1920

Source : La Dictature du prolétariat (Problèmes économiques) –Traduction française d’Alzir Hella et O. Bournac, Librairie de l’Humanité, Bibliothèque communiste, 1922. – 1ère édition [en allemand] 1920.

J. Varga

La Dictature du Prolétariat

Ch. V. L’organisation de l’économie prolétarienne

« Lors des révolutions bourgeoises, dit Lénine, la tâche principale des masses laborieuses résidait dans l’accomplissement de la besogne négative ou destructrice : anéantissement du féodalisme, de la monarchie, du Moyen âge... Le travail constructeur ressortissait à la minorité bourgeoise et possédante. Il apparaît, au contraire, que dans toute révolution socialiste, la tâche du prolétariat est d’ordre essentiellement constructeur ; il lui appartient de tendre un réseau extraordinairement compliqué, aux fils ténus reliant entre elles les nouvelles organisations ayant trait à la création et â la répartition organisée des produits nécessaires â l’existence de douzaine de millions d’hommes ».

C’est en ces termes que Lénine caractérise la différence fondamentale existant entre la Révolution bourgeoise et la Révolution prolétarienne.

La nouvelle œuvre d’organisation ne peut commencer que lorsque les moyens de production sont passés aux mains du prolétariat. Le fait de l’expropriation en lui-même ne signifie pas grand’chose. Toute l’économie doit être édifiée sur l’organisation, comme étant l’unique voie conduisant à l’augmentation du rendement du travail, qui est la tâche la plus urgente. L’organisation de l’économie prolétarienne n’est pas un thème absolument neuf : toutes les formes d’organisation de l’économie communiste figurent déjà dans le capitalisme moderne; il importe seulement de les élargir et de les adapter aux nouvelles conditions sociales, de transformer les organes du capitalisme, qu’elles étaient, en organes de l’économie communiste.

Le problème initial le plus difficile consiste dans la démarcation exacte de ce qui sera attribué à l’organisation centrale et de ce qui sera laissé aux initiatives locales. Du point de vue matériel on distingue les divisions suivantes :

La construction organisée et technique de l’économie ;

L’économie matérielle ;

L’économie humaine.

Au début, toutes ces fonctions étaient confondues, en Hongrie, dans le commissariat de la production sociale. Par suite du manque d’instances spéciales, tout était réuni dans les mêmes mains. Peu à peu une séparation s’opéra et au bout des quatre premiers mois l’ébauche de la nouvelle organisation était déjà nettement dessinée.

Dans l’œuvre technique d’organisation de l’économie communiste il s’agissait avant tout de distinguer les exploitations qui doivent être réunies dans une organisation centrale de celles qui ressortissent à l’administration locale. Ceci est, avant tout, question de lieu. Les exploitations situées sur le lieu même de la consommation, dont les produits ne supportent pas le transport au loin seront laissées à l’administration locale. Ce sont : les installations des eaux, du gaz, les centrales électriques locales, les transports urbains, les briqueteries et carrières de sable, les ateliers de raccommodage et de ressemelage, les fabriques de pain, les jardins potagers, tous les moyens de communications locaux, les bains publics, etc... Les exploitations de ce genre seront donc normalement communalisées et non étatisées. Par contre, celles dont les produits servent à la consommation de toute la population appellent une unité d’organisation technique et de direction. Cette direction sera établie de préférence sur le modèle des trusts capitalistes. Le tableau idéal d’une telle organisation, par exemple les centrales d’exploitation qui étaient en voie de constitution en Hongrie, est le suivant :

Toutes les exploitations d’une branche d’industrie sont organisées en une seule entreprise. Les diverses exploitations forment de simples divisions de la centrale. La comptabilité des diverses exploitations est réduite à l’enregistrement du matériel et au calcul des frais de revient ; c’est la centrale qui établit le bilan. Elle a charge aussi de procurer à toutes les exploitations les matières premières et accessoires ; elle seule vend les produits ou en dispose. Les paiements sont effectués par la centrale qui administre l’ensemble des biens des exploitations réunies. C’est la centrale, d’accord avec le Conseil Supérieur de l’économie publique, qui décide de la nature et de la quantité des objets ou denrées qui devront être produits dans les diverses exploitations. Les noms évoquant le souvenir des anciens propriétaires capitalistes sont supprimés et remplacés par une désignation convenable, par exemple : « Moulins à vapeur de la République des Conseils nos 1, 2, 3, etc... »

L’unification de la conduite des affaires ne doit naturellement pas dégénérer en maquis bureaucratique. A la di rection des diverses exploitations éloignées les unes des autres, il faut assurer la liberté de mouvements nécessaires : embauchage et renvoi des ouvriers, leur affectation ; répartition de la production, etc... La centralisation ne devra pas être poussée au point qu’il faille, par exemple, l’autorisation en règle de la centrale pour une réparation minime à effectuer à une machine. Il va de soi que l’exact partage des pouvoirs entre les directions centrale et locale ne pourra être déterminé que dans la pratique.

