1979

"Ce petit livre se préoccupe davantage des idées que des évènements. Il n’est pas une tentative de biographie."


LE MARXISME DE TROTSKY

Duncan Hallas


3. Stratégie et tactique

L'idéal d'un mouvement ouvrier international est aussi vieux, sinon davantage, que le Manifeste communiste lui-même, avec son appel vibrant : « Prolétaires de tous pays, unissez-vous ! » En 1864 (la Première Internationale) et à nouveau en 1889 (la Deuxième Internationale) on avait tenté de lui donner une expression organisationnelle. La Deuxième Internationale s'était effondrée en 1914 lorsque ses grands partis dans les Etats en guerre avaient rompu avec l'internationalisme et soutenu les gouvernements des empereurs autrichien et allemand, du roi d'Angleterre et de la bourgeoise Troisième République française.

Ce n'est pas qu'ils aient été pris par surprise. Les congrès d'avant-guerre avaient attiré l'attention de façon répétée sur la menace de l'impérialisme et du militarisme, le danger de plus en plus présent de la guerre et le besoin pour les partis ouvriers d'avoir une position ferme face à leurs gouvernements, en fait « utiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerre pour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste », comme le Congrès de l'Internationale tenu à Stuttgart en 1907 l'avait formulé.

Les capitulations qui ont suivi en 1914, une défaite stupéfiante pour le mouvement socialiste, amenèrent Lénine à déclarer : « La Deuxième Internationale est morte... Vive la Troisième Internationale ! » Cinq ans plus tard, en 1919, la Troisième Internationale fut fondée dans les faits. Trotsky y joua un rôle majeur dans les premières années.

Plus tard, avec la montée du stalinisme en URSS, l'Internationale fut prostituée au service de l'Etat stalinien de Russie. Trotsky, plus que tout autre, lutta contre cette dégénérescence. Nombre de ses écrits les plus importants sur la stratégie et la tactique des partis ouvriers révolutionnaires sont liés à la Troisième Internationale, ou Komintern, dans la période de sa montée et dans celle de son déclin.

Rejetant loin de nous toutes les demi-mesures, les mensonges et la paresse des partis socialistes officiels caducs, nous, communistes, unis dans la III° Internationale, nous nous reconnaissons les continuateurs directs des efforts et du martyre héroïque acceptés par une longue série de générations révolutionnaires, depuis Babeuf jusqu'à Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg.
Si la première Internationale a prévu le développement à venir et a préparé les voies, si la deuxième Internationale a rassemblé et organisé des millions de prolétaires, la troisième Internationale est l'Internationale de l'action des masses, l'internationale de la réalisation révolutionnaire.1

Trotsky avait quarante ans et était au sommet de son pouvoir lorsqu'il écrivit le Manifeste de l'Internationale communiste dont les lignes ci-dessus sont extraites. En tant que Commissaire du Peuple à la Guerre de la République des Soviets aux prises avec la guerre civile, il ne le cédait qu'à Lénine comme porte-parole reconnu du communisme mondial.

Sa vision à l'époque n'était pas, évidemment, spécialement originale. C'était celle qui était commune à toute la direction bolchevique, ce qui n'excluait pas des divergences d'opinion tranchées sur tel ou tel sujet, mais elle était essentiellement homogène. Cela dit, Trotsky devait devenir avec le temps l'avocat le plus brillant des idées de l'Internationale communiste dans sa période héroïque. Les évènements, qu'aucun des dirigeants révolutionnaires de 1919 - pas plus que leurs adversaires - n'auraient pu prévoir réduisirent à une poignée les porteurs de la tradition communiste authentique ; Trotsky en vint à se dresser au dessus d'eux comme un géant parmi des Lilliputiens.

Encore et encore, dans ses écrits de la fin des années vingt et des années trente, Trotsky devait se référer aux décisions des quatre premiers congrès du Komintern comme le modèle de la politique révolutionnaire. Quelles étaient ces décisions, et dans quelles circonstances avaient-elles été adoptées ?

C'était le 4 mars 1919. Trente-cinq délégués réunis au Kremlin votaient, avec une abstention, pour la constitution de la Troisième Internationale, ou Komintern. Ce n'était pas une réunion très représentative. Seuls, les cinq délégués du Parti Communiste russe (Boukharine, Tchitchérine, Lénine, Trotsky et Zinoviev) représentaient un parti qui était à la fois une organisation de masse et un parti véritablement révolutionnaire. Stange, du Parti Ouvrier Norvégien (DNA) venait d'un parti de masse mais, comme les évènements devaient le montrer, le DNA était loin d'être révolutionnaire en pratique. Eberlein, du Parti Communiste Allemand (KPD) qui venait d'être constitué, représentait une organisation vraiment révolutionnaire mais qui n'avait encore que quelques milliers de membres. La plupart des autres délégués ne représentaient pas grand-chose.

La majorité était convaincue qu'une « Internationale » dépourvue d'un véritable soutien de masse dans un certain nombre de pays était une absurdité. Zinoviev, pour les Russes, prétendait qu'en fait le soutien de masse existait. La faiblesse de nombreuses délégations était accidentelle. « Nous avons une révolution prolétarienne victorieuse dans un grand pays... Nous avons en Allemagne un parti marchant vers le pouvoir qui dans quelques mois établira un gouvernement prolétarien. Et devons-nous encore attendre ? Personne ne le comprendra. »2

Que la révolution socialiste fut imminente en Europe centrale, en particulier en Allemagne, cela n'était en doute pour aucun des délégués. Eberlein disait ainsi : « A moins que les signes ne soient trompeurs, le prolétariat allemand est confronté à la dernière lutte décisive. Aussi difficile que cela soit, les perspectives du communisme sont favorables. »3

Lénine, le plus sobre et le plus calculateur des révolutionnaires, avait dit dans son discours d'ouverture que « la guerre civile est devenue un fait, non seulement en Russie, mais dans les pays capitalistes les plus développés, par exemple en Allemagne (...) la révolution internationale mondiale commence et grandit dans tous les pays. »4

Ce n'était pas un fantasme. En novembre 1918 l'empire allemand, alors le plus puissant Etat d'Europe, s'était effondré. Six commissaires du peuple - trois sociaux démocrates et trois sociaux-démocrates indépendants - remplaçaient le gouvernement du Kaiser. Des conseils d'ouvriers et de soldats couvraient le pays et détenaient le pouvoir effectif. Il est vrai que les dirigeants sociaux-démocrates, qui les dominaient, bandaient tous leurs efforts dans le sens de la reconstitution du vieux pouvoir d'Etat capitaliste sous un nouveau déguisement « républicain ». C'était une raison de plus pour créer une Internationale révolutionnaire avec une forte direction centralisée pour guider et soutenir la lutte pour une Allemagne soviétique. Et cette lutte, en dépit de la répression sanglante du soulèvement spartakiste de janvier 1919, semblait se développer. « De janvier à mai 1919, avec des prolongements jusqu'au cœur de l'été, une guerre civile sanglante (...) ravagea l'Allemagne. »5 Un mois après la réunion de Moscou la République des Soviets de Bavière était proclamée.

L'autre grande puissance d'Europe centrale, l'empire austro-hongrois, avait cessé d'exister. Les Etats qui en prenaient la suite connaissaient des degrés variés de fermentation révolutionnaire. En Autriche germanophone, la seule force armée effective était la Volkswehr (Armée du Peuple) contrôlée par les sociaux-démocrates. En Hongrie, la République soviétique fut proclamée le 21 mars 1919. Tous les Etats nouveaux ou reconstitués - Tchécoslovaquie, Yougoslavie, et même la Pologne - étaient hautement instables.

