1910

 

Rudolf Hilferding

Le capital financier

PREMIERE PARTIE - L’ARGENT ET LE CRÉDIT 

CHAPITRE II - L'ARGENT DANS LE PROCESSUS DE LA CIRCULATION 

1910



 

Le processus de la circulation a la forme marchandise-argent-marchandise : M-A-M. C'est de cette façon que s'accomplissent les échanges organiques sociaux. A vend sa marchandise, laquelle n'a pour lui aucune valeur d'usage, et en achète une autre, qui en a une. L'argent ne joue dans ce processus que le rôle de preuve que les condi­tions de production individuelles de la marchandise correspondent aux conditions de production sociales. Mais le sens du processus est la satisfaction des besoins de l'individu, laquelle n'est possible que par le moyen des échanges multiples des marchandises. La valeur de la marchandise est remplacée par celle d'une autre mar­chandise. Cette dernière est consommée et sort de la cir­culation.

Mais si la marchandise sort constamment de la circula­tion l'argent y reste d'une façon permanente. La place que la marchandise a quittée est prise par une pièce d'argent de valeur égale. Le processus de circulation de la mar­chandise crée ainsi la circulation de l'argent. La question se pose maintenant de savoir quelle est la quantité d'ar­gent nécessaire à la circulation. Il s'agit ici de la véritable confrontation de l'argent et de la marchandise. La quan­tité des moyens de circulation est par conséquent déter­minée par la somme des prix des marchandises. La masse des marchandises supposée donnée, la masse de l'argent en circulation augmente et diminue avec les fluctuations des prix des marchandises, qu'ils correspon­dent ou non à de véritables changements de valeur ou à de simples fluctuations des prix sur le marché 1. Cela vaut dans la mesure où achats et ventes se font ici même dans un espace limité. Mais, si achats et ventes ne sont que des termes d'une série qui se suivent dans le temps, alors c'est l'équation : somme des prix des marchandises, divisée par nombre de pièces du même nom en circu­lation, égale masse de l'argent fonctionnant en tant que moyen de circulation. Ici la loi selon laquelle la quantité des moyens de circulation est déterminée par la somme des prix des marchandises en circulation et la vitesse moyenne du roulement de l'argent peut aussi être expri­mée de la manière suivante: étant donné une somme de valeurs des marchandises et une certaine vitesse moyenne de leurs métamorphoses, la quantité de l'argent en circula­tion ou du métal dont il est fait dépend de sa propre valeur 2.

On a vu ce qu'est l'argent : un rapport social exprimée dans une chose. Celle-ci sert d'expression directe de valeur. Mais, à l'intérieur du rapport M-A-M, la valeur de la mar­chandise est toujours remplacée par la valeur d'une autre marchandise. L'expression d'argent n'est donc que provi­soire. Elle n'apparaissait ainsi que comme une aide tech­nique, dont l'utilisation entraîne des frais qu'il est préférable d'éviter. De même avec l'argent croit l'effort en vue de s'en passer 3. A l'intérieur de la circulation des mar­chandises l'argent apparaît d'abord comme le cristal de valeur en lequel la marchandise se transforme pour deve­nir ensuite simple forme d'équivalent 4.

En tant que cristal de valeur, l'argent apparaît comme nécessaire, en tant que forme d'équivalent comme superflu. Mais il apparaît comme nécessaire parce que c'est seule­ment ainsi que la valeur de la marchandise est exprimée socialement d'une façon valable et c'est seulement à partir de l'argent qu'elle peut se transformer de nouveau en toutes les autres marchandises. Mais, comme l'expression d'argent n'est que provisoire, et pas importante en soi - comme par exemple quand le processus M-A-M: est interrompu et que l'argent lui-même doit être mis en réserve pour un temps plus ou moins long afin de permettre plus tard le processus -, seul est à considérer l'aspect social de l'argent, sa propriété d'être en tant que valeur l'égal de la marchandise. Cet aspect social est exprimé matériellement dans la matière monétaire, par exemple l'or. Mais il peut être exprimé directement par une réglementation sociale consciente ou, puisque l'Etat est l'organe conscient de la société productrice de marchandises, par une réglementation étatique. L’Etat peut fixer certains signes – par exemple, des billets caractérisés comme tels - en tant que représentants de l'argent, signes d'argent.

Il est clair que ces signes ne peuvent faire fonction que d’intermédiaires de la circulation entre deux marchandises ; pour d’autres buts, d'autres fonctions d'argent, ils sont inutilisables. Ils doivent par conséquent passer entièrement dans la circulation, car c'est seulement là que le caractère de la valeur de l’argent est toujours provisoire, parce que forme toujours remplacée par valeur de marchandises. Mais le volume de la circulation est extraordinairement changeant, puisque nous le savons, il dépend, à vitesse égale de circulation de l’argent, de la somme des prix. Celle-ci varie constamment, par suite soit des fluctuations en cours d’année, quand par exemple les produits de la récolte entrent dans la circulation et que leur masse gonfle la somme des prix, soit des fluctuations de prix provoquées par les périodes de prospérité ou de dépression. La quantité de papier-monnaie doit par conséquent toujours rester au dessous du minimum de la quantité d'argent nécessaire à la circulation. Mais ce minimum peut être remplacé par du papier 5 et, comme c'est toujours nécessaire pour la circulation, on n'a pas besoin de faire appel à l'or ; c'est pourquoi l'Etat peut imposer le cours forcé de ce papier­ monnaie. Dans les limites du minimum de circulation, l’expression réelle des rapports sociaux est remplacée par un rapport social consciemment réglé. Cela est possible parce que l’argent métallique est précisément aussi un rapport social, bien que caché sous une enveloppe, matérielle. C’est ce qu’il faut se rappeler si l'on veut comprendre la nature du papier-monnaie 6. Nous avons vu comment la société productrice de marchandises est anarchique et com­ment cette anarchie rend, l'argent nécessaire. Pour le mini­mum de circulation, cette anarchie est exclue. Car un minimum de marchandises doit être vendu en toutes circonstances à une certaine valeur. II est donc possible de supprimer l'effet de la production anarchique en rem­plaçant l'or par de simples signes de valeur.

Mais cette réglementation consciente trouve sa limite dans le minimum de circulation. C'est seulement à l'inté­rieur de cette frontière que le signe monétaire fait fonction de véritable représentant de l'argent, que le papier est signe d'or. Comme la quantité de marchandises en circula­tion varie constamment, il faut qu'à côté de la monnaie fiduciaire on puisse constamment mettre de l'or dans la circulation ou en enlever. Si ce n'est pas possible, on assiste à des déviations de la valeur nominale du papier par rapport à sa valeur réelle, et nous avons une dépréciation du papier-monnaie.

Pour comprendre ce qui se passe dans ce cas-là, suppo­sons un régime de pure monnaie fiduciaire, avec cours forcé, bien entendu. Supposons qu'à un certain moment la circulation exige 5 millions de marks en marchandises, 5 millions en argent, 5 millions en marchandises. Si l'on remplace l'or par du papier-monnaie, quoiqu'on ait -imprimé dessus, sa somme totale doit toujours représenter la somme totale des marchandises, par conséquent être égale à 5 millions de marks. Si l'on imprime 5 000 billets, chacun vaudra 1 000 marks, si l'on en imprime 100 000, chacun vaudra 50 marks. Si la somme des prix des marchandises double, la vitesse de circulation restant la même, et sans que soit changée la quantité des billets, ils vaudront 10 millions de marks et, si la somme des prix est réduite de moitié, ils ne vaudront plus que 2 millions et demi. En d'autres termes, avec une monnaie fiduciaire à cours forcé, la vitesse de circulation restant la même, la valeur du papier-monnaie est déterminée par la somme des prix des marchandises mises en circulation ; le papier-monnaie est ici tout à fait indépendant de la valeur de l'or et reflète directement la valeur des marchandises, conformément à la loi selon laquelle sa totalité représente la même valeur, soit le prix total des marchandises. On voit immédiatement que, par rapport au point de départ, il peut y avoir non seule­ment dépréciation, mais aussi surestimation du papier­ monnaie.

Bien entendu, il n'y a pas que le papier qui puisse faire fonction de signe monétaire, mais n'importe quelle matière précieuse. Supposons que ce soit l'argent métal. Si sa valeur baisse par suite d'une diminution de son coût de produc­tion, les prix en argent métal des marchandises augmen­teront, tandis que ses prix en or resteront les mêmes. La dépréciation de l'argent métal s'exprimera dans son rapport avec l'or. Le cours d'échange du pays dont la monnaie est à base d'argent métal par rapport au pays dont la monnaie est à base d'or exprimera la dépréciation. Cette déprécia­tion de la monnaie blanche, laquelle a cours légal, sera, à frappe libre, exactement la même que celle du métal brut. Il en est tout autrement si l'on n'autorise plus la frappe libre 7. Dans ce cas, si la somme des prix des marchandises en circulation passe de 5 à 6 millions de marks et si la valeur des pièces blanches, donc du métal argent propre à la circulation, conformément a sa valeur intrinsèque, n'est, par exemple, que de 5 millions et demi, celle de chaque pièce augmentera dans la mesure où leur total sera égal à 6 millions. Leur valeur monétaire dépassera donc leur valeur métallique. C'est un phénomène qui s'est manifesté dans la surestimation, inexplicable pour des auteurs aussi importants que Lexis ou Lotz, du florin hollandais et autrichien et plus tard de la roupie indienne, mais qui, si l'on tient compte de ce qui précède, n'a absolument rien de mystérieux 8.