Il semble qu’en Russie les centrales d’exploitations soient établies de façon analogue. Suivant un rapport de Larine, il existait fin 1919 en Russie des centrales pour les branches d’industrie suivantes : textile, métallurgie, papier, caoutchouc, cuivre, ciment, charbon, bois, tourbières, salines, allumettes, tabac, amidon, alcool, sucre ; en outre, pour les cuirs, installations d’électricité, manufactures de chaussures, boulangeries, etc... En Hongrie, la fusion des différentes entreprises en une centrale fut différée à cause de l’atmosphère troublée de la politique étrangère. Le gouvernement hongrois des Conseils, entouré d’Etats capitalistes hostiles, s’engagea à ne pas toucher aux biens des capitalistes étrangers ou à les dédommager entièrement en cas d’expropriation. La direction prolétarienne fut, à vrai dire, installée dans toutes les exploitations sans égard pour la nationalité des propriétaires. Mais le respect de la propriété étrangère empêcha la suppression de l’indépendance de beaucoup d’entreprises où le capital .étranger était investi dans une large mesure. Du point de vue politique il semblait absolument improbable que la dictature du prolétariat en Hongrie pût se maintenir longtemps dans l’isolement. En fait, le gouvernement voulait gagner du temps et retarder autant que possible l’intervention armée des Etats capitalistes jusqu’à ce que la Révolution se fût étendue aux Etats voisins ou que la jonction militaire fût établie avec la Russie. Il fallut donc accorder aux entreprises étrangères dépossédées la permission de continuer à tenir une comptabilité particulière comme unités indépendantes. Cette circonstance empêcha de poursuivre jusqu’au bout la réunion des entreprises. A cela s’ajouta le tacite mais tenace sabotage des fonctionnaires qui voyaient leurs places menacées par une centralisation énergiquement poursuivie ; phénomène qui se reproduira sans doute sous toutes les dictatures.

La direction centrale de la production rencontra une difficulté permanente dans l’intérêt particulariste des différentes contrées. En cette période de pénurie générale, les autorités politiques locales, les conseils locaux avaient tendance à revendiquer pour leur propre usage les objets et denrées produits sur leur territoire. Les organisations centrales, sans cesse aux prises avec cette tendance, devaient, pour résister aux empiètements des autorités politiques locales, en appeler à l’autorité du commissariat du peuple à l’intérieur ; pas toujours avec succès. La nécessité apparut d’organiser dans les centres des contrées des représentations de l’administration centrale économique. C’eût été des offices économiques avec des fonctionnaires nommés par l’autorité centrale et auxquels eût été joint un Conseil économique central (dont nous exposons plus loin l’organisation). L’office économique devait exécuter les décisions des autorités centrales économiques et participer à l’administration des exploitations communistes locales.

Parallèlement à la centralisation de la direction d’exploitation on s’attaqua à la concentration de la production en Hongrie. Cela n’alla pas sans de grandes difficultés. Là où l’influence des facteurs locaux s’est fortement manifestée dans la réunion des exploitations analogues en certaines localités, il est relativement aisé d’instaurer la concentration de la production. Mais même dans ce cas, les ouvriers font des difficultés ; les uns, paresseux, pour n’avoir pas à faire un trajet supplémentaire en se rendant à l’atelier ; d’autres par crainte de perdre leur ancienne place si la dictature ne se maintient pas ou si l’accroissement du rendement du travail venait à les rendre superflus dans leur métier présent. Une sorte de chauvinisme joue aussi là dedans un certain rôle. Comme, à Budapest, il s’agissait d’abandonner la construction de remorqueurs dans un chantier pour la concentrer dans un autre, les ouvriers, opposés à la mesure, firent valoir, en premier argument, la vieille et bonne réputation de « leur » chantier. Ces résistances, toutefois, sont relativement faciles à vaincre par les éclaircissements, les explications fournis aux ouvriers. En revanche, la concentration de la production échoue dans maintes localités à cause du manque de logements. Pour pouvoir concentrer la production dans une exploitation, il importe de donner aux ouvriers de quoi se loger, de créer de nouvelles habitations. Etant donnée la pénurie générale de matériaux, cela demande, au début de la dictature, beaucoup de temps.

Parmi les attributions de la direction centrale figure le contrôle de la gestion, du maniement des fonds de l’Etat : problème qui suscita en Russie des difficultés particulièrement graves. Lénine voit dans le contrôle systématique l’une des tâches les plus importantes de la construction. Dans ses Problèmes urgents du Pouvoir des Soviets, il écrivait, le 29 avril 1918, les lignes suivantes :

« La plus grande difficulté se trouve sur le terrain économique : elle consiste â réaliser partout le plus strict rendement des comptes et le contrôle de la production et de la répartition des produits... (p. 5). Tiens un compte précis et exact de l’argent, gère économiquement, ne sois pas un paresseux..., tels sont maintenant les préceptes les plus urgents après la chute de la bourgeoisie (p. 9). Le facteur essentiel semble être l’organisation du rendement de comptes et du contrôle le plus rigoureux de la production et de la répartition des produits, contrôle étendu au peuple tout entier. Nous n’avons pas encore obtenu de rendement de comptes ni de contrôle dans les entreprises expropriées (p. 11). Notre travail d’organisation du rendement des comptes et du contrôle populaire n’a point manifestement, — c’est évident pour l’homme qui raisonne — marché du même pas que l’immédiate expropriation des expropriateurs. Si nous voulions poursuivre l’expropriation du capital à la même rapidité que dans le passé, nous irions à un échec certain... Nous allons maintenant nous lancer à corps perdu dans l’organisation du rendement de comptes et du contrôle. » (p. 12).