Le rôle des dirigeants socialistes était crucial. La majorité soutenait désormais la contre-révolution au nom de la « démocratie ». La plupart d'entre eux se proclamaient, en fait avaient été, marxistes et internationalistes. En 1914, ils avaient capitulé devant « leur propre » classe dirigeante. Ils étaient dorénavant, à cette heure critique, le principal soutien du capitalisme, utilisant des phrases socialistes et le crédit obtenu par leurs années d'opposition aux anciens régimes avant 1914 pour empêcher la mise en place du pouvoir des travailleurs. Leur tentative de reconstituer la Deuxième Internationale lors d'une réunion à Berne fut avancée comme une raison de plus, urgente, de proclamer la Troisième. Dès 1914 Lénine avait écrit: « La Deuxième Internationale est morte, vaincue par l'opportunisme (...) Vive la Troisième Internationale ! »6 Dix huit mois après la Révolution d'Octobre, le slogan devait être transformé en réalité.

Quelle était sa base politique essentielle? Elle reposait sur deux éléments fondamentaux: l'internationalisme révolutionnaire et le système des soviets comme le moyen par lequel les travailleurs dirigeraient la société.

La résolution principale du Congrès de 1919 déclare:

Dans les anciennes républiques de la Grèce, dans les cités du moyen-âge, dans les pays capitalistes civilisés, la démocratie revêt des formes diverses et un degré d'adaptation différent. Ce serait la plus grande sottise de croire que la révolution la plus profonde dans l'histoire de l'humanité, que le passage du pouvoir, pour la première fois au monde, d'une minorité d'exploiteurs à la majorité d'exploités, puisse se produire dans les vieux cadres de la démocratie bourgeoise et parlementaire, puisse se produire sans brisures nettes, sans que se créent de nouvelles institutions incarnant ces nouvelles conditions de vie, etc.7

Les soviets ou le parlement ? Après la Révolution d'Octobre, le Parti Communiste Russe avait dispersé l'Assemblée Constituante nouvellement élue, dans laquelle le parti paysan Socialiste-Révolutionnaire avait la majorité, en faveur du pouvoir des soviets. Après la Révolution de Novembre, le Parti Social Démocrate Allemand avait dissous les conseils d'ouvriers et de soldats, dans lesquels il avait la majorité, en faveur de l'Assemblée Nationale où il était minoritaire.

Dans les deux cas la question des formes constitutionnelles était en réalité une question de pouvoir de classe. L'effet de l'action du PCR fut de créer un Etat ouvrier. L'effet de l'action du SPD fut de créer un Etat bourgeois, la République de Weimar.

Marx avait écrit, après la Commune de Paris, que dans la transition du capitalisme au socialisme, la forme de l'Etat « ne peut être que la dictature révolutionnaire du prolétariat ».

Les sociaux-démocrates en étaient venus, en pratique, a rejeter l'essence de la théorie marxiste de l'Etat, selon laquelle tous les Etats sont des instruments de classe, qu'il n'y a pas d'Etat « neutre ». Ils en étaient venus à rejeter leur ancienne position sur l'inévitabilité de la révolution en faveur des voies parlementaires 'pacifiques' au socialisme.

Pourtant la République de Weimar était tout autant le produit du renversement violent de l'ancien Etat que l'avait été la République des Soviets de Russie. Des soldats mutinés et des travailleurs en armes, et non des électeurs, avaient renversé l'empire germanique. Il en était de même pour les Etats qui prirent la suite de l'Autriche-Hongrie. Et la plus grande transformation, la destruction du capitalisme, devait être réalisée à l'aide des mécanismes ordinaires de la démocratie bourgeoise !

En réalité, cela signifiait l'abandon du socialisme en tant que but.

La Troisième Internationale, dans sa « plate-forme » de 1919, réaffirma avec force la position marxiste. « La victoire prolétarienne est assurée par la désorganisation du pouvoir ennemi et l'organisation du pouvoir prolétarien; elle doit signifier la ruine de l'appareil Etatiste bourgeois et la création de l'appareil Etatiste prolétarien. »8 Il ne pouvait être question de socialisme passant par le parlement. Lénine, en 1917, avait cité en l'approuvant la déclaration d'Engels selon laquelle le suffrage universel est « l'indice qui permet de mesurer la maturité de la classe ouvrière. Il ne peut être rien de plus, il ne sera jamais rien de plus dans l'Etat actuel. »9 « La république bourgeoise la plus démocratique, » écrivait-il juste après la conférence de Moscou, « n'a jamais été et ne pouvait être rien d'autre qu'une machine servant au capital à opprimer les travailleurs, un instrument du pouvoir politique du capital, de la dictature de la bourgeoisie. »10

La république des travailleurs, basée sur les conseils ouvriers, était, elle, véritablement démocratique.

L'essence du pouvoir des Soviets consiste en ce que la base constante et unique de tout le pouvoir gouvernemental, c'est l'organisation des masses jadis opprimées par les capitalistes, c'est-à-dire les ouvriers et les demi-prolétaires (paysans n'exploitant pas le travail d'autrui et ayant constamment besoin de vendre une partie au moins de leur force de travail)11

C'était bien sûr une idéalisation de la Russie, même en 1919, mais les « déviations » étaient mises sur le compte de l'arriération du pays, de la guerre civile qui faisait toujours rage et de l'intervention étrangère.

Trotsky, à l'époque comme à son dernier jour, soutenait toutes ces idées sans la moindre réserve. Il était en phase avec Lénine en 1919 sur les questions de la démocratie bourgeoise et du réformisme, et il ne changea jamais d'opinion.

La réunion des délégués de Moscou avait constitué la nouvelle Internationale sur une base proclamant un internationalisme sans compromis, une rupture décisive et finale avec les traîtres de 1914, le pouvoir des travailleurs, les conseils ouvriers, la défense de la République soviétique et la perspective de la révolution dans un avenir proche en Europe centrale et occidentale. Le problème était désormais de créer les partis de masse qui pourraient transformer cela en réalité.

Centrisme et gauchisme

De plus en plus souvent, des Partis et des groupes qui, récemment encore, appartenaient à la II° Internationale et qui voudraient maintenant adhérer à l'Internationale Communiste s'adressent à elle, sans pour cela être devenus véritablement communistes. (...) L'Internationale Communiste est, d'une certaine façon, à la mode. (...) L'Internationale Communiste est menacée de l'envahissement de groupes indécis et hésitants qui n'ont pas encore pu rompre avec l'idéologie de la II° Internationale.12

Ainsi écrivait Lénine en juillet 1920. L'affirmation du Congrès du Komintern de 1919, selon laquelle un véritable mouvement révolutionnaire de masse existait en Europe, fut confirmée l'année suivante.

En septembre 1919, le congrès de Bologne du Parti Socialiste Italien vota, à une large majorité et sur la recommandation de son exécutif, son affiliation à l'Internationale communiste. Le Parti Ouvrier Norvégien, le DNA, confirma son affiliation et les partis bulgare, yougoslave (ex-serbe) et roumain adhérèrent également. Les trois premiers étaient d'importantes organisations. Le DNA qui, comme son équivalent britannique (le parti travailliste), était basé sur l'adhésion aux syndicats, dominait complètement la gauche norvégienne, et le PC bulgare avait le soutien depuis le début de pratiquement toute la classe ouvrière du pays. Le PC yougoslave eut 54 députés dans les premières (et uniques) élections libres tenues dans le nouvel Etat.