Dans la détermination de la valeur du papier-monnaie par la valeur de la somme des marchandises en circulation le caractère purement social de la valeur se manifeste en ceci qu'une chose sans grande valeur en soi comme le papier, du fait qu'elle remplit une fonction purement sociale, la circulation, acquiert une valeur qui est déterminée, non par sa valeur propre, infime, mais par celle de la masse des marchandises, qui se reflète sur les billets. De même que la lune, astre refroidi depuis longtemps, ne brille que quand elle reçoit la lumière du soleil, de même le papier-monnaie n'a de valeur que celle que donne aux marchandises le caractère social du travail incorporé en elle. C'est la valeur du travail reflétée qui transforme le papier en argent, de même que c'est la lumière du soleil reflétée qui fait briller la lune. Pour le papier, la lumière de valeur est en réalité lumière de valeur des marchandises, comme pour la lumière de lune est en réalité clair de soleil.

L'Autriche avait depuis 1859 un papier-monnaie non convertible. Les florins d'argent bénéficiaient en papier d'un agio. On avait en effet émis plus de papier que la circula­tion n'en exigeait. Ce qui entraîna le phénomène décrit plus haut : la quantité de marchandises que pouvait acheter un florin ne dépendait plus de la valeur de l’argent métal, mais de celle de la masse totale des marchandises en circula­tion, qui déterminent la valeur de la somme totale de papier ­monnaie. Si cette valeur des marchandises, en circulation était de 500 millions de florins, alors qu’on avait émis pour 600 millions de billets, le florin-papier ne pouvait plus acheter autant de marchandises que précédemment cinq sixièmes de florin d'argent. Ce qui fait que ce dernier devint lui-même une marchandise, car on payait davantage en florins-papier et l'on vendait le florin d'argent à l'étran­ger, où l'on recevait en échange six cinquièmes de florin-­papier avec lesquels on pouvait payer ses dettes en florins d'argent. Résultat : l'argent disparut de la circulation. Un changement dans le rapport entre le florin d'argent et le florin-papier ne peut dès lors intervenir que de deux façons. -D'une part, avec une valeur inchangée du florin d'argent, la vente des marchandises peut s’accroître par suite de l'augmentation de la circulation des marchandises. S'il n'y a pas de nouvelle émission de papier-monnaie, le florin-papier peut recouvrer son ancienne valeur dès que le total des marchandises en circulation exige pour sa vente 600 millions de florins. Mais il se peut aussi, si le total des marchandises s'accroît, que la valeur du florin-papier s’élève au-dessus de son point de départ, si par exemple, le total des marchandises exige 700 millions de florins et qu’il y a seulement 600 millions de florins-papier en circulation, chaque florin-papier vaudra sept sixièmes du florin d'ar­gent. Si la frappe du florin d'argent est lire, on en frap­pera autant qu'il en faut pour que les florins-papier et les florins d'argent atteignent une quantité suffisante pour la circulation des 700 millions de florins de marchandises. A ce moment-là la valeur du florin-papier et celle du florin d'argent sera la même, et en cas de maintien de la frappe libre la valeur du florin-papier ne sera plus déterminée par la valeur des marchandises, mais par celle de l'argent métal.

Des phénomènes semblables peuvent se produire aussi d'une autre manière. Supposons que la circulation des marchandises reste la même : le florin-papier ne vaut plus que cinq sixièmes du florin d'argent. Mais qu'une baisse de la valeur de l'argent se produise et qu'elle soit par exemple d'un sixième. Alors on pourra avec un florin d’argent acheter autant de marchandises qu'avec un florin-papier : l’agio de l'argent a disparu et l'argent reste en circulation. Mais si la baisse de l'argent est plus forte, disons de deux sixièmes, alors on aura profit à acheter de l'argent et à l'envoyer à la frappe en Autriche. Cette frappe se pour­suivra jusqu'à ce que le total des florins-papier et des florins d'argent soit devenu assez grand pour que, bien qu'ils aient perdu deux sixièmes de leur pouvoir d'achat ils suffisent à la circulation. Nous avons supposé une circu­lation de 500 millions de florins (d'après leur valeur ini­tiale en marchandises. Nous avions 600 millions de florins­-papier. Ces derniers valaient par conséquent cinq sixièmes des premiers florins. Maintenant viennent s'ajouter des flo­rins d’argent qui ne valent que quatre sixièmes. Pour que les marchandises circulent, nous avons besoin de 6/4 X 500 millions de florins, soit 750 millions, composés de 600 m millions de florins-papier et de 150 millions de florins d'argent nouvellement frappés. Mais l'Etat veut empêcher la dépré­ciation de sa monnaie, et il lui suffit pour cela d'interdire la frappe des florins d’argent. Son florin reste donc indépendant du prix du métal, sa valeur reste donc égale à cinq sixièmes du florin initial; la baisse de la valeur du métal ne s’exprime pas dans la monnaie métallique

Cela contredit la thèse courante selon laquelle un florin argent n'est en toute circonstance qu'une pièce d'argent de 1/45 de livre et doit par conséquent avoir la même valeur; cela s'explique facilement quand on sait que si la frappe libre n'est pas autorisée, la valeur de l'argent n’est qu’un reflet de la valeur de la totalité des marchan­dises en circulation. Etant donné que selon notre hypothèse l’argent a baissé de deux sixièmes mais que le florin autrichien n'a baissé que d'un sixième, sa valeur est supé­rieure d’un sixième au prix de la même quantité de métal. Il est par conséquent surévalué. En fait, ce phénomène est apparu en Autriche vers le milieu de l'année 1878. Il a été provoqué par le fait que, d'une part, la valeur du florin-papier devait monter par suite de l'augmentation de la circulation, puisque la somme totale du papier-monnaie n'a pas augmente ou pas dans la même proportion, et d'autre part, que la valeur de l'argent a diminué, ce qui c'est traduit par la baisse du prix de l'argent sur le marché de Londres.

La représentation schématique du phénomène correspond entièrement à la réalité. Aux Pays-Bas, la frappe libre de l’argent a été suspendue en mai 1873. Tandis que le métal argent connaissait une dévaluation par rapport à l'or, la monnaie d’argent hollandaise voyait sa valeur augmenter considérablement. « Alors que jusqu'au début de l'année 1875 le prix de l’argent à Londres tombait à 57.5 pence, la valeur de la monnaie hollandaise par rapport à la monnaie anglaise montait au point qu'une livre sterling qui valait jusqu’alors 12 florins hollandais, n'en valait plus que 11,6. Ce qui signifiait que la valeur du florin hollandais avait augmenté de 10 % par rapport à la valeur du métal qu’il contenait 9. » C’est seulement en 1875 que la pièce d'or de 10 florins fut introduite comme moyen de paiement légal. « En 1879, la valeur du métal contenu dans le florin d'argent ne valait encore que 96,85 kreutzers et passait en 1886 à 91,95 kreutzers et à 84,69 kreutzers en 1891 10. »

Quant à la monnaie autrichienne, son histoire peut être brièvement résumée de la manière suivante : « La mon­naie de la monarchie était, en vertu des lettres patentes du 9 septembre 1857 et du 27 avril 1858, puis de la loi du 1er novembre 1858, et aussi en fait, une monnaie d'argent au titre de 45 florins par livre d'argent fin. Un payement en argent comptant (par la banque d'émission) subsista cependant durant un temps très court (jusqu'à la fin de l'année 1858). En outre, par suite des conditions politiques et financières difficiles (qui eurent précisément pour consé­quence une augmentation des émissions de billets - R. H.), l'argent bénéficia jusqu'en 1878 par rapport au papier­-monnaie d'un agio qui fit disparaître peu a peu les pièces d'argent de la circulation. Cet agio représentait encore en 1871 plus de 20 %, mais diminua au cours des années 70 par suite de la baisse extraordinaire du prix du métal argent sur le marché mondial. A partir de 1875, le prix de l'ar­gent fut si bas qu'il se rapprocha à plusieurs reprises du prix des pièces (45 florins par livre), qu'il finit par atteindre au cours de l'année. En liaison avec l'évolution du cours de la livre anglaise à la Bourse de Vienne, l'introduction d'argent dans la monnaie de Vienne et celle de Chemnitz au moyen de la frappe de pièces dans les pays intéressés devint rentable. En fait, les importations de métal argent en territoire austro-hongrois s'accrurent considérablement en 1878 et la frappe de pièces atteignit cette année-là et l'année suivante un niveau jusqu'alors inconnu 11. » Pour éviter une dévaluation de la monnaie, on suspendit au début de l'année 1879 la libre frappe des pièces. Ce qui eut pour effet d'arracher le pouvoir d'achat du florin autrichien à l'influence quasi mécanique du prix de l'argent métal, et de le faire évoluer à peu près indépendamment de la valeur du métal contenu dans le florin autrichien. L'argent fin contenu dans 100 florins valait en moyenne, sur la base du prix de l'argent à Londres et du cours de la livre à Vienne :



en 1883


97,64

florins

-- 1887


91

--

-- 1888


86,08

--

-- 1889


82,12

--

-- 1891


84,70

--





Sur ces bases, la valeur de 100 florins autrichiens en flo­rins d’or 12 aurait évolué de la façon suivante :





en 1883


82,38

florins

-- 1887


72,42

--

-- 1888


69,34

--

-- 1889


69,38

--

-- 1891


73,15

--



 

En revanche, le cours réel de 100 florins en monnaie autrichienne fut en moyenne au cours des années ci-dessus indiquées. 84,08, 79,85, 81,39, 84,33, et 86,33 florins d'or 13. En d’autres termes, les florins d'argent autrichiens, pen­dant cette période, étaient surévalués, c'est-à-dire que leur pouvoir d'achat était plus élevé que celui du métal qu'ils contenaient. Pour 100 florins d'argent, la différence était, calcul en florins d’or, la suivante :




en 1883


1,70

florins

-- 1887


7,43

--

-- 1888


12,05

--

-- 1889


14,95

--

-- 1891


13,18

--

 

On voit d'après ce tableau que le cours du florin d'argent évolue, non pas, comme dit Spitzmüller, à peu près indépendamment, mais d'une façon complètement indépendante du prix de l'argent métal.

