1935-36

"Nous nous proposons, au cours de cet ouvrage, de présenter et d'expliquer les principes élémentaires de la philosophie matérialiste. Pourquoi ? Parce que le marxisme est intimement lié à une philosophie et à une méthode : celles du matérialisme dialectique. Il est donc indispensable d'étudier cette philosophie et cette méthode pour bien comprendre le marxisme et pour réfuter les arguments des théories bourgeoises autant que pour entreprendre une lutte politique efficace. "

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Principes élémentaires de philosophie

G. Politzer

Index


Agnostiques.Nom donné en philosophie à ceux qui déclarent la vérité inaccessible à l'esprit humain.

Alchimie.Nom donné à la chimie du moyen âge. C'était un art, plus qu'une science, proche de la magie, qui consistait à chercher un remède propre à guérir tous les maux (panacée) et la transmutation des métaux en or par la « pierre philosophale ».

Analyse.Opération de l'esprit qui consiste à décomposer une chose ou une idée en ses éléments.

Anatomie.Science qui étudie la structure des êtres vivants et les rapports des différents organes qui les constituent.

Anaximène de Milet (VI° s. av. notre ère).Philosophe de l'école d'Ionie. Il succéda à son maître Anaximandre et eut pour disciples Anaxagore et Diogène d'Apollonie. Selon lui, l'air est le principe de toutes choses.

Aristote (384-322 av. notre ère). Avec Platon, le plus grand philosophe de l'antiquité. Enseigna à Athènes, d'où il lui fallut fuir une année avant sa mort pour échapper à des poursuites pour « impiété ». Disciple, mais adversaire de Platon, Aristote essaie de donner des fondements réalistes à la philosophie idéaliste de celui-ci, par l'observation systématique du monde sensible, mais part, comme lui, du concept de l'idée. Tout être ou substance est fait de deux principes : la matière et la forme. La matière est une masse brute, inerte, indistincte ; pour qu'elle devienne telle ou telle chose, « ceci » ou « cela », il faut que s'y applique une forme. La forme, c'est l'idée, active, spécifique. C'est elle qui donne à la matière sa qualification. La forme suprême, celle qui comprend toutes les autres, c'est Dieu. Aussi Aristote, repoussant la conception mécaniste de Démocrite, introduit-il le finalisme : c'est Dieu qui a organisé l'univers. Aristote fut le fondateur de la logique en tant que théorie du raisonnement juste. L'idée du développement est une idée centrale de son système. Le développement cosmique, le développement organique, le développement des formes de l'Etat, etc., sont partout conçus comme une évolution de l'imparfait au parfait, du général au particulier. Engels l'appelle le cerveau le plus universel de tous les philosophes grecs, celui qui s'est déjà livré à la recherche des formes essentielles du raisonnement dialectique. (Voir Friedrich Engels : Socialisme utopique et socialisme scientifique.)
Au moyen âge, les disciples de ce grand savant, de ce grand logicien n'ont conservé de son enseignement que l'aspect formel, abstrait ; incapables de repenser l'aristotélisme à la lumière des progrès de la science, ils en ont fait un système desséché et stérile, qui forma la base de la scolastique.

Atome.On appelle ainsi, en chimie et en physique, la parcelle matérielle formant la plus petite quantité d'un élément qui puisse entrer en combinaison.
Dans la philosophie matérialiste antique, ce mot désignait l'élément le plus petit de la matière, absolument indivisible, l'élément premier à partir duquel se constituait par combinaison et agrégation la nature tout entière.

Bacon, François de Verulam (1561-1626). Célèbre philosophe anglais. Membre de la Chambre des Communes en 1593, Bacon fut nommé en 1604 avocat ordinaire de la couronne ; en 1613, attorney général ; en 1617, garde des sceaux, et en 1618 grand chancelier de la couronne. Condamné en 1624 par le Parlement à la prison et à la déchéance pour corruption, il fut rendu à la liberté au bout de deux jours et rentra dans la vie privée.
François Bacon est l'auteur d'un grand nombre d'ouvrages scientifiques et philosophiques, parmi lesquels il faut mentionner tout particulièrement le Novum Organum (1620), dans lequel il oppose à l'ancienne métaphysique des idées a priori la logique fondée sur l'expérience.
François Bacon est un des fondateurs de la philosophie et de la méthode scientifique modernes.

Berkeley, George (1685-1753).Philosophe anglais, évêque et, un certain temps, missionnaire malheureux en Amérique. Son activité cléricale (en tant que prêtre protestant dans l'Irlande catholique annexée et colonisée par la force au commencement du XVIII° siècle), au service de la politique de la nation anglaise conquérante, porte un caractère tout à fait réactionnaire. Parallèlement à des spéculations d'ordre spirituel, s'adonna également à des spéculations plus matérielles (par exemple, sur l'utilité des fameuses maisons ouvrières et du travail des enfants), comme le prouve son ouvrage : Essai sur les moyens d'éviter la ruine de la Grande-Bretagne (1720), composé à l'occasion du krach de la Southsea Company, qui fut une spéculation aventureuse. Lénine a caractérisé de façon approfondie sa philosophie. On en trouvera l'exposé dans le présent ouvrage, première partie, chapitre II. Ses conceptions économiques (dans le Querist), en particulier sur l'argent, ont été examinées à fond par Marx dans sa Contribution à la Critique de l'économie politique. Ouvrages : Nouvelle Théorie des perceptions de l'esprit (1707), Principes de la connaissance humaine (1710), (trad. franc, par Charles Renouvier, Paris, 1920) ; Dialogues entre Hylas et Philonoüs (1712) (trad. franc, par J. Beaulavon, Paris, 1895), exposé populaire de l'ouvrage précédent.

Branly, Edouard (1846-1940).Physicien. Découvrit en 1873 les propriétés des oxydes de cuivre pour « redresser » les courants alternatifs. En 1888, il mit sur pied les premières radio-communications en découvrant la propriété du « tube à limaille ». Grâce à son « détecteur », la T.S.F. était née. En 1898, il exposa à l'Académie des sciences l'application de sa découverte à l'appel de secours des navires.

Cartésianisme.Nom donné à la philosophie de Descartes.

Copernic (1473-1543).Célèbre astronome polonais. Auteur de l'ouvrage intitulé : les Révolutions de l'orbe céleste, dans lequel il prouve le mouvement de rotation de la terre autour de son axe et de translation autour du soleil.