En France, le Parti Socialiste (SFIO), qui avait plus que doublé ses effectifs - de 90 000 en 1918 à 200 000 en 1920 - s'était fortement orienté à gauche, et flirtait avec Moscou. Il en était de même pour les dirigeants des Sociaux-Démocrates Indépendants Allemands, l'USPD, une organisation qui gagnait rapidement du terrain aux dépens du Parti Social-Démocrate, le SPD. Les sociaux-démocrates de gauche suédois, l'aile gauche tchécoslovaque et de petits partis dans d'autres pays (parmi lesquels l'ILP britannique) avaient essentiellement la même ligne. Des pressions de leur base les forçaient à soutenir en paroles la Révolution d'Octobre et de négocier pour leur admission à l'Internationale communiste.

« Le désir de certains groupes dirigeants du « centre » d'adhérer à la III° Internationale », écrivait Lénine, « nous confirme indirectement que l'Internationale Communiste a conquis les sympathies de la grande majorité des travailleurs conscients du monde entier et constitue une puissance qui croît de jour en jour. »13

Mais ces partis n'étaient pas des organisations communistes révolutionnaires. Leurs traditions étaient celles de la social-démocratie d'avant-guerre - révolutionnaires en paroles, passifs en pratique. Et ils étaient dirigés par des hommes qui étaient prêts à toutes les manœuvres pour conserver le contrôle et empêcher l'adoption de stratégies et de tactiques authentiquement révolutionnaires.

Sans la masse des effectifs de ces partis, la nouvelle Internationale ne pouvait espérer exercer une influence décisive à court terme en Europe. Sans une rupture avec les dirigeants centristes, elle ne pouvait espérer exercer une influence révolutionnaire. La situation n'était pas très différente en ce qui concernait les partis de masse déjà adhérents de l'Internationale. Le Parti Socialiste Italien, par exemple, avait dans sa direction des centristes et même des réformistes purs et simples.

La lutte contre le centrisme était compliquée par un autre facteur. De forts courants gauchistes existaient dans beaucoup d'organisations communistes. Et en dehors d'elles, il y avait d'importantes organisations syndicalistes qui s'étaient rapprochées de la IIIème Internationale mais qui persistaient à nier le besoin d'un parti communiste. Gagner et intégrer ces forces importantes était une opération difficile et complexe, qui nécessitait une lutte sur plusieurs fronts.

Les décisions du Second Congrès étaient d'une importance fondamentale. Dans un sens il fut le véritable congrès de fondation. Il eut lieu au plus fort de la guerre avec la Pologne, lorsque l'Armée Rouge approchait de Varsovie. En Allemagne, une tentative d'établir une dictature militaire, le putsch de Kapp, venait d'être vaincue par une action de masse de la classe ouvrière. En Italie les occupations d'usine allaient bientôt commencer. L'Etat d'esprit d'optimisme révolutionnaire était plus fort que jamais. Zinoviev, président de l'Internationale, déclara : « Je suis profondément convaincu que le Deuxième Congrès Mondial de l'IC est le précurseur d'un autre congrès mondial, le congrès mondial des républiques soviétiques. »14 Tout ce qu'il fallait, c'était des partis communistes véritablement de masse pour conduire le mouvement à la victoire. Une des principales interventions de Trotsky au congrès concernait la nature de ces partis.

Camarades, il semble assez étrange que trois quarts de siècle après la parution du Manifeste Communiste, la question puisse être posée dans un Congrès de l'Internationale Communiste sur la question de savoir s'il est besoin d'un parti ou pas. (...) Il va de soi que si nous avions affaire à Messieurs Scheidemann, Kautsky, ou leurs coreligionnaires anglais, il ne serait pas nécessaire de convaincre ces messieurs qu'un parti est indispensable pour la classe ouvrière. Ils ont créé un parti pour la classe ouvrière et l'ont mis au service de la bourgeoisie et de la société capitaliste (...) Précisément parce que je sais que le parti est indispensable, précisément parce que je connais très bien la valeur du parti, et précisément parce que je vois d'un côté Scheidemann et, de l'autre, des syndicalistes américains, espagnols ou français qui non seulement souhaitent se battre contre la bourgeoisie mais qui veulent vraiment lui arracher la tête - pour cette raison je dis : je préfère accompagner ces camarades espagnols, américains ou français afin de leur démontrer la nécessité du parti pour l'accomplissement de la mission qui leur incombe - l'anéantissement de la bourgeoisie. (...) Camarades, les syndicalistes français travaillent dans les syndicats, mais lorsque je discute, par exemple, avec le camarade Rosmer, nous avons un terrain commun. Les syndicalistes français, allant à contre-courant des traditions de la démocratie, avec ses mensonges et ses illusions, ont dit: « Nous ne voulons pas de parti, nous voulons des syndicats prolétariens et en leur sein une minorité révolutionnaire, qui met en pratique l'action directe et le militantisme de masse. » (...) Quelle est la nature de cette minorité pour nos amis ? C'est une section d'élite de la classe ouvrière française, qui a son programme et son organisation, dans laquelle ils discutent de toutes les questions, et non seulement les discutent mais les tranchent.15

Là n'était pas, disait Trotsky, le fond du problème. Les syndicalistes révolutionnaires étaient plus proches de la constitution d'un parti communiste que les centristes pour lesquels l'idée du parti allait de soi. La position syndicaliste n'était pas entièrement correcte - il fallait y ajouter un inventaire des succès et des erreurs de la classe ouvrière « qui constituent des acquis de la classe ouvrière. C'est ainsi que nous concevons notre parti. C'est ainsi que nous concevons notre Internationale. »16

Elle ne pouvait pas être essentiellement une organisation propagandiste. Parlant à l'Exécutif du Komintern contre l'ultra-gauche hollandais Gorter qui accusait l'IC de « courir après les masses », Trotsky déclara :

Que propose donc Gorter ? Que veut-il ? De la propagande ! En réalité, toute sa méthode est là. La révolution, dit-il, ne dépend ni des besoins ni des conditions économiques, mais de la conscience des masses ; et celle-ci se forme par la propagande. La propagande est ici comprise dans un esprit tout à fait idéaliste, voisin de la conception des philosophes des Lumières, des rationalistes du dix-huitième siècle. (...) Vous voulez maintenant substituer en réalité au développement efficace de l'Internationale, des méthodes de propagande et de sélection de travailleurs isolés. Vous voulez avoir une Internationale pure, une espèce d'Internationale d'élus17

Ce genre de gauchisme passif et propagandiste n'était pas la seule variété représentée dans le Komintern à ses débuts. En 1921, une tendance putschiste se développa dans la direction du parti allemand. En mars de cette année, en l'absence d'une situation révolutionnaire sur le plan national (localement, dans certaines parties de l'Allemagne centrale, quelque chose de proche d'une situation révolutionnaire existait), la direction du parti essaya de passer en force, de substituer les militants du parti à un véritable mouvement de masse. Le résultat de « l'Action de Mars » fut une sévère défaite - les effectifs du parti s'effondrèrent, passant d'environ 350 000 à moins de 150 000. Une « théorie de l'offensive » fut avancée pour justifier la tactique du KPD.