Spitzmüller appelle cette monnaie « monnaie de crédit » mais Il ne peut indiquer ce qui en détermine le cours. Il écrit:

« Au cours de la période 1879-1891, le pouvoir d'achat et d’échange de la monnaie autrichien n'a pas été déter­miné. en premier lieu par la valeur du métal ; bien plus, au cours de cette période, comme l'a très bien montré Karl Menger dans la Neue Freie Presse du 12 décembre 1889 la valeur d'échange, du florin n'a été déterminée par la valeur Intrinsèque d’aucune monnaie existante.

« C'est pourquoi la monnaie autrichienne n'était plus en fait que monnaie d’argent et ce n'est même que d'une façon impropre qu'on pouvait l'appeler une monnaie d'ar­gent boiteuse. C’était plutôt une monnaie de crédit dont la valeur à l'extérieur était déterminée en premier lieu par le bilan financier du commerce austro-hangrois et à l'inté­rieur par les autres facteurs qui créent (sic !) les prix. » (p. 341.)

Son incertitude ressort nettement du passage suivant :

« Ce serait cependant une erreur de croire que le crédit accordé à la monnaie autrichienne était totalement ( ! ) indépendant des cours sur le marché de l'argent. Mais le fait que l'arrêt de la frappe de pièces d'argent pour les particuliers ne reposait que sur une décision administra­tive toujours révocable et que par ailleurs la frappe de ces pièces se poursuivait pour le compte de l'Etat a joué incontestablement un certain ! ) rôle dans l'appréciation de notre monnaie au cours de la période de 1879 à 1890, car les facteurs ci-dessus mentionnés faisaient apparaître comme tout à fait incertain l'avenir de cette monnaie. En particulier, ce n'est sûrement pas par hasard que la baisse récente de l'argent dans les années 1885-1888 s'est accom­pagnée d'une farte hausse de notre devise. » (p. 311.)

Il serait intéressant de montrer comment l'incertitude totale concernant l'avenir de la monnaie peut se refléter à tout moment dans les hausses ou les baisses du cours de cette monnaie. En fait, ce facteur subjectif n'a joué aucun rôle, mais seulement l'évolution des besoins sociaux de la circulation.

Helfferich se rapproche de la véritable explication quand il écrit :

« La plus-value de l'argent frappé (pour les monnaies dont la frappe n'est pas libre) consiste en ceci, que seul le métal qui est passé à la frappe peut remplir les fonctions de l'argent et que l'Etat refuse de transformer à la demande des particuliers le métal en pièces de monnaie.

De même, la valeur du papier-monnaie inconvertible repose exclusivement sur le fait qu'il a été déclaré par l'Etat moyen de paiement légal, qu'il peut être employé pour payer des dettes existantes et qu'il jouit d'un privilège d'Etat pour remplir les fonctions, tout à fait indispensables au point de vue économique, de l'argent.

La valeur des deux sortes d'argent ne repose ni sur la valeur de la matière dont elles sont faites, ni sur une obligation contenue en elles, comme c'est le cas des billets convertibles, mais exclusivement sur le caractère qu'on leur a donné le mayen de payement légal. » (L'Argent, p. 81.)

La suspension de la frappe libre des pièces d'argent est à la fois la cause et l'explication du fait que la valeur de ces pièces, comme le souligne justement Helfferich, s'écarte de leur valeur intrinsèque. Mais avec cela on n'explique pas le montant de cette valeur, et c'est précisément là l'es­sentiel. Ce montant est déterminé par la quantité de circu­lation socialement nécessaire, laquelle à son tour est déter­minée en dernier lieu par la valeur de la totalité des mar­chandises. Mais c'est ce que sa théorie subjective de la valeur empêche Helfferich de reconnaître.

En revanche, il a raison d'écrire, contre la théorie du crédit défendue par Spitzmüller :

« Pour les monnaies libres où, quelle que soit la sorte d'argent, la valeur intrinsèque des pièces est inférieure à leur valeur monétaire, il est déjà tout à fait impossible d’expliquer cette valeur supérieure de la monnaie par le crédit, parce qu'il n'en existe aucune dans laquelle la monnaie de valeur moindre puisse être convertie et d'où elle pourrait tirer sa valeur du crédit. Aux Pays-Bas de 1873 à 1875, en Autriche de 1879 à 1892 en Inde de 1893 à 1899, il, n'y eut aucune monnaie de valeur pleine. La valeur monétaire du florin hollandais, du florin autri­chien et de la roupie indienne, dépassant leur valeur intrinsèque de métal, était une valeur tout à fait indépendante et tirée d’aucun outre objet de valeur. Elle ne reposait ni sur une tarification en monnaie de valeur pleine, ni sur une convertibilité en, monnaie pleine, mais uniquement sur le caractère donne a ces pièces de moyen de paiement légal et sur une Interdiction de la frappe libre des pièces. A quel point la théorie n’a pas encore réussi à se dégager de la conception selon laquelle la monnaie de moindre valeur doit être de la monnaie de crédit et tout au moins tuer sa valeur d'un monnaie de valeur pleine, c'est ce que montre l’incapacite où l'on est encore aujourd'hui de comprendre la tenue de la monnaie autrichienne depuis 1879. Le fait que la valeur du florin autrichien après la suppression de la frappe libre des pièces d'argent a dépassé celle de son contenu en argent, ce fait a étonné surtout parce qu'on ne voyait pas de quelle sorte de monnaie de valeur supérieure le florin d'argent tirait la partie de sa valeur dépassant celle de son conte en argent. C'est pourquoi on eut recours à cette explication étrange, que la valeur du florin d'argent n'était tenue au-dessus de sa valeur monétaire que parce qu'il était lié au florin-papier. » (L'Argent, pp. 387 sq.)

Nous constatons en Inde des phénomènes analogues En 1883, la frappe libre des pièces fut suspendue dans ce pays. Cette mesure avait pour but de porter le cours de la roupie à 16 pence, cours qui correspondait, sous le régime de la frappe libre, a un prix de l'argent d'environ 43,05 pence. Cela veut dire qu’avec un tel prix l'argent contenu dans la roupie valait sur le marché de Londres, une fois fondu, 16 pence. L’effet de la suppression de la frappe libre fut le suivant : le cours de la roupie passa de 14 7/8 à 16 pence. Par contre, le prix de l’argent tomba en quelques jours de 38 pence, avant la suppression de la frappe libre, à 30 pence le 1er juillet. Après cette date, le cours de la roupie baissa, tandis que le prix de l’argent remontait à 34 pence 3/4 et oscilla autour de ce niveau jusqu'à l'arrêt des achats d’argent américain, le 1er novembre 1893. A ce moment il baissa de nouveau pour atteindre, le 26 août 1897, son cours le plus bas à 23 pence 3/4. En revanche, la valeur de la devise indienne atteignit au début de septembre 1897 le cours souhaité de 16 pence, alors que la valeur de l'argent contenu dans la roupie est d'environ 8,87 pence.

« Dès le début, on a pu constater le succès obtenu après l'arrêt de la frappe libre des pièces, le cours de la roupie s'est élevé au-dessus de la valeur du métal et même de beaucoup plus que le coût de la frappe. A partir du milieu de l'année 1896, le dernier lien existant entre le prix de l'argent et le cours de la roupie avait disparu et le parallélisme qui subsistait encore entre leurs mouve­ments, quoique considérablement atténue ces derniers temps, était définitivement écarté 14.

Ce qui torture les théoriciens de l’argent, c’est la question de savoir quelle est, avec une monnaie dont la frappe n'est pas libre, la mesure de la valeur 15. Ce n’est manifes­tement pas le métal dont est faite cette monnaie 16. Le cours de l'argent et le prix du métal suivent des mouve­ments tout à fait différents. La théorie de la quantité est considérée avec raison depuis la preuve de Tookes comme insoutenable. A cela s'ajoute qu'on ne peut mettre en rela­tion la masse de métal d'un côté, et la masse des mar­chandises de l'autre. Quel rapport doit-il y avoir entre 1 kilo d'or ou d'argent, ou même de papier, et a millions de bottines, b millions de boîtes de cirage, c quintaux de froment, d hectolitres de bière? La mise en rapport de la masse d'argent, d'un côté, de la masse des marchandises, de l'autre, suppose déjà quelque chose de commun, précisément le rapport de valeur, qu'il s'agit d'expliquer.