L’usage inconsidéré du bien de l’Etat, de la richesse enlevée à la bourgeoisie découle avant tout de l’esprit de lucre capitaliste propre à toute la Société, dont la guerre prolongée contribua encore à abaisser le niveau moral. A cela s’ajoute une certaine confusion quant aux nouvelles conditions de propriété. Les prolétaires qui administrent les entreprises expropriées ont tendance à considérer les exploitations comme leur bien propre et non celui de toute la communauté. Voilà qui donne à un contrôle fonctionnant bien une importance particulière, d’autant qu’il est aussi un excellent moyen d’éducation.

Le problème du contrôle fut très bien résolu en Hongrie. Le nombre des contrôleurs jadis au service des capitalistes fut accru par l’adaptation à cette profession d’avocats et de professeurs de renseignement secondaire ; ces contrôleurs, employés de l’Etat, formaient une section spéciale du Conseil économique. La section était divisée selon les groupes de professions, en sorte que les mêmes fonctionnaires contrôlaient régulièrement les exploitations de certaines branches d’industrie. Le contrôle ne s’étendait pas seulement à la gestion du matériel et des fonds, mais aussi à l’emploi judicieux des forces actives, à l’examen des causes du mauvais rendement du travail ou du résultat défavorable en général. Le contrôleur désigné examinait sur les lieux, à intervalles fixes, fonctionnement et comptabilité et rédigeait un rapport où non seulement il dévoilait les vices mais où il proposait des réformes. Les contrôleurs mêmes n’avaient pas le droit de prendre une disposition quelconque dans les exploitations contrôlée par eux ; ils se contentaient de soumettre leurs rapports aux autorités compétentes. Cependant une coopération ne tarda pas à s’établir entre le contrôleur, le commissaire à la production et le Conseil d’exploitation. Les avis du contrôleur furent souvent suivis spontanément.

Il se créa aussi un organe, le « Journal des Contrôleurs », qui fut adressé à toutes les entreprises expropriées et qui contribua pour beaucoup à éclaircir, dans les milieux ouvriers, les questions d’organisation concernant la direction des exploitations. Le Contrôle systématique fut étendu non seulement aux exploitations, mais à la gestion de tous les commissariats du peuple.

Pendant et après la dictature des Conseils, on parla et on écrivit beaucoup sur la corruption de la nouvelle bureaucratie soviétique. Nous-mêmes nous sommes à maintes reprises, par la parole et par l’écrit, élevé vivement contre la corruption. Cependant il importe d’établir que la fortune publique ne fut pas plus mal gérée sous la dictature que sous le régime bourgeois. La corruption apparut davantage du fait que dans la Société bourgeoise seule une petite fraction, — savoir les membres de la classe dirigeante — avait accès à la corruption et qu’elle pouvait fort bien la masquer dans la plupart des cas, puisque la machine de l’Etat bourgeois possédait à ce faire une admirable routine. Sous la dictature prolétarienne, une portion bien plus grande de la population prenant part aux affaires d’Etat, le nombre des cas de corruption augmenta. Les prolétaires défaillants opérèrent dans nombre de petits postes, et maladroitement, par manque d’expérience. Mais alors que les vols importants des malfaiteurs bourgeois étaient étouffés par le système bureaucratique, les nombreuses petites malversations des fonctionnaires soviétiques apparurent au grand jour grâce à la constitution démocratique et au contrôle systématique. L’institution d’un bon organisme de contrôle est donc, en tant que moyen de répression de la corruption qui surgit nécessairement au début de la dictature, une tâche importante et urgente pour l’Etat prolétarien. L’exécution en est facilitée du fait que les contrôleurs seront tout bonnement gens compétents et honnêtes ; ils ne seront pas nécessairement des partisans convaincus du système prolétarien.


L’économie du matériel offre à l’économie de la dictature de graves problèmes. Dans le cas présent nous entendons par « matériel » non seulement toutes les matières premières, mais encore les moyens de production achevés, c’est-à-dire tous les objets, à l’exception de ceux qui, étant destinés et mûrs pour la consommation sont improductifs. Le nœud du problème réside en ceci qu’étant donné l’épuisement de toutes les réserves par la guerre, les obstacles apportés à la production par l’isolement économique et l’aspiration des masses prolétariennes à une existence meilleure, il faut s’attendre pendant des années à une pénurie de matériel. Le matériel existant et nouvellement produit ne doit donc pas être livré à la consommation d’une manière anarchique, mais être réparti selon le principe du plus grand rendement du travail et de l’urgence des besoins.