C'est alors que fut utilisée la soi-disant théorie de l'offensive. Quelle est la substance de cette théorie ? Elle proclame que nous sommes entrés dans une époque de décomposition de la société capitaliste, en d'autres termes, une époque où la bourgeoisie doit être renversée. Comment ? Par l'offensive de la classe ouvrière. Tout ceci, sous cette forme purement abstraite, est incontestablement correct. Mais certains individus ont essayé de transformer ce capital théorique en une monnaie plus faible, déclarant que cette offensive consiste en toute une série d'offensives plus petites (...).

notait Trotsky dans un discours prononcé à l'été de 1921. Il poursuivait :

Camarades, il a été fait un usage abusif de l'analogie entre la lutte politique de la classe ouvrière et les opérations militaires. Mais jusqu'à un certain point nous pouvons parler ici de similitudes. (...) Sur le plan militaire, nous avons eu, nous aussi, l'équivalent du Mars allemand et du Septembre italien [il est ici fait référence à l'échec du parti socialiste italien à exploiter la crise révolutionnaire de septembre 1921]. Que se passe-t-il après une défaite partielle ? Il se produit une certaine dislocation de l'appareil militaire, le besoin se fait sentir d'un temps de récupération, de réorientation et d'une estimation plus précises des forces en présence. (...) Parfois cela n'est possible que dans les conditions d'un recul stratégique. (...)
Mais pour comprendre cela correctement, pour discerner dans un mouvement en arrière, une retraite, une partie intégrante d'un plan stratégique unifié - pour cela une certaine expérience est nécessaire. Mais si l'on raisonne de façon purement abstraite en insistant sur la marche en avant continuelle. (...) en supposant que tout peut être réglé par une extension de la volonté révolutionnaire, quel résultat obtient-on alors ? Prenons comme exemple les évènements de septembre en Italie ou l'Action de Mars en Allemagne. On nous dit qu'il ne peut être porté remède à la situation dans ces pays que par une nouvelle offensive. (...) Dans les conditions présentes, nous subirions une plus grande défaite, bien plus dangereuse. Non camarades, après une défaite semblable nous devons battre en retraite.18

Le front unique

En fait, à l'été de 1921, la direction du Komintern avait décidé qu'une retraite stratégique d'ordre plus général était nécessaire. Trotsky écrivait dans la Pravda en juin :


En 1919, année la plus critique pour la bourgeoisie, le prolétariat européen aurait pu prendre le pouvoir avec le minimum de sacrifices, si une organisation révolutionnaire et vraiment active avait été à sa tête qui eût adopté des buts clairs et eût été capable de les poursuivre, c'est-à-dire s'il avait eu comme guide le parti communiste. Mais ce n'était pas le cas. (...) Les ouvriers ont beaucoup lutté et ont fait de grands sacrifices pendant les trois dernières années. Ils n'ont pas réussi à conquérir le pouvoir. C'est pourquoi la classe ouvrière devient plus prudente qu'elle ne l'était dans les années 1919 et 1920.19

La même pensée était exprimée dans les Thèses sur la situation mondiale et la tâche de l'Internationale Communiste, dont Trotsky était l'auteur, adoptées au Troisième Congrès du Komintern en juillet 1921:


Pendant l'année qui s'est écoulée entre le 2ème et le 3ème Congrès de l'Internationale Communiste, une série de soulèvements et de luttes de la classe ouvrière se terminent en partie par la défaite (avance de l'Armée rouge sur Varsovie en août 1920, mouvement du prolétariat italien en septembre 1920, soulèvement des ouvriers allemands en mars 1921). La première période du mouvement révolutionnaire, après la guerre, est caractérisée par sa violence élémentaire, par l'imprécision très significative des buts et des méthodes et par l'extrême panique qui s'empare des classes dirigeantes; elle paraît être terminée dans une large mesure. Le sentiment de sa puissance de classe qu'a la bourgeoisie et la solidité extérieure de ses organes d'Etat se sont indubitablement renforcés... Les dirigeants de la bourgeoisie vantent la puissance de leur mécanisme d'Etat et passent même dans tous les pays à l'offensive contre les masses ouvrières, tant sur le front économique que sur le front politique.20

Peu après le congrès, l'Exécutif commença à pousser les partis à mettre l'accent de leur travail vers le front unique. L'essence de cette approche avait été résumée très clairement par Trotsky au début de 1922.

Le but du Parti Communiste consiste à diriger la révolution prolétarienne. Afin d'amener le prolétariat à la conquête directe du pouvoir et d'effectuer cette conquête, le Parti Communiste doit s'appuyer sur la majorité écrasante de la classe ouvrière. (...) Il ne peut l'atteindre que s'il constitue une organisation tout à fait indépendante pourvue d'un programme clair et d'une discipline intérieure très sévère. C'est pourquoi il a dû se séparer idéologiquement, ainsi que par son organisation, des réformistes et des centristes (...) Le Parti Communiste s'étant assuré une indépendance complète par l'unité idéologique de ses membres lutte pour étendre son influence sur la majorité de la classe ouvrière. (...) Mais il est tout à fait évident que la lutte de classe du prolétariat ne cesse pas dans cette période de préparation à la révolution.

Les conflits entre la classe ouvrière et les patrons, la bourgeoisie ou l'Etat, surgissent et se développent sans cesse par l'initiative de l'une ou de l'autre des parties.
Dans ces conflits, pour autant qu'ils embrassent les intérêts vitaux de toute la classe ouvrière ou de sa majorité ou bien d'une partie quelconque de cette classe, les masses ouvrières sentent la nécessité de l'unité des actions, de l'unité dans la défensive contre l'attaque du capital ainsi que l'unité dans l'offensive contre celui-ci. Le Parti qui contrecarre mécaniquement ces aspirations de la classe ouvrière, à l'unité d'action sera irrévocablement condamné par la conscience ouvrière.
Ainsi donc, la question du front unique, tant par son origine, que par son essence n'est pas du tout une question de relations entre les fractions parlementaires communiste et socialiste, entre les comités centraux d'un parti et de l'autre, entre l'Humanité et Le Populaire. Le problème du front unique surgit de la nécessité d'assurer à la classe ouvrière la possibilité d'un front unique dans la lutte contre le capital malgré la division fatale à l'époque actuelle, des organisations politiques qui ont l'appui de la classe ouvrière.

Pour ceux qui ne le comprennent pas le Parti n'est qu'une association de propagande et non pas une organisation d'action de masse (...)
L'unité de front suppose donc de notre part la décision de faire concerter pratiquement nos actions, dans de certaines limites et dans des questions données, avec les organisations réformistes pour autant qu'elles représentent encore aujourd'hui la volonté de fractions importantes du prolétariat en lutte.

Mais nous nous sommes séparés des organisations réformistes ? Oui, parce que nous sommes en désaccord avec elles sur les questions fondamentales du mouvement ouvrier.

Et pourtant, nous recherchons un accord avec elles ?
Oui, chaque fois que la masse qui les suit est prête à agir de concert avec la masse qui nous suit, et chaque fois que les réformistes sont plus ou moins forcés à se faire l'instrument de cette action. (...)