D'Alembert, Jean le Rond (1717-1783).Un des représentants les plus caractéristiques du siècle des lumières en France, grand mathématicien, d'Alembert a fait des travaux considérables pour établir les principes de la mécanique. Il publia avec Diderot l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers par une Société de gens de lettres. Cette grande œuvre fortement combattue par la monarchie, largement répandue, et finalement interdite par le Conseil d'Etat réactionnaire, est le monument principal du siècle des lumières (33 volumes, 1751-1777). Il composa l'introduction à cette encyclopédie : le « Discours préliminaire ». Son point de vue philosophique est celui du scepticisme. Ni la matière, ni l'esprit ne sont connaissables dans leur essence, et le monde peut être supposé tout autre qu'il apparaît à nos sens. Ouvrages principaux : Mélanges de littérature, d'histoire et de philosophie (1752), Traité de dynamique (1753) et Eléments de philosophie (1758).

Darwin, Charles Robert (1809-1882). Célèbre naturaliste anglais, le théoricien le plus important de l'évolution dans les sciences de la nature au siècle dernier. La théorie du transformisme, qui avait déjà été pressentie antérieurement par Lamarck, Goethe, etc., a trouvé chez lui son expression décisive, frayant ainsi de nouvelles voies à la science. Darwin fonda sa théorie de l'évolution sur l'hypothèse de la sélection naturelle, c'est-à-dire la sélection dans la lutte pour la vie qui fait survivre les plus aptes. Il partait des expériences de l'élevage artificiel. Mais où est la main de l'éleveur dans la nature aveugle ? Pour répondre à cette question, Darwin s'est servi de l'Essai sur le principe de la population de Malthus (1798) dans la mesure où Malthus partait d'une disproportion entre l'augmentation de la population et la possibilité d'accroître les moyens de subsistance. Quoique la science biologique moderne ait examiné une foule de nouveaux phénomènes et modifié et complété de ce fait les facteurs utilisés par Darwin de façon trop générale, la pensée fondamentale de la théorie de l'évolution n'en est pas moins fermement ancrée dans la pensée moderne. Engels écrit à ce sujet dans l'Evolution du socialisme : « Darwin a porté à la conception métaphysique de la nature le coup le plus formidable en prouvant que toute la nature organique actuelle, les plantes, les animaux ainsi que l'homme, est le produit d'un processus d'évolution qui se poursuit depuis des millions d'années. » Dans son discours sur la tombe de Marx, Engels (1883) a indiqué les rapports de Marx avec Darwin dans les termes suivants : « De même que Darwin a découvert la loi de l'évolution de la nature organique, Marx a découvert la loi de l'évolution de l'histoire humaine. » Marx avait déjà en 1860, en ce qui concerne l'ouvrage principal de Darwin qui venait de paraître (1859) : De l'Origine des espèces par voie de sélection naturelle, écrit dans une lettre à Engels : « Bien que développé grossièrement à l'anglaise, c'est le livre qui contient, au point de vue des sciences naturelles, la base conforme à notre point de vue. » (Correspondance Marx-Engels, II° volume, page 426.) Il s'exprime de façon analogue dans une lettre à Lassalle, p. 346.) « L'ouvrage de Darwin est considérable et me convient comme base, au point de vue des sciences naturelles, de la lutte des classes dans l'histoire... Malgré tout ce qu'il a de défectueux, non seulement il porte le premier à la « théologie » [voir ce mot plus loin] un coup mortel dans les sciences naturelles, mais il établit de façon empirique le sens rationnel de celles-ci... » (Pages 214, 287.) (Voir Darwin : Textes choisis, « Les classiques du peuple ».)

Déduction.Raisonnement qui, à partir d'une proposition ou d'un fait, en énonce les conséquences qui en découlent ou encore qui conclut du général au particulier.

Démocrite d'Abdère (460-370 environ av. notre ère).Philosophé grec, le plus grand matérialiste de l'antiquité. D'après lui, seuls existent réellement les atomes et le vide. Les atomes sont des éléments primitifs extrêmement petits, indivisibles, différents de forme, de grandeur et de situation, et en perpétuel mouvement. Les objets naissent de l'organisation des atomes. Démocrite affirme que l'âme est matérielle et composée, comme toute chose, d'atomes (plus fins d'ailleurs que les autres). Par ailleurs, pour lui, les qualités des choses (leur couleur, leur odeur, etc..) sont purement subjectives et constituent des illusions des sens. Le monde réel et objectif ne contient pas de telles qualités, et la tâche de la raison doit être d'abstraire ces qualités pour retrouver les atomes eux-mêmes.
La contradiction que l'on constate chez Démocrite entre le caractère subjectif des « qualités » fournies par les sens et le monde véritable ou objectif des atomes, conçu par la raison, pose le problème de la connaissance dans la dialectique matérialiste sous sa première forme élémentaire. Sa théorie des atomes est un pressentiment génial de l'atomistique moderne.

Descartes, René (1596-1650). Philosophe français dualiste (c'est-à-dire qui oppose esprit et matière de façon métaphysique). Il a combattu la scolastique et créé la géométrie analytique. Son dualisme livre le monde matériel sensible à la physique ou, plus exactement, à la mécanique mathématique, et l'âme spirituelle rationnelle a la métaphysique. Aussi est-il matérialiste dans la pratique et idéaliste dans la théorie. Cette dualité fait de lui le pivot de toute la philosophie bourgeoise des temps modernes, aussi bien dans sa tendance mécaniste-matérialiste que dans sa tendance métaphysico-spiritualiste. Décidant, pour ruiner la scolastique et trouver la vérité, de commencer par douter « méthodiquement » de tout, rejetant, en tant que rationaliste, l'expérience des sens comme trompeuse, proclamant la méthode mathématique comme modèle pour toute la science, Descartes découvre dans la proposition : « Je pense, donc je suis », l'idéal de toutes les vérités évidentes. Par une série de déductions, il conclut à l'existence de l'âme comme substance spirituelle et à l'existence de Dieu. Et c'est sur l'existence de Dieu qu'il fonde l'existence du monde matériel. Mais en même temps, pour Descartes, la matière est identique à l'étendue. Il proclame ainsi la libération de la science de la nature de toute influence théologique transcendantale. Le progrès essentiel de sa philosophie consiste à préconiser une méthode scientifique qui décompose tous les objets en leurs parties constitutives les plus simples. Tout en isolant les objets, comme dit Engels, sur la base de cette analyse mathématique-mécaniste, et en disloquant de façon métaphysique leurs rapports, Descartes n'en forme pas moins les prémisses nécessaires pour leur synthèse dialectique. Il attribuait à sa « nouvelle méthode » la plus grande importance pour le développement technique et industriel de son temps. En réalité, cette méthode, comme d'une façon générale toute sa conception philosophique (les animaux y sont conçus comme des automates !), est la philosophie caractéristique de la période manufacturière. Elle représente néanmoins un héritage rationaliste extrêmement précieux et valable. Parmi ces ouvrages : Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences (1637) (Voir cet ouvrage dans la collection « Les classiques du peuple »), Méditations métaphysiques (1641), Principes de philosophie (1644), Traité des passions de l’âme (1649), Traité de l'homme (posthume).