Dans ce but, on créa, pour les objets les plus importants, des offices du matériel, certains par la transformation des anciennes centrales de guerre. L’organisation des offices consistait en un corps de fonctionnaires préposés à l’exécutif et un conseil directeur présidant à la répartition, lequel était composé des représentants des associations ouvrières utilisant le matériel en question. Il y avait des offices pour le charbon, le bois, le fer et les objets en fer, les matériaux de construction, produits chimiques, pétrole et essence, verre, cuir, textiles, sacs, et aussi pour diverses denrées de consommation, comme les céréales, fourrages, sucre, alcool à brûler, meubles, etc... Les fonctions des offices du matériel résidaient dans la réception et l’inscription des réserves et dans leur répartition normale. La répartition s’effectuait pratiquement ainsi : une échelle d’urgence était dressée pour toutes les exploitations et servait à satisfaire les demandes. En ce qui touche le charbon, on contentait avant tout les services des eaux, de la lumière et de la force électriques, les chemins de fer, l’industrie de la guerre ainsi que les importantes industries de denrées alimentaires : moulins, abattoirs, fabrique de levure, etc... La quantité devant être délivrée à ces exploitations fut fixée pour un certain temps. De temps à autre seulement, il fallait décider de l’emploi du reste. L’appel des délégués ouvriers dans les Conseils de répartition n’était pas seulement nécessaire afin de les initier au problème de la direction générale de l’économie, mais pour permettre aux ouvriers des branches d’industrie ou des exploitations qui chômaient par suite du manque de charbon ou de matières premières de s’assurer que le charbon ou les matières premières ne leur étaient pas refusés méchamment, mais dans l’intérêt de l’économie générale.

La direction de tous les offices du matériel était confiée, en dernière instance, au Conseil supérieur de l’économie à qui il incombait de fixer, de concert avec l’ensemble de la direction de la production, les principes supérieurs de la gestion du matériel en général. Une unité de direction supérieure est absolument indispensable pour éviter que certaines exploitations ne reçoivent de quelques offices le matériel nécessaire à la production, et rien des autres, comme le cas s’est présenté maintes fois pendant la guerre. Une économie matérielle rigoureusement organisée et poursuivie avec énergie est le meilleur levier de l’économie prolétarienne. De petites exploitations qu’il ne vaut pas la peine d’exproprier et de faire passer dans la gestion étatiste ou communiste seront rattachées par l’économie matérielle à l’ensemble de l’économie ou, si c’est nécessaire, arrêtées par suppression de matières premières. La concentration de la production dans les exploitations les mieux organisées peut être accomplie même malgré l’opposition des ouvriers et employés, à l’aide de la répartition judicieuse des charbons et autres matières importantes. Une économie matérielle bien organisée donne au communisme naissant une supériorité absolue vis-à-vis des derniers restes du système économique privé.

L’économie matérielle était déjà passablement bien édifiée en Hongrie et le fonctionnement des offices du matériel ne fut guère troublé que par les empiètements, mentionnés plus haut, des autorités locales et par les abus de quelques exploitations qui, soustrayant une partie de leur production à l’office du matériel, se livraient à une sorte de commerce de contrebande. C’est ainsi que les ouvriers d’une mine de charbon instituèrent le travail du dimanche et échangèrent le charbon extrait ce jour-là contre des denrées alimentaires. Mais ces cas étaient tout à fait exceptionnels. L’économie matérielle du gouvernement hongrois des Conseils ne comprenait certainement pas dans toute la production des biens monopolisés une part inférieure à celle des centrales de guerre capitalistes.

Sous le gouvernement hongrois des Conseils nombre de plaintes s’élevèrent contre les offices du matériel dont les agissements bureaucratiques, disait-on, entravaient la production. La plupart de ces plaintes cependant n’étaient pas fondées. La pénurie chronique de matériel nécessitait l’examen rigoureux de chaque demande, d’autant plus que les directeurs prolétaires, poussés par le désir d’assurer à tout prix la production de « leur » exploitation, demandaient plus qu’ils n’avaient besoin. En conséquence, toute demande qui ne se renouvelait pas périodiquement passait par la section de la production sociale qui en examinait le bien-fondé. Ce retard bureaucratique peut être supprimé dès qu’est assurée une réserve plus abondante de matériel. Le fonctionnement rapide, sans heurt, des offices du matériel fut également entravé par le tacite sabotage de certains fonctionnaires ou techniciens animés de sentiments contre-révolutionnaires, par le nombre insuffisant des bureaux de répartition de province, ainsi que par la circonstance suivante : les réserves des offices du matériel étaient, en partie, gérées par les commerçants qui avaient tout intérêt à exécuter avec négligence les ordres desdits offices et à vendre le plus d’objets et denrées possibles à des prix illicites.