La politique du front unique, pourtant, ne comprend pas en soi de garanties pour une unité de fait, dans toutes les actions. Au contraire, dans nombre de cas, dans la plupart peut-être, l'accord des différentes organisations ne s'accomplira qu'à moitié ou ne s'accomplira pas du tout. Mais il est nécessaire que les masses en lutte puissent toujours se convaincre que l'unité d'actions a échoué, non pas à cause de notre intransigeance formelle, mais à cause de l'absence d'une véritable volonté de lutte chez les réformistes.21

Le Quatrième Congrès du Komintern (1922), qui s'est beaucoup occupé du front unique, fut le dernier auquel assista Lénine et le dernier que Trotsky devait considérer comme essentiellement correct dans ses décisions. Une décennie plus tard, dans une déclaration de principes fondamentaux, il résumait son attitude vis-à-vis des débuts du Komintern :

L'Opposition de Gauche Internationale se tient sur le terrain des quatre premiers congrès du Komintern. Cela ne signifie pas qu'elle s'incline devant la lettre de chacune de ses décisions, dont beaucoup n'avaient qu'un caractère conjoncturel et ont été contredites par les évènements ultérieurs. Mais tous les principes essentiels (par rapport à l'impérialisme et l'Etat bourgeois, la démocratie et le réformisme ; les problèmes de l'insurrection ; la dictature du prolétariat ; sur les rapports avec la paysannerie et les nations opprimées ; le travail dans les syndicats ; le parlementarisme ; la politique du front unique) demeurent, même aujourd'hui, la plus haute expression de la stratégie prolétarienne à l'époque de la crise générale du capitalisme. L'Opposition de Gauche rejette les décisions révisionnistes des Cinquième et Sixième Congrès Mondiaux... [1924 et 1928]22

L'année 1923 vit l'émergence du triumvirat de Staline, Zinoviev et Kamenev, d'une part, et de l'Opposition de Gauche, de l'autre. Elle vit en Europe deux défaites désastreuses pour le Komintern. En juin, le Parti Communiste Bulgare, un parti de masse jouissant du support de pratiquement toute la classe ouvrière, adopta une position de « neutralité », ou plutôt de passivité complète, face au coup d'Etat d'extrême droite contre le gouvernement du Parti Paysan. Puis, après que le régime démocratique bourgeois ait été détruit, une dictature militaire mise en place et la masse de la population matée, il lança (le 22 septembre), sans la moindre préparation politique sérieuse, une insurrection soudaine, qui fut brisée, et une terreur blanche féroce s'installa. En Allemagne, une profonde crise économique, sociale et politique éclata, précipitée par l'occupation française de la Ruhr et l'inflation astronomique qui priva littéralement la monnaie de toute valeur. « A l'automne de 1923 la situation en Allemagne était plus désespérée qu'elle ne l'avait été depuis 1919, la misère plus grande, les perspectives apparemment plus désespérées que jamais. »23 Un soulèvement fut prévu pour octobre, après que le Parti Communiste ait formé un gouvernement de coalition avec les sociaux-démocrates en Saxe, mais annulé à la dernière minute. (A Hambourg l'ordre d'annulation ne fut pas reçu à temps ; une insurrection isolée fut écrasée au bout de deux jours.)

Trotsky pensait qu'une occasion historique avait été manquée. A partir de ce moment, la politique du Komintern fut de plus en plus déterminée, d'abord par les exigences de la fraction stalinienne dans la lutte interne du parti en URSS, et plus tard par les nécessités de politique étrangère du gouvernement de Staline. Après un bref penchant à « gauche » en 1924, le Komintern fut poussé dans une direction droitière jusqu'en 1928, puis dans l'ultra-gauchisme (1928-34) et finalement loin sur la droite dans la période des fronts populaires (1935-39). Chacune de ces phases a été analysée et critiquée par Trotsky. Il est utile de présenter sa critique en usant de trois exemples.

 

Le Comité Syndical Anglo-Russe

Hormis la Révolution Chinoise de 1925-27, dont on a déjà parlé, la politique (sous la direction du Komintern) du Parti Communiste de Grande Bretagne (CPGB) avant et pendant la grève générale de 1926 constitua la plus importante accusation portée par Trotsky contre le Komintern dans sa première phase droitière.

La grève générale de 1926 est un tournant décisif de l'histoire britannique - et elle fut une défaite sans nuance pour la classe ouvrière. Elle mit fin à une période longue, même si elle n'était pas sans interruptions, de combativité ouvrière, elle mena la domination prolongée des syndicats par leur aile droite ouvertement collaborationniste de classe, et au renforcement massif du réformisme du Parti Travailliste aux dépens du Parti Communiste.

En 1924-25 le balancier du mouvement syndical était à gauche. Le Minority Movement (Mouvement de la Minorité) inspiré par le PC, fondé en 1924 autour des slogans « Stoppons la retraite » et « Revenons aux syndicats », gagnait en influence. En même temps le mouvement officiel commençait à tomber sous la coupe d'un groupe de dirigeants de gauche. Et à partir du printemps de 1925, le Congrès des Trade Unions (TUC) collaborait avec la Fédération Syndicale Soviétique à travers le « Comité Consultatif Conjoint des Syndicats Anglo-Soviétiques », un fait qui donnait aux Conseillers Généraux une certaine aura « révolutionnaire » et une couverture contre les critiques en provenance de la gauche.

L'essence des critiques de Trotsky était que le CPGB, sur les instances de Moscou, encourageait la confiance envers ces bureaucrates de gauche (le slogan central du PC était « Tout le pouvoir au Conseil Général » !) qui ne pouvaient pas ne pas trahir le mouvement à un stade critique (comme ils le firent bien évidemment), plutôt que de lutter pour construire indépendamment dans la base syndicale, utilisant les couvertures fournies par les « hommes de gauche » mais en aucun cas en se reposant sur eux ou en encourageant les militants à se fier à eux ; au contraire, s'attendant à leur trahison, l'annonçant et s'y préparant, Trotsky écrivit plus tard :

Zinoviev laissa entendre qu'il considérait que la révolution passerait non pas à travers l'étroite porte du Parti communiste anglais, mais par le large portail des trade-unions. A la lutte que devait mener le Parti communiste pour conquérir les masses organisées dans les trade-unions, on substitua l'espoir d'utiliser au plus vite, dans des buts révolutionnaires, l'appareil tout fait des trade-unions. Par la suite, ce fut cette façon de voir qui fit se développer la politique du Comité anglo-russe, laquelle porta un coup aussi bien à l'Union soviétique qu'à la classe ouvrière anglaise ; seule la défaite subie en Chine eut encore plus de gravité. (...) A la suite du plus grand mouvement révolutionnaire que l'Angleterre ait connu depuis le Chartisme, le Parti communiste anglais s'est à peine accru, tandis que le Conseil général est plus solidement établi qu'avant la grève générale.
Tels sont les résultats de cette « manœuvre stratégique » unique en son genre.24

Il ne prétendait pas qu'une politique communiste indépendante aurait nécessairement mené la grève à la victoire.

Aucun révolutionnaire qui pèse ses paroles n'affirmera que dans cette voie la victoire était assurée. Mais ce n'est que dans cette voie qu'elle était possible. La défaite éventuelle aurait été une défaite essuyée sur un chemin qui pouvait par la suite conduire au triomphe.25

Cela dit, cette voie

semblait pourtant trop longue et trop incertaine aux bureaucrates de l'l.C. Ils considéraient que, par une action personnelle sur Purcell, Hicks, Cook et les autres, ils pourraient entraîner graduellement et presque insensiblement l'opposition de gauche, le « courant large », dans le lit de l'I.C. Pour garantir plus sûrement un tel succès, il ne fallait ni ennuyer, ni exaspérer, ni mécontenter les chers petits amis Purcell, Hicks et Cook (...) il fallait prendre une décision radicale en subordonnant en fait le P.C. au « mouvement minoritaire ». (...) Les masses ne connaissaient comme chefs du mouvement que Purcell, Hicks, Cook, à qui Moscou apportait d'ailleurs sa garantie. Ces amis « gauchistes », à la première épreuve sérieuse, ont honteusement trahi le prolétariat. Les ouvriers révolutionnaires ont été désorientés, sont tombés dans l'apathie et ont reporté sur le P.C. lui même leur déception, alors que le parti n'avait constitué qu'un élément passif dans ce mécanisme de trahison. Le mouvement minoritaire disparut presque totalement : le P.C. retourna à l'Etat de secte impuissante.26

Se fier à des responsables « de gauche » fait toujours aujourd'hui partie des traits qui distinguent les réformistes des révolutionnaires. La critique de Trotsky est parfaitement pertinente aujourd'hui, et particulièrement en Grande Bretagne.