Mais faire intervenir le pouvoir de l'Etat ne suffit pas non plus. Personne n'expliquera jamais comment l'Etal peut donner, ne serait-ce que pour un centième de centime, à un billet ou à un gramme d'argent un plus grand pou­voir d'achat par rapport aux vins, aux bottines, aux boîtes de cirage, etc. Sans compter que chaque fois qu'il l'a essayé, il n'y a pas réussi. Le désir qu'il avait de donner à la roupie un cours de 16 pence n'a au début servi à rien au gouvernement de l'Inde. La roupie ne s'en souciait pas, et le résultat qu'obtint le gouvernement fut de rendre le cours de la roupie totalement imprévisible, car il ne se soucie plus du prix du métal argent. Quant à l'Etat autrichien, la hausse du florin d'argent fut pour lui une surprise complète, sans qu'il y eût de sa part une inter­vention quelconque. Ce qui égare les économistes 17 est le fait que l'argent semble avoir conservé son rôle de mesure de valeur. Naturellement, après comme avant, les mar­chandises continuent à être « mesurées » en argent. Après comme avant, l'argent apparaît comme « mesureur de valeur ». Mais la valeur de ce « mesureur de valeur » n'est plus déterminée par la valeur de la marchandise qui le crée, celle de l'or ou du métal blanc, ou encore du papier, mais par la valeur totale des marchandises en circulation (à vitesse de circulation égale). Le véritable mesu­reur de valeur n'est pas l'argent, mais le « cours » de l'argent est déterminé par ce que j'appellerai la valeur de circulation socialement nécessaire, qui est donnée - si nous tenons compte également de la fonction de circulation de l'argent que nous avons laissée de côté jusqu'ici pour la simplification et dont nous aurons à parler en détail ­par la formule :



somme totale des marchandises
__________________________

vitesse de circulation de l'argent



plus la somme des paiements à effectuer, moins ceux qui se compensent, moins enfin le nombre des mouvements où la même pièce d'argent fonctionne, tantôt comme moyen de circulation, tantôt comme moyen de paiement. C'est naturellement une mesure dont la grandeur ne peut pas être calculée d'avance. Le maître d'arithmétique qui est seul en état de faire l'opération est la société. Cette gran­deur varie et avec elle le cours de l'argent. C'est ce que montrent très nettement les variations du cours de la roupie indienne de 1893 à 1897, comme les fluctuations de la devise autrichienne. Ces fluctuations sont évitées dès qu'une marchandise de valeur, comme l'or ou l'argent, fait de nouveau fonction de mesure de valeur. Pour cela il n'est pas du tout nécessaire que le papier-monnaie ou une monnaie qui n'a pas la valeur requise disparaisse de la circulation ; il suffit qu'elle soit ramenée à un minimum et que les fluctuations qui dépassent ce minimum soient écartées par l'introduction de monnaie de pleine valeur.

L'histoire des monnaies dont la frappe n'est pas libre ou de la « monnaie blanche à bordure dorée », du « système marginal de l'or », ainsi qu'on a appelé le système monétaire indien ou d'autres semblables, perd tout carac­tère mystérieux dès qu'on l'étudie à la lumière de la théorie marxienne de l'argent, comme elle reste inexplicable à la lumière de la théorie « métallique ». Knapp, qui a montré avec une très grande perspicacité les défauts de cette dernière théorie - il ne parle pas de la théorie de Marx, qu'il confond manifestement avec celle-ci – n'apporte lui-même aucune explication économique des phénomènes, mais seu­lement un système ingénieux de division des sortes de mon­naies sans entrer dans le détail de leur apparition et de leur développement. C'est un exposé purement juridique où la large place qu'y occupe la terminologie est caractéristique ; mais le problème économique fondamental de la valeur de l'argent et du pouvoir d'achat de l'argent reste complètement en dehors de son étude. Knapp est comme le Linné de la théorie de l'argent, tandis que Marx en est le Darwin. Mais ce Linné vient longtemps après Darwin !

Knapp est le représentant le plus conséquent de cette théorie qui, ne pouvant expliquer les phénomènes de la monnaie fiduciaire, transfère le phénomène qui crève les yeux, avec le papier-monnaie à cours forcé, de l'influence de la quantité de papier émise, tout simplement sur la circulation métallique et la circulation en général (métal plus billets de banque, qu'il mêle avec le papier d'Etat.) Cette théorie ne considère que le rapport quantitatif et ignore le caractère décisif de la valeur, tant celle des mar­chandises que celle de l'argent. Son erreur provient des expériences de la monnaie fiduciaire, particulièrement de l'Angleterre depuis la suppression en 1797 des payements en espèces. « Ce qui constituait l'arrière-fond du débat c'est l'histoire du papier-monnaie au XVIIIe siècle, le fiasco de la banque de Law, la dévaluation des billets de ban­que des colonies anglaises de l'Amérique du Nord par suite de l’accroissement de la quantité de billets en cir­culation, du début jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, puis plus tard l’introduction par le gouvernement fédéral amé­ricain, lors de la guerre de l'Indépendance, du cours forcé du papier-monnaie (continental bills), enfin l'expérience réalisée sur une plus grande échelle encore des assignats français 18. »

Même un théoricien aussi perspicace que Ricardo n'a pas échappe a cette fausse conclusion et c'est intéressant du point de vue psychologique, car cela montre l'influence qu'exercent les impressions empiriques sur la pensée abs­traite. Car précisément Ricardo revient partout ailleurs des rapports de quantité qui influencent les prix (loi de l'offre et de la demande) à ce qui est à la base des rapports de quantité et les détermine, à savoir la valeur. C'est seulement dans la question de l'argent qu'il écarte cette notion de valeur. C'est ainsi qu'il écrit : « If a mine of gold were discovered in either of the countries, the cur­rency of that country would be lowered in value in conse­quence of the increased quantity of the precious metals brought Into circulation, and would therefore no longer be of the same value as that of other countries 19. » Ici, c'est la quantité seule qui fait baisser la valeur de la monnaie et l'or est considéré uniquement comme moyen de circulation, d'où il s'ensuit naturellement que tout l'or aussi entre dans la circulation. Et comme la quantité seule décide tout, l'or peut être purement et simplement mis à égalité avec le billet de banque, que Ricardo suppose d'abord convertible, mais qui lui apparaît ensuite, conformément à la situation de la monnaie anglaise à cette époque, du papier-monnaie ayant cours forcé. C'est pourquoi il peut dire : « Si, au lieu d'une mine découverte dans un pays, on créait une banque telle que la Banque d'Angleterre, ayant pouvoir d'émettre des billets comme moyens de circulation, dès qu'une grande quantité de billets aurait été émise, augmentant considérablement les moyens de cir­culation, cela aurait exactement le même effet que dans le cas de la mine. » Ici, par conséquent, l'effet de la Banque d'Angleterre et celui de la découverte d'une mine sont mis sur le même plan, car tous les deux accroissent les moyens de circulation 20.

Cette façon de voir les choses ne permettait de compren­dre ni les lois de la circulation de la monnaie métallique ni celle des billets de banque. Knapp de nouveau est tout à fait convaincu par les phénomènes décrits plus haut des « monnaies fiduciaires stables » et du détachement de la monnaie blanche de sa valeur en tant que métal. Ce détachement est commun à la monnaie métallique et au papier­ monnaie. Mais la valeur de ce dernier semble déterminée par l'Etat, qui l'émet. Toutefois, comme l'argent métal est, en régime de frappe réservée, soumis lui aussi au contrôle de l'Etat, cela crée l'illusion que le papier, tout comme la monnaie métallique, donc l'argent d'une façon générale, est déterminé par l'Etat, et cela donne la théorie étatique de l'argent, théorie consciemment non économique. Cette illusion, sur laquelle elle est fondée, appelle la critique suivante :

« L'intervention de l'Etat, qui émet du papier-monnaie avec cours forcé, ... semble supprimer la loi économique. L'Etat, qui, dans le prix de la monnaie à un poids d'or déterminé, n'a donné qu'un nom de baptême, et n'a fait dans le monnayage que poser son estampille sur l'or, semble maintenant, par la magie de son sceau, transformer du papier en or. Comme les billets ont cours forcé, personne ne peut l'empêcher d'en mettre en circulation en aussi grande quantité qu'il veut et de leur donner n'importe quel nom de pièce, comme 1 livre sterling, 5 livres sterling, 20 livres sterling. Les billets déjà en circulation, il est impossible de les rejeter, car non seulement les frontières du pays empêchent leur sortie, mais encore ils perdent en dehors de la circulation toute espèce de valeur, tant d'usage que d'échange. Séparés de leur être fonctionnel, ils se transforment en chiffons de papier sans valeur. Mais ce pouvoir de l'Etat n'est que simple apparence. Il peut jeter dans la circulation n'importe quelle quantité de billets portant n’importe quel nom de monnaie, mais avec cet acte mécanique son contrôle cesse. (Et par là la théorie de Knapp cesse précisément là où commence le problème économique - R. H.). Saisi par la circulation, le papier­-monnaie tombe sous le coup de ses lois immanentes 21. »

Les difficultés de l'explication viennent de ce que les différentes fonctions de l'argent et les différentes sortes d'argent (le papier-monnaie d'Etat et l'argent-crédit) sont confondues. Si l’erreur de la théorie de la quantité à laquelle Ricardo non plus n'a pas échappé, fut de confondre les lois du papier-monnaie d’Etat avec celles de la circu­lation en général, et en particulier de la circulation des billets de banque (l’argent-crédit), c'est le contraire qui se produit aujourd'hui. Comme la théorie est considérée avec raison comme réfutée, on craint d'avouer l'influence de la quantité sur le cours de l'argent là où elle est déterminante, c’est-à-dire avec la monnaie de papier et les monnaies à argent dévalué. On fait appel à toutes sortes d'explications et, comme on ne connaît pas le facteur déterminant social on se livre à des tentatives d'explication subjectives, comme de ramener la valeur du papier d’Etat à des appréciations de crédit. Mais comme d'autre part on doit, pour la valeur du métal, s’en tenir a la valeur propre de l'argent si l'on ne veut pas être contraint, comme Knapp de renoncer d'une façon générale à l'explication du contenu économi­que, la surévaluation reste précisément inexplicable. Chez Ricardo, tout changement de valeur de l'argent s'explique par des changements de quantité. Comme le changement de valeur, d'après sa théorie, est un phénomène très fré­quent, que la valeur de l'argent, selon sa quantité, aug­mente ou diminue, baisse ou monte, et par conséquent pour chaque monnaie il y a constamment surévaluation ou dépréciation, la première n'est pas un problème pour lui il écrit :

