1908

Traduit de l'allemand par Gérard Billy, 2015, d'après la réédition en fac-similé publiée par ELV-Verlag en 2013

Karl Kautsky

Karl Kautsky

Les origines du christianisme

IVème partie. Les débuts du christianisme.
1. La communauté chrétienne primitive

e. Le mépris du travail

1908

Le communisme que le christianisme des origines se donnait pour but était épousait totalement les conditions de son époque, il concernait les produits de consommation, leur répartition et leur usage collectif. Appliqué à l'agriculture, ce communisme pouvait aussi mener à un communisme de production, avec un travail collectif et planifié. Dans une grande ville, que l'on travaille ou que l'on mendie, vu les rapports de production de l'époque, l'une et l'autre activités dispersaient les prolétaires. Le communisme de la grande ville ne pouvait avoir pour but que de pousser au maximum les possibilités pour les pauvres de saigner les riches, comme l'avait magistralement fait dans les siècles précédents, le prolétariat là où il avait conquis un pouvoir politique, à Athènes et à Rome, par exemple. Le collectivisme qu'on pouvait avoir en vue pouvait tout au plus consister en une consommation collective des ressources acquises par cette méthode, c'était un communisme de la maisonnée, de la communauté familiale. Et effectivement, comme nous l'avons vu, Chrysostome n'en parle que de ce point de vue. Il ne se soucie pas de savoir qui va produire la richesse à consommer en commun. De même dans le christianisme primitif. Les évangiles font parler Jésus sur toutes sortes de sujets, sauf celui du travail. Ou plutôt, quand il en parle, c'est sur le ton le plus dédaigneux possible. Ainsi chez Luc (12, 22 sq.) :

« Ne soyez pas en souci de ce que vous mangerez ; ni de quoi vous serez vêtus : la vie est plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement. Considérez les corbeaux : ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’ont pas de cellier ni de grenier ; et Dieu les nourrit : combien valez-vous mieux que les oiseaux ! Et qui d’entre vous, par le souci qu’il se donne, peut ajouter une coudée à sa taille ? Si donc vous ne pouvez pas même la moindre chose, pourquoi êtes-vous en souci du reste ? Considérez les lis, et comment ils croissent : ils ne travaillent ni ne filent ; cependant je vous dis que même Salomon, dans toute sa gloire, n’était pas vêtu comme l’un d’eux. Et si Dieu revêt ainsi l’herbe qui est aujourd’hui au champ et qui demain est jetée dans le four, combien plus vous [vêtira-t-il], gens de petite foi ! Et vous, ne recherchez pas ce que vous mangerez ou ce que vous boirez, et n’en soyez pas en peine ; car les païens du monde recherchent toutes ces choses, et votre Père sait que vous avez besoin de ces choses ; mais recherchez son royaume, et ces choses vous seront données par-dessus. Ne crains pas, petit troupeau, car il a plu à votre Père de vous donner le pouvoir. Vendez ce que vous avez, et donnez-le aux pauvres. »

Est-ce qu'ici, il serait question pour le chrétien, par ascétisme, de ne pas se soucier de la nourriture et de la boisson parce qu'il ne doit se soucier que du salut de son âme ? Non, les chrétiens doivent aspirer au royaume de Dieu, c'est-à-dire à leur propre pouvoir, et alors ils recueilleront tout ce dont ils ont besoin. Nous aurons encore l'occasion de voir à quel point le « royaume de Dieu » était terrestre.

 

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