Dialectique.Le mot « dialectique » signifiait primitivement l'art ou la science de la discussion. Pour Platon, la dialectique est d'abord l'art de faire sortir d'une idée ou d'un principe toutes les conséquences positives et négatives qui y sont contenues. C'est, ensuite, la marche ascendante et raisonnée de l'esprit qui s'élève, par étapes successives, des données sensibles jusqu'aux idées, principes éternels et immuables des choses, et, à la première de toutes, l'idée du Bien. Comme pour Platon les idées sont la seule réalité digne de ce nom, la dialectique ou la science des idées finit par être la science même.
Chez Hegel, la dialectique est le mouvement de l'idée, passant à travers dès phases successives : thèse, antithèse; syntthèse.
Chez Marx et les marxistes, la dialectique n'est plus le mouvement de l'idée, mais le mouvement des choses elles-mêmes à travers les contradictions, dont le mouvement de l'esprit n'est que l'expression consciente d'elle-même. On trouvera une étude approfondie de la dialectique marxiste dans la quatrième partie du présent ouvrage.

Diderot, Denis (1713-1784).Le penseur le plus éminent parmi les matérialistes du siècle français des lumières ; il est le chef et l'âme des encyclopédistes. Il publia avec d'Alembert, pendant un quart de siècle (à partir de 1751), la célèbre Encyclopédie appelée « la Sainte Alliance contre le fanatisme et la tyrannie ». La publication de cette entreprise, persécutée par l'Etat et les jésuites, exigea une tension extrême de ses forces morales, une volonté opiniâtre, la plus grande obstination et un dévouement absolu. « Si quelqu'un, écrivait Engels, a consacré toute sa vie avec enthousiasme à la vérité et au droit cette phrase prise dans son bon sens ce fut bien Diderot. » II écrivit sur les objets les plus divers, sur les sciences naturelles et les mathématiques, l'histoire et la société, l'économie et l'Etat, le droit et les mœurs, l'art et la littérature. Elevé dans un catholicisme rigoureux, Diderot se développa avec une admirable logique, passant du déisme au matérialisme et à l'athéisme militants, pour finir par incarner les buts les plus élevés de la philosophie révolutionnaire bourgeoise française de l'« époque des lumières ». Il exerça sur la société de son temps l'influence la plus profonde et la plus durable. Mais sa pensée n'est pas contenue dans les limites étroites d'un matérialisme vulgaire. On trouve déjà chez lui des germes nombreux d'une pensée dialectique. Déjà, dans ses Pensées philosophiques (La Haye, 1746), qui furent brûlées par le bourreau sur l'ordre du Parlement, et dans sa Promenade du sceptique (1747), saisie avant l'impression, il se livre à des attaques hardies contre l'Eglise. Son ouvrage athée : Lettre sur les aveugles (Londres, 1749), lui coûta une année de prison. Diderot passe avec raison aussi comme un précurseur de Lamarck et de Darwin, car il soutient déjà, de façon claire et résolue, l'idée d'une évolution des organismes et de l'existence initiale d'un « être primitif » duquel est sorti par transformation progressive la diversité ultérieure du règne animal et du règne végétal. De même qu'il y a une évolution individuelle, il y a aussi, suivant Diderot, une évolution des espèces. Poursuivant logiquement l'idée d'évolution, Diderot exige finalement aussi la reconnaissance de l'évolution de toute la matière inanimée. Dans son ouvrage : Pensées sur l'interprétation de la nature (1754), il imagine, pour expliquer les phénomènes psychiques, l'hypothèse d'atomes doués de sensation qui existeraient déjà chez les animaux et qui détermineraient la pensée chez l'homme. Tous les actes de la nature sont des manifestations d'une substance qui comprend l'être tout entier, dans laquelle se manifeste l'unité des forces en perpétuelle transformation et en perpétuelle réaction réciproque. Parmi les écrits matérialistes les plus hardis et les plus étincelants d'esprit, il faut citer : Entretiens entre d'Alembert et Diderot (1769) et le Rêve de d'Alembert (1769), qui constituent en même temps des chefs-d'œuvre littéraires achevés. Diderot fut, en outre, un auteur dramatique éminent et un maître de la prose. Dans sa lutte pour la réforme de l'art et de la scène, il se prononce pour le naturalisme, pour la représentation non fardée de la réalité vivante, concrète. Diderot composa en outre soit dit en passant, il est l'écrivain favori de Marx de nombreux romans et nouvelles spirituels dont l'importance ressort du fait que des hommes comme Lessing, Schiller et Goethe non seulement furent ses admirateurs, mais traduisirent en allemand plusieurs de ses ouvrages. Son œuvre la plus célèbre est Le Neveu de Rameau (1762) qu'Engels appelle « un chef-d'œuvre de dialectique ». Dans la collection « Les Classiques du peuple », les Editions sociales ont entrepris la publication des textes essentiels de Diderot.

Dühring, Eugen (1833-1921). Philosophe et économiste allemand, quelque temps chargé de cours de philosophie et d'économie politique à l'Université de Berlin. Devenu bientôt après complètement aveugle, Dühring, jusqu'à sa mort, vécut comme écrivain d'abord à Berlin, plus tard à Nowawes. Ce représentant le plus considérable d'un socialisme bourgeois, qui voyait dans les « efforts naturels de l'esprit individuel » le fondement de l'ordre social, prêchait la théorie de la part croissante des ouvriers au produit social et attendait de la conciliation des antagonismes de classe le salut de l'avenir ; il se considérait comme un réformateur de l'humanité. Dühring fit devant des auditoires nombreux des conférences sur les sujets les plus divers, mais il fut bientôt privé de sa chaire à la suite de ses vives attaques publiques contre des professeurs de Berlin. Entre 1870 et 1880, il eut un très grand nombre de partisans dans la social-démocratie. Dühring développa dans de nombreux ouvrages un système particulier socialo-philosophique, qu'il s'était construit à l'aide de nombre de « vérités de dernière instance », absolues, qu'il croyait avoir découvertes. C'était un adversaire du christianisme et un antisémite ardent. Il rendit indirectement, et malgré lui, un grand service au communisme scientifique; ses attaques passionnées contre Marx et Lassalle et sa « philosophie de la réalité », empreinte de la folie des grandeurs, provoquèrent, en effet, la riposté du fameux pamphlet classique d'Engels : M. Eugène Dühring bouleverse la science (Anti-Dühring), ouvrage qui devint bientôt le guide philosophique de la nouvelle génération ouvrière révolutionnaire. Dans cet ouvrage, Engels déchiquetait impitoyablement tout le système de platitudes de Dühring et faisait, pour la première fois, de main de maître, un exposé complet et clair du matérialisme dialectique. (Voir l'Anti-Dühring, de F. Engels, Editions sociales.)