 

L'Allemagne de la Troisième Période

Le Sixième Congrès Mondial du Komintern (été 1928) amorça un processus de réaction violente contre la ligne droitière de 1924-1928. Une ligne ultra-gauche d'un caractère particulièrement bureaucratique fut imposée partout aux partis communistes, sans égard pour les circonstances locales. Reflétant le lancement du premier plan quinquennal et de la collectivisation forcée en URSS, cette nouvelle ligne proclamait une « Troisième Période », une période de « luttes révolutionnaires ascendantes ». Cela signifiait en pratique qu'au moment où le fascisme était un danger réel et croissant, en particulier en Allemagne, les sociaux-démocrates étaient considérés comme l'ennemi principal.

Dans cette situation de contradictions impérialistes croissantes et d'aiguisement de la lutte des classes,

déclarait le Dixième Plénum du CEIC en 1929,

le fascisme devient de plus en plus la méthode dominante du pouvoir bourgeois. Dans les pays où il y a des partis sociaux-démocrates forts, le fascisme prend la forme particulière du social-fascisme, qui à un degré grandissant sert à la bourgeoisie d'instrument servant à paralyser l'activité des masses dans la lutte contre le régime de dictature fasciste.27

Il s'ensuivait que la politique de front unique, telle qu'on la concevait jusque là, devait être jetée par dessus bord. Il ne pouvait être question d'essayer de forcer les partis sociaux-démocrates de masse et les syndicats qu'ils contrôlaient à un front unique contre les fascistes. Ils étaient eux-mêmes sociaux-fascistes. Mieux, ajoutait le Onzième Plénum du CEIC (1931), la social-démocratie « est le facteur le plus actif et le meneur de jeu dans le développement de l'Etat capitaliste vers le fascisme ».28

Cette estimation grotesquement erronée de la nature aussi bien du fascisme que de la social-démocratie mena à l'affirmation que « des partis sociaux-démocrates forts » et « un régime de dictature fasciste » pouvaient coexister et en fait coexistaient vraiment en Allemagne bien avant la prise du pouvoir par Hitler. « En Allemagne le gouvernement von Papen-Schleicher, avec l'aide de la Reichswehr, des Stahlhelm et des Nazis, a établi une forme de dictature fasciste... »29, proclamait le Douzième Plénum du CEIC en 1932.

Trotsky écrivit et argumenta contre cette stupidité criminelle avec de plus en plus d'urgence et de désespoir de 1929 à la catastrophe de 1933. Le caractère brillant et convaincant de ses textes relatifs à la crise allemande a rarement été égalé, et jamais dépassé, par aucun marxiste.

Le thème central de tous ces écrits était la nécessité d'un front unique des travailleurs contre le fascisme. Mais il y avait beaucoup plus que cela. Trotsky se fit un devoir de suivre dans le détail les arguments tortueux que les acolytes allemands de Staline avançaient pour défendre l'indéfendable. Ainsi, ses écrits de cette période considèrent et réfutent tout un ensemble d'arguments pseudo-marxistes et, en même temps, exposent avec une clarté exceptionnelle la « plus haute expression de la stratégie prolétarienne ». Seule une petite partie d'entre eux peut être évoquée ici.

Aujourd'hui la presse officielle de l'Internationale Communiste présente les résultats des élections [de septembre 1930] en Allemagne comme une grandiose victoire du communisme ; cette victoire mettrait le mot d'ordre « l'Allemagne des Soviets » à l'ordre du jour. Les bureaucrates optimistes refusent de réfléchir sur la signification du rapport de forces que révèlent les statistiques électorales. Ils analysent l'augmentation des voix communistes indépendamment des tâches révolutionnaires et des obstacles nés de la situation objective.
Le Parti Communiste a obtenu environ 4 600 000 voix contre 3 300 000 en 1928. Ce gain de 1 300 000 voix est énorme si l'on se place du point de vue de la mécanique parlementaire « normale », compte tenu de l'augmentation générale du nombre des électeurs. Mais les gains du Parti Communiste paraissent bien pâles face à la progression fulgurante des fascistes qui passent de 800 000 voix à 6 400 000. Le fait que la social-démocratie, malgré des pertes importantes, ait gardé ses principaux cadres et récolté plus de voix ouvrières que le Parti Communiste, a une tout aussi grande importance dans l'appréciation des élections.
Pourtant, si l'on cherche quelles sont les conditions intérieures et internationales susceptibles de faire basculer avec le plus de force la classe ouvrière du côté du communisme, on ne peut donner un exemple meilleur que celui de la situation actuelle en Allemagne : (...) la crise économique, la décadence des dirigeants, la crise du parlementarisme, la façon effrayante dont la social-démocratie au pouvoir se démasque elle-même. La place du Parti Communiste Allemand dans la vie sociale du pays, malgré le gain de 1 300 000 voix, demeure faible et disproportionnée du point de vue des conditions historiques concrètes. (...)
La première qualité d'un authentique parti révolutionnaire est de savoir regarder la réalité en face. (...)
Pour que la crise sociale puisse déboucher sur la révolution prolétarienne, il est indispensable, en dehors des autres conditions, que les classes petites bourgeoises basculent de façon décisive du côté du prolétariat. Cela permet au prolétariat de prendre la tête de la nation, et de la diriger.
Les dernières élections révèlent une poussée inverse, et c'est là que réside leur valeur symptomatique essentielle. Sous les coups de la crise, la petite bourgeoisie a basculé non du côté de la révolution prolétarienne, mais du côté de la réaction impérialiste la plus extrémiste, en entraînant des couches importantes du prolétariat.
La croissance gigantesque du national-socialisme traduit deux faits essentiels : une crise sociale profonde, arrachant les masses petites bourgeoises à leur équilibre, et l'absence d'un parti révolutionnaire qui, dès à présent, jouerait aux yeux des masses un rôle de dirigeant révolutionnaire reconnu. Si le parti communiste est le parti de l'espoir révolutionnaire, le fascisme en tant que mouvement de masse est le parti du désespoir contre-révolutionnaire. Lorsque l'espoir révolutionnaire s'empare de la masse entière du prolétariat, ce dernier entraîne immanquablement à sa suite, sur le chemin de la révolution, des couches importantes et toujours plus larges de la petite bourgeoisie. Or, dans ce domaine, les élections donnent précisément l'image opposée : le désespoir contre-révolutionnaire s'est emparé de la masse petite bourgeoise avec une force telle qu'elle a entraîné à sa suite des couches importantes du prolétariat. (...)
Le fascisme est devenu en Allemagne un danger réel ; il est l'expression de l'impasse aiguë du régime bourgeois, du rôle conservateur de la social-démocratie face à ce régime, et de la faiblesse accumulée du parti communiste, incapable de renverser ce régime. Qui nie cela est un aveugle ou un fanfaron.30

Pour remédier à la situation, expliquait Trotsky, il était nécessaire avant tout d'extirper le Parti Communiste de son ultra-radicalisme stérile. La politique de « l'ultimatisme bureaucratique » (« une tentative de violer la classe ouvrière après avoir échoué à la convaincre ») doit être remplacée par une manœuvre active fondée sur la politique du front unique.