Le lecteur aura sans doute remarqué que le champ d’action des offices du matériel paraît se confondre avec celui des centrales d’exploitation en voie de construction à cette époque. C’est exact. Il y avait quelques offices du matériel qui non seulement procédaient à la répartition du matériel, mais dirigeaient aussi la production.

Il en fut de même à l’office du textile. Autant que nous avons pu nous en rendre compte, il semble que dans les centrales russes il en fut également ainsi en général. Il s’agit donc de savoir s’il est, en somme, nécessaire et avantageux d’organiser des centrales du matériel et d’exploitation ou si l’exploitation et la répartition doivent continuer à fonctionner sous une seule direction, comme dans les trusts capitalistes. Cette question ne peut être réglée définitivement en tablant sur les expériences acquises par la révolution hongroise, car pour les raisons mentionnées plus haut, on ne s’occupa sérieusement de l’organisation des centrales d’exploitation dans la république hongroise des Conseils que durant les dernières semaines de son existence.

Il semble cependant que les deux organismes soient nécessaires avec chacun leur cercle d’action rigoureusement déterminé. La Centrale d’exploitation a à diriger la production de ses usines. Les offices du matériel n’ont rien à faire avec les diverses exploitations. En revanche, ils disposent de tous les stocks de marchandises, déterminent ce qui doit être produit à l’intérieur, ce qui doit être importé et, éventuellement, exporté.

Délivrée des soucis de la répartition, la Centrale d’exploitation peut se consacrer entièrement à l’accroissement de la production, et l’office du matériel à la tâche importante de la répartition normale avant toute chose. La conduite des centrales d’exploitation doit être confiée à des spécialistes de formation technique. Celle des offices du matériel doit surtout avoir un caractère statistico-économique.

Des raisons techniques interviennent également en faveur de la séparation des fonctions. Il y a des cas, par exemple, où la production et la répartition sont deux domaines complètement à part. Ainsi, la répartition par la Centrale du fer des scories produites par les fonderies ne serait point du tout normale. Elle incombe à l’office des engrais chimiques ou artificiels.

La réunion de la Centrale d’exploitation avec l’office de la répartition donne des offices gigantesques et une bureaucratie formidable, comme ce fut le cas en Hongrie pour l’office du bois. Toutes les considérations qui précèdent nous montrent qu’il est normal d’établir ces deux formes d’organisation avec chacune leur cercle d’action rigoureusement séparé.

Dans une période plus éloignée, quand la pénurie des matières et produits aura cessé d’exister et quand une répartition momentanément abondante dans un pays ne signifiera plus nécessairement disette et accalmie dans l’autre, les offices du matériel pourront être supprimés et la répartition assurée par les centrales d’exploitation, d’après les indications générales données par l’office des statistiques.


Le problème particulièrement important de l’économie humaine ne fut traité que dans les lignes les plus générales sous la dictature des Conseils. Le fondement de l’économie humaine dans toute dictature prolétarienne est le travail générai obligatoire. En principe, il fut établi pour tout humain bien portant. Mais c’est seulement au cours du dernier mois de la république des Conseils que fut instituée une section au conseil économique suprême chargée de poursuivre l’application pratique de cette mesure. Cette section avait pour lâche :

La réception des forces actives, dont un tableau permanent devait être tenu. A cette fin, on avait en vue l’établissement d’une carte de travailleur obligatoire pour toute personne apte au travail. Sur cette carte dussent figurés, outre l’état civil du porteur, les renseignements concernant l’usine ou le chantier où il était occupé. Elle eût également mentionné s’il était sans emploi. La première réception était liée à un examen médical général concernant l’aptitude au travail. Le tableau des forces actives devait être tenu par les caisses de maladie ouvrières, à qui incombait aussi le paiement des secours de chômage. Ceci afin d’éviter que la même personne touchât à la fois l’indemnité de maladie et le secours de chômage. La carte ouvrière eût également servi dans ces deux cas.

Le placement des travailleurs. Celui-ci ne devait pas être fait de la façon mécanique employée en système capitaliste, où les chômeurs sont envoyés pour occuper les places vacantes s’il y en a, mais il avait toujours en vue l’accomplissement d’un travail productif. Les lois économiques régissant l’économie prolétarienne sont tout à fait autres qu’en régime, capitaliste. Le capitaliste, guidé par le principe du bon rendement, n’emploie des ouvriers que si s’offre la possibilité d’une production comportant une plus-value.

En régime prolétarien, le point de vue qui sert de règle est que dans la mesure du possible les citoyens aptes à travailler effectuent un travail productif, dût même le produit de leur effort représenter une valeur inférieure au salaire octroyé. Un tel travail, du point de vue capitaliste, est un travail à perte. Pour un Etat prolétarien, qui a la charge de l’entretien de tous les ouvriers, ce travail est encore avantageux.