« Bien que le papier-monnaie n'ait aucune valeur intrinsèque, quand on en limite la quantité, sa valeur d'échange peut être égale à la valeur de l'argent métallique d'un montant égal ou aux barres de métal calculées d'après leur valeur monétaire. De même, en restreignant la quantité de l’argent, des pièces de monnaie dépréciées peuvent circuler pour la valeur qu’elles auraient si leur poids et leur contenu étaient ceux prescrits par la loi, mais d'après la valeur intrinsèque du métal qu'elles contiennent. C'est pourquoi nous trouvons dans l'histoire de la monnaie anglaise que nos pièces ne sont jamais dépréciées dans la même mesure qu'elles étaient falsifiées » (Principles, XXVII). L'erreur de Ricardo consiste à transférer pure­ment et simplement les lois qui valent pour la monnaie contrôlée sur la monnaie libre. La plupart de ceux qui en Allemagne ont étudié les phénomènes monétaires confon­dent eux aussi les deux systèmes, mais d’une façon inverse, parce qu'ils ont mauvaise conscience en face de la théorie de la quantité et reviennent constamment, dans les pro­blèmes de la circulation des billets de banque, aux vieilles conceptions de la théorie de la quantité, tandis que, dans les problèmes des monnaies à frappe non libre, ils rejettent de nouveau l'explication de la quantité.

En revanche, on trouve chez Fullarton une façon intéressante et assez correcte de poser le problème de la mon­naie à frappe contrôlée. Il suppose un pays sans relations commerciales, sans institut spécialisé pour le renouvelle­ment constant de sa monnaie, qui assure sa circulation intérieure au moyen d'une vieille monnaie métallique dépréciée ne conservant un pouvoir d'achat élevé que grâce au fait que la quantité en est limitée. Il utilise cependant des métaux nobles en quantités considérables dans des buts somptuaires et exporte annuellement pour un demi-­millions de produits industriels dans un pays qui possède des mines pour couvrir ses besoins annuels, de métaux précieux. Or, grâce à l'amélioration de ses méthodes d’ex­ploitation ou à la découverte de nouvelles mines, le coût de la production d'or et d'argent dans ce dernier pays diminue de moitié. A la suite de quoi la production double et le prix des métaux sur place diminuera dans la même proportion ; les commerçants du pays en question seraient ainsi en mesure d'importer, pour la même quantité de biens exportés, au lieu d'un demi-million, un million de ces métaux. Quel serait le résultat ? Il ne serait sûrement pas essentiellement différent de l'effet d'une offre excéden­taire de n'importe quelle autre marchandise également durable. Mais, comme la consommation annuelle d’or et d'argent pour des buts de luxe a été complètement satisfaite par l'importation à une valeur d’un demi-million, il n'y aura pas de preneur pour une quantité supplémentaire aussi longtemps qu'une nouvelle demande n’aura pas été créée par la baisse des prix. En conséquence, les prix des quantités de métal nouvellement introduites, calculés dans la monnaie dépréciée, baisseront plus ou moins rapidement selon que les commerçants écouleront plus ou moins rapidement leurs marchandises. Toutefois, pendant tout ce temps jusqu'à ce que, grâce à la concurrence, les prix des métaux soient ramenés à leur coût de production -, le prix de toutes les autres marchandises en dehors de l'or et de l'argent, calculés dans la monnaie locale, restent inchangés, et aussi longtemps qu’une partie de la valeur du métal superflu ne pourra être utilisée pour des échanges avec un troisième pays, moins avantagé en ce qui concerne l’or et l'argent, le pays importateur de ces acqui­sitions périodiques de richesses métalliques n'aura aucun profit en dehors de celui qui découle de l'extension de l’emploi de l’or et de l'argent à des fins domestiques.

On a par conséquent, reproduit théoriquement ici le cas de la surévaluation de la monnaie autrichienne. A cela près que Fullarton ne donne pas, la détermination quantitative pour le minimum de circulation sociale.

Il étudie ensuite la situation toute différente qui se produit sous le régime de la frappe libre. Il se demande quel serait l’effet des mêmes circonstances dans un pays à relations commerciales plus étendues, dont le système monétaire serait en meilleur état, qui aurait par conséquent une monnaie métallique de valeur pleine, un commerce de métaux illimité et une monnaie soumise à la frappe du métal monétaire. L'effet du doublement de l'offre des mines serait alors tout différent. Il ne pourrait y avoir aucune augmentation des prix des métaux, car le prix de l'or calculé en monnaie du même métal, ne peut pas varier. Ils pourraient baisser ou monter ensemble, mais non pas se détacher l’un de l'autre. Il y aurait par conséquent une offre extraordinairement pressante sur le marché des lingots d’or, par suite de l’accroissement des importation de ce métal, qui serait encore, tout au moins dans les premiers temps, un stimulant à une consommation accrue. Les lingots seraient tous envoyés à la frappe et procureraient aux importateurs un énorme accroissement de richesses lesquels importateurs seraient immédiatement concurrents pour toutes sortes de placements productifs sur le marché comme pour l’achat de tous les objets qui contribuent à l'agrément de la vie. Mais, comme l'offre de ces objets de luxe est toujours limitée et ne pourrait en aucun cas être augmentée par cet afflux de monnaie en circulation, la conséquence inévitable en serait : d’abord une baisse des taux d'intérêt, puis une hausse du prix une des terrains et de tous les papiers portant intérêt, enfin une hausse générale de tous les prix des marchandises, jusqu’à ce qu’ils aient atteint un niveau correspondant au coût ce production réduit de la monnaie à la suite de quoi l'effet sur le taux d'intérêt, cesserait, la nouvelle quantité de monnaie serait absorbée par l'ancienne, les perspectives de brusque enrichissement disparaîtraient, sans laisser d’autre traces qu’une augmentation du nombre et du poids des pièces de monnaie qu’il faudrait payer pour chaque achat 22.

Mais il faut mentionner encore une surélévation caractéristique de l’argent, caractéristique pour cette raison qu’elle se produit d’une façon tout à fait automatique, sans aucune intervention de l'Etat. Pendant la dernière crise de crédit, au cours de l'automne 1907, apparut brus­quement aux Etats-Unis un agio sur l'argent, non pas seulement sur les pièces d'or, mais sur toutes les sortes de moyens de paiement légaux: pièces d'or et d'argent, papier­ monnaie d'Etat (greenbacks) et billets de banque. Cet agio fut au début de plus de 5 %. Ce fait est éclairé par la correspondance suivante de New York parue dans la Frank­furter Zeitung du 21 novembre 1917 : « Sur une grande partie des places commerciales américaines les paiements en espèces sont suspendus. Ici on donne de la monnaie privée, ailleurs les paiements se font partie en monnaie privée, partie en espèces. En beaucoup d'endroits, ces paiements au comptant se font en monnaie divisionnaire. Dans soixante-dix-sept villes américaines, on a émis des billets de détresse, c'est-à-dire des certificats de maisons de clearing ou des chèques bancaires tirés spécialement pour la circonstance, mais surtout les premiers. Alors qu'avant la crise une douzaine de villes américaines seulement avaient des instituts de clearing, on en a fondé, maintenant dans une centaine de villes. Dès que la crise a éclaté à New York, les instituts monétaires de ces villes se sont unis pour faire face au danger menaçant. Contrairement à ce qui se passait à New York, où les certificats de clearing n'étaient établis que pour des sommes impor­tantes, ces instituts émirent des billets de détresse calculés pour la circulation générale, et notamment en coupures de 1, 2, 5 et 10 dollars, adaptées aux besoins du petit commerce. Ces billets circulent tout à fait librement dans les villes où se trouvent des instituts de clearing et dans leurs alentours, les ouvriers les acceptent en paiement de leurs salaires, les commerçants en échange de leurs marchandises, etc., ils passent de main en main et ne supportent en général qu'un très léger disagio par rapport à l'argent liquide. A quel point le manque d'argent liquide se fait sentir même à New York, c'est ce que montre par exemple le fait que la puissante Standard Oil Company a dû payer ses ouvriers en chèques certifiés. C'est seule­ment dans les relations avec les instituts gouvernementaux que la monnaie de détresse ne peut être utilisée, car les caisses publiques ne veulent connaître que des opérations légales, et c'est pourquoi il faut se procurer de l'argent liquide. C'est là la principale cause de l'agio sur l'argent liquide. Lorsque, ces derniers jours, l'American Sugar Refining Company n'a pu en réunir suffisamment pour sortir de la douane un chargement de sucre, elle a dû fermer quelques-uns de ses établissements pendant un jour ou deux. »

Le phénomène a ceci de particulier que la quantité d'argent en circulation devint trop faible pour les besoins du commerce. La crise du crédit avait provoqué un fort besoin de paiements comptants, car la compensation des paiements au moyen de l'argent-crédit (traites, virements, etc.) avait été troublée, d'où une soif d'argent liquide. Mais alors que la circulation exigeait davantage d'argent liquide, celui-ci disparaissait et était thésaurisé 23. Pour le remplacer, on s'efforça d'en créer un nouveau, les certi­ficats de clearing, en réalité des billets émis sous la garantie commune des banques se trouvant en rapports de clearing. La limitation légale des émissions de billets fut ainsi tour­née, tout comme en Angleterre les Peels acts furent sus­pendus dans des cas semblables. Mais l'argent crédit n'avait pas pouvoir de paiement légal et l'argent liquide ne suffisait pas. Aussi fut-il surévalué et le resta - d'où l'agio - jusqu'à ce que les importations d'or en prove­nance des pays européens, le rétablissement de conditions normales de crédit et la diminution considérable de la circulation immédiatement après la crise, permirent de supprimer la pénurie d'argent et la transformèrent en abondance. L’importance de l'agio connut des variations déterminées par la « valeur de la circulation sociale ». Ce qui est caractéristique, c'est que l'agio fut le même pour le papier que pour le métal, ce qui prouve qu'il n’avait rien à voir avec une hausse quelconque de la valeur de l'or.

