme que pour provoquer une scission : celle-ci lui est nécessaire pour permettre un rapprochement avec les indépendants de gauche et une politique parlementariste. Il dit que les thèses que Levi vient de présenter n'auraient pas la moindre chance d'être adoptées par les militants du parti si ceux-ci les connaissaient [81]. De son côté, Wolffheim se plaint que la centrale n'ait jamais cherché à engager la discussion avec l'organisation de Hambourg : il n'a jamais, dit-il, reçu de sa part d'autres critiques que dans le domaine financier; il vient seulement de découvrir qu'il existait aussi des désaccords politiques [82]. En fait, le terrain même sur lequel se situent ces orateurs montre que le coup préparé par Levi a réussi. Parmi les autres délégués, Schnellbacher déclare que le parti se trouve de nouveau devant le vieux débat « entre Marx et Bakounine » [83]. Münzenberg, qui appartient aux rangs des adversaires de la participation aux élections, condamne certes ce qu'il appelle « l'activité trop propagandiste » de la centrale, mais ne fait pas de l'« anti-parlementarisme » une question de principe, et surtout se dresse contre la conception « fédéraliste » du parti défendue par Hambourg :

« Le caractère fédéraliste des luttes isolées en Allemagne a clairement démontré les dangers du fédéralisme » [84].

Les thèses sur les principes et la tactique, mises aux voix l'une après l'autre, sont adoptées, celle qui condamne résistance passive et sabotage comme moyens d'action, d'extrême justesse, par 25 voix contre 23. L'exclusion des adversaires des principes - présentée par Levi comme une nécessité pour la clarté et la cohésion - est acquise par 21 voix contre 20. L'ensemble des thèses est finalement adopté par 31 voix contre 18 [85]. Les délégués de l'opposition, Laufenberg, Wolffheim, Rühle, Schröder, Wendel, Becker et les autres, ne reviendront pas au congrès : le même soir, après un débat, l'opposition refuse la création immédiate d'un nouveau parti proposée par Wolffheim et Laufenberg [86], Malgré tout, la voix de la scission est ouverte.

Il reste à Levi à surmonter l'opposition du groupe qu'on appelle alors le « groupe-tampon» et qu'animent Willi Münzenberg et Georg Schumann. Ces derniers, tout en acceptant les thèses sur la tactique et les principes et en affirmant leur fidélité à la conception marxiste et bolchevique du parti, continuent à s'opposer à la participation aux élections [87]. Mais les délégués adoptent en définitive les thèses présentées par Levi et le principe de la participation [88]. Les thèses votées ensuite sur la question syndicale précisent que les communistes militent à l'intérieur des syndicats afin de détacher les masses ouvrières de la bureaucratie syndicale, qui constitue le principal obstacle au développement de la conscience révolutionnaire : c'est le devoir des militants communistes de demeurer dans les syndicats chaque fois et aussi longtemps qu'ils peuvent y gagner des combattants à la révolution [89].

Paul Levi a gagné la première manche de sa lutte pour le redressement du K.P.D. (S), en obtenant du 2° congrès qu'il revienne sur les plus néfastes des prises de position de son congrès de fondation : c'est ce qu'il explique dans un message adressé à tous les militants [90].

Radek et Lénine contre la scission.

Dans une lettre envoyée de sa cellule au congrès du parti, Radek avait nettement pris position sur tous les points essentiels en faveur des thèses de Paul Levi, qui reflètent d'ailleurs le contenu de leurs discussions; il expose ce qu'il considère comme les leçons essentielles de la révolution russe, tant sur la participation aux élections, le militantisme dans les syndicats que sur la centralisation du parti [91]. En revanche, il a été très surpris d'apprendre, à la veille du congrès, grâce à une lettre de Bronski apportée à la prison par une militante autrichienne émigrée depuis août 1919 à Berlin, Elfriede Friedländer [92], que Levi avait l'intention de faire exclure les adversaires des thèses sur les principes. Il utilise à son tour la messagère de Bronski pour tenter par une lettre de dernière minute de dissuader Levi d'aller jusqu'à une mesure qui signifie en fait la scission. Levi ne tiendra pas compte de ce message [93].