Eléates.Philosophes d'Elée, cité fondée par les Grecs en Italie du sud. Opposés à Héraclite et à l'école de Milet (voir Thalès), les Eléates affirment l'immuabilité de l'Etre. Le plus célèbre d'entre eux est Zénon (vers 500 avant notre ère).

Encyclopédie.D'une façon générale, ouvrage contenant le résumé de toutes les connaissances humaines. Dans l'histoire littéraire française, l'Encyclopédie est le grand ouvrage publié au XVIII° siècle, dans lequel toutes les connaissances humaines étaient, pour la première fois, présentées du point de vue de la bourgeoisie révolutionnaire. A côté de l'influence que l'Encyclopédie exerça par sa vigoureuse dénonciation des iniquités du régime féodal monarchique, les trois plans sur lesquels elle apporte une contribution décisive sont : le matérialisme (mécaniste), l'athéisme et le progrès des techniques. (Voir textes choisis de l'Encyclopédie, « Les Classiques du peuple ».)

Engels, Friedrich (1820-1895).L'ami le plus cher et le compagnon de lutte inséparable de K. Marx, co-fondateur du matérialisme dialectique et du socialisme scientifique et collaborateur de Marx dans la composition du Manifeste du Parti communiste ; un des fondateurs de la Ligue des communistes et de l'Association ouvrière internationale ou première Internationale ; après la mort de Marx (1883), il devint le chef spirituel reconnu et la plus grande autorité du mouvement ouvrier international. Son mérite principal est dans l'exposé et le développement du matérialisme dialectique. Parmi ses œuvres théoriques, il faut donner la première place à ses pamphlets philosophiques. Ce sont des chef-d’œuvres qui exercèrent sur la pensée du prolétariat l'influence la plus durable et qui ont acquis une importance qui va croissant. Engels y montre avec une maîtrise et une netteté incomparables les rapports dialectiques de la philosophie avec les luttes de classes sociales et avec le développement des forces productives et l'essor parallèle des sciences de la nature. Il amène ainsi le lecteur par des chemins toujours nouveaux à cette vérité qu'une philosophie qui libère réellement l'humanité entière ne peut être que la philosophie du matérialisme dialectique, car, seule, elle est capable de préserver la pensée théorique du Scylla de l'idéalisme et du Charybde du matérialisme vulgaire mécaniste et d'assurer la victoire à une théorie matérialiste conséquente de la connaissance. Ses ouvrages fondamentaux sont : Anti-Dühring, œuvre polémique composée à la manière de Lessing, pleine de fraîcheur, d'entrain et de vigueur combative, une défense singulièrement féconde de la conception matérialiste du monde ; Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, brillant essai sur le développement de la philosophie de Hegel jusqu'à Marx. Un ouvrage moins connu, mais possédant toutes les qualités qui en feront, avec Anti-Dühring, l'arme essentielle des marxistes dans la lutte contre les nouveaux systèmes idéalistes de philosophie, c'est Dialectique de la nature, recueil d'articles et de fragments édités en France il y a quelques années, écrits de 1873 à 1892 : il constitue même si en certains points, il a été dépassé par de récentes découvertes scientifiques une mine inépuisable pour tous ceux qui s'intéressent à la lutte pour le matérialisme dialectique et pour sa juste interprétation, et qui sont pénétrés de la nécessité d'incorporer harmonieusement au marxisme les résultats des sciences naturelles modernes. Citons parmi ses autres ouvrages théoriques et méthodologiques importants : La situation de la classe laborieuse en Angleterre (1845), Manifeste du Parti communiste (1848) écrit en collaboration avec Marx , La Révolution démocratique et bourgeoise en Allemagne (1850-1852) contenant « La Guerre des paysans », « Révolution et contre-révolution en Allemagne » et « La campagne pour la Constitution du Reich » Socialisme utopique et socialisme scientifique (1880), L'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat (1884), La Question du logement (1872), Contribution à l'histoire du christianisme primitif (réimprimé dans le recueil Marx-Engels : Sur la religion), les Etudes sur « Le Capital », la Critique du programme d'Erfurt (1891).
Mentionnons en outre Sur la littérature et l'art, Sur la religion, Etudes philosophiques et Lettres sur « Le Capital » textes choisis de Marx et d'Engels. L'étude de la correspondance de Engels est également indispensable : citons avant tout Correspondance K. Marx-Fr. Engels (9 vol.) et Correspondance Friedrich Engels-Paul et Laura Lafargue (3 vol.)
Tous les ouvrages cités, sauf la Correspondance K. Marx-Fr. Engels, ont été publiés aux Editions sociales qui entreprennent à dater de 1970 une édition complète de la correspondance.

Epicure.Philosophe grec (341-270 avant notre ère). Enseigna la philosophie à Athènes. Il ne nous reste de son œuvre, qui comptait, dit-on, près de 300 volumes, que quelques lettres qui contiennent le résumé de sa doctrine, ainsi qu'un recueil de maximes.
Epicure enseigne que le monde est composé d'une infinité d'atomes qui se rencontrent, s'agrègent et se désagrègent en vertu d'une causalité dont le point de départ est un accident dû au hasard. Il existe peut-être bien des dieux, mais, selon Epicure, ils ne s'occupent en tout cas pas de notre monde. L'homme est donc libre et n'a pas à craindre la mort. Ainsi affranchi de la crainte et de l'erreur, il doit se détourner des biens fragiles et passagers et rechercher le bien fixe et durable que donnent les plaisirs modérés.

Feuerbach, Ludwig (1804-1872).Philosophe allemand, matérialiste, fils du criminaliste célèbre en son temps Paul-Anselme Feuerbach. Fut obligé d'abandonner la carrière académique à cause de ses conceptions philosophiques et vécut alors à la campagne dans la gêne. De l'hégélianisme de gauche, il passa au matérialisme. « La pensée est sortie de l'être, mais non pas l'être de la pensée. » L'homme est le produit de la nature, la religion est le reflet mythique de la nature humaine. « Dans son Dieu, tu reconnais l'homme et dans l'homme tu reconnais aussi son Dieu ; les deux choses sont identiques. » Ce n'est pas Dieu qui créa l'homme, mais l'homme qui créa Dieu à son image. La philosophie de Feuerbach a formé le chaînon intermédiaire entre la philosophie de Hegel et celle de Marx. Bien que s'exprimant quelque part de façon très méprisante sur le matérialisme français du XVIII° siècle, Feuerbach fut, cependant, en fait, le rénovateur du matérialisme du XVIII° siècle, avec tous ses grands mérites et tous ses défauts, avec sa haine noble, fière et révolutionnaire, de toute « théologie » et son penchant à l'idéalisme quand il s'agit d'expliquer des phénomènes et des actes sociaux.
Marx et Engels, qui furent, un certain temps, les disciples de Feuerbach, dénoncèrent bientôt les insuffisances de son matérialisme. Ils élaborèrent le matérialisme dialectique, qui dépasse Feuerbach, tout en assimilant ce que sa pensée a de valable.