L'émission de papier-monnaie ayant cours forcé a sou­vent été pour l'Etat, comme on sait, un moyen de régler des paiements pour lesquels l'argent lui faisait défaut. Le papier-monnaie commence par chasser l'argent métal­lique, qui s'en va à l'étranger payer, par exemple, les dépenses militaires 24. Les émissions suivantes entraînent la dépréciation du papier-monnaie. Ainsi, pour les mon­naies dont la frappe n’est pas libre, la théorie de la quan­tité, formulée par la généralisation des expériences faites a la fin du XVIIIe siècle avec les secousses monétaires en Amérique, en France et en Angleterre, est juste. Dans de tels cas, on peut aussi parler d'inflation, de surabondance de la circulation et même d'insuffisance de moyens de circulation. En revanche, dans les pays où la frappe est libre, même si le minimum de circulation est comblé par du papier-monnaie ayant cours forcé, une inflation est impossible. L'argent crédit convertible, dès qu'il surabonde, revient immédiatement à son lieu d'émission, la monnaie d'or également, qui est mise en réserve dans les caves de la banque. En tant qu'équivalent universel, elle est aussi une forme généralement valable et toujours désirée d'accumulation de richesses. Entasser du papier-monnaie à cours forcé n'a aucun sens, car ce papier n'a de valeur qu'à l'intérieur du pays ; l'or, en revanche, est de l'argent mondial et constitue la réserve pour toutes les dépenses. C'est pourquoi son accumulation apparaît tou­jours comme rationnelle. L'or est porteur de valeur indépendant même en dehors de la circulation, tandis que le papier-monnaie n'a un « cours » qu’à l'intérieur de la cir­culation.

Qu'il y ait eu émission de papier-monnaie en quan­tités excessives, cela n'apparaît que dans sa dépréciation par rapport au métal, qu'il prétend représenter. Mais, à un moment donné, il n’y en a ni plus ni moins que la circulation n'en exigeait. Supposons qu’elle exige 1 million de florins, mais que l'Etat y a injecté 2 millions par ses paiement : les prix ont doublé et exigent maintenant les deux millions de florins. Ceux-ci sont déprécies parce qu'on en a émis plus qu'il n'en fallait mais, comme ils ont été dépensés la circulation les exige maintenant. Ils ne peu­vent par conséquent pas sortir automatiquement de la circulation; leur total ne peut, celui des marchandises restant le même, qu'être diminué au moyen de leur des­truction par l'Etat, ce qui fera remonter les cours du papier­ monnaie restant. Pour l'Etat, cela signifierait une perte égale au gain réalisé par lui au moment de l'émission. L'essentiel ici est que, sous le régime de la frappe non libre, et avec des moyens de circulation sans valeur ou dépréciés, la totalité de l'argent doit rester dans la circu­lation et ne peut pas en sortir, parce que, quelle que Soit l'importance des émissions de papier-monnaie, le cours des billets est déterminé par les marchandises en circulation. Il en est tout autrement avec la frappe libre : ici l'or entre dans la circulation ou en sort selon les besoins, tandis que l'excédent est mis en réserve dans les banques. Des changements de valeur provenant du fait qu'Il y a trop ou pas assez d'argent (métallique) dans la Circulation, comme le prétend la théorie de la quantité, sont par consé­quent ici exclus d'avance.

Avec une pure monnaie de papier, la somme des prix représentée par le papier change, à vitesse de circulation égale, dans la même proportion que la somme des prix des marchandises et inversement à la quantité de papier émise. C'est aussi ce qui se passe quand, en régime de frappe non libre, la circulation est assurée par une mon­naie métallique dépréciée. Avec cette différence que, dans ce dernier cas la dépréciation trouve sa limite dans le prix du métal sur le marché mondial, limite qui ne peut être dépassée même si l'on frappe une plus grande quantité de pièces. Du reste, même avec une monnaie d'or, si la frappe libre était supprimée, une hausse de la valeur de la monnaie pourrait se produire par rapport au métal brut 25. Dans tous ces cas, les moyens de circulation ne sont pas des signes d'argent ou d'or, mais des signes de valeur. Toutefois, ils ne reçoivent pas cette valeur de la valeur d'une marchandise, comme le papier avec un système monétaire mixte, où il n'est que le représentant de l'or, reçoit sa valeur de l'or. Mais toute la masse de papier-monnaie a la même valeur que la masse totale des marchandises en circulation, quand la vitesse de cette circulation reste la même. Sa valeur n'est par conséquent que le reflet du procès social de la circulation. En elle toutes les marchandises à échanger à un moment donné agissent comme une seule somme de valeur, comme unité en face de laquelle la masse de papier-monnaie est placée comme unité égale par le procès social de l'échange.

Mais il ressort déjà de ce qui a été dit qu'une telle monnaie de papier ne correspond pas à la longue aux exigences de la circulation. Comme sa valeur est déterminée par le total de la valeur des marchandises en circulation, lequel est soumis à des fluctuations constantes, la valeur de l'argent devrait fluctuer constamment. L'argent ne serait plus la mesure des valeurs des marchandises, mais tout au contraire sa valeur serait mesurée par les besoins de la circulation à chaque moment donné, donc, à vitesse de cir­culation égale, par la valeur des marchandises. Une pure monnaie de papier est par conséquent impossible a la longue parce que la circulation serait soumise par là à des perturbations constantes.

Dans l'abstrait, on peut imaginer de la manière suivante un système de pure monnaie fiduciaire. Supposons un Etat commercial fermé, qui émette du papier-monnaie à cours forcé en quantité suffisante pour les besoins de circulation moyens, quantité qui ne peut augmenter. Les besoins de la circulation sont assurés, en dehors de ce papier-mon­naie, par des billets de banque, etc., tout comme avec une monnaie métallique. Le papier-monnaie, comme dans la plupart des législations actuelles sur le régime des billets de banque, sert de couverture à ces billets, qui du reste sont couverts également par la banque. L'interdiction d'aug­menter cette quantité de papier-monnaie le garantirait contre toute dépréciation. Le papier-monnaie affluerait alors, selon les conditions de la circulation, comme l'or aujourd'hui à la banque, ou serait thésaurisé chez les particuliers si la circulation diminuait, et reviendrait dans la circulation si elle augmentait - n'y restant que le mini­mum chaque fois exigé, tandis que les fluctuations en seraient couvertes par un plus ou un moins de billets de banque. Une telle monnaie fiduciaire aurait par conséquent une valeur constante. C'est seulement dans le cas où une crise de crédit se produirait que la masse de papier-mon­naie existante pourrait éventuellement devenir insuffisante, et elle bénéficierait alors d'un agio comme l'or ou les greenbacks lors de la dernière crise monétaire aux Etats­Unis. En réalité, une telle monnaie fiduciaire est impossible. D'abord, elle ne serait valable qu'à l'intérieur d'un seul pays pour les échanges internationaux, du métal, de l'ar­gent ayant une valeur propre, est nécessaire, et dès lors la valeur de l'argent circulant à l'intérieur du pays doit être maintenue au même niveau que celle des moyens de paiement internationaux pour éviter les perturbations des relations commerciales, exigence que satisfait par exemple le système monétaire autrichien sans qu'on ait besoin d'introduire du métal dans la circulation intérieure. C'est comme s'il avait pressenti ces dernières expériences dans le domaine de la monnaie que Marx écrivait : « Toute l'histoire de l'industrie moderne montre que du métal ne serait en fait nécessaire que pour les besoins du com­merce international dans les cas où l'équilibre en serait rompu, si la production intérieure était organisée. Que le pays n’a plus besoin maintenant d'argent métallique, c'est ce que prouve la suspension des paiements au comptant des banques dites nationales, suspension à laquelle il est fait appel comme le seul moyen de recours dans tous les cas extrêmes 26. »

Mais, en outre, cette monnaie se heurte pratiquement au fait que rien ne garantirait le non-accroissement d'un tel papier d'Etat. En tant que moyen de conservation de la richesse dans, sa forme toujours prête, l'argent à valeur intrinsèque, l’or, est toujours indispensable 27.

C'est pourquoi l'argent et même la monnaie faite de la matière la plus précieuse, c'est-à-dire l'or, ne peut jamais, dans la circulation, pour qu'elle puisse se poursuivre sans troubles être remplacé complètement par de simples certificats. En fait, même dans le système monétaire fondé uni­quement sur le papier, il circule toujours de la monnaie d'or, ne serait-ce que pour les paiements à l'étranger. C'est toujours seulement le minimum, au-dessous duquel la circulation, ainsi que l'expérience le montre, est impossible, qui peut être remplacé par le papier. Mais cela prouve également que l'argent, tout comme la marchandise, n’a pas une valeur imaginaire, et que cette valeur dont avoir un fondement objectif. L'impossibilité d’une monnaie pure­ment fiduciaire est une preuve expérimentale de la jus­tesse de la théorie de la valeur objective, de telle sorte que c'est seulement sur, la base de cette théorie qu'on peut expliquer les phénomènes particuliers que présente le système monétaire à frappe contrôlée.