Radek - qui écrira, mais beaucoup plus tard, que les thèses de Heidelberg comportaient quelques « formulations opportunistes [94] » - est d'autant plus sensible sans doute à la forme revêtue par la scission en train de se préparer que nombre de ses anciens camarades et partisans de Brême, Karl Becker en tête, et même, à Hambourg, le communiste russe Zaks-Gladniev - qui milite sous le nom de Fritz Sturm - sont dans les rangs des organisations de l'opposition rejetées à Heidelberg, parce que solidaires, contre le K.P.D. (S), de Wolffheim et Laufenberg. Il reprend contact avec eux afin, écrira-t-il, d'organiser sur de meilleures bases la lutte contre Laufenberg et son groupe, et de conserver au mouvement communiste des militants qu'il apprécie [95] pour avoir été, au moins partiellement, leur maître à penser.

Les bolcheviks, quant à eux, ne peuvent pas ne pas reconnaître que les thèses de Heidelberg sont dans la ligne de leur politique, ni leur refuser un soutien sans réserve. Mais ils n'en condamnent pas moins nettement la scission. Lénine, qui a appris la nouvelle par radio, s'adresse dès le 18 octobre à la centrale allemande pour lui dire que l'opposition gauchiste à laquelle elle s'est heurtée n'est qu'un signe de jeunesse et d'inexpérience, et qu'il eût été préférable d'entamer avec elle la discussion politique plutôt que de l'exclure préalablement à tout débat sérieux. Ignorant les conditions exactes dans lesquelles s'est déroulé le congrès, il s'exprime avec beaucoup de prudence sur la forme, précisant cependant :

« Si la scission était inévitable, il faut vous efforcer de ne pas l'aggraver, faire appel à l'arbitrage du comité exécutif de l'Internationale, forcer les « gauchistes » à formuler leurs divergences dans des thèses et dans une brochure » [96].

 Tout en confirmant son accord au fond, il adjure les dirigeants allemands de ne pas ménager leur efforts afin de rétablir l'unité des communistes allemands : sans qu'il y ait eu entre eux la moindre concertation, il est donc exactement sur la même position que Radek. Mais Levi est, pour sa part, bien décidé à aller jusqu'au bout.


Notes

[1] Ch. Beradt, Paul Levi, pp. 12-15.

[2] Cantonné dans une unité territoriale dans les Vosges, il fait une longue grève de la faim contre les conditions « disciplinaires » de son unité (Ibidem, p. 17).

[3] Battel, op. cit., p. 222.

[4] Guilbeaux, Du Kremlin au Cherche-Midi, p. 106.

[5] Œuvres, t. XXXV, p. 271.

[6] Guilbeaux, op. cit., p. 127 ; sur sa présence, témoignage de Münzenberg, cité par Gankin et Fisher, op. cit., p. 538.

[7] Guilbeaux, op. cit., p. 108; Gankin et Fisher, The Bolsheviks and The World War, p. 565. Son premier numéro comportait un éditorial de Loriot «Vers la III° Internationale » (La nouvelle Internationale, n° 1, 1° mai 1917)

[8] Guilbeaux, op. cit., p. 127 ; sur sa présence, témoignage de Münzenberg, cité par Gankin et Fisher, op. cit., p. 538

[9] Voir chap. V.

[10] Selon une lettre privée citée par Ch. Beradt. op. cit., p. 19, Levi et Radek habitaient ensemble et se trompaient tous deux au village quand ils y apprirent le début de la révolution russe. Levi, qui commençait àapprendre le russe, entendit Radek annoncer à sa femme: « Revoljucija v Rossii ».

[11] Radek, November ... , pp. 132-133, témoigne du fait que Levi l'introduisit auprès de tous.

[12] Voir chap. IX.

[13] P. Levi, « Rosa Luxemburg und Karl Liebknecht zum Gedachtnis », Der Klassenkampf, n° 2, 15 janvier 1919, p. 33.

[14] Protokoll des III. Kongresses (Zetkin), p. 296.

[15] Ypsilon, Stalintern, p. 44.

[16] Radek, Soll die V.K.P.D ... , p. 105

[17] H. Gruber, « Paul Levi and the Comintern », Survey, n° 53, octobre 1964, p. 70, parle de la présence à son enterrement de « jeunes femmes en manteaux de fourrure dont plus d'une aurait pu se parer des atours du Veuvage », et signale (Ibidem, p. 85, n. 24) que « Levi est le héros révolutionnaire d'un roman policier qui est compromis par sa vie sexuelle (Heinz Pol, Entweder oder ?, Bremen, 1929) ».

[18] Radek, après la rupture de Levi avec le K.P.D., essaie de minimiser son action. Dans Soll die V.K.P.D ... , il explique qu'il n'a joué le premier rôle, dans la centrale, que parce que Jogiches était, par sa condition d'étranger, obligé de se dissimuler, et, après mars, parce que Thalheimer, « théoricien confirmé », n'était pas orateur (p. 101). Il reconnaît néanmoins qu'il eut « la responsabilité de la direction » après la mort de Jogiches, et qu'il dut être convaincu ... de la conserver (pp. 101-102).