Galilée (1564-1642). Mathématicien, physicien, astronome, fondateur de la science expérimentale en Italie. Il découvre la loi de l'isochronisme des oscillations du pendule et démontre l'égalité du temps de chute dans le vide des corps inégalement pesants. En astronomie, accepte le système de Copernic, construit une nouvelle lunette astronomique et fait des découvertes qui confirment le système de Copernic. Il proclame donc que le soleil est le centre du monde et que la terre tourne autour du soleil. Poursuivi par l'Inquisition, il est obligé de se rétracter et prononce après son abjuration la fameuse phrase : « Et pourtant elle tourne ! »

Hegel, Georg Wilhelm Friedrich (1770-1831). Le philosophe idéaliste le plus important d'Allemagne. Important surtout par sa méthode dialectique, qu'il a conçue sous une forme idéaliste, mais juste au fond. Hegel est un idéaliste objectif ; d'après lui, le principe premier de la réalité est l'Idée absolue, qui d'abord s'extériorise dans la nature, puis se fait esprit et savoir. Ce devenir de l'Idée constitue un développement logico-dialectique dont l'histoire réelle n'est que l'expression. C'est donc la pensée pure qui est créatrice du monde et de son histoire ; le monde n'est que la manifestation de l'Idée. Comme Feuerbach l'a montré, cette Idée n'est finalement autre chose que le Dieu du christianisme dans une enveloppe abstraite et logique. Marx et Engels ont retourné la dialectique de Hegel, l'ont « remise sur ses pieds » en lui donnant un contenu matérialiste, en faisant ainsi une arme théorique véritablement révolutionnaire. (Voir Marx-Engels : Etudes philosophiques, Editions sociales.)

Hégéliens (Jeunes).Après la mort de Hegel, ses disciples se divisèrent en deux groupes opposés, selon l'interprétation qu'ils donnaient à la doctrine du maître. Ceux qui s'en tinrent à la lettre de cette doctrine constituèrent la droite hégélienne. C'étaient les défenseurs de l'Etat prussien. Les autres, qui rejetèrent les conclusions idéalistes et conservatrices de Hegel en s'appuyant sur sa méthode même, constituèrent la gauche hégélienne ou les « jeunes hégéliens ». Ils attaquèrent toutes les formes de la réaction. Ils comptèrent parmi eux Arnold Ruge, Strauss, Bruno Bauer, Feuerbach, Stirner, Koeppen, Karl Marx, Friedrich Engels, etc.

Helvétius, Claude Adrien (1715-1771). Né à Paris, fermier général, littérateur et philosophe ; un des grands matérialistes du XVIII° siècle. Principaux ouvrages : De l'esprit (1758), qui fut brûlé sur l'ordre du Parlement ; De l'homme (1772). Adversaire du féodalisme et de la théologie, Helvétius prône une « législation » fondée sur l'harmonie des intérêts individuels et de l'intérêt social, mais il s'en remet à l'éducation pour réformer la société. (Voir Helvétius : Textes choisis,« Les Classiques du peuple ».)

Héraclite (544-475 av. notre ère), appelé aussi l'« Obscur ». Héraclite vécut dans la ville commerçante d'Ephèse, en Asie mineure, et fut un des dialecticiens les plus éminents de l'antiquité. Selon lui, le devenir est la loi fondamentale de l'univers ; la lutte et l'union des contraires, l'unité de l'être et du non-être, telle est l'essence du monde. Héraclite a vu dans cette instabilité de toutes choses, dans ce changement continu de tout l'être, la loi la plus générale de l'univers. Tout coule ; rien n'est constant ; de sorte que « nous ne pouvons pas entrer deux fois dans le même fleuve ». L'univers est lutte et paix, été et hiver, flux et repos, satiété et famine, etc. La contradiction, principe dominant du monde, est, d'après Héraclite, inhérente aux choses, de sorte que tout est une unité des contraires.

Holbach, Paul Henri Thiry, baron d' (1725-1789). Matérialiste français. Venu à Paris à l'âge de 12 ans, il fit ses études en France, devenue sa véritable patrie, puis à Leyde. Holbach prit avec Diderot une part des plus actives à la rédaction de l'Encyclopédie. Il y écrivit des articles et des notices concernant les sciences naturelles. Son salon était le rendez-vous des meilleurs cerveaux de la France d'alors. C'est là que se forma l'idéologie révolutionnaire du Tiers Etat, que furent formulés dans un cercle étroit de quelques amis les principes de la philosophie qui devait plus tard être appelée le matérialisme français du XVIII° siècle. Dans ses œuvres, le matérialisme mécaniste trouva son expression systématique et achevée. Holbach se dresse contre le dualisme, contre le dédoublement du monde en matière et esprit. L'homme n'est que le produit nécessaire de la nature. La nature est la matière en mouvement. La matière est ce qui agit directement ou indirectement sur les organes de nos sens. Les systèmes spiritualistes et théologiques ne sont que des élucubrations cérébrales de l'homme, le fruit de son ignorance et de la duperie consciente de la majorité par ceux qui en profitent, surtout par l'Eglise. Son Système de la nature (1770) eut, en son temps, une influence révolutionnaire extraordinaire (voir d'Holbach : Textes choisis, « Les Classiques du peuple »).