En revanche, il est rationnel, dans la mesure où le minimum de circulation le permet, de remplacer la monnaie précieuse c'est-à-dire l'or, par une monnaie relativement sans valeur. Car, dans le processus M-A-M, l'argent est superflu pour le contenu du processus, les échanges orga­niques sociaux, et n'occasionne que des frais, qu'on peut éviter 28. Ne se trouvant que sous cette dimension dans la circulation, le papier-monnaie n'est pas le représentant de la valeur des marchandises, mais celui de l'or, non pas signe de marchandises, mais signe d'or. C'est dans ces limites que Marx a raison de dire : « Au cours du pro­cessus M-A-M, dans la mesure où elle ne se présente que comme unité de processus ou enchevêtrement des deux métamorphoses et c'est ainsi qu'elle se présente dans la sphère de circulation, où fonctionne le signe de valeur -, la valeur d'échange des marchandises n’acquiert dans le prix qu'une existence symbolique, imaginaire, représentée seulement dans l'argent. La valeur d’échange, apparaît ainsi que comme pensée ou représentée matériellement, mais ne possède d'autre réalité que dans les marchandises elles-mêmes, dans la mesure où un certain quantum de temps de travail y est incorporé. C'est pourquoi il semble que le signe de valeur représente directement la valeur des marchandises en ne se présentant pas comme signe de l'or, mais comme signe de la valeur d'achat exprimée seulement dans le prix, mais n'existant que dans la mar­chandise. Toutefois, cette apparence est fausse. Le signe de valeur n’est directement que signe du prix, par consé­quent signe d’or, et seulement pair un détour signe de la valeur de la marchandise.

« L'or n'a pas, comme Peter Schlemihl, vendu son ombre mais il achète avec son ombre. Le signe de valeur n'agit par conséquent que dans la mesure où il présente, à l'inté­rieur du processus, le prix d’une marchandise à une autre ou l'or à chaque propriétaire de marchandise. Une certaine chose relativement sans valeur, un morceau de papier, de cuir, etc., devient ainsi par habitude signe d'argent ­métal, mais ne se prétend tel qu’en faisant garantir son existence en tant que symbole par la volonté unanime des propriétaires de marchandises, c'est-à-dire en obtenant éga­lement une existence conventionnelle et par conséquent cours force. Le papier-monnaie d'Etat à cours force est la forme complétée du signe de valeur et la seule forme de papier-monnaie qui naisse elle-même directement de la circulation métallique ou de la simple circulation des marchandises 29. »

Notre hypothèse d'une pure monnaie de papier, qui existerait sans complément d'or, a ainsi montré de nouveau l'impossibilité que les marchandises se servent mutuellement d’expression de leur propre valeur d'échange. Bien plutôt la nécessité apparaît ici de faire appel à un équiva­lent général, qui ne doive être lui-même que marchandise et par conséquent valeur.

Il est clair que si déjà la monnaie métallique exige l'accord de tous les producteurs pour garantir sa solidité à plus forte raison doit-il en être de même pour le papier-monnaie. L'organe naturel pour cela est l'Etat, la seule organisation consciente que connaisse la société capita­liste qui ait également pouvoir de contrainte. Le caractère social de l'or apparaît ici directement en tant que tel dans la réglementation sociale édictée par l'Etat. cela montre en même temps que la capacité de circulation de la monnaie métallique et du papier-monnaie est strictement limitée aux frontières de l'Etat. Comme monnaie mondiale, il y a l'or et l'argent métal d'après leur poids.


 



Notes


1 Marx, Le Capital, t. I. ,4° éd.,p. 83

2 Ibidem, p. 87

3 C'est uniquement du point de vue de la science bourgeoise que Wilson écrit que seul l'argent immobilisé est une perte pour la collectivité. Au contraire, tout le mécanisme de la circulation, dans la mesure où il coûte de la valeur, entraîne des faux frais et même du point de vue bourgeois le plus développé, l'or, dans la mesure où il est un moyen de circulation, apparaît comme une dépense improductive (c'est-à-dire qu'il ne rapporte aucun profit), qu'il convient par conséquent d'éviter, pensée qui est un scandale pour la doctrine mercantiliste (Voir James Wilson, Capital, Currency and Banking, Londres, 1847, p. 10).

4 Marx, Le Capital, t. I, p. 76.

5 « L’émission de papier-monnaie doit être limitée à la quantité correspondante à celle de l’or (ou métal argent) représenté par lui qui devait circuler réellement » (Marx, Le Capital, t. I, p. 91).

6 Knapp est d’abord victime de cette illusion que l’argent n’est rien d’autre à l’origine qu’un certain poids de métal, pour ensuite s’étonner qu’il puisse être remplacé par un signe seulement valable socialement. S’il avait compris – et ce manque de compréhension empêche aujourd’hui encore les économistes de fournir une théorie complète de l’argent – que ce dernier n’est que l’expression matérielle d’un rapport social, il n’aurait rien trouvé d’étrange au accord socialement valable et consciemment réglementé, dont l’expression est le papier d’Etat à cours forcé. A propos de quoi il est exact de dire qu’il y a ici un problème essentiel, celui des limites de cette réglementation d’Etat, donc consciemment sociale. Mais Knapp exclut précisément ce problème de son étude.

7 Par frappe libre on entend, comme on sait, le droit reconnu aux particuliers de faire frapper, dans l'Institut monétaire d'Etat, en monnaie du pays et selon les normes fixées, n'importe quelle quantité de métal. Elle n'est plus libre quand l'Etat cesse de l’autoriser.

8 En effet, pour les économistes qui écrivent sous l'impression des restrictions bancaires en Angleterre, la possibilité de la surestimation ne constitue pas un problème du fait qu'ils appliquent tout à fait naïvement les lois de la monnaie fiduciaire à la monnaie métallique. « Il est clair, dit William Blake, que, tout comme l’émission excessive de papier-monnaie fait monter le prix des marchandises, pour les mêmes raisons la contraction au-dessous de la mesure naturelle des besoins de la circulation fera baisser ces prix dans la même proportion ... L'or en barres sera alors souvent sur le marché d'une valeur moindre que l'or sous forme de monnaie et le marchand le transformera en monnaie pour obtenir le profit découlant de cette transformation » (Observations on the Principles Which Regulate the Course of Exchange and on the Present Depreciated State of the Currency, Londres, 1810, p. 40).

9 Helfferich, L' Argent, p. 77.

10 Ibidem, p. 80.

11 Spitzmüller, La Réforme monétaire en Autriche-Hongrie, Zeit­schrift für Volkswirtschaft, Sozialpolitik und Verwaltung, t. XI, p. 339.

12 Le florin d'or est la huitième partie de la pièce de 8 florins, frappée pour servir de monnaie commerciale, à l'exclusion de la circulation intérieure, et dont le poids d'or était égale à celui de la pièce de 20 francs.

13 Op. cit., p. 311

14 Dr Anton Arnold, La Vie monétaire et ses réformes depuis 1893, p. 227. Un ami qui revenait d'un voyage en Inde m’a raconté un jour qu'il avait vu un groupe d'européens acheter des bijoux en argent dans un bazar. Le marchand leur proposa de les peser, pour dissiper leurs craintes d'être trompés. Le prix d’achat devait consister en un poids égal de roupies d’argent. Les Européens acceptèrent proposition et conclurent l'affaire avec le sentiment de n’avoir payé que le prix du métal, à l'exclusion du prix de la façon. Que le mar­chand eût obtenu ainsi, grâce à la législation monétaire, un prix de près de 100 % supérieur à la valeur du métal pur, ils l’ignoraient, bien entendu. On trouvera sûrement justifiée cette amende due à l'ignorance des questions économiques en regrettant seulement qu’elle ne puisse être généralisée.

15 « On peut en effet se demander si, depuis l’introduction du nouveau système bancaire (on fait allusion par là à la suspension des paiements en argent liquide et à l'introduction du cours forcé pour les billets de la Banque d'Angleterre en 1797. - R. H.), l’or continue d'être notre mesure de valeur (measure of prices), et si nous n'avons pas une autre mesure des prix (standard of prices) que ce moyen de circulation (circulating medium) de la Banque d’Angleterre et des banques locales: dont les variations dans sa valeur relative peuvent être aussi indéterminées que la surabon­dance possible de ce moyen de circulation. » (Report from the Select Committee Appointed to Inquire into the Cause of the High Price of Gold Bullion, Londres, 1810, p. 16). Ce rapport laisse sans réponse la question qu'il pose.

16 Lindsay a fort justement déclare devant le Comité de la monnaie réunie en 1898 sous la présidence le lord Towler : « Les roupies dans le système monétaire actuel, ne sont rien d’autre qu'une sorte de billets métalliques non remboursables et ayant cours forcé auxquels s'appliquent par conséquent toutes les lois qui valent pour le papier-monnaie non remboursable. » Ces lois sont, d'après Lindsay, celles qui ont été établies par Ricardo, (Voir Bothe, La Réforme monétaire indienne depuis 1893, Cotta, 1904) .