C'est une tâche difficile que de mobiliser d'un seul coup la majorité de la classe ouvrière allemande pour une offensive. Après les défaites de 1919, 1921 et 1923, après les aventures de la 'troisième période', les ouvriers allemands, qui sont déjà solidement tenus par de puissantes organisations conservatrices, ont vu se développer en eux des centres d'inhibition. Mais cette solidité organisationnelle des ouvriers allemands, qui, jusqu'à présent, a empêché toute pénétration du fascisme dans leurs rangs, ouvre les plus larges possibilités pour des combats défensifs.
Il faut avoir présent à l'esprit le fait que la politique de front unique est beaucoup plus efficace dans la défense que dans l'attaque. Les couches conservatrices ou arriérées du prolétariat sont entraînées plus facilement dans la lutte pour défendre des acquis que pour la conquête de nouvelles positions.31

Toutes sortes de sophismes étaient employés par les staliniens pour obscurcir le problème et représenter ce qui avait été la politique du Komintern comme du « trotskysme contre-révolutionnaire ». Le front unique, expliquait-on, ne pouvait venir « que d'en bas », c'est-à-dire que les accords avec les sociaux-démocrates étaient exclus mais des sociaux-démocrates individuels pouvaient participer à un « front unique rouge » - à condition qu'ils acceptent le leadership du Parti Communiste !

Et de plus en plus une illusion fatale - résumée par « Après Hitler, notre tour » - fut encouragée, une perspective de passivité et d'impuissance masquée par une rhétorique radicale, comme Trotsky le faisait observer de façon répétée. Encore et encore, il revenait à la question centrale du front unique, mettant en évidence les sophismes, balayant les calomnies et portant les coups au bon endroit, comme dans cet exemple brillant :

Un marchand menait des bœufs à l'abattoir. Le boucher s'avance, un couteau à la main. « Serrons les rangs et transperçons ce bourreau de nos cornes », propose un des bœufs. « Mais en quoi le boucher est-il pire que le marchand qui nous a conduits ici avec sa trique », lui répondirent les bœufs qui avaient reçu leur éducation politique au pensionnat de Manouilsky. « C'est qu'ensuite nous pourrons régler son compte au marchand ! - Non, répondirent les bœufs à principes à leur conseilleur, tu es la caution de gauche de nos ennemis, tu es toi-même un social-boucher. » Et ils refusèrent de serrer les rangs. (Tiré des fables d'Esope).32

Le Parti Communiste maintint son cap fatal. Hitler prit le pouvoir. Le mouvement ouvrier fut écrasé.

 

Le Front populaire et la Révolution Espagnole

La victoire d'Hitler poussa les dirigeants de l'URSS à rechercher des « assurances » au moyen d'une alliance militaire avec les puissances occidentales dominantes à l'époque, la France et l'Angleterre. En tant qu'auxiliaire de la diplomatie de Staline - car c'est ce qu'elle était devenue - l'Internationale fit un brusque tournant à droite. Le Septième (et dernier) Congrès se réunit en 1935 comme démonstration publique que la révolution était définitivement retirée de l'ordre du jour. Il appelait au « Front Uni du Peuple dans la lutte pour la paix et contre les fauteurs de guerre. Tous ceux qui sont intéressés à la préservation de la paix sont invités à rejoindre ce front unique ».33

« Ceux qui étaient intéressés à la préservation de la paix » incluaient les vainqueurs de 1918, les classes dirigeantes française et anglaise, les objectifs de la nouvelle ligne.

« La situation n'est pas à ce jour ce qu'elle était en 1914 », déclarait le CEIC en mai 1936,

Aujourd'hui ce n'est pas seulement la classe ouvrière, la paysannerie et tous les gens qui travaillent qui sont résolus à maintenir la paix, mais aussi les pays opprimés et les nations faibles dont l'indépendance est menacée par la guerre. (...) Dans la phase actuelle un certain nombre d'Etats capitalistes sont également soucieux de maintenir la paix. D'où la possibilité de créer un front large de la classe ouvrière, de tous les travailleurs et de nations entières contre le danger de la guerre impérialiste.34

Un tel « front » était, nécessairement, une défense du statu quo impérialiste. Une rhétorique réformiste dut être généreusement employée pour dissimuler ce fait, et elle arriva à ses fins - provisoirement.

Dans la première phase, l'enthousiasme populaire pour l'unité amena des gains considérables aux partis communistes - le parti français passa de 30 000 voix en 1934 à 150 000 à la fin de 1936, avec 100 000 adhérents aux Jeunesses Communistes ; le parti espagnol grandit, de moins de mille à la fin de la « Troisième Période » (1934), à 35 000 en février 1936 et 117 000 en juillet 1937. Les nouveaux adhérents étaient protégés contre toute critique de gauche par la conviction que les trotskystes étaient littéralement des agents fascistes.

En mai 1935 fut signé le pacte franco-soviétique. En juillet, le PC et le Parti Socialiste français (la SFIO) concluaient un accord avec le Parti Radical, la cheville ouvrière de la démocratie bourgeoise française, et en avril 1936 le « Front Populaire » de ces trois partis remportait les élections législatives sur un programme de « sécurité collective » et de réforme. Le PC gagna 72 sièges en faisant campagne sur le slogan « Pour une France forte, libre et heureuse » et devint un élément essentiel de la majorité parlementaire de Léon Blum, le dirigeant de la SFIO et Président du Conseil (premier ministre) du Front Populaire. Maurice Thorez, le secrétaire général du PCF, put alors proclamer : « Nous avons audacieusement privés nos ennemis des choses qu'ils nous avaient volées et qu'ils avaient foulées aux pieds. Nous avons récupéré la Marseillaise et le drapeau tricolore. »35

Lorsque la victoire électorale de la gauche fut suivie par une vague massive de grèves et d'occupations d'usines - six millions de salariés avaient cessé le travail en juin 1936 - ceux qui se faisaient naguère les champions de la « montée des luttes révolutionnaires » s'employèrent à maintenir le mouvement dans d'étroites limites et d'y mettre fin sur la base des « Accords Matignon » et de leurs concessions (notamment la semaine de 40 heures et les congés payés). A la fin de l'année le Parti Communiste, désormais sur la droite de ses alliés sociaux-démocrates, appelait à l'extension du « Front Populaire » en « Front des Français » en incorporant quelques conservateurs de droite qui étaient, sur une base nationaliste, très anti-allemands.

Le parti français se fit le pionnier de cette politique parce que l'alliance avec la France était centrale pour la politique étrangère de Staline, mais elle fut rapidement adoptée par l'ensemble du Komintern. Lorsque la révolution éclata en Espagne en juin 1936, en réponse à la tentative de coup d'Etat de Franco, le PC espagnol, qui faisait partie du Front Populaire vainqueur des élections de février et désormais au pouvoir, déploya de grands efforts pour maintenir le mouvement dans les limites de la « démocratie ». Avec l'aide de la diplomatie russe, et bien sûr celle des sociaux-démocrates, il réussit son coup. « Il est absolument faux », déclara Jesus Hernandez, rédacteur en chef du quotidien du parti

de dire que le mouvement actuel des travailleurs a pour objectif l'établissement de la dictature du prolétariat lorsque la guerre sera terminée. (...) Nous, communistes, sommes les premiers à répudier cette supposition. Nous sommes motivés exclusivement par le désir de défendre la république démocratique.36

Dans la poursuite de cette ligne, le PC espagnol et ses alliés bourgeois poussèrent de plus en plus à droite la politique du gouvernement républicain ; au cours de l'interminable guerre civile, il exclut du gouvernement d'abord le POUM, un parti à gauche du PC que Trotsky avait sévèrement critiqué pour son entrée dans le Front Populaire, se désarmant ainsi politiquement et fournissant une caution de « gauche » au Parti Communiste, ensuite les dirigeants de l'aile gauche du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol.