Hume, David (1711-1776).Philosophe écossais, sceptique et agnostique en philosophie, homme politique actif; composa des essais sur les problèmes d'économie sociale et fut un historien original. Sa philosophie représente le point culminant de l'orientation de la pensée particulière à la bourgeoisie anglaise, qui commence avec la philosophie expérimentale de Locke, mais tourne ensuite au subjectivisme de Berkeley pour se prononcer enfin, dans toutes les questions fondamentales, en faveur de l'agnosticisme, c'est-à-dire de la théorie qui affirme l'impossibilité du savoir véritable. Hume ne se contente pas, comme Berkeley, de nier l'existence de la matière, mais il étend son scepticisme au rapport causal des choses, en déclarant que les rapports de causalité n'ont pas de réalité objective et sont établis simplement en fonction d'une habitude subjective. L'homme constate la répétition régulière de séries de phénomènes et en conclut, sans autre raison, que l'un est la cause de l'autre. Je constate, dit Hume, que chaque fois que la bille blanche frappe la bille rouge, celle-ci se met en branle. J'exprime cette constance en disant : le choc de la bille blanche est cause du mouvement de la bille rouge. Mais qui me garantit qu'il y a bien là causalité nécessaire et objective et non simple illusion personnelle ? Qui me garantit que demain encore le choc de la bille blanche ébranlera la bille rouge et sera encore cause de son mouvement ? Hume refuse donc toute garantie au rapport de causalité qui constitue pourtant un pivot de l'explication et de la connaissance du monde. Aussi bien, pour lui, le monde extérieur n'est-il finalement qu'une hypothèse, « croyance ». C'est pour « réfuter » Hume que Kant élabora sa doctrine « critique ». Sa théorie de l'argent, que Marx analyse dans la Critique de l'économie politique, est une application aux rapports économiques de sa conception bourgeoise mystificatrice dans laquelle l'apparence superficielle des choses remplace toujours les processus fondamentaux essentiels. Œuvres philosophiques principales : Traité de la nature humaine (1739-1740), Recherches sur la raison humaine (1748).

Induction.Raisonnement qui consiste à tirer une conclusion générale d'un ensemble de faits particuliers de même signification ou encore qui conclut du particulier au général.

Kant, Emmanuel (1724-1804). Célèbre philosophe allemand. Enseigna toute sa vie la philosophie à l'Université de Kœnigsberg. Publia en 1755, sa Physique universelle et théorie du ciel, ouvrage qui prélude à la théorie de Laplace sur la formation des astres. Ecrivit en 1781 la Critique de la raison pure, et, en 1787, une Dissertation sur la paix éternelle.
Son agnosticisme prétend qu'il nous est impossible de connaître les choses elles-mêmes, telles qu'elles sont « en soi », mais seulement les choses telles qu'elles nous apparaissent (les « phénomènes » = apparences, au sens étymologique).
Kant accueillit avec sympathie la Révolution française. Ce fut un libéral, mais respectueux des lois établies. En religion, il est rationaliste, mais il respecte les religions positives. En philosophie, il attaque le dogmatisme, mais il repousse le scepticisme. En morale, il rejette toute loi extérieure, mais pour se soumettre à une loi interne plus sévère que tout ce qu'il rejette.
Hardiesse en matière de spéculation, mais respect dans l'ordre des faits et de la pratique, telle est la marque de son esprit. En résumé, le vrai type du bourgeois libéral.

La Mettrie, Julien Offroy de (1709-1751). Médecin et philosophe français. La publication de son ouvrage nettement matérialiste : l'Histoire naturelle de l'Ame, lui ayant fait perdre sa place de médecin militaire, il se rendit auprès de Frédéric II, dont il devint le lecteur favori.
La Mettrie écrivit de nombreux ouvrages dans lesquels il appliqua aux hommes la théorie cartésienne de l'automatisme des animaux, expliquant les sentiments, les représentations, les jugements, par le seul fonctionnement mécanique du système nerveux. Citons son Homme-Machine (1748). (Voir La Mettrie : Textes choisis, « Les Classiques du peuple ».)

Lénine, Vladimir Ilitch Oulianov, dit (1870-1024).Né le 22 avril 1870. Dès 1885, entreprend l'étude du Capital, de Marx, et commence à militer. En 1887, première incarcération, et son frère aîné est fusillé pour avoir participé à un attentat contre le tsar Alexandre. En 1891, termine ses études de droit. Il commence la lutte de libération de la classe ouvrière et paysanne. Arrêté, exilé en Sibérie, libéré, mais arrêté encore aussitôt, il part en 1900 pour l'étranger, Zurich, Londres, Genève. Mais « bien peu, parmi ceux qui restaient en Russie, étaient aussi intimement, liés à la vie russe que Lénine » (Staline). Fonde le Parti bolchevik. En 1905, première révolution, qui est écrasée, mais dont Lénine tire les leçons. De nouveau, il s'exile et séjourne assez longtemps à Paris (1908-1912). Il ne rentrera qu'en 1917, pour affirmer que « le Parti bolchevik est prêt à chaque instant à assumer entièrement le pouvoir ». Il doit lutter contre le Gouvernement provisoire de Kérensky, mais, le 26 octobre au soir, après la prise d'assaut du Palais d'Hiver, siège du Gouvernement provisoire, Lénine peut annoncer : « Nous commençons à bâtir la société socialiste ». Dès lors, Lénine se consacre tout entier à faire de son pays un pays socialiste. Dirigés par Lénine et le Parti bolchevik, les peuples de l'Union soviétique luttent contre l'ennemi impérialiste, relèvent le pays de ses ruines, l'électrifient, le sauvent de la famine et, posant les principes de la planification, inaugurent le développement de l'industrie lourde nécessaire à l'indépendance nationale. Usé par un travail incessant, Lénine meurt le 21 janvier 1924, à cinquante-quatre ans.
Malgré ses préoccupations de militant, puis d'homme d'Etat, Lénine n'a pas négligé un instant de contribuer au perfectionnement des thèses marxistes, à tel point qu'on appelle aujourd'hui le matérialisme dialectique : le marxisme-léninisme. Son ouvrage le plus important à ce point de vue est sans doute : L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme (1917). Aussi important quant à l'application du matérialisme historique aux problèmes de pratique politique est La Maladie infantile du communisme (le «  gauchisme ») (1920). Parmi ses œuvres philosophiques, citons : Matérialisme et empiriocriticisme (1908), Cahiers philosophiques, L'Etat et la révolution (1917). Signalons la publication des Œuvres complètes, entreprise en 1957 par les Editions sociales.

Leucippe (Ve s. av. notre ère). Philosophe matérialiste, élève de Zénon et maître de Démocrite, développa la théorie des atomes.

Locke, John (1632-1704).Philosophe anglais, représentant de l'empirisme, qui proclame que l'expérience est la seule base de toute connaissance. Dans son Essai sur l'entendement (1690), Locke a recours pour la solution du problème de la connaissance au principe de l'expérience, il nie l'existence des idées innées et fait découler toutes les représentations de deux sources : sens externe et sens interne. Dans la mesure où Locke explique les sensations externes par l'influence des choses sur nous, et où il lance même l'hypothèse, hardie pour son temps, que la matière (si Dieu l'avait voulu) pourrait penser, il se place au point de vue matérialiste. Mais dans la mesure où il reste attaché aux idées d'âme et de Dieu qui relèvent d'ailleurs, selon lui, du domaine de la foi il est dualiste (divisant le monde en matière et esprit) et inaugure le développement du théisme anglais. Ce qui caractérise sa théorie de la connaissance, c'est l’ « atomisation » de l'entendement humain ; c'est-à-dire qu'il réduit notre esprit à une somme, une « mosaïque » de sensations. Cette mosaïque de la conscience ne constitue rien d'autre que le miroir fidèle du monde bourgeois atomisé. Dans ses conceptions sur la politique sociale, Locke fut un défenseur résolu des intérêts de la bourgeoisie ; comme théoricien du libéralisme, il s'est prononcé pour la monarchie constitutionnelle, pour la tolérance de l'athéisme, etc. Œuvres principales : Essai sur l'entendement (1690), Lettres sur la tolérance (1685-1704).