C’est pourquoi il est désirable d’occuper toutes les personnes aptes au travail, même pour n’obtenir d’elles qu’un faible rendement. A vrai dire, en cas de pénurie générale de matières premières et de moyens de production, il n’est pas toujours très facile de trouver des occasions de travail. Quoi qu’il en soit, l’agriculture et tout ce qui s’y rattache : l’irrigation, l’amélioration du sol, la construction de chemins, de canaux, l’établissement de conduites d’eau, etc., peut — avec un matériel restreint — occuper à un travail productif un grand nombre d’hommes, en supposant, bien entendu, que les difficultés de logement, dont nous avons déjà fait mention plus haut, aient pu être résolues. Pendant la période constructive de l’économie prolétarienne, le rôle le plus important et certainement le plus difficile incombe à la section économique du conseil suprême. Si l’on veut obtenir, dans un avenir plus ou moins rapproché, l’élévation du standard de vie réclamée par le prolétariat, il faut donc que la dictature soit exercée de façon particulièrement rigoureuse.

Nous avons déjà montré que cette élévation ne peut être obtenue que par la transformation complète des méthodes de travail reposant sur le principe de la répartition capitaliste des revenus.

Il faut mettre les ouvriers précédemment employés dans l’industrie des objets de luxe à la production des articles en série ; les fonctionnaires, jusqu’alors occupés à la surveillance et à l’administration de la propriété privée, de même que les représentants de la bourgeoisie, doivent être affectés à un travail productif.

A l’égard des membres de la bourgeoisie, la contrainte à une valeur importante. Il faut leur enlever toute possibilité d’aggraver, grâce au commerce clandestin et à l’accaparement, les difficultés de l’établissement du système de répartition prolétarien. Il est bien entendu que dans ces conditions les travailleurs doivent effectuer tout travail dont ils sont physiquement capables sans égard à leur éducation professionnelle. Toutes les barrières corporatives sont renversées sans ménagement aucun.

L’obligation, pour un grand nombre de gens, d’abandonner leur profession et de se consacrer à une autre occupation est un processus douloureux mais nécessaire, si l’on veut rendre possible une élévation du standard de vie. En Hongrie, l’éducation professionnelle ne fut provisoirement suspendue que pour ce qui concernait les branches d’occupation complètement ou partiellement inutiles dans la nouvelle organisation sociale. Parmi ces branches figuraient les juristes et les fonctionnaires privés. Interdiction était faite d’accepter de nouveaux apprentis dans l’industrie de luxe et dans les cafés. Il était en outre permis aux apprentis et aux adolescents appartenant aux professions visées de rompre, fût-ce malgré le patron, leur contrat d’apprentissage. [1]

Des problèmes complexes naissent de ces bouleversements. Il faut naturellement verser des indemnités de chômage aux travailleurs dont les professions sont devenues inutiles. Si cette indemnité est élevée, le rendement de la production totale en souffre, les ouvriers étant peu disposés au travail, vu la différence minime existant entre leurs salaires et les secours accordés aux chômeurs. Ils le sont d’autant moins que les conditions troubles du début leur laissent la perspective de parer largement à cette différence par un travail occasionnel : la fraude des vivres, le commerce de la rue, etc... L’indemnité est-elle au contraire parcimonieusement mesurée, les ouvriers se dressent alors violemment contre tout arrêt des exploitations à rendement nul pour l’Etat prolétarien, contre toute concentration de la production qui en fait des chômeurs « involontaires ». La question est encore plus difficile à résoudre quand, il s’agit des fonctionnaires et des employés sans travail. (Nous traitons la question des fonctionnaires dans un chapitre particulier.) Il est difficile de penser à une autre solution qu’à celle du versement d’une indemnité qui ne serait point par trop réduite, liée à un contrôle sévère et systématique dépendant en dernier ressort des soviets locaux.

En Hongrie, bien qu’on s’en occupât, la question ne fut point résolue. On usa d’un moyen facile à l’égard des employés et ouvriers devenus chômeurs. Ils restèrent, pour la plupart, provisoirement attachés à leur maison avec salaires complets. Cette situation exerça une très grande démoralisation. L’opportunisme des dirigeants ouvriers, particulièrement ceux des grandes associations, empêcha une action plus prononcée. Il faut dire que le travail préparatoire d’organisation n’était point fait.

Pour finir, alors que l’affectation à un travail productif était liée, dans la plupart des cas, à l’envoi des chômeurs de la ville à la campagne, où seul un tel travail pouvait être effectué avec un matériel réduit, cet exode des forces actives était généralement rendu difficile par suite de la pénurie d’habitations. On voit que de la déclaration du travail obligatoire jusqu’à son accomplissement vraiment organisé, il y a un chemin long à parcourir !

La fixation des salaires.

La création et le maintien d’une discipline du travail. Comme ces deux questions dépendent le plus étroitement du problème de l’intensité, nous les traitons au prochain chapitre. D’autres problèmes dépendent aussi de l’économie humaine considérée dans un sens plus vaste : l’éducation à l’école, le choix d’une profession, l’assignation du travail, la protection des travailleurs par des mesures étendues d’hygiène dans les ateliers et dans le processus du travail, etc., etc... Ils ne peuvent être réglés que plus tard dans un stade de développement plus avancé.