« La défense de l’ordre républicain dans le respect de la propriété »37 mena au règne de la terreur dans l'Espagne républicaine contre la gauche. Et cela pava la voie, comme Trotsky le démontra, à la victoire de Franco.

Le prolétariat a manifesté des qualités combatives de premier ordre.

écrivait-il en décembre 1937.


Par son poids spécifique dans l'économie du pays, par son niveau politique et culturel, il se trouvait, dès le premier jour du la révolution, non au-dessous, mais au-dessus du prolétariat russe du commencement de 1917. Ce sont ses propres organisations qui furent les principaux obstacles sur la voie de la victoire. La clique qui commandait, en accord avec la contre-révolution, était composée d'agents payés, de carriéristes, d'éléments déclassés et de rebuts sociaux de toutes sortes. Les représentants des autres organisations ouvrières, réformistes invétérés, phraseurs anarchistes, centristes incurables du P.O.U.M., grognaient, hésitaient, soupiraient, manœuvraient, mais en fin de compte s’adaptaient aux staliniens. Le résultat de tout leur travail fut que le camp de la révolution sociale (ouvriers et paysans), se trouva soumis à la bourgeoisie, plus exactement à son ombre, perdit son caractère, perdit son sang. Ni l'héroïsme des masses, ni le courage des révolutionnaires isolés ne manquèrent. Mais les masses furent abandonnées à elles-mêmes et les révolutionnaires laissés à l'écart, sans programme, sans plan d'action. Les chefs militaires se soucièrent plus de l'écrasement de la révolution sociale que des victoires militaires. Les soldats perdirent confiance en leurs commandants, les masses dans le gouvernement; les paysans se tinrent à l'écart, les ouvriers se lassèrent, les défaites se succédaient, la démoralisation croissait. Il n'était pas difficile de prévoir tout cela dès le début de la guerre civile. Se fixant comme tâche le salut du régime capitaliste, le front populaire était voué à la défaite militaire. Mettant le bolchévisme la tête en bas, Staline a rempli avec succès le rôle principal de fossoyeur de la révolution.38

On ne trouve plus grand-monde aujourd'hui (hormis une poignée de sectaires ex-maoïstes insignifiants) pour défendre la ligne stalinienne de la « Troisième Période ». Le Front Populaire est, lui, quelque chose de tout autre. Si l'on prend en considération les différences de temps et de lieu, qu'avons-nous d'autre, au fond, dans « l'eurocommunisme » et le « compromis historique » ? De plus, parmi certains de ceux qui sont les plus à gauche, en termes politiques formels, de la tendance eurocommuniste, reproduisent la substance même des erreurs que Trotsky combattait à l'époque du « Comité Syndical Anglo-Russe ».

Ces questions ne sont donc pas seulement d'un intérêt historique mais aussi d'une valeur pratique immédiate. Les écrits de Trotsky consacrés à la stratégie et à la tactique en relation à ces grandes questions sont un véritable trésor. On peut dire sans exagération que personne, depuis 1923, n'a produit un travail qui s'approche de leur profondeur et de leur intelligence. Ils sont littéralement indispensables aux révolutionnaires d'aujourd'hui.

 

Notes:

1 Manifeste de l'Internationale Communiste aux prolétaires du monde entier ! , mars 1919

2 Jane Degras, The Communist International 1919-43, Londres, Cass 1971, Vol.1, p. 16.

3 Ibid, p6.

4 Lénine, Discours d'ouverture du 1er congrès de l'Internationale Communiste.

5 Sebastian Haffner, Allemagne, 1918 : une révolution trahie, Editions Complexe, 2001, p. 153.

6 Lénine, La situation et les tâches de l'Internationale Socialiste.

7 Lénine, Thèses sur la démocratie bourgeoise et la dictature prolétarienne.

8 Plate-forme de l'internationale Communiste.

9 Lénine, L'Etat et la révolution, Chapitre I, section 3.

10 Lénine, Третий интернационал и его место в истории (La troisième internationale et sa place dans l'histoire), Œuvres, édition en russe, tome 38, 1969, http://publ.lib.ru/ARCHIVES/L/LENIN_Vladimir_Il'ich/Polnoe_sobranie_sochineniy._T.38.(1969).%5bdoc%5d.zip

11 Lénine, Thèses sur la démocratie bourgeoise et la dictature prolétarienne.

12 Conditions d'admission des Partis dans l'Internationale Communiste, 1920.

13 Ibidem.

14 Jane Degras, The Communist International 1919-43, Londres, Cass 1971, Vol.1, p. 109.

15 Léon Trotsky, Речь на втором конгрессе коммунистического интернационала, (Discours au deuxième congrès de l'Internationale Communiste, 23 juillet 1920), http://www.magister.msk.ru/library/trotsky/trotl516.htm

16 Ibid.

17 Léon Trotsky, Réponse au Camarade Gorter, Novembre 1920. (traduction corrigée d'après le texte russe).

18 Report on “The Balance Sheet” Of the Third Congress of the Communist International, The First Five Years of the Communist International, New York: Pioneer 1945, Vol.1, pp. 303-305.

19 Léon Trotsky, Les enseignements du III° Congrès de l'Internationale Communiste, 1921.

20 Thèses sur la situation mondiale et les tâches de l’Internationale Communiste, 1921

21 Léon Trotsky, Le Front unique et le communisme en France, 1922.

22 Léon Trotsky, Writings of Leon Trotsky 1932-33, New York, Pathfinder Press 1972, pp. 51-55.

23 E. H. Carr, The Interregnum 1923-1924, Harmondsworth, Penguin 1065, p. 221.

24 Léon Trotsky, L'Internationale Communiste après Lenine, partie II, chapitre IV, section 7, 1928.

25 Ibid, italiques dans l'original.

26 Léon Trotsky, Les erreurs des éléments droitiers de la Ligue dans la question syndicale, 1931.

27 Jane Degras, The Communist International: Documents, Londres, Cass, Vol.III, p. 44.

28 Ibid, p. 159.

29 Ibid, p. 224.

30 Léon Trotsky, Le tournant de l'Internationale Communiste et la situation en Allemagne (1930), in Comment vaincre le fascisme, Paris, Buchet/Chastel 1973, pp19-20.

31 Léon Trotsky, La révolution allemande et la bureaucratie stalinienne, (1932), in Comment vaincre le fascisme, Paris, Buchet/Chastel 1973, pp. 220-221.

32 Ibidem, pp. 229-230.

33 Jane Degras, op cit, Vol.III, p. 375.

34 Ibid, p. 390.

35 Ibid, p. 384.

36 Voir Felix Morrow, Revolution and Counter-Revolution in Spain, New York, Pioneer 1938, p. 34.

37 Position du Comité Central du Parti Communiste Espagnol citée par l'Humanité du 3 août 1936.

38 Léon Trotsky, Leçons d'Espagne : dernier avertissement (1937).



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