Lucrèce, Titus Lucretius Carus(vers 95-51 av. notre ère). Célèbre poète latin né à Rome. Disciple d'Epicure, il chante dans ses poèmes les idées matérialistes de son maître. (Voir De la nature des choses (extraits), « Les Classiques du peuple ».)

Marx, Karl Heinrich (1818-1883).Un des plus grands génies du XIX° siècle, immortel fondateur du communisme scientifique, de la théorie et de la pratique de la lutte de classe, révolutionnaire moderne du prolétariat international. L'idéal communiste lui doit sa théorie et son programme scientifique. Le système de Marx repose sur les principes du matérialisme dialectique. Marx a démontré, par ses analyses magistrales de problèmes concrets, qu'il s'agisse de découvrir les lois internes du capitalisme ou d'expliquer des périodes et dés événements déterminés de l'histoire de l'humanité, la supériorité de la dialectique matérialiste en tant que méthode théorique pour la recherche des rapports historiques dans le passé, pour la connaissance des véritables forces motrices de l'évolution sociale dans le présent, ainsi que pour la détermination des tendances au développement dans l'avenir. Sa critique géniale de la société bourgeoise a été à la fois destructrice et constructive ; destructrice en ce qu'elle proclama la mort de la bourgeoisie, et constructrice en ce qu'elle annonça la victoire du prolétariat. Sa dialectique est à la fois une méthode de recherche et un fil conducteur pour l'activité humaine. Sa dialectique matérialiste ne s'étend pas seulement à la connaissance des lois de l'histoire humaine, mais aussi à la connaissance de l'histoire de la nature. De là, son adhésion à la révolution que provoqua la doctrine de l'évolution de Ch. Darwin dans les sciences naturelles. La méthode de pensée et d'action que constitue le marxisme est la plus précieuse des armes du prolétariat dans la lutte qu'il mène pour son émancipation et pour l'avènement d'un humanisme total.
Citons les plus importantes œuvres de Marx par ordre chronologique: les Manuscrits de 1844, (philosophie, économie politique) ; La Sainte Famille (1845) et L'idéologie allemande (1845-1846), écrits en collaboration avec Friedrich Engels ; Misère de la philosophie (1847) ; Manifeste du Parti communiste (en collaboration avec Friedrich Engels) (1848) ; Travail salarié et capital (1849) et Salaire, prix et profit (1865) ; Les luttes de classes en France, 1848-1850 (1850) ; Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (1852) ; Contribution à la critique de l'économie politique (1858) ; Herr Vogt (1860) ; Le Capital, Livre premier (1867) les Livres II et III furent publiés par Engels après la mort de Marx ; Critique du programme de Gotha (1875). Les Théories sur la plus-value, souvent considérées comme constituant le Livre IV du Capital, sont également posthumes.
On lira aussi avec grand intérêt les textes choisis de Marx et d'Engels : Lettres sur « le Capital », Sur la religion et Sur la littérature et l'art, Etudes philosophiques (recueil de textes parmi lesquels le « Ludwig Feuerbach », l'étude sur le matérialisme historique d'Engels, qui constitue l'introduction de Socialisme utopique et socialisme scientifique, les « Thèses sur Feuerbach », la préface à la « Contribution de l'économie politique » de Marx, et plusieurs lettres philosophiques).
Sur Karl Marx, voir le recueil d'articles de Lénine : Marx, Engels, marxisme.
Tous ces ouvrages ont été publiés ou sont en cours d'édition aux Editions sociales.

Mécanique.Science des mouvements et des forces.

Métaphysique.Système d'idées et de thèses plus ou moins fantaisistes et plus ou moins religieuses qui prétend expliquer le monde par des principes surnaturels et immatériels le plus souvent par Dieu. Méthode de pensée qui isole les choses et les objets d'étude les uns des autres et refuse de les considérer dans leur perpétuelle mobilité. S'oppose à dialectique (voir la troisième partie du présent ouvrage).

Molière, Jean-Baptiste Poquelin, dit (1622-1773).le plus grand des auteurs comiques français. Son théâtre met en scène toutes les conditions sociales de son temps : paysans, marchands, bourgeois, médecins, gens de la ville et gens de la cour. Si le comique de ses pièces est de nature bien différente dans les farces (Le Médecin malgré lui ou Les Fourberies de Scapin) et dans les autres comédies de mœurs et de caractère (L'Avare, Le Misanthrope), il naît toujours de la représentation de la sottise humaine et de la difformité morale. Molière défend partout le bon sens en s'adressant au bon sens du public. Il sait faire rire sans cesser de faire penser. En traitant des problèmes éternellement actuels, dans une langue qui est le plus souvent celle de la conversation courante, relevée d'une saveur populaire ou de terroir, il est prodigieusement naturel. Le ressort de ses pièces est toujours la réalité de l'homme, telle qu'elle transparaît à travers les ridicules de ses contemporains. Son œuvre est considérable.

Mysticisme.Attitude philosophique et religieuse, d'après laquelle la perfection (de la connaissance aussi bien que de la moralité) consiste en une sorte de contemplation qui unit mystérieusement l'homme à Dieu. On entend également par mysticisme une disposition d'esprit d'après laquelle on croit de préférence ce qui est obscur et mystérieux. S'oppose à Rationalisme.

Mythologie.Histoire fabuleuse et légendaire des divinités des peuples antiques ou sauvages. Par extension : tout système de mythes.

Nominalisme.Doctrine philosophique qui considère les concepts généraux, les genres et les espèces comme n'existant que de nom. Seuls, l'individu et l'individuel existent. Le concept, le genre n'existent que pour l'intelligence.

Orthodoxie.Conformité d'une opinion à la foi religieuse reconnue comme vraie. S'emploie également, par extension, pour désigner la conformité à la conception exacte et originelle d'une théorie philosophique, scientifique, etc.

Paléontologie.Science qui traite des fossiles, c'est-à-dire des animaux et végétaux conservés sous forme de débris ou d'empreintes dans les couches géologiques.