17 Très caractéristique est cette façon de poser la question chez Bothe (op. cil., pp. 48 sq.) : « Quelle était la mesure de valeur en Inde après le 26 juin 1893? Qu'à partir du moment où la valeur d'or de la roupie s'était élevée au-dessus de la valeur d'or de la quantité d'argent fin qu'elle contenait, l'argent métal n'était plus la mesure de valeur,... la chose est claire. La roupie était-elle devenue la mesure de valeur en Inde dans ce sens, corn dit le professeur Lexis dans son article intitulé « L'Argent-papier » (Manuel des sciences économiques), que des billets non remboursables, à cours forcé, peuvent devenir de l'argent indépendant, c'est-à-dire égale­ment mesure de valeur, parce que leur pouvoir de paiement légal leur donnait la « plus haute marque du crédit de paiement », le maintien de leur valeur contre des marchandises? Ou l'or était-il devenu, après la fermeture de l'Hôtel des monnaies, mesure de valeur en Inde? Si l'on reconnaît à la roupie la qualité d'une mesure de valeur, cela revient à dire qu'une abstraction peut être mesure de valeur, car, après le 26 juin 1893, la valeur de la roupie n'était plus déterminée par la valeur d'usage ( ! )de la matière dans laquelle elle était frappée - celle-ci n'était plus que la limite inférieure soumise à de constantes variations - mais par le jugement porté sur les propriétés et l'utilité de la roupie extérieures à la matière dont elle était faite. »
C'est exactement l'opinion exprimée par John Lubbock « que l'exchange est devenu, depuis la fermeture de l'Hôtel des monnaies, mesure de valeur, une autre forme de l'affirmation non sans inconvénient ( ! ) selon laquelle une abstraction peut devenir mesure de valeur ». Voilà tout. On voit que le respect manifestement dû à l'autorité du professeur Lexis interdit à l'auteur toute critique du manque d' « abstraction théorique » qui mène Lexis à la fameuse chose abstraite. Là où la notion de valeur fait défaut, le mot « confiance » disparaît. Qu'on compare du reste l'excellente polé­mique avec Lexis chez Arnold, op. cit., pp. 241 sq.

18 Marx, Contribution à la critique ... , p. 177.

19 « Si l'on découvrait une mine d'or dans un pays, le moyen de circulation en serait déprécié par suite de la quantité accrue de métal noble qui entrerait dans la circulation et il cesserait par conséquent d'avoir la même valeur que celui d'autres pays. »

20 Ricardo, Œuvres complètes, MacCulloch éd., Londres, 1888, p. 264.

21 Marx, Contribution à la critique ... , p. ,115.

22 John Fullarton On the Regulation of Currencies, 2e edition, 1845, pp. 59 sq.

23 Dans un rapport présenté au Congrès au milieu de l'année 1908, le secrétaire américain au Trésor, Cortelyon, évalue le montant total de l’argent liquide thésaurisé par le public, depuis la cessation des paiements de la Knickerbocker Trust Company jusqu'au rétablissement de la confiance, à environ 296 millions de dollars, soit le dixième du total de l’argent en circulation aux Etats-Unis

24 Conformément à la loi bien connue selon laquelle la mauvaise monnaie chasse la bonne. A ce propos, Macaulay fait observer que le premier écrivain qui attira l'attention sur le fait que, là où il y a en circulation une bonne et une mauvaise monnaie celle-ci chasse la bonne, fut Aristophane (Voir Les Grenouilles, vers 717-731).

25 On attend avec curiosité les tentatives d'explication des écono­mistes modernes. Au milieu des années 90, quand la production d'or augmenta rapidement et qu'apparut en même temps une grande abondance d’argent et un taux d'intérêt très bas (le taux de l'escompte sur le marché de Londres était inférieur à 1 %), l'idée fut discutée d'un arrêt de la frappe libre de l'or en Angleterre.
Le problème est du reste examiné également par Tooke. L'occasion en fut donnée par la controverse sur l'utilité et les conséquences de l'introduction d'un trésor de battement (seignorage, taxe de frappe), tel que le préconisait Ricardo dans une proportion de 5 %. « Une monnaie sous-évaluée (debased coinage), ou une monnaie qui est soumise à un trésor de battement, si la quantité de l'argent en circulation n'est pas limitée, n'aura naturellement pas la même valeur d’échange qu’une monnaie de valeur pleine et de quantité strictement, limitée. » Et il imagine le cas suivant : Supposons que la circulation d’un pays ne consiste qu'en pièces d'or et s'élève à 20 millions de souverains de même poids et de même composition comme, aujourd'hui. Si chaque pièce d'or était réduite brusquement d’un vingtième, soit de 5 %, mais que le nombre de ces pièces reste limité à 20 millions, il n'y aurait bien entendu toutes proportions gardé et avec le même rapport des marchandises au nombre des pièces, aucun changement dans les prix. Et si l'or en barres valait auparavant sur le marché 3 livres sterling 17 schillings, 10,5 pence l'once, le prix resterait le même. Ou, en d'autres termes, 46 livres sterling, 14 schillings, 6 pence en or monnayé, qui pèserait 19/20e de livre, échangeraient sur le marché une livre entière d'or non monnayé de même titrage. Mais, si la quantité d’or retirée ainsi de chaque pièce était frappée en une quantité supplémentaire de pièces d'or et jetée dans la circulation ces 21 millions de pièces ne posséderaient pas une valeur d'échange supérieure à celle qu'avaient auparavant les 20 millions. Toutes les marchandises verraient leur prix augmenter de 5 %, et parmi elles également l'or en barres, qui coûterait maintenant 4 livres sterling, 1 schilling 1,25 pence l’once. Ou encore, 46 livres sterling, 14 schil­lings, 6 pence de monnaie ne vaudraient plus que 19/20e d'une livre d'or non frappé. C'est là le point essentiel de toute discussion sur les moyens de circulation, et son application quant au pouvoir de l'Etat d'accroître par son monopole d'émission la valeur nominale de la monnaie au-dessus de sa valeur intrinsèque, avec une monnaie exclusivement métallique, est suffisamment claire » (Voir History of Prices, t. I, pp. 120 sq.).

26 Le Capital, III, 2, p. 55. On a du reste l'impression, à propos de nombreuses déclarations de Marx sur ces problèmes que certaines conclusions qui découlent de sa théorie de l'argent se heurtent dans son esprit aux conceptions tirées des expériences de son époque et qu’on ne peut écarter complètement au moyen de la pure logique. Mais les expériences les plus récentes confirment entièrement les conclusions qui découlent de sa théorie de l'argent et de la valeur.
Quand il souligne qu'on ne peut pas mettre dans la circulation plus de papier qu'elle n'exigeait d'or, il est important, pour la compréhension des phénomènes monétaires modernes de se rappeler que cette qualité d'or elle-même, d’une valeur donnée, est chaque fois déterminée par la valeur de la circulation sociale. Quand celle-ci baisse, une certaine quantité d'or sort de la circulation : quand elle s'accroît, c'est le contraire qui ce produit. Mais, avec une monnaie de papier dont la frappe est imitée il ne peut pas y avoir afflux dans la circulation et reflux hors de celle-ci car le papier-monnaie hors de la circulation serait déprécié. Il faut donc revenir ici à la valeur de la circulation comme étant le facteur déterminant et l’on ne peut pas se contenter, comme l'a fait Marx dans la Contribution à la critique de l'économie politique, de considérer le papier-monnaie comme simple signe d'or.
Il me semble que Marx formule mieux les lois de la monnaie fiduciaire quand il dit : « Les marks dépréciés ne sont des signes de valeur que dans la mesure où ils représentent l'or au sein du processus de circulation et ils ne le représentent que dans la mesure où il entrerait lui-même en tant que monnaie dans le processus de circulation, une quantité déterminée par sa propre valeur, si les valeurs d'échange des marchandises et la rapidité de leurs transformations sont données. » (Contribution à la critique...,p. 113). Toutefois, le détour que prend Marx en déterminant d'abord la valeur de la mesure monétaire et par elle seulement celle de l’argent-papier semble superflu. Le caractère purement social de cette détermination se manifeste beaucoup plus nettement quand on fait découler la valeur du papier-monnaie de la valeur sociale de la circulation. Que les monnaies fiduciaires soient issues historiquement des monnaies métalliques n'est pas une raison pour les considérer aussi théoriquement de cette manière. La valeur de la monnaie fiduciaire doit pouvoir être déterminée sans référence à la monnaie métallique.

27 Aussi Helfferich a-t-il tort de dire : « Théoriquement, il serait possible d’adapter une pure monnaie fiduciaire aux fluctuations des besoins, d'argent de l'économie et d'éviter ainsi maintes pertur­bations qui, avec les monnaies métalliques, peuvent découler des modifications de l'équilibre entre les besoins d'argent et l'appro­visionnement en argent » (L'Argent, p. 470).

28 Le papier-monnaie n'est par conséquent ni un argent « défectueux », ni un « mauvais » argent, un argent de moindre valeur se trouvant en circulation dans la proportion convenable, Il ne contredit nullement les lois économiques. C'est seulement l'ignorance de ces dernières, ce que la plupart des « métallistes » considèrent comme les abus voulus ou découlant de l'ignorance de la théorie, inhérents à toute monnaie fiduciaire, qui leur inspirent, une erreur tout à fait superstitieuse, non seulement devant chaque billet d’Etat non remboursable, mais aussi devant le plus inoffensif des petits bons de caisse convertibles. Ce sont des Goliath concrètement, qui ont peur de David, et plus le bon est petit, plus leur peur est grande.

29 Marx, Contribution à la critique ... , pp. 109-110.

 

R. Hilferding
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