Nous voulons maintenant décrire rapidement l’organisation du Conseil économique suprême à qui incombe le développement et la direction de toute l’économie de l’Etat prolétarien.

Aussitôt créée l’institution des commissaires du peuple, ceux-ci prirent tout d’abord la place des ministres. Les anciens ministères de l’agriculture, des finances, du commerce et de l’alimentation fonctionnèrent sous la surveillance générale des commissaires du peuple avec le même personnel de fonctionnaires, gardé provisoirement.

Les fonctionnaires supérieurs, réactionnaires avérés, furent destitués, l’état-major des fonctionnaires renouvelé ne comporta plus que des ouvriers intelligents et des intellectuels acquis à l’Etat prolétarien. Le nombre des commissariats fut immédiatement augmenté d’un commissariat de la production sociale, puis un peu plus tard de celui du contrôle et de l’organisation économiques. Les divers commissariats fonctionnaient d’après l’ancien système des ministères. Ils étaient donc indépendants et séparés.

Tous les projets de décrets étaient Soumis au conseil de gouvernement. Ceci avait deux inconvénients : l’action des commissariats économiques n’était pas assez coordonnée et le temps de tout le Conseil de gouvernement était trop pris par des questions sans importance.

C’est pourquoi au Congrès des soviets la création d’un conseil économique suprême fut décidée. Les divers commissariats économiques perdirent leur indépendance. Ils ne fonctionnèrent plus que comme section du Conseil économique suprême. Leurs dirigeants n’étaient point des commissaires du peuple et ne pouvaient publier aucun décret sans passer par le Conseil économique suprême. Celui-ci, à son tour, ne soumettait plus au Conseil des commissaires du peuple que les questions de principe et projets politiques importants; toutes les autres affaires de son ressort étaient expédiées par lui.

L’organisation du conseil économique suprême était la suivante :

La présidence, représentée par quatre commissaires du peuple, dont chacun dirigeait également, en qualité de fonctionnaire suprême, une section du conseil économique suprême. Les chefs des autres sections étaient convoqués aux séances de la présidence. A celle-ci incombait la direction des commissaires du peuple ; la préparation de tous les décrets économiques et leur promulgation après les délibérations en commission ; la transformation méthodique de l’économie.

La Commission du Conseil économique suprême, c’est-à-dire le véritable Conseil économique, comprenait en première ligne les représentants des principales associations économiques, ceux des Conseils économiques locaux (sur l’organisation desquels nous donnons des renseignements plus bas), les représentants des coopératives de consommation, des centrales des associations de production agricoles et des offices du matériel. Elle comptait en tout environ quatre-vingts membres.

Les dirigeants des diverses sections du Conseil économique suprême en étaient également membres. Les contrôleurs chefs de groupes pouvaient assister aux réunions de la Commission, mais n’avaient point le droit de prendre part aux votes. Devaient être soumis au Conseil : tous les décrets importants, particulièrement ceux se rapportant à l’organisation de la production, à la discipline du travail, aux questions de salaires et d’alimentation. Cette Commission fonctionnait très bien. Les délibérations étaient sérieuses et avaient un caractère pratique. Des sous-commissions étaient nommées régulièrement pour l’étude de diverses questions. Elles se complétaient de spécialistes en cas de besoin et le résultat de leurs travaux était soumis au Conseil par écrit. Les Associations ouvrières étaient représentées par leurs meilleurs dirigeants et déjà se faisait sentir l’orientation nouvelle des syndicats devenant, d’organisations de combat contre le capital qu’ils étaient, des organes de développement de la production prolétarienne.

Le Conseil économique rural. — La grande importance qu’avait l’économie rurale dans la Hongrie fortement agrarienne, rendait désirable la formation d’un Conseil central particulier pour traiter des questions agraires. Celui-ci comprenait environ quarante membres qui se recrutaient parmi les représentants des ouvriers agricoles et ceux des syndicats industriels, liés étroitement à l’économie rurale. Il comptait également des représentants des Associations de production rurales et des Coopératives de consommation, ainsi que des spécialistes des questions agraires. Mais il ne fut formé que vers la fin de la République des Conseils, de sorte qu’aucune expérience n’a pu être faite sur les résultats de son action.

Le Conseil technique suprême. — Pour la solution des problèmes purement techniques, il est nécessaire de faire appel aux meilleurs techniciens du pays. Comme parmi ceux-ci il en est peu sur lesquels, au point de vue politique, on puisse compter, le recrutement ne peut se faire qu’en respectant les idées de chacun.