Pasteur, Louis (1822-1895).Né à Dôle. Célèbre chimiste et biologiste qui, par ses nombreuses découvertes scientifiques et utilitaires, fit progresser la science dans la lutte contre les maladies contagieuses. (Voir Pasteur : Pages choisies, « Les Classiques du peuple ».)

Phlogistique.Principe ou fluide imaginé par les anciens chimistes pour expliquer le phénomène de la combustion, du feu.

Physiologie.Science qui étudie les fonctions organiques par lesquelles la vie se manifeste.

Platon (427-348 av. notre ère). Philosophe grec, le plus grand penseur idéaliste de l'antiquité.
D'après Platon, les choses sensibles que nous percevons ne constituent pas la véritable réalité; elles ne sont que des apparences, des reflets, des copies. La vraie réalité n'appartient qu'aux Idées, modèles primitifs des choses sensibles et suspendues dans un ciel intellectuel, immuables, éternelles, etc. Il y a donc autant d'Idées que de choses : une Idée de table, une Idée de chaise, etc. Il faut bien comprendre que, pour Platon, ces Idées ne sont pas de simples représentations en nous, mais des êtres réels menant une existence indépendante de nous. Pour Platon, la connaissance n'est possible que parce que nous nous « souvenons » des Idées que nous avons aperçues dans une existence antérieure, avant notre naissance corporelle : c'est la théorie dite de la « réminiscence ». Reste que Platon a développé les éléments de la dialectique, mais de façon à la fois idéaliste et verbale. Dans ses thèses politico-sociales, l'idéalisme platonicien est l'idéologie des classes dominantes de la société antique reposant sur le travail des esclaves, dans la période où sa décadence était accélérée par le développement de l'économie commerciale et usuraire. Platon a exposé son idéal de l'Etat dans un ouvrage intitulé : La République, où il réclame la communauté des biens pour la fraction dominante des aristocrates, ce qui constitue la plus grande aberration des utopies socialistes de l'antiquité. Ses œuvres principales se présentent sous forme de dialogues : Criton, L'Apologie de Socrate, Phédon, Timée, Phèdre, Gorgias, le Banquet, Théétète, La République, Les Lois, etc.

Port-Royal (abbaye de).Fondée en 1204. Célèbre abbaye janséniste près de Chevreuse (Seine-et-Oise), commune de Magny Les Hameaux. Doit sa célébrité à la lutte entre les jansénistes et les jésuites sous Louis XIV, et au Traité de Logique (aux tendances aristotéliciennes) qui y fut élaboré. Fut détruite en 1710 par ordre du roi.

Proudhon, Pierre-Joseph (1809-1865). Ecrivain et économiste français. Représentant classique du socialisme petit-bourgeois. Fils de paysans pauvres, Proudhon travaille comme correcteur à Paris, à Marseille et dans d'autres villes. Il dirigea pendant quelque temps une imprimerie à Besançon.
Il écrivit : Qu'est-ce que la propriété ? paru en 1840 et qui contient la phrase fameuse : « La propriété, c'est le vol », les Contradictions économiques ou Philosophie de la misère, paru en 1846, à quoi Marx répondit par Misère de la philosophie ; Proudhon écrivit également la Capacité politique des classes ouvrières (1851), qui a exercé une influence profonde sur le mouvement ouvrier socialiste français. En fin de compte, c'est un utopiste petit-bourgeois dont pas un argument ne tint devant la critique de Marx et dont la réaction a pu souvent se réclamer. Au lendemain de la révolution de 1848, Proudhon fut nommé membre de l'Assemblée constituante. Lors du coup d'Etat du 2 décembre 1851, il fit confiance à Louis-Napoléon pour assurer le triomphe de la justice sociale.

Rationalisme.Système fondé sur la raison, par opposition aux systèmes fondés sur la révélation religieuse. On appelle également rationalisme le système d'après lequel la raison est à l'origine des idées, par opposition à l'empirisme, qui déclare que nous ne pouvons connaître que les données de l'expérience. Enfin, on entend également par ce mot une méthode de pensée qui fait confiance à la raison et refuse toute mystique ; pour nous, le rationalisme est surtout la méthode de pensée scientifique qui nous fait un devoir de ne nous en remettre qu'à la seule raison et d'éviter tout ce qui relève d'une imagination incontrôlée, d'une fantaisie spéculative et de la « foi ». Il faut d'ailleurs signaler que seule l'aide de la dialectique permet au rationalisme d'être fécond et « moderne ».

Sensualisme.Système philosophique d'après lequel toutes les idées proviennent directement des sensations.

Spiritualisme.Doctrine philosophique selon laquelle l'esprit existe comme une réalité distincte de la matière qu'il anime et dirige, et qui, souvent, voit en Dieu l'esprit supérieur dont dépendent toutes les lois de la nature. Variante et conséquence de l'idéalisme.

Téléologie.Hypothèse d'après laquelle tous les êtres de la nature auraient une fin (telos, en grec = fin), un but déterminé et voulu, le plus souvent, par Dieu ou par la Providence. La forme la plus poussée de cette explication fut donnée par Bernardin de Saint-Pierre (XVIII° siècle), qui affirmait que si la pomme pendait à la branche de l'arbre, c'était pour que l'homme pût la saisir facilement ; que si le potiron poussait par terre et non dans un arbre, c'était pour ne pas risquer d'assommer le passant, etc.. Cette hypothèse est encore soutenue de nos jours sous une forme moins caricaturale par certains biologistes.

Thalès.Un des principaux penseurs de l'école de Milet, en Asie mineure (VI° siècle av. notre ère). L'école de Milet fut la première école matérialiste de la Grèce antique. Les philosophes de Milet essayaient d'expliquer comment toutes les choses naissent de l'air, du feu ou de l'eau.

Théologie.« Science » (!) de Dieu, étude des dogmes et des textes religieux.

Thomas d'Aquin, saint (1227-1274). Théologien et philosophe du moyen âge. Reçut le titre de docteur de l'Eglise. Ses ouvrages principaux sont une Somme philosophique contre les Gentils et une Somme théologique. Le premier expose et défend la doctrine catholique et s'efforce de démontrer que la foi et la raison ne s'opposent jamais. Le second, que l'Eglise placé à côté des livres saints, se divise en trois parties : 1. Un traité de Dieu. 2. Une théorie des facultés de l'homme. 3. Un traité de Jésus-Christ, de la Rédemption et des sacrements. Le thomisme est la doctrine théologique et philosophique de saint Thomas d'Aquin, encore très répandue actuellement chez les philosophes catholiques. C'est une doctrine extrêmement scolastique et foncièrement réactionnaire (ce qui explique qu'elle soit la philosophie officielle du clergé et de la papauté).

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