[19] Die Rote Fahne 15 janvier et 5 septembre 1920.

[20] Archives Levi. p 55/4; reproduit intégralement dans P. Levi, Zwischen Spartakus und Sozialdemokratie, pp. 19-22.

[21] Ibidem, p. 20.

[22] Freiheit de Hanau, 24 mars 1919, cité par Levi lui-même dans « Die Lehren des Ungarischen Revolution », Die Internationale, n° 24, 24 juin 1920, p. 32.

[23] Ibidem, p. 33.

[24] Le Phare, n° 1, 1° septembre 1919, pp. 29-30.

[25] « Reinigung », Die Internationale, n° 15/16, 1er novembre 1919, p.283.

[26] Au sein du conseil ouvrier de Berlin où tous les élus indépendants sont des indépendants de gauche issus du cercle des délégués révolutionnaires, ils sont la cible des attaques et des injures des communistes, comme l'indique un rapport signé «Markovski », adressé à Boukharine en septembre, saisi par la police et reproduit d'après Deutsche Allgemeine Zeitung, dans Freiheit du 25 octobre 1919. Il s'agit sans doute de Mme Markovski, déjàmentionnée au chapitre IV.

[27] Il publie en septembre une brochure sur « La Maladie syndicaliste »(d'après Freiheit, 20 novembre 1919).

[28] Protokoll des III. Weltkongresses, p. 668.

[29] Walter Berthold, « Die Kampfe der Chemnitzer Arbeiter gegen die militaristische Reaktion im August 1919 », BzG, n° 1, 1962, p. 127.

[30] Der Kämpfer, 5 juillet 1919.

[31] Kommunistische Zeitfragen, de Chemnitz, n° 1, s. d. (1919), cité par Tjaden, Struktur und Funktion der K.P.D., p. 6.

[32] Protocole conservé dans les Archives Levi, p. 55/9.

[33] Ibidem, reproduit dans Ch. Beradt, op. cit., p. 32; B. Gross, op. cit., pp. 100-101, l'a également utilisé.

[34] Paquet, op. cit., p. VIII

[35] Zur Taktik des Kommunismus : Ein Schreiben an den Oktoberparteitag der K.P.D. 1919, p. 5, brochure écrite en prison (Radek, November ... , p. 156).

[36] Soll die V.K.P.D., p. 102.

[37] Radek, Soll die V.K.P.D ... , p. 102.

[38] Ibidem, p. 101.

[39] Ibidem, p. 103.

[40] K. Radek, Die Entwicklung der Weltrevolution und die Taktik der Kommunistischen Parteien im Kampf um die Diktatur des Proletariats, Berlin, 1919.

[41] Ibidem, pp. 5-10.

[42]   Ibidem, p. 12.

[43] Ibidem, p. 15.

[44] Ibidem, pp. 15-16.

[45] Ibidem, p. 17.

[46] Ibidem.

[47] Ibidem, pp. 17-18.

[48]   Ibidem, p. 20.

[49] Ibidem, p. 22.

[50] Ibidem, p. 23.

[51] Ibidem, p. 25.

[52] Ibidem, p. 28.

[53] Ibidem, p. 30.

[54] En 1921, Radek reprendra la formule « parti de l'attente »dans son célèbre pamphlet contre Levi. Soll die V.K.P.D. die Partei des Wartens sein ?

[55] Radek, Die Entwicklung, pp. 30-31.

[56] Ibidem, pp. 32-36.

[57] Ibidem, pp. 37.

[58] Ibidem, pp. 45-49.

[59]   Ibidem, p. 56.

[60] Ibidem, p. 64.

[61]   Ibidem, p. 66.

[62] Radek, November ... , p. 156.

[63] Ibidem, p. 162. Boukharine, leader des « communistes de gauche » en 1918 dans la question de la « paix séparée» de Brest-Litovsk, soutint des positions gauchistes au moins jusqu'en 1921. C'est seulement plus tard qu'il deviendra le chef de file de la « droite ».

[64] Voir la résolution des militants berlinois du K.P.D.(S.) publiée dans Freiheit le 11 septembre : le journal indépendant explique que c'est là l'opinion réelle du K.P.D.(S.), dans lequel la centrale est à contre-courant.