En Hongrie fut formé un Conseil de techniciens composé de soixante membres recrutés parmi les meilleurs ingénieurs et professeurs des hautes écoles techniques. Ce Conseil, qui comptait aussi quelques représentants de syndicats, se divisait en sections, d’après les groupes d’industrie. Sa tâche était de proposer des solutions aux questions pendantes, concernant la technique de la production. Il avait aussi à faire des propositions sur l’introduction d’innovations techniques, sur la normalisation, la typification, la spécialisation de la production, sur les principes techniques de l’économie matérielle, etc... Les membres du Conseil technique recevaient, contrairement à ceux des autres Conseils, des honoraires de 1 000 couronnes par mois. Des indemnités supplémentaires étaient prévues pour les travaux spéciaux. Ce traitement exceptionnel du Conseil technique avait sa raison d’être dans les sentiments bourgeois qui animaient les spécialistes techniciens.

Comme le Conseil technique fut également institué vers la fin de la République des Conseils, on ne peut fournir que très peu de renseignements sur son activité. Il n’existe en tout cas aucun doute que cette institution est utile et peut donner de très grands avantages au point de vue de l’élévation du rendement du travail — à condition qu’aucun sabotage systématique ne soit exercé, ce à quoi on peut parer en n’hésitant pas à payer largement les travaux effectués.

Les Conseils économiques locaux. — Dans les divers centres de province furent constitués des Conseils économiques locaux. Ils étaient composés de délégués du Conseil politique local, des associations ouvrières, de représentants des grandes exploitations et des organisations de consommateurs. Le Conseil économique local fonctionnait à côté des offices économiques dont il est question plus haut, déléguait ses représentants à la Commission du Conseil économique suprême, dirigeait l’économie de la localité et pouvait soumettre toutes propositions dans les questions débattues au Conseil économique suprême.


Le grand défaut de toutes les organisations centrales était la pénurie de fonctionnaires répondant à ce qu’on attendait d’eux, qui eussent uni les connaissances au dévouement à la nouvelle forme d’organisation sociale. Les meilleurs spécialistes et organisateurs étaient naturellement dans le camp de la bourgeoisie et ne se mettaient sincèrement au service du nouveau régime, que très exceptionnellement. Les fonctionnaires de syndicats qui auraient pu tout au moins donner des renseignements essentiels concernant les branches d’industrie de leur ressort, sur l'importance des exploitations, l’organisation technique, étaient en général mal disposés à l’égard de la dictature. Ils préféraient rester des fonctionnaires syndicaux que de consacrer leur activité au développement de l’économie prolétarienne. C’est pourquoi les fonctionnaires qui administraient ou dirigeaient les organisations économiques centrales étaient, soit des spécialistes animés de sentiments bourgeois, soit des ouvriers possédant une éducation professionnelle très restreinte et, dans beaucoup de cas, de jeunes intellectuels mûs par l’enthousiasme, seulement ne possédant aucune connaissance spéciale.

Mais le changement inopiné de régime réclamait une organisation rapide, immédiate. Il fallait donc accepter tous ceux qui avaient envie d’y participer. Le choix fut long avant d’avoir trouvé pour chaque place l’homme qui convenait.

Si nous comparons l’organisation hongroise et le fonctionnement du système de l’économie prolétarienne avec ce qui s’est passé en Russie, nous trouvons que la transformation de l’organisation s’est opérée plus rapidement et plus énergiquement qu’en Russie. Toutes les grandes exploitations, dont l’expropriation avait été reconnue nécessaire, se virent aussitôt appliquer cette mesure, alors qu’en Russie l’expropriation n’est pas encore accomplie entièrement aujourd’hui.

L’organisation hongroise était plus centralisée et plus bureaucratique qu’en Russie; elle laissait aux masses ouvrières une participation plus restreinte dans le fonctionnement du système économique. Cette distinction réside dans la différence des conditions. A côté de la Russie, la Hongrie est un tout petit pays qui compte dix fois moins d’habitants, et dont l’étendue du territoire représente à peu près la centième partie du territoire russe. C’est ce qui permit d’y centraliser beaucoup de choses qui réclamaient une décentralisation en Russie. La faible étendue du pays, donc, et le fait que la dictature s’y implanta sans révolution préalable et sans guerre civile, rendirent possible l’exécution d’une transformation subite. Le fait que les fonctionnaires et les techniciens ne sabotèrent point ouvertement, mais se mirent volontairement au travail dès le premier moment ; que parmi eux se trouvaient beaucoup de partisans convaincus du communisme ; la circonstance en outre qu’il n’existait dans le pays aucun parti communiste bien organisé qui eût éveillé et maintenu dans les masses ouvrières le désir d’une transformation économique ; tout cela fît que l’organisation entière y prit une forme plus bureaucratique qu’en Russie. Comme on le voit, les formes d’organisation d’un Etat ne peuvent être servilement imitées par un autre Etat.

Note

[1] Ces décisions concernaient : les orfèvres, pâtissiers, cuisiniers, garçons de café et d’hôtel, doreurs, tapissiers, peintres d’enseignes, chapeliers, relieurs, coiffeurs, employés de commerce, fonctionnaires privés, employés de banque. La formation d’avocats et d’officiers était interdite.

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