[65] Un « rapport de la centrale à l'exécutif de l'I.C. sur les questions d'organisation C.I.M.L.-Z.P.A., 3/1-16, pp. 2-3, cité par V. Mujbegović, Komunisticka Partija Nemacke 1918-1923, pp. 166-167, n. 5) souligne l'absence d'intérêt pour l'organisation proprement dite dans les rangs communistes : « En juillet 1919, le parti avait en Allemagne 100 000 adhérents, dont seulement un petit nombre étaient de véritables communistes. C'était essentiellement l'hostilité générale au régime de Noske qui amenait chez nous les ouvriers. Sur une telle base, la consolidation du parti était impossible. Les organisations n'ont pas fonctionné, les cotisations n'ont pas été payées. Une telle situation ne s'expliquait pas seulement par les conditions d'illégalité de notre parti, mais par l'idée très répandue dans les rangs des ouvriers allemands que le gouvernement ne pouvait se maintenir au-delà de quelques semaines ou de quelques mois, et que, de cette situation à la dictature des conseils, il n'y avait qu'un pas. C'est cette mauvaise interprétation de la situation qui nous a permis de constater que les camarades considèrent le travail intensif dans l'organisation comme inutile. Il n'a été possible que graduellement d'éliminer cette aversion pour le travail d'organisation. »

[66] Bock, op. cit., p. 124.

[67] Ibidem, p. 130.

[68] Ibidem, pp. 126-127.

[69] Ibidem, p. 130.

[70] Le compte rendu de cette discussion est publié dans Freiheit du 8 octobre 1919. Lorsque Däumig invoque, à propos de la nécessité pour les révolutionnaires de militer dans les syndicats, l'autorité de Radek, il se fait répondre par les communistes que « Radek ne connaît rien à J'Allemagne »! Le communiste Peters demande à ses camarades de ne pas se montrer « irresponsables ,) en quittant J'assemblée. Un communiqué de la centrale, quelques jours plus tard, désavoue officiellement le comportement et les positions politiques des communistes berlinois (cité dans Freiheit, 13 octobre).

[71] Archives Levi, p 24/8, f. 8.

[72] Rapport de la centrale à l'exécutif de l'I.C. sur les questions d'organisation, I.M.L.-Z.P.A., 3/1-16, p. 1, cité par Véra Mujbegović, op. cit., p. 165, n. 1

[73] Archives Levi, P 55/9.

[74] Voir le texte sur le projet de statut rédigé au printemps 1919 dans H. Weber, Der Gründungsparteitag, pp. 304-309, et les remarques sur ce point, p. 305.

[75] Eberlein, Bericht 3 ... , p. 41; Die Rote Fahne, 28 décembre 1921; M. Bock (op. cit., pp. 139 sq.) mentionne à plusieurs reprises les « mesures » ou la « politique » de centralisation de Paul Levi entre mars et août 1919, sans en fournir aucun exemple précis.

[76] En réalité, les éléments communistes de ces Kampforganisationen (K.O.) deviendront l'un des points d'appui de l'opposition, puis du K.A.P.D. (Bock, op. cit., pp. 419-420)

[77] Bercht 2…, p. 61.

[78] Ibidem, p. 30.

[79] Ibidem. Cette décision assure àl'avance l'adoption des thèses de Levi mais, comme elle est acquise après la présentation de son rapport. il est clair qu'elle est prise par les délégués en toute connaissance de cause.

[80] Ibidem, p. 31.

[81] Ibidem, pp. 33-35.

[82] Ibidem, pp. 35-38.

[83] Ibidem, p. 35.

[84] Ibidem, p. 44.

[85] Tous ces votes, ibidem, p. 42; texte des thèses, pp. 60-62.

[86] Ibidem, p. 44  (Schnellbacher).

[87] Ibidem, p. 48.

[88] Ibidem, p. 51; texte pp. 62-64.

[89] Ibidem, pp. 64-67.

[90] Archives Levi, P 19/2, datée du 28 novembre 1919.

[91] K. Radek, Zur Taktik der Kommunismus, ein Schreiben an den Oktober-Parteitag der K.P.D.

[92] Elfriede Eisler, épouse de Paul Friedländer, dirigeante des Jeunesses socialistes autrichiennes, avait contribué à la fondation du P.C. autrichien. Ecartée de sa direction en juillet 1919, elle devait se fixer en août à Berlin et militer désormais sous le nom - emprunté à sa mère - de Ruth Fischer.

[93] Radek, November ... , pp. 157 sq.

[94] Radek, Soll die V.K.P.D ... , p. 104.

[95] Radek, Soll die V.K.P.D ... , p. 104.

[96] Œuvres, t. XXX, p. 83.


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